Le douzième passage se trouve dans Luc XII C’est le jeudi soir de la semaine de la Passion.. Jésus et ses disciples sont réunis à Jérusalem, dans la chambre haute, et là, ils célèbrent la vieille fête de Pâque, instituant en même temps la nouvelle Pâque chrétienne. Mais cette heure consacrée elle-même est troublée par l’égoïsme des disciples. Jésus, avec la patience et l’amour qui le caractérisent, leur donne cet admirable exemple d’humilité que relate le treizième chapitre de Jean. Il leur explique avec douceur ce qu’il attend de ses disciples et, se tournant vers Pierre, qu’il interpelle par son ancien nom, il lui dit: «Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point.» Il avait prié spécialement pour Pierre. Voici aussi une de ses habitudes de prière: prier pour les autres, et cette habitude bénie, il ne s’en est pas départi. Il est capable de sauver jusqu’à la fin ceux qui s’approchent de Dieu par son intermédiaire, car il vit toujours pour intercéder pour eux. Assis maintenant à la droite du Père, dans la gloire, il prie pour chacun de ceux qui se confient en lui.
La treizième mention est bien connue. Elle est contenue dans le chapitre XVII de Jean. Ce chapitre renferme les dernières paroles de Jésus au monde. Du chapitre XIII à la fin du dix-septième, nous trouvons Jésus seul avec ses disciples. Lorsqu’on lit cette prière avec attention, on découvre que Jésus s’appuie sur la certitude que son œuvre sur la terre est terminée (quoique la scène principale soit encore à venir); désormais il va rentrer en la présence de Son Père et être réinstallé à nouveau dans Sa gloire. Cette prière nous donne une idée de la prière qu’il adresse maintenant pour nous, de sa prière en qualité d’Intercesseur ou de Grand-Prêtre. Pendant trente ans, il a vécu une vie de perfection; pendant trois ans et demi, il a parlé aux hommes de la part de Dieu; depuis dix-neuf siècles, il est un Grand-Prêtre parlant à Dieu au nom de l’humanité. Lorsqu’il reviendra, il sera Roi et gouvernera les hommes au nom de Dieu.
Le quatorzième texte nous amène dans les limites sacrées du jardin de Gethsémané, un des endroits que Jésus affectionnait tout particulièrement pour prier. Cette scène est relatée dans Matthieu XXVI, Marc XIV et Luc XXI
Approchons-nous avec le plus profond respect de cet endroit, car c’est un lieu saint. La scène se passe également le jeudi, mais un peu plus tard; cette journée avait été extraordinairement remplie et pourtant elle devait être encore fertile en incidents. Après l’entretien de la chambre haute et la prière si simple et si magnifique que Jésus y prononça, le Maître conduit ses disciples hors de la ville; ils passent le Cédron rapide et boueux et pénètrent dans le bosquet d’oliviers qui le domine. Jésus ne devait pas dormir cette -nuit-là. Dans une heure ou deux, les soldats romains et la populace juive, conduits par le traître, allaient venir le chercher. Jésus entendait donc passer dans la prière les instants qui lui restaient.
A cause de ce besoin de sympathie qui apparaît si fort durant ces derniers mois, il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et se retire dans la partie la plus sombre du jardin; et c’est là qu’eut lieu ce combat intérieur étrange et terrible. Il semble que ce soit le renouvellement du conflit qu’il eut à subir {Jn 12} lorsque les Grecs vinrent le trouver; mais ce fut infiniment plus douloureux. Lui qui se savait sans tache, il commençait maintenant à éprouver dans son esprit ce qu’il allait éprouver en fait dans quelques heures, à savoir qu’il allait être fait péché pour nous. Et cette effrayante vision s’empare de lui avec une force si terrible qu’il semble que son corps ne supportera pas l’effort de cette agonie mentale. L’épreuve, qu’il subit réellement le jour suivant, produisit une agonie telle que ses forces physiques l’abandonnèrent. En effet, il ne mourut pas des souffrances physiques qu’il endura, si atroces fussent-elles; mais son cœur se brisa sous l’effet de sa souffrance intérieure. Il n’est pas possible à une âme pécheresse de juger avec quelle crainte et avec quelle horreur l’âme pure de Jésus vit s’approcher le moment où il allait entrer en contact avec le péché d’un monde entier. Silencieusement, pleins d’un saint respect, nous suivons cette forme solitaire à travers les arbres; tantôt il est à genoux; par moments, il se jette la face contre terre et reste étendu sur le sol. Il priait, demandant que, si c’était possible, cette heure pût passer loin de lui. Un fragment de cette prière parvient à nos oreilles: «Abba, Père, toutes choses Te sont possibles. S’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux.» Nous ne savons combien de temps il resta en prière, mais la tension de son esprit était si grande qu’un ange lui apparut pour le fortifier. Ensuite, «étant en agonie, il priait instamment, et la sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient en terre.» Quand, enfin, il se relève, après ces instants de lutte et de prière si intense, la victoire semble être remportée, et quelque chose du calme d’autrefois réapparaît sur ses traits. Il se rend vers les disciples endormis; soucieux de les préparer à l’épreuve suprême, il leur recommande de prier; puis il retourne dans la solitude, toujours pour prier; mais le changement qui s’opère dans sa prière nous révèle qu’il a remporté la victoire intérieure: «Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que Ta volonté soit faite!» La victoire est complète; la crise est passée. Il s’abandonne à cette épreuve terrible qui, seule, peut faire aboutir l’adorable plan de rédemption de Dieu pour un monde qui, sans cela, périrait. De nouveau Jésus retourne vers ses pauvres disciples si faibles; puis il regagne encore la solitude pour se fortifier davantage dans la communion avec son Père. Voici maintenant les torches qui brillent dans les ténèbres et qui lui disent: «L’heure est venue!» Le pas ferme, une paix merveilleuse illuminant son visage, il va au-devant de ses ennemis.
C’est ainsi qu’il surmonta la plus grande crise de sa vie de prière.
Vient enfin la quinzième et dernière mention. Des sept paroles que Jésus prononça sur la croix, trois sont des prières. Luc nous dit que, pendant que les soldats enfonçaient les clous dans ses mains et ses pieds et pendant qu’ils dressaient la croix, lui, le Christ, ne pensant même pas à lui, mais aux autres, s’écria: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.»
C’était à l’heure du sacrifice du soir, à la fin de cette étrange période de ténèbres qui jetèrent leur voile sur la nature entière, après un silence de trois heures, qu’il jeta ce cri déchirant: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné?» Un peu plus tard, un cri triomphant montra que sa tâche était accomplie, et ses dernières paroles furent une prière qu’il prononça dans la paix, avant de rendre l’âme: «Je remets mon esprit entre Tes mains.»
Ainsi son dernier souffle fut encore une prière.