Nous voulons, pour conclure, présenter quelques considérations qui, avec la grâce de Dieu, nous permettront de comprendre la question d'une manière plus parfaite, et de pénétrer plus complètement dans la volonté divine.
Nous proposons trois sortes de considérations : un regard tourné vers le dedans (point de vue analytique) ; un regard en haut (point de vue de la piété) ; un regard au dehors (point de vue pratique).
Ici nous essayons de sonder les dons eux-mêmes, avec le respect qui s'impose dès que l'on tente d'analyser les opérations de l'Esprit de Dieu. Prenons garde à la manière dont nous regardons dans l'Arche Sainte ; néanmoins une telle étude a sa raison d'être ; elle est même indispensable, à notre sens, pour ceux qui sont appelés à être docteurs ou conducteurs d'âmes. Cette étude n'est pas sans dangers. Il faut se souvenir que, pour le moment, « nous connaissons en partie » seulement, et nous devons nous comporter don avec humilité à l'égard des mystères de Dieu.
Le point essentiel dans l'analyse des dons est l'INSPIRATION. Si l’on enlevait ce trait d’un tableau des dons de l’Esprit, on les affaiblirait au delà de toute mesure au point de les rendre méconnaissables.
Tous les fondamentalistes (Autre nom des protestants orthodoxes, par opposition aux modernistes, dans les pays anglo-saxons.) admettent d'une manière à peu près unanime l'élément surnaturel, c'est-à-dire l'élément d'inspiration, des dons spirituels de l'Eglise primitive, au moins en ce qui concerne les guérisons, les miracles, la prophétie, ou les langues. La logique exige, croyons-nous, que l'on étende, comme nous l'avons fait, cet élément surnaturel à la totalité des dons. C'est la seule manière d'interpréter ce qu'en dit le Nouveau. Testament, la seule qui rende justice aux dons. Il faut maintenir jalousement cette conception de l'inspiration, sans quoi tout exercice des dons spirituels perdra vite son efficacité et sa puissance. La notion d'inspiration doit être clairement définie, et avec mesure, afin qu'elle ne devienne pas la source du fanatisme le plus extravagant.
Qu'est-ce que l'inspiration ? La plupart d'entre nous ne peuvent donner qu'une définition vague. On parle souvent d'inspiration en poésie, en musique, en peinture, etc.
Le dictionnaire définit un état d'inspiration « un état où l'on subit l'instruction ou l'influence d'une puissance supérieure. » Cela implique que l'on est conduit par quelque puissance extérieure à sa propre personnalité. Malheureusement, de nos jours, dans le peuple, on se tourne beaucoup vers le spiritisme pour trouver une telle inspiration : inspiration conforme à la définition du dictionnaire sans doute, mais la puissance supérieure qui est à l'oeuvre, est, nous le craignons, démoniaque. Le préjugé et la crainte ne doivent pas cependant nous empêcher de voir qu'il est possible que les croyants remplis du Saint-Esprit soient authentiquement inspirés, et conduits par l'Esprit de Dieu, conformément aux Ecritures. La Bible, parlant de cette inspiration, dit que « les saints hommes de Dieu ont parlé, poussés par le Saint-Esprit. » (II Pierre 1:21). Nous ne prétendons pas, hâtons-nous de le dire, qu'il puisse y avoir de nos jours une inspiration infaillible ; nous croyons que, sous ce rapport, l'inspiration a cessé depuis l'achèvement du canon. Mais nous croyons que l'inspiration doit continuer à travers toute l'économie présente, en l'entendant au sens où les dons spirituels de l'Eglise primitive étaient inspirés. Nous avons déjà dit que ces dons n'étaient pas regardés, même alors, comme infaillibles, et c'est une erreur de croire qu'aux temps apostoliques ils auraient été placés au même rang que les Ecritures.
Une fois reconnu en principe que deux personnalités sont à l'œuvre dans l'inspiration qui se manifeste par le moyen des dons, la personnalité du croyant, et celle du Saint-Esprit, on peut comprendre beaucoup plus clairement les textes qui les concernent, et résoudre beaucoup plus facilement les problèmes pratiques qu'ils soulèvent. Presque toutes les difficultés viennent de ce que l'on n'a pas reconnu ou admis ce principe. Quelques-uns n'ont voulu voir que le côté divin, et se sont imaginés que la personnalité humaine était anéantie durant l'exercice des dons spirituels : ils se trouvent très embarrassés par les instructions de I Cor. 14, qui supposent que le croyant dispose du don à volonté. Dès qu'une imperfection apparaît., dès que la personnalité de l'individu entre en jeu, ils ne voient plus que le côté humain, et prétendent rejeter le tout. Cela n'a pas plus de bon sens que l'attitude opposée qui v eut faire passer toute extravagance comme venant de l'Esprit de Dieu.
