Catéchèse

QUINZIÈME CATÉCHÈSE, SUR CES MOTS : Il viendra dans sa gloire juger les vivants et les morts, et son règne n’aura point de fin.

SOMMAIRE.

I. En Jésus-Christ tout se présente sous une double face : de là ses deux avènements. – II. Preuves de l’un et de l’autre avènement. – III. Fin et renouvellement du monde. – IV. Il est inutile d’en rechercher l’époque avec trop de curiosité. – V. Signes précurseurs. 1° Les imposteurs qui se donneront pour le Christ. – VI. 2° Les guerres sur la surface de la terre. – VII. 3° Schisme dans l’Eglise. – VIII. 4° Prédication de l’Evangile sur toute la terre. – IX. 5° Apparition de l’Antéchrist. 6° L’abomination de la désolation. 7° Hérésies contradictoires de Sabellius et d’Arius. 8° L’Eglise déchirée par mille hérésies. – X. Le Christ paraîtra, non sur la terre, mais dans les cieux. – XI. Le démon préoccupera les hommes contre le dernier avènement par mille impostures. L’Antéchrist, puissant magicien, envahira l’empire Romain, trompera les Chrétiens, abusera de la crédulité des Juifs, séduira les Gentils par ses prestiges. – XII. Epoque de son avènement ; ses exploits militaires. Il favorisera d’abord le christianisme, puis en deviendra le plus furieux et le plus cruel persécuteur. Son règne ne sera que de trois ans et demi. – XIII. Preuves tirées de Daniel. – XIV. L’Antéchrist sera l’instrument immédiat de Satan ; ce sera Satan lui-même qui opérera en personne. Ses miracles ne seront que des prestiges. – XV. Il se montrera zélé enthousiaste du temple de Jérusalem. Il ne paraîtra que lorsqu’il ne restera aucuns vestiges du temple ancien de Jérusalem. – XVI. Ceux qui se sentiront assez de fermeté, devront lui résister et le combattre, et les autres devront prendre la fuite. – XVII. Les Martyrs de cette époque seront supérieurs en gloire et en mérite à tous ceux qui les auront précédés dans cette carrière. Dieu laissera agir l’Antéchrist, comme tous les autres persécuteurs, pour confondre les infidèles et exercer la patience des élus. – XVIII. Nous devons prémunir nos enfants contre l’apparition de l’Antéchrist. Nos enfants sont ceux que par l’instruction nous engendrons à la foi. – XIX. Dernier avènement de Jésus-Christ. – XX, XXI. Les Prophètes, les Apôtres, ont vu cet avènement dans l’avenir. – XXII. La croix en sera le signe précurseur. Au son de la trompette l’humanité toute entière se réveillera. Les Anges réuniront les justes de tout âge, de tout sexe et de toute condition. – XXIII. Ouverture du livre des consciences. – XXIV. Explication de ces mots : Juger les vivants et les morts. Le nombre des Anges surpasse celui des hommes, comme le ciel surpasse en étendue toute la terre. – XXV. Confusion des réprouvés. Nous n’aurons d’autres vêtements que nos œuvres. – XXVI. Moyens de se soustraire à la rigueur de ce tribunal. – XXVII, XXVIII. Explication de ces mots : et son règne n’aura point de fin. – XXIX, XXX. Objections des hérétiques. – XXXI. Explication grammaticale de ces mots latins usque, donec, jusqu’à ce que. – XXXII. L’aveuglement des Juifs durera jusqu’à la consommation des siècles. – XXXIII. Conclusion.

Aspiciebam donec throni positi sunt, et Antiquus dierum sedit…. Aspiciebam in visione noctis, et ecce cum nubibus cœli quasi Filius hominis veniebat, etc. (Daniel 7.9, 15.)

« Je regardais pendant qu’on disposait les trônes, et l’Ancien des jours s’assit… Je regardais en vision pendant la nuit, et voilà qu’avec les nuages du ciel je vis venir, comme qui dirait, le Fils de l’homme, etc. »

I.

Nous vous annonçons aujourd’hui encore un autre avènement de Jésus-Christ, bien différent du premier, et bien autrement éclatant et majestueux. Car dans le premier il vint pour donner aux hommes dans sa personne un parfait modèle de patience ; mais dans le second il déploiera tout l’éclat de la majesté divine ; il paraîtra ceint du diadème, symbole de son règne éternel. Comme la personne de Jésus-Christ nous offre partout un double aspect, par exemple : une double nativité, l’une de Dieu son Père, antérieure à tous les siècles, l’autre de la Vierge Marie dans la consommation des siècles ; de même nous aurons à le considérer dans un second avènement. L’un fut obscur et sans éclat, comme la rosée du ciel qui tombe sur une toison (Psaumes 71.6) ; l’autre, éclatant, majestueux, mais il est futur. Dans le premier, il parut au milieu des hommes couché dans une crèche, enveloppé de langes (Luc 2.16) ; dans l’autre, vous le verrez enveloppé de lumière, comme d’un vêtement (Psaumes 103.2) : dans le premier, il porta la croix et épuisa tous les genres d’outrages et d’ignominies (Hébreux 2.2) ; dans le second, il viendra escorté de plusieurs légions d’esprits célestes dans toute la plénitude de sa gloire. (Matthieu 25.31.)

Ne nous reposons donc pas avec trop de sécurité sur son premier avènement, attendons et redoutons le second. De même que dans le premier nous avons chanté : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur (Matthieu 21.9) nous chanterons encore le même cantique, en courant au-devant du Seigneur avec les Anges pour l’adorer. (1 Thessaloniciens 4.16.) Il viendra, non plus pour être jugé, mais pour citer au pied de son tribunal ceux-là même qui l’ont traduit au leur. Il se tut alors en présence de ses juges iniques (Matthieu 26.62 ; 27.12) ; mais lorsqu’il siégera sur son tribunal, il rappellera à toute cette masse de vils conjurés les excès auxquels, dans leur rage impie, ils se livrèrent contre son auguste personne, et leur dira : Voilà ce que vous avez fait, et je me suis tu. (Psaumes 49.21.) Hæc fecisti, et tacui.

Dans l’économie de la sagesse divine, le Sauveur était d’abord venu pour ramener à lui les hommes par les voies de la douceur et de la patience ; mais lorsqu’il paraîtra sur son siège, tous les hommes seront forcés malgré eux de reconnaître son autorité royale et de s’y soumettre.

II.

C’est de ces deux avènements que parle le Prophète Malachie en ces termes : Et le Seigneur que vous cherchez, viendra bientôt dans son temple. (Malachie 3.1.) Tel fut le premier. Puis il continue : Voilà le Dieu tout-puissant qui vient. Qui pourra soutenir le jour de son entrée ? Qui pourra supporter son regard ? Car le voilà qui vient, comme le feu d’une fournaise épuratoire ou l’herbe des foulons. Il s’assoira pour tout mettre en fusion et tout purifier. (Ibid. 2, 3.) Le Prophète fait ensuite parler le Sauveur lui-même : Je viendrai au milieu de vous, placer mon tribunal ; je serai un prompt témoin contre les empoisonneurs, les adultères, et ceux qui prostituent mon nom aux mensonges et aux parjures. (Ibid. 5.)

C’est contre ce jour fatal que l’Apôtre des nations a voulu nous tenir en garde, lorsqu’il a dit : Si sur ce fondement on bâtit avec de l’or de l’argent, des pierres précieuses, ou avec du bois, du foin ou du chaume, l’ouvrage de chacun paraîtra, et le jour du Seigneur le fera voir tel qu’il est, parce qu’il sera découvert par le feu, et que le feu mettra à nu l’ouvrage d’un chacun. (1 Corinthiens 3.12-13.)

C’est à ces deux avènements de Jésus-Christ que le même Apôtre fait allusion dans son Epître à Tite : La grâce du Dieu Sauveur a paru à tous les hommes, en nous apprenant à renoncer à l’impiété, aux passions mondaines, à vivre dans ce siècle présent avec tempérance, avec justice, avec piété, dans l’espoir de la béatitude et de l’apparition glorieuse de Jésus-Christ notre grand Dieu, notre Sauveur. (Tite 2.11-13.)

Vous voyez ici avec quelle précision l’Apôtre nous signale ces deux avènements. L’un fut celui dont il rend grâce, l’autre sera celui que nous attendons tous.

C’est pourquoi le symbole que nous professons et que nous vous donnons ici, est conçu en ces termes : Qui est monté aux cieux, qui est assis à la droite de son Père, et qui viendra juger les vivants et les morts, et dont le règne n’aura point de fin.

III.

Notre-Seigneur Jésus-Christ est donc venu du ciel sur la terre, et il y viendra encore à la fin du monde ; il viendra au dernier jour dans tout l’appareil de la majesté divine. C’est alors que s’opérera la consommation des siècles, et que ce monde qui existe, sera renouvelé ; et parce que tous les genres de corruption, le vol, l’adultère, et tous les crimes ont inondé la terre, parce que le sang sur le sang n’a cessé de couler, cet admirable domicile ne pouvant plus subsister avec la masse d’iniquités qui en ont fait aux yeux du Créateur un objet hideux, ce monde passera pour reparaître plus beau et plus merveilleux[1].

[1] Ce monde passera pour reparaître plus beau et plus merveilleux.
S. Cyrille combat ici ceux qui soutenaient que le monde serait un jour absolument anéanti. Opinion dont Méthodius ou Proclus, l’auteur des Commentaires sur Epiphane (Hæres. LXIV, n. 31,32) faisait un crime à Origène et à ses partisans. Cet auteur, quel qu’il soit, combat cette opinion avec les raisonnements dont se sert ici S.. Cyrille.

Voulez-vous que dans les Livres saints nous allions puiser la preuve de ce que nous vous disons ici ? Ecoutez Isaïe : Les cieux se rouleront comme un livre, tous les astres tomberont comme les feuilles de la vigne ou du figuier. (Esaïe 34.4.) Ajoutez à cela ce que dit l’Evangile : Le soleil sera obscurci, la lune cessera de donner sa lumière, et les astres tomberont du ciel. (Matthieu 24.29.)

Ne nous affligeons donc pas de la pensée que nous sommes mortels, comme si nous étions seuls sujets à la mort. Les astres aussi périront ; mais peut-être ressusciteront ils aussi. Le Seigneur roulera les cieux, non pour les anéantir, mais pour les rendre encore plus beaux et plus parfaits. Ecoutez ce que dit le Roi-Prophète : Vous avez fondé la terre, Seigneur, dès le commencement ; les cieux sont les ouvrages de vos mains ; ils périront, mais vous subsistez. (Psaumes 101.26-27.) Les paroles du Roi-Prophète déposent contre vous, me dira-t-on peut-être ; car il dit en termes formels : Les cieux périront. Cela est vrai. Mais il va bientôt nous expliquer toute sa pensée. Ils vieilliront, ajoute-t-il, comme un vêtement ; vous les roulerez comme un manteau, et ils seront changés. Le mot de périr a ici le même sens que dans ce passage d’Isaïe : Vous voyez, dit-il, comme le juste a péri, et personne n’a été saisi de compassion. (Esaïe 57.1.) Et ce texte ne détruit cependant pas l’espoir de la résurrection des corps. C’est pourquoi nous attendons comme une résurrection des cieux.

Le soleil sera converti en ténèbres, et la lune en une mer de sang. (Joël 2.31 ; Actes 2.20.) Ces mots du Prophète doivent apprendre à ceux qui ont abandonné l’école de l’impie Manès, à ne plus qualifier les astres du titre de Dieux, à ne plus voir dans ce soleil qui doit un jour s’obscurcir, la personne du Christ[2].

