Père, je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire.
Qui n’a été attristé, tourmenté même, de ne pouvoir remplir tous ses devoirs alors que tant d’occasions d’agir se présentaient à lui : devoirs d’époux et de père de famille, devoirs de membre actif dans l’église, devoirs de patron ou de salarié, devoirs de citoyens, devoirs de voisinage… Les tâches laissées en suspens éprouvent toujours, surtout si les choses de moindre importance ont pris le pas sur l’essentiel. On a dit que « la plupart des chrétiens sont trop occupés pour être de bons époux, pour créer un chaud foyer domestique et partager la vie de leurs enfants… Sollicités de tous côtés, bien que cherchant à satisfaire un minimum incompressible d’exigences, ils sont finalement malheureux de devoir céder à l’urgence en bâclant les tâches prioritaires. » (T. Kelly) Essoufflés, harcelés par une conscience insatisfaite, ils se rassurent en renvoyant à plus tard, aux vacances pour ne pas dire aux calendes, la vie profonde avec le Seigneur. Comment voulez-vous servir un Maître si lointain, si peu présent, semblable à quelque étranger sans cesse congédié ? Ah, parlons-en des vacances ! Nous transportons jusque dans nos loisirs la vie trépidante de notre quotidien. La voiture, la radio, les revues, les journaux, les amis à visiter à la ronde… se chargent de nous maintenir dans l’existence fébrile des jours ouvrables. Nous sommes si pauvres de vie intérieure que nos multiples occupations nous font oublier celui que nous devrions servir. Nous soupçonnons qu’il y a une autre façon de vivre nos journées, nous ressentons un malaise qui nous poursuit, mais sommes incapables de découvrir le secret d’une marche dans la lumière. Parfois, mais ils sont rares dans notre monde agité, nous rencontrons des chrétiens épanouis, sereins, jamais survoltés, dont la vie est pourtant bien remplie. Ces gens-là nous font envie. Nous les admirons quoi qu’ils ne soient qu’un reflet, un pâle reflet de notre Modèle, celui dont l’apôtre a pu dire : Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses ; si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pourrait contenir les livres qu’on écrirait (Jean 21.25).
Alors que « le doute et l’inquiétude accompagnent nos bilans d’un mois ou d’une année avec leur lourd constat de tâches inachevées » (Ch. Hummel), il est salutaire de considérer la dernière prière de Jésus, énoncée à haute voix afin que ses disciples en tirent, ainsi que nous, un profit salutaire et durable (Jean 17).
Peu de temps avant de quitter la terre, dans sa prière dite sacerdotale, le Fils de Dieu a considéré son activité passée afin d’en établir le bilan. Il nous révèle deux choses importantes :
Jésus, qui a énoncé le plus grand des commandements : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même, dans son action ici-bas, a poursuivi sans relâche et sans défaillance un double but : d’une part, la gloire du Père, d’autre part le bien, le bonheur et la joie du prochain (Luc 10.27). Telles étaient ses priorités. Rien de ce qu’il accomplissait ne s’écartait de cette ferme volonté de plaire à son Père et de faire du bien à ses semblables.
I. Double OBJECTIF
a) Premier objectif : La gloire du Père. Paroles, gestes et actes avaient, chez lui, l’honneur de Dieu pour seul mobile. Dans ses discours comme dans l’extraordinaire de ses prodiges, jamais il ne rechercha son succès personnel, sa gloire propre. Il refusait d’accomplir un miracle pour épater. Et, comme il l’a déclaré à maintes reprises, il ne cherchait qu’à exalter Celui qui l’avait envoyé et auprès de qui il vivait constamment dans une intime et parfaite communion. Avant de quitter ce monde, il pouvait affirmer en toute vérité et sans aucune hésitation : Père, je t’ai glorifié sur la terre (Jean 17 4). Totalement dépendant de son Dieu tout au long de son existence terrestre, en Fils soumis, il recevait les directives d’En Haut avant d’agir, sa constante préoccupation étant de faire la volonté de son Dieu. Je cherche la volonté de celui qui m’a envoyé, disait-il. Je ne fais rien de moi-même, mais je parle selon ce que le Père m’a enseigné… Je fais toujours ce qui lui est agréable… J’honore mon Père… Je ne cherche point ma gloire, etc… (Jean 5.19, 30 ; 8.28, 29, 50). Parcourez les Evangiles et vous constaterez que le Fils ne fut jamais à la remorque de quiconque, même pas de sa mère qui, à Cana, tentait de lui tracer sa ligne de conduite (Jean 2.3-5). Personne ne put lui imposer une seule chose qui fut contraire à la volonté de son Père.