L'exercice idéal du don spirituel a lieu quand le croyant est tout entier dirigé par le Saint-Esprit. Dans ces conditions le don est « selon l'Esprit » ; il glorifie Dieu et accomplit sa volonté. L'idéal n'est pas toujours atteint, et par conséquent l'inspiration peut varier en degré, à la fois selon les individus, et pour un même individu, selon les moments. C'est ce que suppose la doctrine de I Cor. 14, et c'est pour cela qu'il nous est dit d'éprouver toutes choses et de retenir ce qui est bon. (I Thess. 5.19-21).
Puisqu'il peut y avoir inspiration de nos jours, il faut aussi mettre en pratique le commandement apostolique : « Eprouvez les esprits. » (I Jean 4.1-6) ; on ne doit donc accepter aucun ministère agissant par inspiration sans appliquer les critères fournis par l'Ecriture. Les critères de l'Ecriture, disons-nous, et non ceux que dicteraient notre fantaisie, une tradition humaine, ou un préjugé.
Ici, nous faisons halte pour admirer, aimer et louer. Le but d'un don est toujours de nous conduire au Donateur.
Les dons de l'Esprit sont toujours pour le croyant une occasion d'adorer ; ils lui rappellent constamment la présence de Dieu. Ils doivent donner même à l'incroyant, quand on les exerce d'une manière convenable, un sens si net de la présence de Dieu qu'il éveille la conviction du péché (Actes 2 ; I Cor. 14.25).
Rien n'est plus navrant que de voir des chrétiens se mettre à jouer avec les dons spirituels, comme des enfants s'amusent avec leurs jouets, en jouissant, seulement pour eux-mêmes, en tirant une satisfaction et une gloire personnelles ; et puis, soudain, perdant la notion de leur grandeur, et les négligeant comme un enfant fait de ses jouets. Combien cela doit attrister le Saint-Esprit.
Ces dons glorieux sont des manifestations du SAINT-ESPRIT. C'est dire qu'ils proviennent de la divinité elle-même. Si nous les ramenons avec respect à leur source, nous trouvons qu'ils nous placent parmi les Attributs mêmes de Dieu. Quand nous nous élevons sur les cimes de la communion avec Dieu, nous commençons de découvrir que les neuf manifestations de l'Esprit mentionnées par Paul dans I Cor. 12.8-11, contiennent bien autre chose que des formes particulières de ministères dans les assemblées. Ils sont aussi des indications et des types [1], des exemples et des éléments, de ces voies éternelles de l'activité divine par lesquelles l'Esprit de Dieu a opéré à travers tous les siècles. En dernière analyse, ils révèlent LE SEIGNEUR dans toute sa puissance et sa sagesse infiniment variées.
[1] Dans la langue théologique, un type (grec typos) est une image réelle (l'une vérité divine, c'est-à-dire un fait, un personnage. un objet qui, par leur nature même, correspondent à des réalités divines plus profondes. (Trad.).
Les dons de guérison par exemple, ne sont qu'un ruisselet venant du grand fleuve de vie, la vie même du Dieu vivant. en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être. Les dons de sagesse et de connaissance sont comme une clé qui nous ouvre un peu les immenses trésors de sagesse et de connaissance qui résident en Christ (Colossiens 2.3). Par le discernement des esprits nous participons à l'attribut glorieux et redoutable de la toute-science par lequel tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte, le Créateur tout-puissant qui seul voit parfaitement le commencement et la fin de toutes choses. Peut-être le plus précieux de tous les dons est-il celui qui révèle l'émotion de Dieu, le don de prophétie, don merveilleux par lequel l'âme de l'homme peut en quelque mesure être à l'unisson du coeur d'un Dieu infini, et laisser passer en elle quelque chose de la passion, des appels, de l'indignation ou de la tendresse de Notre Père.
Un champ très vaste s'ouvre devant celui qui veut étudier avec piété les dons spirituels. Leur étude accroîtra grandement notre connaissance de celui dont il est dit que la vie éternelle, c'est de le connaître. LE BUT DES DONS EST DE NOUS CONDUIRE AU DONATEUR.
Pour finir, il faut jeter les regards alentour. L'analyse a son rôle à jouer, il est bon de regarder au-dedans, mais il y a quelque chose de malsain, spirituellement, à s'absorber dans les expériences chrétiennes. Bien qu'il soit vrai que les dons spirituels atteignent leur but le plus élevé quand ils apportent à l'âme une communion plus intime avec Dieu et une connaissance plus profonde du Tout-Puissant, toutefois nous ne devons pas nous enfermer dans un mysticisme stérile.
Un monde immense entoure chacun de nous ; des millions d'hommes, nos frères, cherchent à trouver Dieu, si seulement ils pouvaient le trouver ! Hommes ayant faim et soif, hommes indifférents à tout ce qui est invisible et éternel, hommes aveuglés par le dieu de ce monde, hommes morts dans leurs transgressions et leurs péchés : et cependant hommes pour lesquels Christ est mort, et aimés de Notre Père. S'il nous a été donné dans ces études de définir avec une certaine exactitude la nature des dons de l'Esprit, alors quelles sont, à l'heure actuelle, leur place et leur valeur, dans le témoignage et le ministère, chrétiens ? Comment entrent-ils dans ce cadre plus vaste ?