[2] A ne plus voir dans ce soleil qui doit un jour s’obscurcir, la personne du Christ.
Déjà S. Cyrille avait dit (Catéch. VI, n. 13) qu’un des points de doctrine des Manichéens était que le soleil n’avait en lui aucun mélange de mal, et était de la substance de Dieu même. Ce qui est confirmé par Titus Bostrensis. (Lib. 11, Contr. Manich. Biblioth. patrum Lugd., tom. II, pag. 464,465.) Le soleil, disaient-ils, était le Christ même ; et la preuve qu’ils en apportaient, selon Théodoret (lib. 1, De Hæret. fab., cap. xxvi) c’est qu’à la Passion du Sauveur, le soleil s’éclipsa. Ils s’appuyaient encore sur ces paroles du Psalmiste : In sole posuit tabernaculum suum. (Ps. XVIII, 6.) Voici comment Faustus le Manichéen expose sa doctrine : Le Fils consiste dans la seconde et visible lumière, étant double de nature, c’est-à-dire la vertu de Dieu et la sagesse de Dieu. La vertu de Dieu se manifeste dans le soleil, et sa sagesse dans la lune. (Voyez Augustin, lib. XX Cont. Faustum cap. 11, pag. 333.) Manès avait emprunté cette doctrine de la religion des Parses ou Parsis. Elle avait eu pour restaurateur Zoroastre, l’an 550 avant Jésus-Christ, selon M. Anquetil. Mais selon d’autres, Zoroastre est beaucoup plus ancien. Ils le font remonter jusqu’à Moïse. Voyez M. Huet, propos. iv, n. 2.) D’autres, comme Grégoire de Tours, croient qu’il est le même que Cham. L’abbé Banier conjecture que c’est Mesraïm. C’est à Zoroastre que M. Anquetil attribue le livre du Zend-avesta, livre sacré des Gaures ou Guèbres, secte qui habite la Perse, et notamment un faubourg d’Ispahan. C’est, au reste, de là que la doctrine de Manès a pris son origine, pour entrer ensuite dans la composition de mille espèces d’hérésies. On la reconnaît dans les abominables dogmes dont les Templiers furent infectés en Orient, lors des croisades, et qu’on retrouve encore dans les arrière-loges maçonniques, où le soleil et la lune sont des symboles mystérieux.

Ecoutez encore le Sauveur lui-même qui vous dit : Le ciel et la terre passeront, et mes paroles ne passeront pas. (Matthieu 24.35.) Car il n’y a aucun rapport, aucune comparaison à faire entre les créatures et les paroles du Créateur.

IV.

Ainsi donc tout ce que nous voyons autour de nous, passera et sera remplacé par toute autre chose, infiniment supérieure en beauté.

Mais quand cela arrivera-t-il[3] ? Ne perdons pas notre temps à pénétrer les secrets du Créateur. Ce n’est pas à nous, dit l’Esprit-Saint, à pénétrer les temps et les moments que le Père a réservés à son souverain pouvoir. (Actes 1.7.) Ne soyez pas assez téméraire[4]pour fixer et déterminer le temps et l’époque dont Dieu s’est réservé la connaissance, et ne vous endormez pas surtout par une fausse sécurité. Veillez, parce que le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous n’y penserez pas. (Matthieu 24.44.) Mais comme il était bon que nous eussions constamment sous les yeux, les signes avant-coureurs de la fin des siècles, que nous fussions dans l’attente perpétuelle du Christ, pour nous tenir en garde contre les impostures de l’Antéchrist, l’Esprit-Saint a voulu que les Apôtres s’adressassent à la source de toutes lumières, et lui fissent cette question : Quand ces choses arriveront-elles ? Quel signe aurons-nous de votre avènement et de la consommation des siècles ? (Matthieu 24.3.) Nous savons que vous viendrez encore une fois sur la terre. Mais Satan se transforme en Ange de lumière (2 Corinthiens 11.14) ; mettez-nous donc en garde contre toute espèce de séductions, pour que nous ne portions pas nos adorations à d’autres qu’à vous. Alors le Sauveur dans sa bonté se hâta de les satisfaire : Prenez garde, leur dit-il, de vous laisser séduire. Ces paroles s’adressent aussi à vous, mes chers Auditeurs, et vous avertissent de donner toute votre attention à ce qui nous reste encore à vous dire.

[3] Mais quand cela arrivera-t-il ?
Sur cette question, voici ce qu’on lit au livre des Récognitions de S. Clément (lib. III, n. 26) : Ob hoc autem et prolixioribus indiguit mundus iste temporibus ; donec animarum, quæ prædeslinatæ sunt, ad expletionem ejus numerus impleretur : et tunc istud quidem visibile cœlum revolveretur ut liber ; illud verò quod est superius appareret, et animæ beatorum corporibus suis redditæ inducerentur in lucem, impiorum verò animæ, pro immundis actibus suis, spiritu flammeo circumdatæ, in profundum ignis inextinguibilis mergerentur, per seculum expensuræ supplicia. (Cottel., t. 1, p. 524.) (Note du Traducteur.)

[4] Ne soyez pas assez téméraire, etc.
Quoi qu’en dise S. Cyrille, jamais on n’a cessé d’agiter la question de la fin du monde. Elle est peut-être oiseuse ; mais les Anciens ne l’ont pas crue sans intérêt. Dans l’Epître de S. Barnabé, qui a été citée par plusieurs Pères (Hieronymus (de Viris Illustr.) Eusèbe (lib. III, cap. 25) Clem. Alexand, Origène,) comme canonique, on lit le commentaire suivant sur ces paroles de la Genèse : Il acheva en six jours. Cela veut dire « que le Seigneur consommera tout dans six mille ans. Car, auprès de Dieu, un jour équivaut à mille ans, comme il l’a dit lui-même par la bouche du Prophète. (Ps. LXXXIX, 4.) Voilà que le jour d’aujourd’hui sera comme mille ans (Epist. II, Petr. III, 8.). Ainsi, mes enfants, dans six jours, c’est-à-dire dans six mille ans, tout sera consommé. » (Voyez Cottelier, tom. 1, pag. 65 ; Epist. Barnab. n. 15.)
Cette opinion a dominé chez les Rabbins sortis de l’école d’Elie, et chez les Ecrivains Chaldéens, et chez Origène. (lib. 11, Contr. Cels.) tratonicus, évêque de Cumes, dans ses mélanges de prédictions, en cite une du Prophète Elie, que Sixte de Sienne rapporte au livre II de sa Bibliothèque, V°Elie. Mais parmi les Grecs occidentaux nous comptons S. Irénée (Adv. Hæres., cap. XXVIII, XXIX) Hippolyte (In Codice CCII de la Bibliothèque Photienne) Eustathe (dans l’Hexameron, p. 55) l’Auteur des Questions et Réponses qu’on trouve à la suite des œuvres de S. Justin (cap. LXXI) ; Cedrenus, au commencement de sa chronique, cite l’historien Josèphe et un livre apocryphe, intitulé : La Petite Genèse.
Chez les Latins cette opinion a été professée sans contradiction, par Lactance (lib. VII, Instit., cap. XIV, XV) ; par S. Jérôme (Epist. ad Cyprianum, n. 139) : et dans le Comment. sur Michée, cap. XIV) ; par S. Hilaire (Cap. XX, in Matth.) ; par l’auteur des questions sur l’Ancien et le Nouveau Testament (Quæst. CVI) ; par S. Gaudence, Evêque de Brescia (Tract. x) ; par Cassiodore (Variarum, lib. 1, Epist. x) ; par Isidore (Sub finem libri vi, Etymolog et de discretione temp.)
Je dirai enfin que l’opinion a été longtemps générale chez le peuple et chez les savants, que la fin du monde arriverait après six mille ans révolus, à dater de la création, et qu’ensuite le monde serait réparé et restauré : Et renovabis faciem terræ.
Nous devons dire encore que d’autres ont donné à la durée du monde 6500 au lieu de 6000. Ainsi Germain, PC. de CP., dans ses Contemplations des choses ecclésiastiques, en invoquant le témoignage de S. Cyrille d’Alexandrie, de S. Hippolyte, de S. Jean Chrysostome, en établit le calcul en ces termes : « Lorsque l’Evêque bénit le peuple, son geste indique que le futur avènement sera de 6500 ans. La valeur numérique attachée aux doigts donne juste ce nombre. »
Voici comment se fait ce calcul. Lorsque l’Evêque bénit le peuple, il allonge trois doigts, le pouce, l’index et le doigt du milieu, cependant de manière à ce que le pouce s’incline vers l’index, et les deux autres doigts, légèrement courbés. Or, ces doigts ainsi relevés donnent le nombre de 6500, si on consulte Bède et Nicolas de Smyrne.
Toutes ces opinions, n’ayant rien de catholique, ne peuvent, par conséquent, établir aucun dogme.
D’autres ont porté la durée du monde jusqu’à sept mille ans. Parmi ceux-ci on compte : S. Cyprien. (Chap. XI, Exhort. Martyrum.) Méthodius (de Castitate apud Phot., cod. 237.) Car c’est ainsi qu’on interprète ce qu’il dit sur les sept jours d’habitation dans la fête des Tabernacles (Lévit. XXIII) qu’ils sont la figure des sept mille ans que le monde doit durer, et que le huitième jour de la Scénopégie ou fixation des tentes, était le type de la résurrection.
C’est aussi l’opinion de S. Hilaire sur le verset 18 du Psaume CXVIII, celle de S. Jean Chrysostôme dans l’Homélie sur le Ps. xi, et d’après lui, celle du vénérable Bède, dans son Epître apologétique. On peut, au reste, consulter sur cette question S. Ambroise (in Lucam, IX, 28) S. Augustin (De Genesi cont. Manichæos, lib. XXVIII, cap. IV ; de Civit. Dei, lib. XX, cap. VII ; lib. XXII, cap. XXX, et in Psalmos VI et LXXXIX.)
Notre intention n’étant pas de confondre ici, avec des opinions plus ou moins probables, toutes les rêveries que les cerveaux malades de l’hérésie, ou quelques têtes, même catholiques, entichées d’anciens oracles du paganisme, ont enfantées sur cette question, nous ferons seulement mention de deux manuscrits grecs déposés à la bibliothèque royale, sous les numéros 2215 et 1820, qui nous ont paru curieux sur cette matière. Nous en donnons ici la traduction. « Il faut savoir que le nom de Mouses ou de Moïse, en calculant la valeur numérique des lettres grecques, donne le chiffre de 1648, et que cette somme fait en effet le nombre d’années que dura la loi mosaïque. Puis le nom de Christos présente celle de 1480. Or, dit-on, ces deux sommes additionnées font celles de 3128, qui est la durée du mondeà dater de l’incarnation. »
M…………………… XL
Ω………………. DCCC
Υ………………. CCCC
Σ…………………… CC
H………………… VIII
Σ…………………… CC
______________
……………… MDCXLVIII
X…………………… DC
P……………………… C
I………………………. X
Σ……………………. CC
T…………………. CCC
O…………………… LXX
Σ……………………… CC
_______________
……………… MCCCCLXXX
 
« D’autres prennent le mot Stauros (croix), et calculant la valeur numérique des lettres, ils trouvent la somme de 1271, qui doit être, disent-ils, celle des années ajoutées à celles de Moïse, total 2919. Tel est le précis du manuscrit n. 2215. »
Voici ce qu’on lit vers le milieu du manuscrit n. 1820 :
« J’ai trouvé dans l’interprétation de l’Apocalypse, que le mot stauros contient sept lettres, et que les sept Anges décrits dans l’Apocalypse portent les signes attachés à chacune de ces lettres. »
Σ…………………. CC
T………………. CCC
A…………………… I
Υ..…………… CCCC
P…………………… C
O………………. LXX
Σ…………………. CC
______________
……………… MCCLXXI
Il est encore une manière de supputer les six mille ans qui doivent, dit-on, constituer la durée du monde. Les chronologues partagent le temps en trois âges.
1° 2000 ans, depuis la création jusqu’à la vocation d’Abraham, ou loi de nature.
2° 2000 ans, depuis Abraham jusqu’à Jésus-Christ, ou loi de la circoncision.
3° 2000 ans, depuis Jésus-Christ jusqu’au second avènement, ou loi de grâce.
_________
6000 ans.
Mais il est dit (Genes. II, 2) requievit septimo die ab universo opere. C’est à ce texte qu’il faut rattacher l’opinion de certains Millénaires, qui ont pensé qu’à la fin des six mille ans, après le jugement dernier, Jésus-Christ reviendrait sur la terre, et y établirait un royaume temporel pendant mille ans, qui constitueraient le septième jour de repos. (Justin, Dialog. cum Tryph., n. 81.) Quelques-uns ont prétendu que le jugement dernier serait postérieur à ce règne de mille ans. Cette opinion était fondée sur le chap. XX, vers. 4 et 5, de l’Apocalypse, où il est dit que les martyrs régneraient avec Jésus-Christ pendant mille ans ; elle fut suivie par plusieurs Pères de l’Eglise, tels que S. Justin, S. Irénée, Nepos, Victorin, Lactance, Tertullien, Sulpice Sévère, Q. Julius Hilarion, Commodianus, et d’autres moins connus.
Ne confondons pas ces Millénaires avec Cérinthe et ses disciples, qui enseignaient que le règne du Christ serait pour les justes un temps de félicité corporelle. Erreur grossière, que les Pères que nous venons de citer ont tous combattue. Ne les confondons pas non plus avec ces autres Millénaires qui avaient imaginé que de mille ans en mille ans, il y avait pour les réprouvés une cessation des peines de l’enfer.
Le sentiment des premiers Millénaires venait des Juifs, qui attendaient sous le Messie un règne de mille ans sur la terre, comme on le voit au IV lib. d’Esdras, cap. IV, 35 et seq. ; cap. VI, 18. Au reste, tous ces calculs n’ont rien de contraire à l’Evangile ; leur diversité prouve, au contraire, la vérité de ces paroles que nous lisons dans les Actes des Apôtres : Non est vestrum nosse tempora ; puisque nous n’avons rien de positif sur le nombre des années qui ont précédé l’avènement de Jésus-Christ. (Voyez la note I, p. 150.) (Note du Trad.)

