« J’étais malade et vous m’avez visité. »
Avez-vous entendu ce prétexte : « Ah ! Il me tarde de “prendre” ma retraite pour me consacrer enfin aux vieillards et aux malades. Actuellement, je suis débordé. Ma vie professionnelle m’accapare plus que jamais et ma famille, à qui je me dois en priorité, réclame ma présence. »
L’intention est louable mais sera-t-elle suivie d’effet le moment venu ? Observez les gens fort occupés : ils se plaignent de ne pouvoir soustraire la moindre minute à leur programme tellement chargé ! Visiter des malades, assister à la réunion de prières hebdomadaire sont choses impossibles, réellement impossibles ! Or, curieusement, lors d’un mariage ou d’une fête paroissiale, ces mêmes personnes sans cesse débordées apparaissent très détendues, nullement pressées de rentrer à la maison, désireuses d’honorer jusqu’au bout le lunch qui accompagne la cérémonie. Comme quoi, on “déniche” miraculeusement du temps pour tout ce qui passionne ou est agréable. Aux âmes généreuses, Dieu accorde la grâce d’en trouver plus qu’on ne croit pour le servir.
Autre remarque qui doit faire réfléchir : ceux qui ont négligé les malades ou les vieillards durant leur vie active et dans la pleine force de l’âge, n’ont ni l’envie, ni le ressort, ni la pensée d’aller vers eux une fois parvenus à l’automne de la vie, lorsqu’il y a pléthore de temps libre. C’est dès l’entrée dans la vie chrétienne qu’il faut se donner au prochain. Les responsables de l’Église ou de mouvements de jeunesse devraient y penser et inciter les néophytes à ouvrir tout grand leur cœur pour répondre pratiquement aux besoins du prochain.
Que Dieu nous communique la compassion qui animaït jadis notre Sauveur ! Cette compassion, don de l’Esprit, grandira dans la mesure où nous nous donnerons régulièrement aux autres pour leur joie et leur bien tant spirituel que matériel s’il le faut. Même au départ de la vie, il vaut la peine de s’interroger :
Quand sonnera l’heure de la grande rencontre, lorsque je serai appelé à paraître devant le Christ, quelles paroles prononcera-t-il sur moi ? Sera-ce la joyeuse invitation : « J’ai été malade et tu m’as visité… Prends possession du royaume… » Ou le reproche cinglant du Juge suprême : « J’ai été malade et tu ne m’as pas visité. Retire-toi de moi… » ? La parabole de Matthieu 25.31-46 qu’il serait bon de relire ne devrait pas nous laisser insensible ni stérile, surtout si l’on se souvient que chaque visite rendue à un être souffrant est en réalité une visite faite au Seigneur lui-même. De plus, n’est-il pas stimulant de savoir qu’une récompense est promise dans l’au-delà à quiconque prend soin de son prochain ? Pensons-y. Et qui sait si plus tard, chargé d’ans au point de ne pouvoir quitter la chambre ou la maison de retraite, il ne vous sera pas donné d’accueillir avec reconnaissance – et quelle joie ! – un jeune ami, un envoyé du Seigneur venu vous témoigner une affection qui vous fera chaud au cœur ? Qui répand l’amour recevra tôt ou tard de l’amour. Les récompenses ne sont pas reçues qu’au ciel.
J’ai côtoyé un industriel, homme fort occupé mais connu dans toute la région. Son dévouement et sa bonhomie attiraient jeunes et vieux, chrétiens ou non. Le contact était facile avec lui. Sur sa tombe, le prédicateur déclara humblement devant un vaste auditoire : « Le vrai pasteur dans le pays, c’était celui qui vient de nous quitter ; nous ressentirons longtemps le vide que laisse ce départ. » Il n’y avait qu’à considérer la foule émue qui se pressait dans le cimetière pour avoir une idée de la profonde estime qu’on portait à ce cher disparu.
Et maintenant voici quelques conseils pour ceux qui s’adonnent à ce service :
a) Lorsque vous êtes au chevet d’un malade ne pensez pas à vous ou à ce que vous devez dire ; c’est le malade qui doit vous préoccuper. Répondez plutôt à ses questions. Soyez lucide et sage ; s’il souffre au point de ne pouvoir supporter un long entretien, mettez rapidement un terme à votre visite. Ne vous croyez pas obligé de lui faire une lecture avec commentaire suivi d’une abondante prière. A moins qu’on ne vous retienne, les visites brèves sont souvent les plus appréciées.