De telles questions requièrent toute l'attention des chefs du mouvement de Pentecôte, et de tous ceux qu'intéressent les dons spirituels. De vrais dons du Saint-Esprit ne peuvent rester simplement la « marotte » de quelques spécialistes religieux, ou la marque distinctive d'une nouvelle branche de l'Eglise. Il y a dans ces dons une puissance de Dieu, qui répond aux besoins de notre temps, et qui joue un rôle important dans l'accomplissement des plans divins.
Comment définir les besoins de notre temps ? Des centaines de réponses, toutes également autorisées, nous assaillent ici. C'est avec une grande réserve que nous essaierons à notre tour de caractériser la situation actuelle du monde au point de vue spirituel.
Une note qui nous frappe par son insistance, est la soif du réel. Peu de gens aujourd'hui vont aux offices par convenance ; mais un prédicateur qui a un message vivant réunit des foules aussi grandes que les prédicateurs d'autrefois. La diminution des auditoires dans les édifices religieux du monde entier indique d'une manière lamentable, non pas forcément que les gens ont perdu tout intérêt pour les choses spirituelles, mais que les églises ne répondent pas d'une manière satisfaisante aux besoins des âmes. Leur message manque, en quelque endroit, en quelque manière que ce soit, de réalité.
Il y a là, semble-t-il, un point où les dons spirituels présents de nos jours, répondent à un grand besoin, et ont une grande tâche à accomplir. Une touche de surnaturel revêt la prédication de l'Evangile d'une intense réalité. Qu'il y ait là une puissance capable d'attirer l'attention et de saisir les foules, c'est ce que prouve le fait que les plus grandes salles de Grande-Bretagne suffisent à peine à contenir les foules qui se pressent pour écouter ce témoignage. Le fondamentaliste [1] le plus exigeant ne peut nier qu'il y a là quelque chose d'absolument scripturaire : la prédication de l'Evangile accompagnée de signes [2].
Une confirmation indirecte du besoin qu'ont les âmes d'un témoignage rendu à la présence du surnaturel dans l'expérience chrétienne, est le développement si extraordinaire et si regrettable du spiritisme. Une des causes de son succès est qu'il fournit un élément, le surnaturel, qui manque aux églises. C'est un fait significatif que les spirites puissent prétendre que leurs expériences surnaturelles sont un réveil des dons spirituels de l'Eglise primitive. Nous repoussons, avec la plus grande force, cette prétention, qui nous paraît blasphématoire, mais nous n'en voyons que mieux par là, la nécessité de remettre en honneur les dons authentiques du Saint-Esprit dans l'Eglise, non en théorie seulement, mais en pratique. Nous ne croyons pas que la carence des églises actuelles en fait de dons spirituels soit conforme à la volonté de Dieu ; elle est, à notre sens, le fait de leur incrédulité et de leur tiédeur.
En même temps que les esprits se détachent de plus en plus de l'Eglise, à cause de son manque de force et de réalité, on remarque que la pensée populaire a de plus en plus tendance à séparer le Christ des églises. Un des livres les plus répandus ces dernières années a montré que l'Inde, quoique âprement opposée aux églises chrétiennes organisées, est prête à accepter le Christ. La même tendance se fait jour chez toute espèce de gens, comme on peut s'en rendre compte dans les conversations que l'on a l'occasion de tenir à droite ou à gauche. Certes on tend alors à voir en Notre Seigneur un Maître et un Docteur spirituel plutôt qu'un Sauveur ayant payé la rançon du péché sur la Croix ; le fait n'en reste pas moins significatif, et même encourageant. Le trait essentiel est l'accent mis sur la personnalité du Christ, sur lui-même, et cela dépasse même l'intérêt porté à son enseignement.
Que peuvent faire ici les dons spirituels ? Beaucoup ; car ils ont un pouvoir merveilleux pour rendre le Seigneur Jésus-Christ très présent et très précieux pour l'âme, ils conduisent à trouver en lui une pleine satisfaction spirituelle. Puisqu'ils mettent toujours en valeur la personne du Rédempteur, ne sont-ils pas propres à prendre le coeur et la volonté des multitudes, qui sont lasses des religions, mais avides du Christ ?
Les paroles mêmes du Seigneur sur le témoignage que le Consolateur devait lui rendre à lui-même, confirment que tel doit bien être le résultat de l'exercice des dons spirituels, et telle leur note dominante. C'est de la sorte qu'ils ont dû être si utiles dans l'Eglise du premier siècle. Nous croyons qu'ils seront tout aussi utiles à l'Eglise du vingtième siècle, qui a un grand combat à soutenir contre les puissances des ténèbres coalisées au dehors et contre la tiédeur grandissante au-dedans, mais qui a aussi une occasion unique pour l'évangélisation du monde entier.
« ASPIREZ AUX DONS SPIRITUELS »
[1] Voir la note ci-dessus.
[2] L'auteur fait allusion au passage Marc 16.17.