A nous de suivre ses traces. Donnons du temps à la personne de notre Seigneur afin de discerner nos « priorités », c’est-à-dire les bonnes œuvres préparées d’avance afin que nous les accomplissions (Ephésiens 2.10).
b) Deuxième objectif. Les intérêts, le bonheur et la joie du prochain — ses disciples étant l’objet de soins tout particuliers.
Durant son passage sur la terre Jésus s’est montré totalement désintéressé, peu soucieux de lui-même. C’est sans compter qu’il s’est dépensé en faveur des déshérités de la vie, des pauvres, des malades, des handicapés de toute catégorie… sans oublier, en priorité, tous les pécheurs du monde pour lesquels il s’est rendu obéissant jusqu’à la mort afin qu’ils connaissent la paix de Dieu et possèdent en eux la joie parfaite… Il s’est présenté lui-même comme le Fils de l’homme venu sur la terre non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Marc 10.45). Jésus n’a pas failli à sa mission.
Plus encore, il a fait connaître son nom aux hommes (26) ; les conduire au salut était sa préoccupation majeure ; aussi s’est-il appliqué à enseigner et à « garder » ceux qui l’ont suivi.
A nous de suivre ses traces. Notre mot d’ordre ne devrait-il pas être le conseil de l’apôtre : Ne nous lassons pas de faire le bien car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas. Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi (Galates 6.9-10) ? Telle est la vocation de tout enfant de Dieu.
II. BILAN
Avant de monter vers le Père, le Sauveur établit le bilan de son œuvre passée : elle est colossale et sans faille. Sans hésitation, il peut dire en toute humilité : « Mission accomplie ».
En effet, le premier objectif, honorer le Père, a été pleinement atteint. Jésus l’a déclaré lui-même : Père… je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire (Jean 17.4).
Le deuxième objectif a été également réalisé, point par point : Je leur ai fait connaître ton nom… Je les ai préservés et aucun d’eux ne s’est perdu… Je les ai instruits puis envoyés à la conquête du monde (Jean 17.26, 12, 14, 18).
Aucun chrétien ne pourrait en dire autant, pas même le meilleur et le plus fidèle d’entre nous. C’est pourquoi, plutôt que de nous attarder sur des bilans désastreux qui nous jetteraient dans la confusion, tournons les yeux vers notre modèle pour limiter et, avec son secours et l’action toute puissante du Saint-Esprit, recherchons constamment la gloire de celui qui nous a tellement aimés, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur.
Il semble que toute action généreuse visant à secourir des frères dans la peine devrait être jugée prioritaire. La charité avant tout. Certes. Mais toute œuvre belle et bonne m’incombe-t-elle nécessairement ? Pierre et ses compagnons furent confrontés à ce problème, eux qui se faisaient un devoir de « servir aux tables » en faveur des veuves démunies. Sollicités de tous côtés, littéralement débordés, les apôtres ne tardèrent pas à comprendre qu’ils assuraient bien mal une distribution qui déclenchait le mécontentement et risquait de provoquer affrontements et divisions au sein de l’église de Jérusalem. Ces difficultés leur ouvrirent les yeux. Ils découvrirent bien vite qu’ils négligeaient les tâches prioritaires pour se donner à ces activités que d’autres pouvaient accomplir tellement mieux. Pierre dut l’admettre publiquement. Il ne convient pas, dit-il, que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables… Nous persévérerons dans la prière et dans le service de la Parole (Actes 6.2-4).
Avons-nous des devoirs multiples et pressants à accomplir ? Qu’ils ne soient pas un motif pour réduire le temps que nous consacrons au Seigneur. Luther était sage qui disait : « J’ai tant à faire demain que je consacrerai les trois premières heures de la journée à la prière. »
QUESTIONS