Ce n’est pas ici l’histoire des temps passés que nous vous racontons ; mais c’est l’avenir, et un avenir certain que nous ne vous prédisons pas. Car nous sommes indigne du titre de Prophète. Mais croyez à ce que nous vous disons. Nous demandons, nous exigeons votre croyance aux livres que nous vous produisons, et aux signes que nous vous indiquons. Examinez chacun en votre particulier les événements qui se sont déjà accomplis et ceux qui restent à voir venir, et tenez-vous sur vos gardes.

V.

Prenez garde de vous laisser séduire ; plusieurs viendront en mon nom et vous diront : Je suis le Christ ; et ils en entraîneront beaucoup dans l’erreur. (Matthieu 24.4-9.) Ces faits ont déjà reçu en partie leur accomplissement. Car déjà Simon le Magicien, Ménander et quelques autres chefs d’hérésie ont usurpé le nom de Dieu[5]. Vous en entendrez encore d’autres qui répéteront cet exécrable blasphème ; et à ceux-ci en succéderont d’autres.

[5] Quelques autres chefs d’hérésie ont usurpé le nom de Dieu.
Simon se donnait pour Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. (Catéch. VI, n. 14.) Ménander, dit S. Irénée (lib. 1, cap. XXIII, n. 5) affirma qu’il était le Sauveur envoyé par les invisibles pour le salut des hommes. Dosithée prêcha aux Samaritains qu’il était le Christ annoncé par Moïse et par les Prophètes. (Origen. lib. cont. Cels.) Montan ne se contenta pas du titre de Saint-Esprit qu’il s’était d’abord donné (Cat. XVI, 8) il prit encore celui de Dieu le Père (Epiph. Hær. XLVIII, n. 11) ; et selon S. Jean Chrysostôme, il poussa l’effronterie jusqu’à se dire le Verbe, l’Epoux, le Paraclet, le Tout-Puissant. (In Matth. XXIV, 5.) Manès, suivant Théodoret (lib. 1, Hæret. fabul., cap. XXVI) dans sa dispute avec Archélaüs, prétendait être né d’une vierge, et avoir été nourri par un Ange dans les montagnes. Je passe sous silence tous ces Juifs qui, avant la destruction de Jérusalem, se donnèrent pour le Messie. (Note du Trad.)

VI.

Pour second signe : Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerre. (Ibid. 6,7.) Eh ! ne voyons-nous pas en ce moment la guerre entre les Perses et les Romains[6] dans la Mésopotamie ? Ne voyons-nous pas se soulever nation contre nation, royaume contre royaume ? Il y aura en divers lieux des pestes, des famines et des tremblements de terre[7]. (Ibid. 7.) Vous avez déjà vu tout cela. Des signes de colère se manifesteront dans les cieux, d’horribles tempêtes désoleront la terre. (Luc 21.11.) Veillez donc, vous dit-il, parce que vous ne savez pas à quelle heure le Seigneur viendra. (Matthieu 24.42.)

[6] Cette guerre des Perses contre les Romains.
Sous le règne de l’Empereur Constance, les Perses furent presque toujours en guerre avec les Romains, au centre de la Mésopotamie. Elle se renouvela quatre fois. La première guerre commença d’abord l’an 338, et se prolongea jusqu’à l’an 342. La seconde fut provoquée en 346, par une violation de la trêve de la part des Perses. L’an 348 fut remarquable par la fameuse bataille de Singarra, livrée sur les bords du Tigre. La troisième guerre eut lieu l’an 350. Sapor vint pour la troisième fois mettre le siège devant Nisibe, boulevard de l’Empire Romain du côté de l’orient, avec des forces supérieures à toutes celles qu’il avait jusqu’alors développées. Après soixante-dix jours de tranchée ouverte, après avoir arrêté les eaux du fleuve Mygdon qui arrosait la ville, les avoir tout à coup lâchées, et par ce moyen, abattu les remparts, inondé la ville, Sapor se crut maître de la place. Mais S. Jacques, Evêque de Nisibe, veillait sur son troupeau. Cette ville fut délivrée par ses soins et ses prières. (Voy. Le Beau, t. II, pag. 127.) (Note du Trad.)

[7] Il y aura en divers lieux des pestes ; des famines, de grands tremblements de terre.
Tous les historiens contemporains parlent des pestes, des famines, des tremblements de terre qui désolèrent le monde à cette époque. C’est à l’an 333 que S. Jérôme place dans sa chronique la peste, la famine, qui ravagèrent la Cilicie et la Syrie, et le tremblement de terre qui en 346 ruina de fond en comble Dyrrachium, agita pendant trois jours et trois nuits la ville de Rome, et renversa plusieurs villes de la Campanie. C’est encore à cette date qu’on doit rapporter cet autre tremblement de terre qui désola l’île de Rhodes. Parmi les fléaux qui alors ravagèrent la terre, S. Cyrille put compter ces torrents de pluie qui avaient failli noyer la ville de Jérusalem, et dont il parle dans la Catéchèse VI, n. 4.

VII.

Mais nous demandons, nous cherchons un signe de l’avènement futur, un signe qui nous soit propre, ainsi qu’à l’Eglise dont nous faisons partie. Eh bien ! le Sauveur va vous le donner. En ce temps plusieurs trouveront des occasions de scandale ; l’un trahira l’autre, chacun se détestera mutuellement. (Matthieu 24.10.) Si vous entendez dire que les Evêques sont en dissension les uns avec les autres, que le clergé [8] est fractionné en divers partis, si les peuples se ruent les uns sur les autres et inondent la terre de leur sang, ne vous troublez pas. Tout cela a été prédit, pour que vous n’en soyez pas scandalisés. Faites attention à ce qui est écrit, et non à ce qui se passe autour de vous. Car si moi qui vous enseigne, venais par malheur à faire naufrage, gardez-vous de périr avec moi. Il est permis au disciple de devenir meilleur que son maître, et à celui qui arrive le dernier, de devenir le premier, puisque le Seigneur accueille ceux qui viennent à la onzième heure du jour. Si parmi les Apôtres il s’est trouvé un traître, ne vous étonnez donc pas de voir l’esprit de charité presque éteint, et les Evêques en proie aux dissensions.

[8] Si vous entendez dire que les Evêques sont en dissension les uns avec les autres.
On voit ici une allusion aux schismes, aux hérésies qui déchiraient alors les Eglises d’Orient. Tous les diocèses étaient en proie aux dissensions que l’Arianisme et le Sabellianisme avaient fait naître. Les Evêques catholiques étaient partout chassés de leurs sièges que les Ariens envahissaient. Les peuples, ainsi que le clergé, étaient en proie aux factions qui se faisaient souvent une guerre cruelle ; de là des massacres épouvantables. Les Eusébiens accusaient les Catholiques de Sabellianisme ; ceux-ci à leur tour accusaient les Eusébiens d’Arianisme. Tous ces partis qui s’anathématisaient, se calomniaient, n’étaient d’accord entre eux que pour persécuter la vérité dans la personne des Catholiques. (Voyez la Vie de S. Cyrille.)

Ce signe, au reste, ne concerne pas seulement les Princes de l’Eglise, mais encore les peuples. Car il est dit : Parce que l’iniquité abondera, la charité de beaucoup se refroidira. (Matthieu 24.12.) Et qui aujourd’hui pourrait se glorifier d’avoir conservé pour son prochain une amitié sincère, de n’avoir donné dans son cœur aucun accès à la dissimulation ? Ne voyons-nous pas tous les jours échanger des baisers de paix, se faire mutuellement des accueils gracieux et prévenants, se jeter réciproquement des regards de bienveillance, tandis qu’intérieurement on médite, on machine la perte ou la ruine du prochain ? et tel dont la bouche ne respire que la paix, ourdit en secret de funestes trames. (Psaumes 27.3.)

VIII.

Il est encore un signe qui vous a été donné ; le voici :Et cet Evangile du royaume sera prêché par toute la terre, pour servir de témoignage à toutes les nations ; et c’est alors que la fin arrivera[9] (Matthieu 24.14.) Or, nous le voyons, presque tout l’univers retentit aujourd’hui de l’Evangile.

[9] C’est alors que la fin arrivera.
S. Cyrille était persuadé que la fin du monde était prochaine. Il ne doutait pas que l’Evangile n’eût été prêché partout, que l’univers n’y fût soumis (Cat. XII, 1 et 40 ; XIV, 14 ; X, 16) et que l’Eglise ne connût plus de bornes. Il nous dira (Catéch. XVIII, 27) que les Perses, les Goths et toutes les nations meurent pour le nom de Jésus-Christ. Ailleurs, il a dit (Catéch. X, 19) que les Perses, les Sauromates ou Sarmates, les Gaulois, les Espagnols, les Maures, les Africains, les Arabes, les Ethiopiens, et beaucoup d’autres nations avaient leurs Evêques, leurs prêtres, leurs diacres, leurs moines, leurs vierges, leurs laïcs, doués des dons du Saint-Esprit. Enfin, dans la Catéchèse XVI, 22, il regarde la prédication par toute la terre, non-seulement comme une des conditions essentielles du second avènement, mais comme un signe très-prochain. Cependant il est constant que l’Evangile ne fut prêché en Chine que l’an 636, par Olopuen, missionnaire de la Judée, ainsi qu’il en conste par le monument dressé dans la ville de Sigan-Fu, l’an 782, et découvert l’an 1636 ; mais on n’a trouvé aucune trace de la prédication de l’Evangile dans le vaste empire du Japon, avant le milieu du XVIe siècle. Il est vrai que le Christianismeavait pénétré de très-bonne heure dans l’Ethiopie, l’Abyssinie, sur les rives du Gange, la côte du Malabar. Mais la découverte du Nouveau-Monde a fait voir combien étaient erronés tous les calculs faits à cette époque. (Note du Trad.)

IX.

Qu’arrivera-t-il ensuite ? C’est ce que les versets suivants nous apprennent. Quand vous verrez l’abomination de la désolation dans le lieu saint, comme elle a été prédite par le Prophète Daniel, que celui qui lit, comprenne bien ce qu’il lit. (Ibid. 15.) Alors si quelqu’un vous dit : Le Christ est ici, ou il est là ; ne le croyez point. (Ibid. 23.) C’est le défaut de charité, ce sont les dissensions domestiques, les haines particulières qui préparent les voies de l’Antéchrist. Car Satan fait déchirer les peuples entr’eux, pour lui aplanir les voies, lorsque le moment de son apparition sera venu. Dieu veuille qu’il ne trouve aucun sectateur parmi vous qui m’écoutez, et parmi les autres serviteurs de Jésus-Christ.

S. Paul écrivant sur ce sujet, nous a laissé encore un signe frappant, lorsqu’il a dit : Ce jour ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant, qu’on n’ait vu paraître l’homme de péché, le fils de perdition, cet ennemi de Dieu qui s’élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se donnant lui-même pour un Dieu. Ne vous souvient-il pas que je vous ai dit toutes ces choses, lorsque j’étais avec vous ? Et vous savez ce qui l’empêche de venir, afin qu’il paraisse en son temps. Car le mystère d’iniquité se travaille dès à présent. Il faut que celui qui tient maintenant, tienne jusqu’au moment où il sortira d’ici-bas. Alors se découvrira l’impie que le Seigneur détruira du souffle de sa bouche, et qu’il anéantira par l’éclat de sa présence. Cet impie qui doit venir accompagné de la puissance de Satan avec toutes sortes de signes, de prodiges et de miracles trompeurs et avec toutes les illusions qui peuvent porter à l’iniquité ceux qui périssent. (2 Thessaloniciens 2.3 et seq.) Voilà ce que dit S. Paul.