b) Si, en entrant dans la chambre du malade, vous trouvez des personnes qui l’entourent et bavardent avec lui, retirez-vous en lui disant : « Je vous laisse à vos amis. Je reviendrai vous voir dans quelques jours. Je ne vous oublie pas. » La présence de plusieurs visiteurs à la fois n’est jamais souhaitable ; elle fatigue le malade qui ne sait trop où donner de la tête et avec qui converser.
c) Montrez-vous indulgent si le patient tient des propos de révolte. Sous la pression de la souffrance il peut laisser échapper des paroles qu’il regrettera sitôt les douleurs estompées. Pensez à Job qui maudit le jour de sa naissance devant des consolateurs fâcheux ; l’Éternel ne l’en réprimanda pas pour autant. Pensez à Moïse qui s’emporta contre les enfants d’Israël éprouvés par la soif. Or, c’est lui qui fut châtié, non les révoltés qui auraient pu s’attendre à plus de compassion de la part de leur chef, car leur épreuve était réelle (Nombres 20.1-12 ; Psaumes 106.32-33).
Je sais ! Il y a des cas où le malade se conduit en enfant gâté ; s’il se montre exigeant, injuste envers l’entourage, sans doute faudra-t-il le reprendre avec douceur, le désapprouver sans le moraliser, en cherchant à l’amener à témoigner plutôt de la reconnaissance à ceux qui se dévouent pour lui. On lui parlera comme un pécheur s’adressant à un pécheur, c’est-à-dire sans le juger.
Je rendais visite à une chrétienne obligée de garder la chambre depuis de longues semaines ; elle se plaignait d’être trop peu visitée par les membres de l’Église qu’elle ne ménageait pas. Ses reproches pleuvaient, vifs et fort peu charitables.
– Ce sont les gens du monde qui s’occupent de moi… me dit-elle sur un ton aigre-doux.
– Ah ! Je crois savoir pourquoi vos amis ne viennent pas vous voir.
– Que voulez-vous insinuer ?
– Absolument rien, mais je devine pourquoi vous êtes délaissée par vos amis.
– Tiens ! Dites vite.
– Je suppose qu’ils préfèrent garder leurs distances. parce que vous avez la langue un peu trop pointue et elle fait mal.
La demoiselle sursauta et l’entretien tourna court. Je la quittai sans revenir sur ce que j’avais cru devoir lui dire. Cependant, plus tard, je reçus d’elle et par deux fois des lettres qui me ré- jouirent : elle s’était réellement humiliée et avait changé d’attitude.
d) Pour établir un meilleur contact avec la personne visitée, il est bon, quand c’est possible et souhaitable, de lui offrir suivant le cas une gâterie, un objet, un journal, toute chose susceptible de lui faire plaisir. Un petit cadeau pas nécessairement onéreux est toujours apprécié. Le professeur J. M. Nicole disait avoir connu une personne âgée qui, pendant la dernière guerre, découpait en petits morceaux sa maigre portion de chocolat pour en faire part à des malades qu’elle visitait à domicile ou dans les hôpitaux. Chrétienne soucieuse de leur âme, elle ne manquait pas de les réconforter par de bonnes paroles tirées de la Bible. Hélas ! Lorsqu’elle fut décédée, personne ne prit la relève pour assurer ce beau ministère. Au jour du jugement, cette veuve entendra certainement le Seigneur lui dire : « J’ai été malade et tu es venue me voir. Entre dans la joie de ton Maître. » Cet exemple touchant devrait être pour nous tous comme un appel du Seigneur à passer aux actes sans attendre “la retraite” !
e) A tel chrétien très éprouvé, qui désespère de guérir, il semble que les responsables de l’Église devraient avoir la liberté de lui proposer de méditer les paroles de l’apôtre Jacques (5.14-16) et de lui conseiller, s’il en a la conviction, d’appeler les anciens afin qu’ils prient pour sa guérison. Le malade y consentira d’autant plus volontiers qu’il pensera avec affection et gratitude à ceux qui le soignent et souffrent de le voir souffrir.
f) Comme nous l’avons déjà signalé, ne servez pas au malade la banale formule tant de fois entendue : « Courage ! Le Seigneur est avec vous » ou « Tenez bon, il vous soutient. » L’essentiel est que le patient soit conscient de l’intérêt que nous lui portons en le visitant régulièrement.
g) C’est du Seigneur surtout qu’il faut entretenir les malades avec la pensée de les amener plus près de lui… à condition que nous vivions nous-mêmes dans une étroite communion avec le Sauveur. Il vaut la peine de préparer dans la prière et à l’avance la visite projetée.
Que Dieu vous donne joie et encouragements dans ce service tellement important mais trop négligé.
Questions :