Chaque maison possède des pièces « fourre-tout » qui rendent, dit-on, d’inappréciables services. On monte au grenier des ustensiles ou des meubles branlants auxquels on doit fidélité – ils font partie de notre passé – et qui paraissent bien décidés à finir leurs jours sous notre toit. Et quand ils pourraient servir à quelque usage, on ne les descend pas, tout simplement parce qu’on a oublié leur existence. Quant au débarras, l’on y entasse des objets plus valables mais qui détonneraient dans une cuisine ou un salon. Dans ce lieu mal éclairé « qu’on ne visite pas », flotte une indéfinissable odeur qui envahirait la maison si l’on ne veillait à tenir la porte soigneusement fermée. C’est l’endroit de prédilection des souris et des cafards. L’appartement peut avoir belle allure, respirer un air de propreté, la maîtresse de maison éprouve cependant un vague sentiment de culpabilité. Le débarras l’obsède : « Décidément, il me faudra ranger les étagères et jeter pas mal d’affaires. »
Il y a des débarras dans notre vie. Le subconscient, cette partie de nous-mêmes que nous ne percevons pas immédiatement (la porte est tenue fermée), est un vaste domaine où s’entassent pêle-mêle des choses qu’on hésiterait à montrer aux autres et qui pèsent lourd dans notre existence. Les psychiatres l’ont compris qui s’emploient à le débarrasser de souvenirs traumatisants. On a comparé le subconscient à la partie immergée de l’iceberg. (Cette partie invisible, justement celle que redoutent les navigateurs, représente les six septièmes de cet immense glaçon.) De même, dans les profondeurs de notre être sommeillent des souvenirs et des sentiments qui devraient être évacués car ils projettent dans notre vie des relents fétides qui assombrissent plus ou moins confusément nos journées. Notre subconscient aurait besoin d’un sérieux coup de balai. Là, voisinent des jalousies, de la rancœur, des pensées impures, des images troubles, des querelles apparemment éteintes, des regrets amers, des infidélités, des liens secrets … qui refont surface comme des bulles allant crever l’eau de l’étang. À ce propos, regardez une pièce d’eau. Elle paraît propre et limpide puisque le ciel, les nuages et le rideau d’arbres d’en-face s’y reflètent parfaitement. Jetez un caillou ou agitez l’eau avec un bâton et vous saurez bientôt si elle est vraiment propre. Devient-elle trouble ? N’accusez pas le caillou d’être sale ou le bâton d’être chargé de boue. Non ! Au fond de la mare, il y a une couche de vase qui se répand dans l’eau et la salit. Ma vie peut avoir une jolie apparence … mais qu’elle soit secouée par un contretemps, une épreuve, ou éclairée simplement par le Saint-Esprit manifestant ce qui est impur … et vous saurez ce que Dieu en pense.
Il est reconnu que la lecture d’illustrés ou de revues de valeur contestable exerce sur nous une influence néfaste. Alors que ces faits ou ces images paraissent aller dormir dans l’oubli une fois le livre fermé, ils refont surface sous forme de rêves, de pensées et même de réactions qui nous étonnent et nous attristent. D’ailleurs quelle joie et quelle paix peuvent laisser le soir, avant d’aller dormir, tel film où la violence, les jurons, l’adultère et les propos grivois tiennent le devant de la scène. Pensons à la nourriture que nous fournissons à notre âme et posons-nous la question : « Qu’est-ce que j’entasse sur les « étagères » de mon sub-conscient ? »
Demandons-nous pourquoi nous avons tendance à fuir telle personne ? Pourquoi, en la voyant, nous nous sentons mal à l’aise ? Jugés par elle ? Comment expliquons-nous la crainte que nous éprouvons lorsque nous devons la rencontrer ? Déposons devant Dieu ces soupçons et ces craintes injustifiées en nous humiliant de les avoir trop longtemps entretenus. Quelqu’un a dit : « Vous vous imaginez qu’on pense du mal de vous. C’est faux, tout simplement parce que celui que vous soupçonnez est trop occupé de lui-même et trop soucieux de savoir ce que vous pensez de lui pour avoir le temps de penser quoi que ce soit de vous ». Laissez le Seigneur vous purifier de ces « suppositions » qui font des « bulles » et ternissent votre joie.