Or, la défection est arrivée[10] ; les hommes ont quitté les sentiers de la foi pour se jeter dans les chemins pernicieux de l’hérésie. Les uns prêchent la filio-paternité (le Sabellianisme) ; d’autres ont l’audace de prêcher que le Christ est le produit du néant. L’hérésie s’était d’abord montrée franchement et à découvert, mais aujourd’hui l’Eglise est pleine d’ennemis cachés. Car les hommes ont abandonné les sentiers de la vérité ; ils sont travaillés d’une excessive démangeaison d’entendre des nouveautés. Prépare-t-on artificieusement un discours pour déguiser le venin de l’hérésie, tous y courent, tous y prêtent une oreille attentive ; mais s’agit-il d’un discours où l’orateur se proposera de convertir, tous se détournent. Beaucoup se sont égarés par le penchant, par l’attrait qu’ils ont pour l’erreur, plutôt que pour la vérité. Voilà donc cette défection, ou cette apostasie dont a parlé S. Paul. Il ne nous reste plus qu’à attendre l’ennemi. Déjà ses avant-coureurs se sont répandus sur la terre, pour lui aplanir les voies de la conquête.

[10] Or, la défection est arrivée.
Cette défection dont parle l’Apôtre a subi diverses interprétations. Les uns ont cru qu’elle marquait l’Antéchrist lui-même ; d’autres, qu’elle signifiait le déchirement de l’Empire romain.
Mais Cyrille entend par défection l’extinction de la foi. Quant à ce qu’il dit ici de ceux qui prêchaient en termes couverts la filio-paternité, il paraît signaler Marcel d’Ancyre et Photin de Syrmium, qu’il tenait pour hérétiques, et peut-être même tous les Catholiques occidentaux, que les Orientaux accusaient de Sabellianisme, comme nous le voyons dans S. Hilaire (lib. X, de Trinitate, n. 5) dans Socrate (lib. I, cap. XXIII), d’autant plus que les Occidentaux prenaient chaudement le parti de Marcel d’Ancyre. Ce qui établit alors une longue dissension entre l’Orient et l’Occident ; car, il faut le dire, beaucoup de saints personnages furent, dans les Gaules, dupes des professions de foi сарtieuses des Eusébiens, vrais Ariens, profondément dissimulés.

O vous, qui m’écoutez, prenez garde à vous ; mettez votre âme en sûreté. L’Eglise vous en conjure à la vue et sous les yeux du Dieu vivant. C’est pour vous tenir en garde contre l’Antéchrist, qu’elle vous l’annonce avant qu’il ne vienne. Viendra-t-il de nos jours ? Nous n’en savons rien. Sera-ce après nous ? Nous n’en savons pas davantage. Quoi qu’il en soit, il est essentiel pour nous de savoir qu’il doit arriver et de nous tenir sur nos gardes.

X.

Le véritable Christ, le Fils unique de Dieu, ne viendra plus de la terre se mêler parmi les hommes, converser avec eux. Si vous entendez quelqu’un sortant du désert, qui vienne vous conter et vous dire : Le Christ est ici, il est dans le désert, ne sortez pas ; le voici, il est dans cette maison, n’en croyez rien. (Matthieu 24.26 ; Marc 13.21.) Ne portez plus maintenant, pour le chercher, vos regards sur la terre. Oui, sans doute, c’est des cieux qu’il descendra un jour, non plus seul, comme autrefois, mais escorté d’une multitude innombrable de légions d’Anges ; ce ne sera plus sans bruit, sans éclat, comme la rosée du ciel qui tombe sur une toison (Psaumes 71.6) mais comme l’éclair qui éclate dans l’orient et qui porte ses feux jusqu’aux extrémités de l’occident. Tel sera l’avènement du Fils de l’homme. (Matthieu 24.27.) Et c’est alors qu’on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel, investi d’une grande puissance et d’une grande majesté. (Ibid. 30.)

XI.

De même que, longtemps avant l’incarnation du Sauveur, le démon sachant qu’il était attendu et devait naître d’une vierge, avait prévenu l’heureux effet qui en devait résulter pour le salut des hommes, par d’affreuses calomnies, de même qu’il avait jeté adroitement au milieu des nations idolâtres les histoires fabuleuses de dieux générateurs et de dieux engendrés avec ou sans concours de femmes, dans l’espérance que l’erreur étant partout profondément enracinée, la vérité ne pourrait jamais se faire jour, de même encore aujourd’hui, prévoyant le futur et le second avènement du Sauveur, et mettant à profit la stupidité des Gentils, la sotte crédulité des Juifs, leur fol espoir dans un libérateur, il lancera au milieu des nations un magicien profondément versé dans l’art diabolique des enchantements, des sortilèges et des prestiges, et par ce moyen entraînera dans l’abîme avec lui ceux-là qui attendent un Messie libérateur, tous ces peuples encore livrés au culte stupide des idoles. A leur tête il s’emparera de l’Empire Romain[11], prendra le nom de Christ ; sous ce nom il trompera les circoncis ; à force de prestiges il entrainera les idolâtres.

[11] A leur tête, il s’emparera de l’Empire Romain.
C’était alors une opinion générale chez les Grecs et chez les Latins, que l’Empire Romain ne devait finir qu’avec le monde. Les vers Sibyllins, très-accrédités chez les uns et chez les autres, chez les Chrétiens et chez les Gentils, promettaient au Capitole un empire qui ne devait avoir d’autres bornes que le globe, d’autres limites dans sa durée que la fin des siècles.
Tels sont ces oracles que nous reproduit Virgile dans ces beaux vers : His (Romanis) ego (Jupiter) nec metas rerum, nec tempora poño. Imperium sine fine dedi………… (Æneid., lib. 1,278,279.).
Ce n’est cependant pas tant sur les oracles Sibyllins que se fondaient les Pères de l’Eglise, que sur l’interprétation qu’ils faisaient tous du VIIème chapitre de Daniel. Tous croyaient avoir reconnu dans l’Empire Romain la quatrième bête de la vision, comme on peut le voir dans S. Jérôme contre Porphyre, et plaçaient le jugement dernier à la suite de la destruction du Capitole, qui n’était en réalité que la figure du Vatican.
L’histoire a donné un démenti à toutes ces opinions, pour justifier les prophéties. L’empire du Capitole a été détruit, il est vrai ; mais c’est pour faire place à celui du Vatican (Le Vatican est une colline peu éloignée du Tibre, dominant le château St-Ange, attenant au Janicule, où est située la Basilique de S. Pierre. Son nom vient, dit Aulu-Gelle (lib. XVI, 12) des oracles, Vaticiniis, que le Dieu que l’on y adorait, avait coutume d’y rendre.
C’est encore du Vatican que sortent tous les oracles qui gouvernent le monde Chrétien.). Le temps a réalisé les oracles qui promettaient à Rome l’Empire du monde, d’abord matériel, puis spirituel. Rome, purifiée sept fois par les flammes, consacrée pendant trois siècles par le sang des martyrs, en perdant l’Empire matériel de la terre, a conquis l’Empire chrétien ; car l’un n’était que la figure de l’autre. Cet Empire infini que Cicéron voyait dans Rome païenne, nous le trouvons, non plus sous les pas des Césars, mais sous ceux du Vicaire de Jésus-Christ : Et id quidem in hac urbe infinitum ; quàcumque enim ingredimur, in aliquam historiam vestigium ponimus. (Cic. define v.) Cela est encore vrai : Oui, c’est depuis que Jupiter Capitolin a fait place à Jésus crucifié, que la prophétie de Romulus a reçu son entière exécution. Allez, dites aux nations que les Dieux l’ont voulu ainsi : ils ont voulu que ma Rome fût la capitale de l’univers. (Tite Live, lib. 1,16.) C’est aujourd’hui qu’on peut dire avec Martial : Terrarum Dea gentiumque Roma, Cui par est nihil, et nihil secundum. (Lib. 11, Epig. 8.)
Tout est prophétique, tout est mystérieux dans les archives du Peuple-Roi, ou, pour parler le langage de l’Apôtre S. Jean (Apoc. XVII, 5) Sur le front de la Prostituée des nations est écrit le mot MYSTÈRE.
Roma en grec dorique signifie force et puissance.
Le Capitole, qui est un aride rocher, présage tout à la fois la dureté et la stabilité de sa domination temporelle. Son nom vient de caput, d’une tête de cheval trouvée dans les fondations du temple de Jupiter, symbole de sa domination guerrière et de sa puissance spirituelle. Ce Capitole est la figure de ce Kephas, Kephalè, caput, chef, nom primitif de Pierre, et qui, sous le nom de Pierre, Petrus, viendra chasser Jupiter de son rocher, de son Capitole, s’y installer, et pour commander aux nations en CHEF ou keph.
Ce Vatican, où le Prince du mensonge rendait jadis ses oracles, est devenu le siège de la vérité. C’est de là que partent les foudres qui écrasent l’esprit d’erreur et de mensonge ; et c’est ainsi que le Dieu de toute vérité a converti en réalité les décrets éternels dont Satan avait eu connaissance et qu’il s’était appropriés. Au commencement du Vème siècle, S. Prosper d’Aquitaine avait déjà deviné les grandeurs de Rome chrétienne dans son poème sur les Ingrats. (Cap. 11.)
Sedes Roma Petri, quæ pastoralis honoris
Facta caput mundo, quidquid non possidet armis,
Relligione tenet….
Puis ailleurs Quamvis gratia christiana non contenta sit eosdem limites habere quos Roma, multosque jam populorum sceptro crucis Christi illa subdiderit, quos armis suis ista non domuit ; quæ tamen per apostolici sacerdotii principatum amplior facta est, arce religionis, quàm solio potestatis. (De Vocat. Gent., lib. 11, ch. 16 in fine.) (Note du Traducteur.)

XII.

L’Antéchrist paraîtra, lorsque les destinées de Rome seront accomplies. Alors la fin du monde sera proche ; sur les débris de cet Empire s’élèveront dix rois qui règneront peut-être en divers lieux, cependant en même temps. A ces dix rois succédera l’Antéchrist. Car à l’aide d’opérations magiques, il usurpera l’Empire Romain, il humiliera trois de ces rois, il s’assujettira les sept autres. (Daniel 7.24.) En profond politique on le verra d’abord affecter la clémence, la modération, et surtout une grande philanthropie. Et après avoir séduit les Juifs par de faux prodiges, s’être fait reconnaître d’eux pour le Messie qu’ils attendaient, il jettera le masque, et surpassera en scélératesse, en cruauté, tout ce que l’injustice, la férocité, l’impiété auront pu produire de plus monstrueux dans les siècles antérieurs. (Daniel 7.24.)

L’humanité entière gémira sous le joug de cet ennemi impitoyable, sanguinaire, perfide et astucieux. C’est surtout contre nous Chrétiens, que sa fureur satanique se déploiera. Mais après un règne de trois ans et demi, s’effectuera le second avènement du Fils unique de Dieu, du Sauveur des hommes, du vrai Christ, qui viendra enfin mettre un terme aux iniquités dont la terre sera désolée, qui de son souffle fera disparaître ce cruel, mais dernier fléau de l’humanité, et l’enchaînera à jamais au fond des abîmes éternels.

XIII.

Voilà ce que nous enseignons appuyé, non pas sur des conjectures, mais sur les Livres saints dont l’Eglise est dépositaire, et notamment sur ce texte du Prophète Daniel, dont nous venons de prendre lecture et dont l’Archange Gabriel nous a lui-même donné l’explication en ces termes : La quatrième bête sera le quatrième empire sur la terre qui absorbera tous les autres empires. (Daniel 7.23.)

Or, tous les auteurs ecclésiastiques s’accordent à voir dans l’Empire Romain ce quatrième empire dont parle l’Archange. Selon eux le premier fut celui des Assyriens ; le second, celui des Mèdes et des Perses ; le troisième, celui des Macédoniens ou des Grecs ; le quatrième enfin, celui des Romains.

