Notre Seigneur avait réfuté par une autre question la question que lui adressaient ses ennemis (v. 24 et 25) ; Il les attaque maintenant à son tour et commence, dans ce but, cette série de paraboles dans lesquelles, comme dans un miroir, ils pouvaient voir eux-mêmes l’impureté de leurs cœurs, la négligence de leurs devoirs, leur ingratitude en présence des privilèges qui leur étaient accordés, la gravité de leur péché contre Jésus. Mais, même ici, les paroles qui leur sont adressées sont celles du plus tendre amour, afin de les détourner de leurs projets, et de les gagner au royaume de Dieu. La première parabole, celle des Deux Fils, ne va pas encore au cœur du sujet, comme les deux suivantes, qui ont aussi un caractère prophétique.
« Mais que vous en semble ? » Des paroles semblables introduisent un discours plus étendu : Matthieu 17.25. « Un homme avait deux fils ; » ici, comme dans Luc 15.11, nous avons, sous l’image de ces deux fils d’un même père, deux grandes catégories de personnes, qui comprennent tous ceux que le Seigneur rencontra pendant son ministère. Les pharisiens étaient les représentants de l’une de ces catégories, quoiqu’elle existe dans tous les temps. Il s’agit de ceux qui cherchent une justice selon la loi, et qui ont été gardés par elle des grossières manifestations du mal. La seconde classe, représentée par les péagers et les gens de mauvaise vie, comprend tous ceux qui ont transgressé ouvertement la loi de Dieu. La condition des premiers est sans doute bien préférable ; la justice de la loi vaut mieux que cette injustice manifeste, pourvu qu’elle soit prête à céder la place à la justice de la foi, qu’elle reconnaisse ce qui lui manque, ce qui sera toujours le cas lorsqu’on cherchera à observer sincèrement la loi ; celle-ci fait alors l’office d’un « pédagogue pour conduire à Christ. » Mais si cette justice est satisfaite d’elle-même, si elle se persuade que rien ne lui manque et refuse de se soumettre à la justice de la foi, alors il vaut mieux que le pécheur reconnaisse sa misère et sa culpabilité que de rester dans l’ignorance de son véritable état ; de tout ce qui lui manque. Saint Paul parle dans ce sens, dans Romains 7.7-9. Le plus grand péché, selon l’Écriture, consiste à dire que nous n’avons point de péché ; c’est ce que nous enseigne la manière d’agir du fils aîné de la parabole de l’enfant prodigue (Luc 15.28-30), ainsi que la conduite du pharisien qui avait invité Jésus à se rendre dans sa maison (Luc 7.36-50).
« Et s’étant approché du premier, il lui dit : Mon enfant, va, travaille aujourd’hui dans ma vigne. » Cet ordre, que nous pouvons rapprocher de celui de Matthieu 20.1-7, est celui de la loi naturelle dans la conscience et de la loi révélée par Moïse ; les hommes doivent porter du fruit pour Dieu. Les péagers et les gens de mauvaise vie méprisaient évidemment cet appel. Le fils que son père envoyait le premier « répondit et dit : Je ne veux pash. » La rudesse de la réponse, l’absence de toute excuse, sont caractéristiques ici. Représentant des pécheurs insouciants, il ne cherche pas à déguiser sa mauvaise volonté, mais refuse ouvertement d’aller. « Mais ensuite s’étant repenti, il alla. » Il céda à un meilleur sentiment, comme un grand nombre d’auditeurs de Jean-Baptiste et du Seigneur lui-même, qui s’étaient auparavant révoltés contre Dieu.
h – Gerhard : « Toute la vie des pécheurs se résume en ceci : Nous ne voulons pas faire la volonté de Dieu. »
« Et s’étant approché du second, il lui dit la même chose ; et répondant, il dit : Moi (je vais), Seigneur. » Les scribes et les pharisiens, qui professaient un grand zèle pour la loi, semblaient disposés à obéir. Mais ils disaient et ne faisaient pas (Matthieu 23.2) ; le prophète Ésaïe les avait exactement décrits, longtemps auparavant (Matthieu 15.8 ; Ésaïe 29.13) : « Ce peuple s’approche de moi de sa bouche et m’honore des lèvres, mais leur cœur est fort éloigné de moi. » Lorsque le temps marqué arriva, lorsque Jean-Baptiste les appela à la repentance, lorsqu’il devint nécessaire de prendre parti, alors l’injustice des pharisiens apparut évidente : ils semblaient disposés à aller, mais n’allèrent pas.
Lorsque le Seigneur demanda : « Lequel des deux fit la volonté du père ? » ses adversaires ne purent prétexter leur incapacité de répondre, ils furent obligés de donner une réponse précise, quoiqu’elle les condamnât. « Ils lui dirent : Le premier, » sans doute relativement à l’autre. Alors vint l’application de cet aveu qu’ils avaient été contraints de faire : « En vérité, je vous dis que les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devancent dans le royaume de Dieu » (Luc 7.29, 37-50). Ces mots : « vous devancent, » indiquent qu’ils pouvaient espérer encore d’entrer dans le royaume, s’ils le voulaient. « Car Jean est venu à vous dans le chemin de la justice, et vous ne l’avez point cru. » On a insisté quelquefois sur les mots : « dans le chemin de la justice, » comme devant aggraver le péché des pharisiens ; le Seigneur aurait voulu dire : « Jean-Baptiste est venu, lui qui représente cette justice de la loi dont vous vous vantez. Il n’est pas venu pour vous appeler à la vie nouvelle de l’Évangile, que vous n’auriez pu comprendre ; il n’est pas venu pour mettre du vin nouveau dans de vieux vaisseaux, mais il a accompli cette justice que vous vous proposez d’atteindre ; il a vécu en ascète (Matthieu 9.11-14), se séparant des pécheurs, et malgré cela, vous l’avez repoussé. Et votre incrédulité n’a pas été seulement pour un temps, mais, plus tard, lorsque les péagers et les femmes de mauvaise vie crurent, vous ne pûtes être excités à jalousie ayant vu cela, vous ne vous êtes point ensuite repentis pour le croire. »
Origène, Chrysostome, Athanase appliquent la parabole à la vocation des Juifs et des Gentils, mais cette application n’en découle pas immédiatement. Il n’est pas dit : « les Gentils, » mais bien : « les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devancent. » Il ne faut sans doute pas l’exclure absolument, mais ce n’est que dans la parabole suivante qu’il est question, avant tout, des Juifs et des Gentils, dans leurs rapports mutuels et dans leurs rapports avec le royaume de Dieu.