Certains automobilistes savent fort bien que le voyant rouge s’allume lorsque l’essence est sur le point de manquer dans le réservoir. On peut rouler encore vingt ou trente kilomètres, mais il y aurait danger à continuer plus longtemps sans faire étape chez le pompiste. Il en est ainsi pour chacun de nous. La fatigue – notre voyant rouge – nous prévient que l’heure est venue de faire le plein d’une énergie nouvelle par un bon repos réparateur. Avec sagesse toutefois car il est reconnu que le repos excessif produit une impression de lassitude et opère un ramollissement général de la musculature qui n’est pas sans répercussions psychique et physique fâcheuses. Le sujet peut alors éprouver des troubles digestifs et incliner vers l’indolence. Obligez-vous, par exemple, à rester une semaine au lit et vous vous relèverez sans forces. Quittez la chambre à deux heures de l’après-midi et vous traînerez sans allant ni vigueur le reste de la journée. Si bien qu’on est en droit de se demander si le régime de vie imposé à la plupart de ces malades n’est pas – du moins en partie – contre-indiqué. Les interminables cures de repos, les longues journées d’oisiveté ou vaguement remplies d’une activité stérile créée « pour occuper le patient », sont-elles vraiment toniques pour lui ? Ne va-t-il pas s’habituer à mener une vie nonchalante et sans couleur ?
Cependant, ne nous laissons pas trop émouvoir par les premiers signes de lassitude ; il y a des sonnettes d’alarme mal réglées et Satan serait trop heureux de nous arrêter sans raison. En vérité, la plupart des humains ont de l’énergie à revendre. Preuve en est cette jeune fille qui rentre à la maison, harassée de fatigue après une journée d’un travail soutenu. À bout de force, elle soupire : « Je me coucherais volontiers si je n’étais attendue ce soir .… ». Or, vous la retrouvez guillerette et en pleine forme la nuit même, vers deux heures du matin, heureuse d’avoir participé à un repas de noces en compagnie d’un charmant garçon. Quoiqu’il en soit, la démonstration est faite : le mur de la fatigue peut être largement dépassé.
Après une longue marche en montagne, il arrive qu’on se sente littéralement épuisé, incapable d’aller plus loin. Mais parce qu’il faut rentrer à la maison ; on se remet en route, péniblement, doutant de tenir jusqu’au bout. Or, la fatigue, au lieu d’empirer, se dissipe comme par enchantement et l’on découvre, avec surprise, que l’on vient de mettre en jeu des forces insoupçonnées qui sommeillaient en nous. Alors nous avons l’impression d’avoir capté une nouvelle source d’énergie. En définitive, nous n’utilisons qu’une faible partie de nos possibilités physiques et intellectuelles. Si le fermier négligeait de tirer tout le lait de ses vaches, il ne tarderait pas à s’apercevoir que la quantité fournie va diminuant. Autrement dit, et d’une façon générale, l’être humain vit bien en deçà de ses limites. Et en restant trop en dessous de ses possibilités, il perd l’occasion de trouver « sa chance », nous dirions plutôt d’accomplir toute sa mission qui est source de joie.
Les exemples de gens qui dépassent le mur de la fatigue foisonnent. Je pense à une maman qui veille des nuits entières au chevet de son enfant malade ; à la veuve qui doit assurer, toute seule, la marche du foyer. Je revois telle épouse qui se plaignait, à juste titre, de sa faible constitution et passait des heures dans une chaise-longue tandis que son mari faisait double tâche, s’occupant pour une bonne part du ménage et des enfants en bas âge. Un drame, la mort du chef de famille, vint bouleverser l’existence de cette maman. Elle se mit courageusement à l’ouvrage pour gagner le pain de chacun et répondre à toutes les exigences du foyer. Contrainte par sa nouvelle situation, elle sortit de ses plaintes (elle n’en avait plus le temps) et trouva un épanouissement physique et spirituel qu’elle ne connaissait pas avant.
Bien entendu, il y a des limites à tout. Un arbre ne monte pas jusqu’au ciel. S’il y a de grandes dépenses d’énergie qui n’altèrent pas la santé, il y en a de moindres qui l’ébranlent. En effet, il y a des tâches – et même des loisirs – qui épuisent. Pas forcément de lourdes tâches. Il y en a de légères qui réclament beaucoup de forces et nous vident littéralement. On peut se rendre à une rencontre de l’église et revenir renouvelé alors qu’une autre personne s’en retournera lasse et mécontente, avec la « barre » au front.
Le travail accompli avec mauvaise conscience, éprouve. Toute activité qui s’exerce dans l’inquiétude, faite avec appréhension, hors de l’obéissance au Seigneur, accable et use davantage. Tout ce que nous faisons avec l’approbation de Dieu paraît léger. Qui veille un malade récupère vite. Qui traînaille le soir en conversations inutiles, s’épuise rapidement. Ce n’est pas tant le fardeau qui accable mais notre façon de le porter.
Et maintenant, voici quelques conseils pour terminer ce chapitre :