L’Ange continuant son explication vous dit encore : La bête est armée de dix cornes qui représentent dix rois qui s’élèveront de ce même royaume. Il s’en élèvera un autre après eux, qui sera plus puissant et plus méchant que ceux qui l’auront devancé. (Ibid. 24.) C’est-à-dire, que tous ceux qui auront jamais régné avant lui. Des dix rois, il en humiliera trois ; or, il en restera sept, et il sera le huitième[12]. Il lancera des blasphèmes contre le Très-Haut. (Apocalypse 16.11 ; Daniel 7.25.) Tels seront les actes de cet impie blasphémateur, de ce contempteur des lois, qui parviendra à la puissance suprême, non par voie de succession légitime, mais par voie de sortilèges et de magie.

[12] Or, il en restera sept, et lui sera le huitième.
Ces paroles de S. Cyrille paraissent empruntées de S. Irénée (lib. V, cap. XXXVI, n. 1) dont nous reproduisons ici les expressions : Manifestum est itaque quoniam ex his tres interficiet ille qui venturus est, et reliqui subjicientur ei, et ipse octavus in eis, et vastabunt Babylonem, etc.

XIV.

Quel sera-t-il enfin ? Quel esprit l’animera ? Paul, faites-nous le connaître : Cet impie qui doit venir revêtu de la puissance de Satan, se fera connaître par toutes sortes de prodiges et de signes trompeurs. (2 Thessaloniciens 2.9.)

Ici l’Apôtre nous fait voir l’Antéchrist comme un instrument dans les mains de Satan ; et celui-ci personnifié, et opérant par lui et dans lui. Convaincu de la fin prochaine de son règne, persuadé que l’heure de son jugement va sonner, ce ne sera plus par ses lieutenants qu’il fera la guerre à l’Eternel, mais il la fera par lui-même et ouvertement. Il mettra en jeu toutes ses ressources de mensonges, de fourberies et de prestiges, in omnivirtute, etsignis, etprodigiis mendacii. Car celui qui est le Père du mensonge (Jean 8.44) fera des œuvres mensongères, couvertes des apparences de la vérité ; de manière que le peuple fasciné croira voir un mort ressuscité, et ne verra qu’un fantôme ; il redressera des boiteux, il rendra la vue aux aveugles, et ses guérisons seront imaginaires.

XV.

L’Apôtre continue en ces termes : Cet ennemi de Dieu qui s’élèvera au-dessus de tout ce qui est dit Dieu ou divinité ; (car il fera la guerre à toutes les idoles) jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu. (Ibidem.) Quel sera ce temple[13] ? L’Apôtre sait bien que le temple des Juifs aura été détruit. A Dieu ne plaise qu’il voulût parler de celui où nous sommes réunis ! Mais pourquoi disons-nous cela ? pour ne pas paraître nous flatter nous-mêmes. Car si l’Antéchrist doit se présenter aux Juifs, comme le Messie, ou le Christ qu’ils attendent, il voudra en être adoré ; et pour mieux les séduire il manifestera un grand zèle pour la reconstruction de leur temple. Il se dira issu du sang de David, destiné à relever le temple de Salomon. Mais, lorsqu’il viendra, il ne trouvera pas pierre sur pierre sur la place où fut jadis la maison du Seigneur, suivant l’arrêt porté par le Sauveur lui-même. Car il viendra, lorsque le temps aura fait disparaître toutes les pierres[14], et que celles mêmes qu’on aura réunies sous le prétexte de reconstruction, auront été totalement dispersées par des motifs quelconques. Je ne parle pas de l’enceinte extérieure, mais de l’intérieur où étaient les Chérubins. Alors il viendra avec toutes sortes de signes et de prodiges mensongers. (2 Thessaloniciens 2.9.) Il fera d’abord la guerre à l’idolâtrie ; il affectera dans le principe une tendre philanthropie. Jetant ensuite le masque, il fera à l’humanité une guerre d’extermination, surtout contre les enfants de Dieu. Car, dit Daniel, Je voyais, et de sa corne il faisait la guerre aux saints. (Daniel 7.21.) Puis ailleurs Ce sera un temps d’affliction ; affliction telle qu’aucune nation n’en aura éprouvé une pareille sur la terre jusqu’à ce moment. (XII, 1.)

[13] Quel sera ce temple ?
S. Irénée (lib. v, Adv. Hæres., cap. xxx) a dit : Sedebit in templ Hierosolymis. Ici nous placerons une note du P. Feu ardent, sur les Œuvres de S. Irénée, pag. 491.
« Comme l’Antéchrist doit sortir de la tribu de Dan et être reconnu par les Juifs pour le Messie, on ne doit pas douter que ce ne soit à Jérusalem, et dans le temple des Juifs qu’il aura relevé, qu’il fixera le siège de son empire. Ajoutez à cela que selon S. Jean, Enoch et Elie doivent être martyrisés par l’Antéchrist, dans la ville même où Jésus-Christ a été crucifié. » (Note du Trad.)

[14] Il viendra lorsque le temps aura fait disparaître toutes les pierres.
S. Cyrille donne ici pour certain que la prédiction du Sauveur sur la ruine complète du temple ne recevra sa pleine exécution qu’à l’arrivée de l’Antéchrist. Cela ne doit pas surprendre, puisque de son temps on voyait beaucoup de parties de l’ancien temple, qui étaient encore debout, même après la miraculeuse destruction qui eut lieu sous Julien l’Apostat. S. Cyrille paraît d’ailleurs se fonder sur le XXIVème chap. de S. Matthieu, où Jésus-Christ semble joindre la ruine totale du temple avec celle du monde entier. D’autres Pères ont pensé comme lui. (Voy. S. Jean Chrysostôme, Homel. LXXV in Matth. ; Victor d’Antioche, dans la Catena in Marcum, XIV, vers. 2.) Eusèbe, qui écrivait peu de temps avant S. Cyrille, nous dit, au liv. VIII de sa Démonstration Evangélique, que la ville de Jérusalem offrait au monde un triste spectacle dans les ruines, non-seulement de son temple, mais de ses enceintes et de ses parvis, dont on enlevait chaque jour les matériaux pour construire des temples aux idoles, ou des théâtres, ou des cirques.
L’auteur de l’Itinéraire à Jérusalem, an 333, fait observer que dans les ruines du temple on remarquait encore sur un marbre le sang de Zacharie tué devant l’autel, comme s’il eût été encore frais, et qu’on y voyait deux statues d’Hadrien.
Ce que dit S. Cyrille, qu’un jour viendrait où toutes les pierres du temple seraient renversées dans le dessein de travailler à de nouvelles constructions, il a dû voir avec plaisir sa prophétie s’accomplir, lorsque les Juifs, sous Julien, dans l’espoir de travailler à la reconstruction, se mirent eux-mêmes à l’ouvrage, pour arracher de la terre les anciennes fondations.
Il en restait encore quelques-unes au VIIe siècle, sur lesquelles les Sarrazins élevèrent une mosquée dont les Croisés firent une église, mais que les Mahométans ont ensuite reprise et consacrée de nouveau à leur culte.

En présence de cette épouvantable bête, devant cet effroyable dragon, aucune force humaine ne pourra résister ; car il dévorera tout ce qui se trouvera devant lui.

Mais, quoique les Livres saints nous offrent sur ce sujet une intarissable source d’instruction, nous nous arrêterons cependant, parce qu’il faut mettre un terme à nos paroles.

XVI.

Le Seigneur dans sa miséricorde, prévoyant les violences auxquelles devait se livrer son ennemi, n’a pas laissé sans secours les âmes pieuses. C’est à elles qu’il a adressé ces paroles de consolation : Que ceux qui se trouveront alors dans la Judée, fuient dans les montagnes. (Matthieu 24.16.) S’il en est qui se sentent d’une assez grande force, pour combattre Satan et lui faire face, qu’ils restent (car je ne désespère ni de la force ni de la vigueur de l’Eglise) et qu’ils se disent à eux-mêmes : Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ ? (Romains 8.35.) Mais quant à ceux qui se sentiront défaillir, qu’ils se mettent en lieu de sûreté, tandis que les braves feront tête à l’ennemi. Car je le répète : Ce sera une affliction telle, que depuis la création il n’en aura pas été vu de pareille, et il n’en sera jamais vu. (Matthieu 24.21.) Au reste, grâces soient rendues au Seigneur de ce que dans sa miséricorde il a daigné restreindre dans un cercle de peu de jours cet effroyable torrent de calamités. Car il nous dit : Mais, en faveur des élus, ces jours de désolation seront abrégés. (Ibid. 22.) Le règne de l’Antéchrist ne sera que de trois ans et demi[15]. Ce n’est pas d’après des livres apocryphes que nous parlons ici, mais d’après le Prophète Daniel, dont voici les expressions : Et il lui sera donné, pour exercer sa puissance, un temps, des temps, et la moitié d’un temps. (Daniel 7.25.) Un temps, c’est une année, et dans cette année sa puissance s’accroîtra sensiblement ; puis deux temps ou deux années mettront le comble à son impiété ; la moitié d’un temps ou les six mois qui suivront, mettront un terme à son empire et à sa vie. C’est ce que répète encore le même Prophète en ces termes : Il a juré par le Dieu vivant dans l’éternité que cela arrivera dans le temps, les temps et la moitié d’un temps. (Ibid. XII, 7.)

[15] Le règne de l’Antéchrist ne sera que de trois ans et demi.
Cette opinion de S. Cyrille sur le règne de trois ans et demi de l’Antéchrist lui est commune avec S. Irénée, S. Ephrem, S. Jérôme, S. Augustin, Théodoret, Arethas, Ansbert, Primasius, Rupert. (Voy. Irénée, Adv. Hæres. lib. v, p. 491.)
Nous avons déjà fait remarquer que le S. Patriarche mettait au rang des apocryphes l’Apocalypse de S. Jean, ainsi que S. Irénée (lib. v, cap. XXVI, 1) Hippolyte (de Antichristo, n. 34) Victorin (in Apocalypsin) S. Jérôme, Théodoret, dans leurs commentaires sur Daniel. Ce n’est donc pas par négligence que le Patriarche de Jérusalem ne fait pas mention de ce livre ; c’est à dessein. Il paraît même indiquer ici le motif de cette omission. L’Eglise était alors inondée de livres forgés par les Cérinthiens et les Millénaires, dans lesquels des Catholiques, tels que Lactance, S. Irénée, l’Hippolyte supposé, ont pu puiser quelques opinions.

C’est peut -être encore à notre opinion que se réunissent ceux qui ont commenté ces autres paroles de Daniel : Mille deux cent quatre-vingt-dix jours (Ibid. 11), et celles-ci : Bienheureux celui qui attend, et qui parvient au treize cent trente-cinquième jour. (Ibid. 12.) C’est pourquoi il faudra se cacher et fuir. Car peut-être n’aurons-nous pas achevé d’instruire toutes les villes d’Israël avant la venue du Fils de l’homme. (Matthieu 10.23.)

XVII.

Quel sera alors l’heureux mortel qui sacrifiera généreusement sa vie pour le nom de Jésus ? Quant à moi, je n’hésite pas à mettre au-dessus de tous les martyrs, ceux qui verseront alors leur sang pour la foi. Jusqu’à ce jour terrible ceux qui auront combattu, n’auront encore lutté qu’avec d’autres hommes. Mais tel qui combattra contre l’Antéchrist, se trouvera corps à corps aux prises avec Satan en personne[16]. Les rois qui jusqu’à ce jour auront persécuté l’Eglise, n’auront jamais employé de moyens plus violents que la mort ; ils ne se seront jamais donnés pour des thaumaturges ; jamais ils n’auront évoqué les morts, pour faire de leurs ombres le simulacre des résurrections. Celui-ci joindra à la fureur du glaive tous les genres de déceptions, de manière à séduire même les élus, s’il est possible. (Matthieu 24.24.)

[16] Se trouvera corps à corps aux prises avec Satan.
Ce que dit S. Cyrille sur les martyrs des derniers temps se trouve presque littéralement dans le faux Hippolyte, de Consummatione mundi et de Antichristo. (Biblioth. PP. t. 1, p. 335,336.) Au reste, cette opinion est commune à d’autres Pères. Voyez S. Augustin (de Civitate Dei, lib. XX, cap. 8) S. Ephrem (de Antichristo, p. 224) S. Grégoire (lib. XXXII, Moral. cap. 12.)