Lorsque le nom de tel frère est prononcé devant vous, savez-vous au juste pourquoi vous bondissez en l’accablant de reproches ? Laissez entrer dans votre débarras, non le psychiatre, mais le Saint-Esprit. Il vous rappellera que vous avez nourri à l’égard de cette personne, face à son comportement injuste ou désagréable (ce que Jésus appelle une paille), des sentiments amers et formulé des critiques sévères (ce que Jésus appelle une poutre). Pourquoi n’ôteriez-vous pas la poutre qui vous aveugle et pourquoi ne videriez-vous pas l’étagère de votre cellier en confessant votre faute à Celui qui purifie le péché ?
Voici Josette. Elle estime avoir été mal aimée dans sa famille : on lui a, dit-elle, préféré ses frères qu’on a comblés d’affection. Aussi garde-t-elle à l’endroit de ses parents une rancœur que les années n’ont pas résorbée. Cette animosité est toujours là, « sur l’étagère », avec beaucoup d’autres choses. Pourquoi la jeune fille ne viderait-elle pas le débarras en confessant de tels sentiments ?
En vérité, il y a beaucoup de choses que nous refoulons dans la pièce « fourre-tout » comme un chien bruyant qu’on cherche à faire taire en l’enfermant dans la cave. Il ne fait qu’aboyer de plus belle. On tente d’oublier tel mensonge, tel acte répréhensible du passé, telle faute de jeunesse, telle pratique « solitaire », telle injustice qui nous humilie et nous culpabilise. Impossible. Des « bulles » remontent droit du subconscient. Oublier exige un effort non négligeable car l’inconscient même est loin d’être passif. Enfoncer un bouchon dans l’eau demande peu d’énergie. Et cependant, s’il fallait le maintenir immergé, nous ressentirions à la longue une réelle fatigue. Preuve qu’il y a lutte et usure. Il en est de même des souvenirs pénibles, des erreurs et des fautes du passé qu’il faut refouler sans cesse parce qu’ils veulent refaire surface. Logés dans le subconscient, ils finissent par produire un sentiment de culpabilité, une atmosphère de grisaille qui influence notre caractère. D’où l’urgente nécessité de liquider ce passé devant Celui qui l’efface.
J’eus un jour l’occasion de converser avec un jeune homme de vingt-deux ans qui, après avoir commis plusieurs forfaits, fut appréhendé mais réussit cependant à fausser compagnie à la police. Je l’encourageai à s’abandonner à Jésus qui pardonne au pécheur et à se livrer aux autorités que ses aveux rendraient plus indulgentes.
Le jeune homme m’apparaissait décontracté, me parlant avec calme de ses exploits et des dangers qu’il courait. Soudain, la sonnette retentit à la porte d’entrée. Ce garçon d’apparence flegmatique fit un bond à trouer le plafond. En réalité, son être tout entier, apparemment calme comme l’eau d’une mare, était tendu et inquiet, sur le qui-vive perpétuel. Il avait beau vouloir oublier, il ne le pouvait.
Il y a des échecs qui nous marquent, des calomnies, des déceptions, des liens secrets, des injustices, des chocs, bref, tout un fatras de choses refoulées dans le subconscient mais non réglées, qui empoisonnent notre atmosphère, nous culpabilisent et finissent par nous abattre. Cette boue qui doit sortir influence notre comportement et nos réactions. Alors comment nettoyer le grenier ou le débarras de nos vies ?
Si les chrétiens marchaient ensemble dans la lumière, transparents les uns à l’égard des autres, il y aurait des « greniers vidés » et plus de gens libres et épanouis. Bien des drames seraient prévenus et la louange occuperait plus de place dans la communauté et les foyers.
Bien entendu, lorsqu’une faute nous est révélée, il ne s’agit pas de l’oublier mais plutôt de confesser immédiatement ce qui encombre « nos étagères ». Détournons-nous résolument de tout ce que Dieu réprouve et acceptons son pardon, sachant « qu’il efface nos transgressions comme un nuage ». Et puisqu’il a promis de « ne plus s’en souvenir » (Hébreux 8.12), n’y revenons plus.