Premièrement, la consécration que cette méthode a reçue du temps et du consentement universel, lui a donné une telle force, qu’il n’appartient qu’au temps qui l’a introduite de l’abolir, et encore cette abolition suppose peut-être une violente secousse dans l’Église.
Secondement, cette méthode représente bien, au moins extérieurement, formellement, l’idée que le prédicateur est le ministre de la Parole de Dieu. Elle le rappelle aux autres et à lui-même.
Troisièmement, elle a des avantages réels. Le premier est l’avantage moral pour le prédicateur, d’avoir à rattacher son discours à une parole de la Bible. Le second est le respect qu’imprime à l’auditoire, au commencement du sermon, l’énonciation d’une parole sacrée. Le troisième, c’est qu’en général un texte bien saisi et serré de près produira un discours plus spécial, plus frappant et plus vivant, que ne le serait un discours basé sur une conception abstraite : c’est une originalité toute faite. Enfin, pour la plupart des prédicateurs, cette méthode est bien plus propre que l’autre à multiplier les sujets.
Ammon a fort bien résumé les avantages de l’usage des textes dans les paroles suivantes :
La Bible est la source de notre connaissance extérieure de la religion. Elle est à un haut degré, en particulier dans sa partie historique, facile à comprendre, intéressante et dramatique ; elle fournit en abondance des matériaux de la plus haute importance pour les expositions les plus variées, sur la théologie, la religion et la sagesse pratique. Ses passages se retiennent avec la plus grande facilité à cause de leur expression simple et frappante ; ils facilitent ainsi la reproduction particulière des vérités exposées. La divinité subjective de son origine donne à la divinité objective de son contenu une autorité, qui fortifie les convictions religieuses de l’homme cultivé, et qui tient lieu de preuve à l’homme illettréu.
u – Ammon, Handbuch der Kmizelberedsamkeit, page 88 de la troisième édition.
Claus Harms lui-même, après avoir fait contre l’usage de prêcher sur un texte les objections que nous avons rapportées, conclut néanmoins à la conservation de cette méthode ; il y revient par une considération d’utilité morale, et s’il admet des sermons sans texte, ce n’est qu’à titre d’exception.
Si la prédication sur des textes présente des difficultés dans la théorie, il est certain qu’elles peuvent être fort atténuées dans la pratique. Nous nous ferons comprendre en distinguant trois cas :
Le premier, qui se présente certainement, et qui même n’est pas si rare, est celui où notre texte fait un avec notre sujet, l’un se superposant exactement à l’autre ; dans ce cas, il n’y a point de difficulté à atténuer, point d’obstacle à faire disparaître.
Ou bien le sujet, conçu d’avance, ne trouve pas sa formule précise dans un passage de l’Écriture. Si néanmoins le sujet est chrétien, il doit pouvoir s’appuyer sur un texte de la Bible, dont l’idée est à celle du sujet ce que l’espèce est au genre ou le genre à l’espèce, – ou qui exprime l’idée du sujet en la compliquant de quelques circonstances accessoires ou adventices,– ou qui encadre l’idée dans un fait individuel ; – bref, [sur un texte] auquel, sans jeu d’esprit et sans subtilité, nous pouvons rattacher le sujet de notre discours. Nous ferons abstraction de ce qui est accessoire ou contingent, ou nous en parlerons sans nous y arrêter. – Le texte sera tout au moins, en pareil cas, l’annonce générale ou le point de départ de la vérité qu’on veut établir. Il décore, il solennise le discours du prédicateur. Il n’y a rien là contre cette franchise qui est la première condition de la dignité de la chaire. Le texte n’est point un prétexte ; le sermon est scripturaire. [Une telle manière de se rattacher à la Bible est préférable assurément à cet imaginaire respect qui fait violence au texte ou à la pensée, et elle se justifie par la nécessité, que les circonstances peuvent imposer, de prêcher sur un sujet qui ne trouve son expression exacte et adéquate dans aucun passage de l’Écriturev.]
v – Ce serait le cas du prédicateur qui, aux Etats-Unis, aurait à prêcher sur l’esclavage. Il en serait de même pour celui qui aurait à prêcher sur ce qu’il faut travailler par la réforme des individus à celle de la société ; ou sur l’ordre dans les affaires domestiques ; ou dans le but de justifier les mystères dans la religion ; ou sur les signes comme moyen de détermination ; ou sur le progrès dans l’intelligence des voies de Dieu.
Ou bien, enfin, on a devant les yeux, d’abord et uniquement, un texte. Je remarque que c’est le cas le plus fréquent, la position la plus naturelle du prédicateur, et que, par une espèce de force des choses, par une habitude que contracte naturellement un esprit incessamment occupé de la Bible, il s’opère entre le texte et le sujet une conciliation, une fusion, que nous ne concevons pas a priori. On est alors au service de son texte, non pas pourtant dans un esprit de servilisme, de minutie et d’exégèse puérile ; il est pour nous comme un fruit mystique dont nous voulons exprimer tout le suc et conserver tout le parfum ; on en développe respectueusement, non les mots précisément et les détails accidentels, mais les idées ; cependant, comme l’idée et la forme sont toujours unies, et nulle part aussi étroitement que dans la Bible, le discours prend la forme du texte, et j’ai déjà dit quel en est l’avantage. Il n’a rien d’abstrait, il est concret comme un fait, comme une histoire. L’assertion de l’auteur sacré est comme un fait dont on rend compte.