Mais, pour que l’apostasie ne crût pas se justifier, en se disant à elle-même : « Qu’a fait de plus le Christ ? D’où celui que nous voyons, tient-il le pouvoir d’opérer tant de merveilles ? Si Dieu ne l’eût pas voulu, s’il ne l’eût pas permis, cela ne serait pas. » Mais l’Apôtre, pour vous fortifier et vous faire tenir sur vos gardes vous a dit d’avance : C’est pourquoi Dieu leur enverra des illusions si efficaces, qu’ils croiront au mensonge (ce mot : enverra est mis ici pour : il permettra), non pas que ces illusions puissent leur servir d’excuses, mais pour qu’elles soient contr’eux un motif de condamnation. Et pourquoi ? Parce qu’ils n’auront pas cru à la vérité, c’est-à-dire, à Jésus-Christ, mais parce qu’ils auront consenti à l’iniquité, c’est-à-dire, à l’Antéchrist. (2 Thessaloniciens 2.10-11.)

Dieu permettra alors ces épreuves, comme il les a permises, et permettra encore dans les persécutions qui s’élèvent de temps à autre contre l’Eglise. Ce n’est pas qu’il ne puisse les empêcher, mais c’est qu’avant de couronner ses athlètes, il veut éprouver leur patience, comme il a mis à l’épreuve celle de ses Prophètes et de ses Apôtres. Il veut, avant de les mettre en possession de son héritage éternel, qu’ils s’en rendent dignes par des travaux héroïques, mais de courte durée. C’est ce qu’a dit le Prophète Daniel : Et dans ce temps sera sauvé tout votre peuple qui est inscrit dans le livre (il est évident qu’il parle ici du livre de vie). Beaucoup de ceux qui dorment au sein de la terre se réveilleront : les uns pour la vie éternelle, et les autres pour être livrés à l’opprobre, à l’ignominie dans les siècles infinis. Ceux qui auront été intelligents, brilleront comme la splendeur du firmament, et beaucoup de justes seront comme des étoiles dans les siècles des siècles et au-delà. (Daniel 12.1-3.)

XVIII.

O vous qui m’écoutez, tenez-vous donc sur vos gardes. Vous venez d’entendre les signes auxquels vous reconnaîtrez l’Antéchrist. Ne vous contentez pas de les retenir dans votre mémoire pour vous seuls ; sans jalousie faites-en part à tout le monde. Si la nature vous a donné un fils, instruisez-le, avertissez-le, fortifiez-le contre les dangers à venir ; si sur les fonts de baptême vous avez donné à l’Eglise un enfant [17], précautionnez-le contre toutes espèces de séductions, afin qu’il ne quitte pas la voie de la vérité, pour se jeter dans les sentiers de l’erreur. Car déjà le mystère d’iniquité s’accomplit. (2 Thessaloniciens 2.7.) Les guerres de nations à nations m’épouvantent ; les dissensions qui déchirent l’Eglise m’effraient ; les haines particulières qui éteignent la charité chrétienne, me font peur. Au reste, j’en ai dit assez. Puisse le ciel ne pas nous rendre témoins de tous ces malheurs ! Soyons cependant sur nos gardes. Arrêtons-nous. Voilà ce que nous avions à dire sur l’Antéchrist.

[17] Si sur les fonts du baptême vous avez donné à l’Eglise un enfant.
D’après ce passage il est permis de croire que l’auditoire n’était pas composé des seuls catéchumènes, mais que les fidèles étaient admis à ces instructions. Car c’était aux fidèles qu’était confié le soin de les catéchiser et de les relever des fonts du baptême. (Vid. Catéch. III, 13.) Quoique dans toutes les Eglises il y eût des personnes destinées à l’instruction des néophytes, beaucoup de fidèles entraînés par leur zèle prenaient sur eux ce soin à l’égard ou de leurs amis ou de leurs parents, puisque, comme nous l’avons vu (Cat. 111,13) tout fidèle baptisé confirmé, homme ou femme, pouvait évangéliser. Le S. PC. Veut même (n. 26) que quiconque pourra amener à la foi un Gentil, emploie tous ses moyens. C’est pourquoi il insiste tan ! sur le mode de réfuter les objections des Païens, des Juifs et des Hérétiques.
Enfin, les Catéchistes dont parle ici S. Cyrille, présentaient leurs néophytes aux fonts baptismaux ; et c’était sur ces parrains que reposait le soin paternel de continuer et de parachever leur éducation chrétienne. S. Clément d’Alexandrie parle aussi de la génération spirituelle des Catéchistes à peu près dans les mêmes termes que S. Cyrille : Τῷ διὰ τῆς κατηχήσεως ἀληθῆς γεννήσαντι κεῖταὶ τις μισθὸς. Ei qui per veram catechesim genuerit, quædam reposita est. secrem (Strom. lib. 11, p. 468.)

XIX.

Parlons maintenant du second avènement de Jésus-Christ. Attendons-nous à le voir du haut des cieux au milieu des nuages descendre sur la terre. C’est alors qu’on entendra sonner les trompettes de la milice céleste. Ceux-là qui sont morts en Jésus-Christ, ressusciteront les premiers ; les justes qui seront encore sur la terre, seront emportés dans les nuées, pour recevoir la récompense due à leurs travaux, pour être couronnés dans leurs corps d’une manière plus sublime, comme des athlètes qui ont combattu au-delà des forces humaines. Ainsi que l’a dit l’Apôtre Car aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l’Archange, et par le son de la trompette, le Seigneur lui-même descendra du ciel ; et ceux qui seront morts en Jésus-Christ ressusciteront d’abord. Puis nous autres qui serons vivants et qui aurons été réservés jusqu’à ce jour, nous serons emportés avec eux dans les nuées pour aller au-devant du Seigneur au milieu de l’air. Et c’est ainsi que nous serons pour jamais avec le Seigneur. (1 Thessaloniciens 4.15-16.)

XX.

L’auteur de l’Ecclésiaste avait aussi vu ce dernier avènement du Seigneur et la consommation des siècles, lorsqu’il écrivait : Réjouissez-vous donc, jeune homme, dans votre jeunesse, etc. Bannissez la colère de votre cœur, éloignez le mal de votre chair, souvenez-vous de votre Créateur, avant que les jours d’affliction soient arrivés…… Avant que le soleil, la lumière, la lune et les étoiles s’obscurcissent…. et que ceux qui regardaient par les trous soient enveloppés de ténèbres. C’est-à-dire, avant que nous soyons privés de la faculté de voir. Avant que la chaîne l’argent, c’est-à-dire, la voûte étoilée, ou la voie lactée soit rompue, et que l’anthemion d’or soit brisé[18] : Par ces mots il entend le soleil dont l’aspect est d’or. Car l’Anthemis (héliotrope) plante assez connue, porte dans sa fleur ou corolle des pétales rangés orbiculairement comme des rayons solaires. (Ecclésiaste 11.9-10 ; 12.6.) Quand on se lèvera au gazouillement du passereau, qu’on regardera d’un lieu élevé et qu’on ne trouvera que terreur sur les chemins, (Ecclésiaste 12.4-5) que verra-t-on ? C’est alors qu’on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel, (Matthieu 24.30) et la désolation se, répandra de tribus en tribus. (Zacharie 12.12.) Que se passera-t-il en ce moment ? L’amandier entrera en fleurs, la sauterelle s’engraissera, le câprier se dessèchera. (Ecclésiaste 12.5.) De même, disent les interprètes, que la fleur de l’amandier ne paraît qu’au printemps, ce sera dans la même saison que nos corps brilleront dans tout leur éclat, comme l’arbre dans sa floraison ; de même que la sauterelle reprendra son – embonpoint[19], ainsi l’âme volera avec ardeur, quoique enveloppée de son corps ; de même que le Capparis se desséchera, ainsi disparaîtront les méchants, comme de viles épines.

[18] Que l’Anthémion d’or soit brisé.
Le texte de l’auteur dit avec les Septante, Anthemion, que la Vulgate et S. Jérôme ont traduit par Vitta ou bandelette. Mais d’après l’explication que donne ici S. Cyrille lui-même du mot Anthemis, que nous reconnaissons avec Dioscoride pour être l’Argemone ou Camomille, nous eussions dù peut-être dire : Que la couronne d’or soit brisée. Ce mot Anthemion, pris au neutre, désigne toutes espèces de fleurs radiées, comme les grandes et petites pâquerettes, les tournesols, et les héliotropes. (Note du Traduct.)

[19] De même que la sauterelle reprendra son embonpoint.
Comme c’est de la création que date le printemps, comme c’est au printemps que la résurrection de Jésus-Christ a eu lieu, ce sera aussi au printemps qu’aura lieu la résurrection générale. Telle est l’opinion de S. Cyrille ; elle lui est commune avec plusieurs Pères de l’Eglise, au dire de Cosme l’Egyptien. (Lib. V, Topographia Christiana.) On la retrouve, au reste, clairement énoncée dans le III livre du Pasteur Hermas, 3e et 4e similitude ; dans l’auteur de l’Opus Imperf., sur S. Matth. (cap. XXV, 12) qu’on attribue à S. Jean Chrysostome, et dans la Vème Homélie de S. Macaire.
Le S. PC. prend ensuite dans un sens prophétique l’état d’embonpoint où seront alors les sauterelles, animal ailé, pour marquer la résurrection, lorsque l’âme reprendra son corps, leurs ailes servant ici à désigner la subtilité, l’agilité, l’ardeur avec laquelle les âmes rechercheront et reprendront leur corps.
Car, dans le style des Pères, les ailes sont toujours l’emblème des affections de l’âme. S. Grégoire de Nysse emploie la même figure pour peindre l’état de l’âme, lorsqu’elle aura recouvré la possession de son corps. (Vid. Orat. de anima et resurrect. p. 244, et In Nativit. Dom. p. 340) ; et le commentaire sur ces paroles du Psalm. : Constituite diem solemnem in condensis. Psaumes 117.27.

XXI.

Vous connaissez maintenant tous ceux qui ont prédit le dernier avènement du Sauveur. Vous voyez comment ils ont entendu la voix du passereau. Apprenons nous-mêmes à l’entendre. Car, aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l’Archange, le Seigneur lui-même descendra du ciel, au son de la trompette de Dieu. (1 Thessaloniciens 4.16.) L’Archange proclamera les ordres du Très-Haut, et criera au milieu des tombeaux : Levez-vous, sortez à la rencontre du Seigneur. (Matthieu 6.6-7 ; Ephésiens 5.14.) Cette descente sera terrible. Ecoutons le Roi-Prophète : Dieu viendra dans toute sa splendeur. Oui, notre Dieu viendra, et ce ne sera pas dans le silence. Un feu dévorant courra devant lui, il sera escorté d’une violente tempête. (Psaumes 49.3.) Il viendra le Fils de l’homme, il s’avancera jusqu’à l’Ancien des jours. (Daniel 7.13.) Ainsi que le dit le Prophète dont nous avons fait lecture, il viendra porté sur les nuées du ciel. Ses yeux seront des torrents de feu, dans lesquels les mortels seront éprouvés. Celui qui aura pour lui des œuvres d’or, en sortira plus éclatant ; celui-là, au contraire, qui n’aura que des œuvres futiles sera, comme la paille, la proie des flammes. Et l’Ancien des jours (le Père) paraîtra sur son trône, vêtu de blanc comme neige, sa chevelure le disputera à la laine la plus pure. (Daniel 7.9.) C’est du langage des hommes que le Prophète emprunte les couleurs dont il trace la peinture qu’il fait de Dieu. Pourquoi ? Pour nous montrer que celui dont il parle, n’est pas le Dieu de ceux qui sont souillés d’iniquités. Car, dit-il, j’effacerai vos péchés, et je vous rendrai blancs comme neige et comme la laine la plus pure. (Esaïe 1.18.) Ce qui sera le signe de l’innocence ou de la rémission des péchés.

Le Seigneur qui s’est élevé au ciel sur les nuées, (Actes 1.9) descendra du ciel sur les nuées. Car c’est lui-même qui a dit : Et ils verront le Fils de l’homme qui viendra sur les nuées du ciel, avec une grande puissance, et avec une grande gloire. (Matthieu 24.30.)

XXII.

Quel sera le signe infaillible de son avènement ? Car il doit être tel qu’aucune puissance ennemie ne le puisse imiter. Alors le signe du Fils de l’homme, est-il dit, paraîtra dans le ciel. (Matthieu 24.30.) Mais quel est le véritable signe et le seul propre à Notre-Seigneur Jésus-Christ ? C’est incontestablement sa croix. C’est sous cet étendard lumineux que paraîtra le Roi des rois, qui fut crucifié, pour qu’à la vue de ce signe les Juifs, les auteurs de sa Passion, qui l’ont environné d’embûches, le reconnaissent, et que dans leur effroi on les entende s’écrier de tribus en tribus : « Voilà celui que nous avons souffleté et conspué ; voilà celui que nous avons lié, garrotté, flagellé ; voilà celui d’entre nous que nous avons crucifié, après en avoir fait le sujet de nos dérisions. Où fuirons-nous ? Où chercherons-nous un asyle contre sa colère ? » En effet, cernés de toutes parts par des légions d’Anges, ils ne pourront se soustraire à sa vengeance. La croix sera pour ses ennemis un sujet d’horreur et d’épouvante, et un sujet de triomphe pour ceux qui auront cru en elle, qui l’auront prêchée, qui auront souffert pour elle. Heureux le mortel que le Christ reconnaîtra alors pour son ami !

Car ce Roi dans sa puissance, dans sa gloire, au milieu de ses légions d’Anges, assis à la droite de son Père, reconnaîtra ses fidèles serviteurs. Et pour que les élus ne soient pas confondus avec les réprouvés, il enverra ses Anges qui feront entendre la trompette éclatante, et qui rassembleront les élus des quatre vents. (Matthieu 24.31.) Si Dieu ne perdit pas de vue Loth qui dans Sodome se trouvait être l’unique juste, comment pourrait-il confondre tant de milliers de justes avec tant de réprouvés ? VENEZ, dira-t-il, à ceux que les Anges auront rassemblés, qui accourront à lui, portés sur les nuées, venez, vous êtes les bénis de mon Père. (Ibid. XXV, 34.)

XXIII.

Parmi vous, quelqu’un pourrait peut-être dire « Je suis pauvre, et au milieu de cette catastrophe je pourrais par hasard être surpris par la maladie dans mon lit, privé de forces et de secours ; et moi, femme, je serai peut-être au moulin ; ne nous laissera-t-on pas de côté, comme des êtres méprisables ? » Rassurez-vous, homme ; le souverain Juge ne fait acception de personne. Il ne jugera pas suivant le rang qu’on tient dans le monde ; et l’éloquence n’aura aucun accès devant lui. (Esaïe 11.3. Sept.) Le savant comme l’ignorant, le riche comme le pauvre, comparaîtront tous également ; et fussiez-vous égaré dans les champs, les Anges sauront vous recueillir. (Matthieu 24.40.)

Ne vous imaginez pas qu’alors il ne s’agira que des maîtres de la terre, que l’homme des champs sera délaissé. Pauvres ou esclaves, soyez sans inquiétude. Celui qui a paru au milieu de nous sous la forme de l’esclave, ne méprisera pas alors l’esclave. Fussiez-vous alors gisant dans un lit de douleur, vous n’y serez pas oublié ; car il est écrit : De deux personnes qui seront couchées dans le même lit, l’une sera prise, l’autre laissée. (Luc 17.34).

Si le besoin ou la nécessité vous retient au moulin, soit homme soit femme, si vous avez des enfants, si vous êtes condamné à tourner la meule, rassurez-vous : Celui qui délivra et mit en liberté ceux qui étaient dans les fers (Psaumes 67.7) ; celui qui sut affranchir Joseph, le porter de la prison sur les marches du trône, saura aussi vous racheter, mettre un terme à vos maux, et vous donner une place dans le royaume des cieux. Prenez seulement courage, travaillez sans relâche, combattez gaiement. Car aucune de vos bonnes actions ne sera perdue. Tout est scrupuleusement écrit ; vos prières, vos oraisons, vos aumônes, vos jeûnes, votre vie passée, soit dans un mariage chaste et chrétien, soit dans le célibat, soit dans la viduité supportée en vue de Dieu, tout est écrit dans le livre de vie. C’est à la virginité, c’est à la continence que les plus belles couronnes sont réservées, et l’éclat des vierges le disputera à celui même des Anges.

Mais si vous avez pris plaisir à considérer avec moi le tableau des récompenses destinées aux justes, il faut également vous résoudre à écouter avec patience le sort que la justice divine réserve aux méchants. Car il faut vous le dire : vous trouverez aussi écrits toutes vos rapines, toutes vos injustices, vos fornications, vos parjures, vos blasphèmes, vos empoisonnements, vos homicides, et tous les péchés que vous pourriez avoir eu le malheur de commettre après votre baptême ; car tous ceux commis antérieurement seront effacés.

XXIV.

Quand le Fils de l’homme viendra, ce sera dans toute sa gloire, et tous les Anges seront avec lui. (Matthieu 25.31.) Voyez, ô homme ! en présence de quelle multitude de témoins vous comparaîtrez au tribunal de Dieu. Toute la création assistera à votre jugement. Mettez-vous sous les yeux cette innombrable nation Romaine qui est existante aujourd’hui, cette multitude de barbares qui vivent actuellement hors de l’Empire ; ajoutez à votre calcul tous ceux que la mort a moissonnés depuis un siècle ; à ce siècle ajoutez-y encore mille ans, que dis-je, entassez toutes les générations réduites en poudre depuis Adam jusqu’à vous : ce nombre, s’il en est un, nous épouvante. Eh bien ! il est encore peu de choses en comparaison de celui des esprits célestes. Tous ensemble forment un troupeau de quatre-vingt-dix-neuf brebis, tandis que le genre humain pris collectivement n’en fait qu’un. (Matthieu 18.12 ; Luc 15.4.) Car si on peut estimer approximativement une population’ quelconque sur l’étendue de son territoire, et si la terre n’est qu’un point relativement à l’espace qu’occupe l’univers entier, si le ciel qui enveloppe la terre, contient une population proportionnée à son extension ; on trouvera que le nombre des esprits célestes est infiniment au-dessus de tout ce que la terre a pu produire et contenir d’hommes depuis la création. Au reste, nous lisons dans les Livres saints : Mille milliers d’Anges le servaient, et dix mille dizaines de milliers l’escortaient. (Daniel 7.10.) On voit ici que le Prophète n’a pas voulu en spécifier le nombre, mais nous donner seulement une idée approximative de leur prodigieuse multitude.

Dieu le Père siégera assisté de Jésus-Christ, en présence du Saint-Esprit[20]. C’est alors que la trompette des Anges nous citera tous au redoutable tribunal ; nous y comparaîtrons tous chargés de nos œuvres bonnes ou mauvaises. Cette attente ne doit-elle pas, dès ce moment même, nous frapper d’une terreur salutaire ? Ne croyez pas, vous qui m’écoutez, qu’une condamnation subie en face d’une si nombreuse assistance, abstraction faite du supplice, soit une peine légère. N’aimerions-nous pas mieux mille fois mourir que d’entendre notre condamnation sortir de la bouche de nos amis mêmes ?

[20] Dieu le Père siégera assisté de Jésus-Christ, en présence du Saint-Esprit.
S. Cyrille affecte de ne jamais séparer le Saint-Esprit des deux autres personnes de la Trinité, comme on a dû le remarquer dans la Procatéchèse n. 15. Il paraît ici avoir en vue de combattre la doctrine de ceux qui soutenaient que le Saint-Esprit était étranger au jugement dernier. S. Basile combat fortement dans son livre de Spiritu sancto cette hérésie qui paraît empruntée des Ariens et des Pneumatomaques ou Macédoniens.

XXV.

Tremblons donc, mes Frères, dans l’attente de ce jour si redoutable pour les méchants ; tremblons d’entendre sortir notre arrêt de mort de la bouche de celui qui n’a besoin, pour nous confondre, ni d’enquêtes, ni de témoins, ni d’accusateurs. Ne vous fiez pas aux ténèbres dont vous étiez enveloppés, lorsque vous péchâtes. Ne dites pas C’est la nuit que j’ai donné un libre cours à mes honteuses passions, que je me suis livré aux opérations magiques ; c’est la nuit qui a couvert de ses voiles mes iniquités, aucun mortel n’en a été témoin. Il n’y a que ma conscience qui peut seule me les reprocher. Eh bien ! c’est cette conscience, qui déposera contre vous ; c’est elle qui vous accusera ; c’est elle qui prononcera votre arrêt, entre les réflexions et les pensées qui vous accuseront, ou vous défendront au jour où Dieu jugera par Jésus-Christ tout ce qui est caché dans le cœur des hommes. (Romains 2.15-16.) L’œil terrible du Juge vous forcera à dire toute la vérité, ou plutôt vous convaincra en dépit de votre silence. Car là vous comparaîtrez comme enveloppé de vos œuvres bonnes et mauvaises. C’est ce que le Juge (c’est-à-dire Jésus-Christ) nous a notifié lorsqu’il a dit : Le Père ne juge personne, mais il a donné tout pouvoir au Fils de juger. (Jean 5.22.) Le Père juge par le Fils, sans se dépouiller de son autorité suprême. Ainsi le Fils juge de l’aveu du Père, parce qu’il n’y a pas deux volontés entre le Père et le Fils, et que celle de l’un est essentiellement celle de l’autre.

Que dira donc le Juge ? Faudra-t-il, oui ou non, produire le tableau de toute votre vie ? Toutes les nations s’assembleront devant lui. (Matthieu 25.32.) Car il faut que tout genou dans le ciel, sur la terre et dans les enfers fléchisse devant le Christ. (Philippiens 2.10.) Puis il séparera les uns d’avec les autres, comme un berger sépare les brebis d’avec les boucs. (Matthieu 25.32) Et comment le pasteur opère-t-il cette séparation ? Va-t-il chercher dans un registre les individus inscrits sous le nom de brebis ou de bouc ? Ne les juge-t-il pas à leur aspect particulier ? N’est-ce pas à la laine qu’il reconnaît la brebis ? N’est-ce pas cette peau velue, brune, puante, rude, qui lui indique le bouc ? Eh bien ! telle sera votre image. Si vous êtes purifié de vos péchés, toutes vos œuvres seront pour vous la toison de la brebis, la laine la plus blanche (Isaï. I, 18) ; votre vêtement sera sans tache, et vous direz toujours : Je me suis dépouillé de ma robe ; comment la reprendrai-je ? (Cantique 5.3.) C’est donc à la toison que vous serez reconnu comme brebis ; mais si un poil long, rude et âpre vous trahit, découvre en vous un esprit sauvage et rétif, comme dans Esaü qui pour de vils aliments sacrifia ses droits les plus précieux, vendit sa prérogative la plus noble, celle de premier-né (Genèse 25.33) vous serez rejeté au côté gauche.

Que le ciel détourne de dessus vos têtes le malheur d’être infidèles à la grâce, ou d’être par vos péchés rejetés au nombre des réprouvés.

XXVI.

Oui, le jugement dernier est fait pour nous glacer d’effroi, en raison des suites terribles que les Livres saints nous en font connaître. C’est du royaume des cieux ou du feu éternel qu’il s’agira pour nous dans cet instant redoutable. (Matthieu 25.46.)

Comment, dira-t-on, pourrons-nous échapper aux feux éternels ? ‘ Comment pourrons-nous prendre possession du royaume des cieux ? Comment ? Eh ! le Seigneur vous l’a dit : J’ai eu faim, vous m’avez donné à manger. (Ibid. 35.) Voilà le comment. Ici il n’y a point de paraboles, point d’allégories, il ne s’agit que d’exécuter à la lettre ce qu’il nous dit : J’ai eu faim, vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, vous m’avez donné à boire ; j’ai été sans asile, vous m’avez recueilli sous le toit hospitalier ; j’ai été nu, vous m’avez revêtu ; j’ai été malade, vous m’avez visité ; j’ai été en prison, et vous êtes venu à moi. (Ibid. 36.) Voilà comment vous pourrez vous soustraire aux malheurs éternels qui nous menacent tous : faites ce qu’il vous a dit, et vous régnerez avec lui ; méprisez ce qu’il a dit, et vous serez impitoyablement condamné.

Sans plus tarder, mettez-vous à l’œuvre. Persévérez dans la foi, gardez-vous d’imiter les vierges folles, et de vous exposer, après avoir acheté votre huile, à trouver les portes fermées. (Matthieu 25.10-12.) N’allez pas croire qu’il vous suffira d’avoir votre lampe à la main ; il faudra encore qu’elle brûle. Il faudra que votre lampe, c’est-à-dire, l’éclat de vos bonnes œuvres brille aux yeux des hommes, et que votre exemple ne donne pas aux autres l’occasion de blasphémer le nom de Dieu. (Romains 2.24.) Revêtez-vous du manteau de l’incorruptibilité[21] (1 Corinthiens 15.53) et de l’éclat des vertus. (1 Timothée 2.10.) Soyez exact et fidèle dans toute administration que la Providence vous aura confiée. Est-ce de l’argent qu’elle a remis entre vos mains ? Dépensez-le selon ses vues. Vous a-t-elle constitué l’économe de la parole de vérité ? Mettez-vous en état de rendre un compte fidèle, comme un digne et fidèle serviteur. Vous a-t-elle donné le don de la parole (2 Timothée 2.25) celui de réduire sous le joug de la foi l’esprit de vos auditeurs ? (Actes 21.40.) Acquittez-vous-en comme un fidèle mandataire. Dans le service de Dieu, mille portes sont ouvertes à l’ardeur du zèle. Toutes les fonctions y sont nobles. Prenons garde seulement que, pendant que nous marchons avec confiance au-devant du Roi éternel, de Jésus-Christ qui règne dans les siècles des siècles, quelqu’un d’entre nous ne soit frappé de réprobation. Car le règne est éternel de celui qui juge les vivants et les morts, et qui est mort pour les uns et pour les autres. Car, comme dit l’Apôtre, c’est pour cela même que le Christ est mort, c’est pour avoir un empire souverain sur les morts et sur les vivants. (Romains 14.9.)

[21] Revêtez-vous du manteau de l’incorruptibilité.
ἔνδυμα ἀφθαρσίας.
Cette locution est très-fréquente dans la liturgie grecque. Voyez les Constit. Apost. 1. VI, c. 8 ; Grég. de Naz. Orat. XLII ; Chrysost. Homil. II in 2 ad Corinth.

XXVII.

Si par hasard vous entendez dire à quelqu’un que le règne de Jésus-Christ doit avoir un terme[22] anathématisez sans crainte cette doctrine. C’est une nouvelle tête que l’hydre de l’hérésie vient encore de lever dans les environs de la Galatie. Un nouveau suppôt de l’esprit de ténèbres a osé prêcher que la fin du monde serait aussi la fin du règne de Jésus-Christ. Il a été assez téméraire, pour établir, en point de doctrine, que le Verbe émané du Père par la génération rentrerait alors dans le sein de son Père pour n’en plus sortir. Cet apôtre d’impiété n’a jamais entendu ces paroles du Sauveur : L’esclave ne demeure pas toujours en la maison, mais le Fils y demeure toujours (Jean 8.35) ni celles de l’Archange Gabriel qui a dit : Et il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin. (Luc 1.32-33.) Voilà ce qui est écrit. Voilà les paroles auxquelles des hommes, sont assez pervers pour donner un démenti. Auquel des deux ajouterez-vous foi ? Ou aux paroles de l’Archange, ou au téméraire qui se met en contradiction formelle avec lui ?

[22] Que le règne de Jésus-Christ doit avoir un terme.
C’est Marcel d’Ancyre que Cyrille paraît signaler ici, sans le nommer. Dans un livre qu’il avait écrit contre Astorius sophiste Arien, voulant expliquer la subjection du Fils à l’égard du Père, Marcel parut renouveler l’hérésie de Sabellius et de Paul de Samosate. Il fut gravement censuré au concile de Jérusalem l’an 335. Il promit de brûler son livre. Il alla ensuite trouver l’Empereur Constantin qui le renvoya au concile de CP. de l’an 336, où les Ariens qui dominaient le déposèrent, et mirent à sa place Basile. Marcel alla à Rome, centre de l’unité catholique ; il y fut jugé orthodoxe par le pape Jules Ier dans un concile tenu l’an 341. Il fut encore absous et rétabli au concile de Sardique l’an 347. Il mourut dans un âge très-avancé en 374. Après ces témoignages si favorables, on ne peut guère douter que S. Hilaire, S. Cyrille, S. Basile, S. Athanase, S. Chrysostôme, Sulpice Sévère, qui ont accusé Marcel d’Ancyre de Sabellianisme, n’aient été induits en erreur sur son compte par les clameurs des Ariens.
Mais que le lecteur se rappelle ce que nous avons dit dans la vie de S. Cyrille. La fermentation était alors extrême dans tous les esprits ; il était très-difficile à un théologien de s’expliquer d’une manière assez correcte, pour ne pas donner prise aux accusations de Sabellianisme ou d’Arianisme. Tillemont, après avoir rapporté et pesé les témoignages, n’a pas osé porter un jugement.
On peut encore consulter Coll. Patr. t. II, De dom Montfaucon.

Remontons plus haut. Ecoutons le Prophète Daniel : Je voyais dans une vision de la nuit ; et voilà qu’avec les nuées du ciel je vis venir comme qui dirait le Fils de l’homme. Il parvint jusqu’à l’Ancien des jours. Il lui fut donné honneur, principauté, empire ; et tous les peuples, toutes les tribus, toutes les langues le serviront. Sa puissance qui sera éternelle, ne passera pas, et son royaume ne sera jamais détruit. (Daniel 7.13-14.) Tenez-vous-en à ces paroles ; elles sont plus sûres que celles qui sortent de la bouche de l’hérésie. Ces témoignages que vous venez d’entendre sont assez positifs pour vous convaincre que le règne du Christ n’aura jamais de fin.

XXVIII.

Vous avez quelque chose de semblable dans l’explication de la pierre qui se détache d’elle-même de la montagne. (Daniel 2.34.) Cette pierre est la figure de Jésus-Christ incarné, dont l’empire ne tombera pas entre les mains d’un autre peuple. (Ibid. 44.)

Le Roi-Prophète nous dit aussi quelque part : Votre trône, ô Dieu, subsistera éternellement. (Psaumes 44.7.) Vous avez, Seigneur, dit-il ailleurs, vous avez dès le commencement jeté les fondements de la terre ; ils périront, mais vous existerez à jamais ; mais vous êtes toujours le même, et vos années ne passeront pas. (Psaumes 101.26-28.) Telles sont les paroles dont l’Apôtre fait l’application à la personne de Jésus-Christ même. (Hébreux 1.8, 10, etc.)

XXIX.

Voulez-vous connaître la source où ces Docteurs ont puisé leur délirante doctrine ? C’est dans ces paroles de l’Apôtre qu’ils lisent mal, et qui sont néanmoins très – claires : Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. (1 Corinthiens 15.25 ; Psaumes 109.4.) De là ils argumentent et disent : Son règne cessera donc lorsqu’il aura subjugué tous ses ennemis. Folie ! Absurdité ! Est-ce que celui qui a régné tant qu’il avait des ennemis à combattre, cessera de régner lorsqu’il n’en aura plus ? Son empire ne sera-t-il d’autant plus stable, qu’il ne rencontrera plus d’adversaires ?

XXX.

Le même Apôtre a dit encore : Lorsque toutes choses auront été assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti à celui qui lui aura assujetti toutes choses. (Ibid. 28.) De ces paroles ils ont follement[23] conclu qu’alors le Fils rentrerait dans le sein de son Père. O folie ! O extravagante impiété ! Quoi ! Vous qui êtes l’œuvre de ses mains, vous aurez l’immortalité en partage, et le Christ qui vous a créé, vous et tout ce qui existe, rentrera dans le néant ! Quel épouvantable blasphème ! Comment toute la création lui sera-t-elle soumise ? Sera-ce dans le néant, ou dans son existence ? Dans ce dernier cas, ce qui sera soumis au Fils sera impérissable, et le Fils soumis au Père périra ?

[23] De ces paroles ils ont follement conclu.
L’objection que fait ici S. Cyrille se trouve sous le nom de Marcel d’Ancyre dans les fragments de sa doctrine qu’Eusèbe nous a conservés. Au reste, cette soumission de Jésus-Christ envers son Père que les Pères ont en général interprétée de Jésus-Christ comme homme, est selon notre auteur une soumission filiale, non servile du Fils au Père de toute éternité.

Oui, il sera soumis ; ce n’est pas à dire qu’alors seulement il commencera à faire la volonté de son Père ; car de toute éternité il a fait ce qui lui était agréable. (Joh. VIII, 29.) Mais c’est qu’alors son obéissance sera spontanée, sans contrainte, sans nécessité. Car il n’est pas esclave, soumis aux lois de la nécessité ; mais il est Fils, et comme tel il obéira par sentiment et par amour.

XXXI.

Demandons-leur ce qu’ils entendent par ces mots : Jusqu’à quand, quousque ; jusqu’à ce que, donec, et quel sens ils leur attachent. Car quant à moi, c’est avec ces mots, sans changer de terrain, que je vais mettre au jour leur erreur grossière. Et, puisqu’ils sont assez audacieux, pour appuyer leur doctrine mensongère sur ces paroles de l’Apôtre : Jusqu’à ce qu’il ait mis ses ennemis sous ses pieds, pour en conclure que son règne aura une fin, et pour effacer par des bornes l’éternité de son empire, lisons ensemble ces autres paroles du même Apôtre : Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse. (Romains 5.14.) Est-ce que la mort qui avait régné jusqu’à Moïse a cessé d’exercer ses rigueurs sur le genre humain, après le décès du législateur ? Vous voyez donc clairement que le mot : jusqu’à ce que, n’indique pas dans le style hagiographique une époque finale ; qu’au contraire S. Paul a voulu dire que, quoique Moïse eût été un homme juste et admirable, la mort qui, depuis Adam jusqu’à lui, avait frappé indistinctement tout le genre humain, ne l’avait pas plus épargné que les autres, malgré qu’ils n’eussent pas péché comme Adam, en mangeant du fruit défendu.

XXXII.

Voici encore un autre passage du même Apôtre : Car jusqu’à ce jour un voile a été posé sur leur cœur, lorsqu’ils lisent Moïse. (2 Corinthiens 3.14.) Ce mot : jusqu’à ce jour, ne s’étend-il que jusqu’à Paul ? N’embrasse-t-il pas tous les siècles à venir jusqu’à leur consommation ? Si le même Apôtre dit aux Corinthiens : Car nous sommes arrivés jusqu’à vous, en prêchant l’Evangile de Jésus-Christ, dans l’espérance que votre foi toujours croissante nous permettra de porter l’Evangile aux nations plus éloignées que vous (2 Corinthiens 10.14-15) ne voyez-vous pas que le mot : jusque, loin de mettre un terme à la prédication de Paul, en indique au contraire la continuation ?

Dans quel sens devez-vous donc prendre ces mots : Jusqu’à ce qu’il ait mis ses ennemis, etc. ? Dans le même sens que Paul a dit ailleurs : Exhortez-vous chaque jour les uns les autres, pendant que ce temps s’appelle aujourd’hui (quoad hodiernus dies appellatur) (Hébreux 3.13) c’est-à-dire toujours, sans discontinuer. Car de même qu’on ne peut dans le temps assigner à Jésus-Christ un principe quelconque (Hébreux 7.3) vous ne devez également pas souffrir qu’on fixe un terme à la durée de son règne, ainsi qu’il est écrit : Son règne est un règne éternel. (Daniel 3.33.)

XXXIII.

J’aurais encore beaucoup d’autres témoignages des Livres saints à vous apporter en preuves de la perpétuité du règne de Jésus-Christ ; mais l’heure avancée me force à me borner à ce que je viens de vous en citer.

Au reste, mon cher Auditeur, souvenez-vous bien que vous ne devez adorer que ce seul Roi, que vous devez rejeter au nombre des hérétiques, et par conséquent fuir tous ceux que vous verrez s’écarter de cette doctrine. Si Dieu m’en fait la grâce, je vous expliquerai ce qui vous reste à savoir sur le symbole.

Que Dieu, auteur et principe de toutes grâces, vous couvre de sa protection, vous fasse celle de ne pas perdre le souvenir des signes avant-coureurs de la consommation des siècles, et de ne pas tomber sous la puissance de l’Antéchrist.

Vous avez entendu les caractères distinctifs auxquels vous reconnaîtrez l’imposteur des derniers temps, les preuves de l’avènement du vrai Christ qui descendra encore des cieux, et se manifestera aux yeux de tous.

Fuyez donc en face de l’erreur et du mensonge, et attendez en paix l’Auteur de toute vérité. Vous connaissez le chemin sur lequel vous devez être, pour avoir une place à droite, au jugement dernier. Gardez le dépôt qui vous a été confié (1 Timothée 6.20) ; ornez-vous de bonnes œuvres (1 Timothée 2.10) pour paraître avec confiance en présence du souverain Juge, et pour entrer en possession du royaume céleste. Je vous en conjure par Jésus-Christ, par qui et avec qui gloire est à Dieu, avec le Saint-Esprit dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

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