(116) Ainsi Dios nous a apporté son témoignage au sujet des assertions qui précèdent. Mais après lui je vais citer encore Ménandre d'Ephèse. Cet auteur a raconté pour chaque règne les événements accomplis tant chez les Grecs que chez les Barbares et s'est efforcé de puiser ses renseignements dans les chroniques nationales de chaque peuple. (117) Donc parlant des rois de Tyr, quand il arrive à Hirôm, il s'exprime ainsi[1] : « Après la mort d'Abibal la succession de son trône échut à son fils Hirôm, qui vécut cinquante-trois ans et en régna trente-quatre. (118) Il combla l'Eurychore et dédia la colonne d'or qui est dans le temple de Zeus ; puis, s'étant mis en quête de bois de construction, il fit couper sur le mont qu'on nomme Liban des cèdres pour les toits des temples, démolit les anciens temples et en bâtit de nouveaux ; ceux d'Héraclès et d'Astarté ; (119) le premier il célébra le Réveil d'Héraclès[2] au mois de Péritios[3]. Il dirigea une expédition contre les habitants d'Utique (?), qui refusaient le tribut ; après les avoir replacés sous sa domination, il revint chez lui. (120) Sous son règne vivait un certain Abdémon, garçon encore jeune[4], qui résolvait toujours victorieusement les questions posées par Salomon, roi de Jérusalem. »
[1] Le texte de Ménandre est également reproduit dans les Antiquités, VIII, 5, 3, § 144-146. Cet historien est appelé par Clément d'Alexandrie et Tatien « Ménandre le Pergaménien ». Gutschmid estime que son ouvrage ne concernait que l'histoire des villes de Phénicie. Époque inconnue.
[2] Ce réveil d'Héraclès paraît avoir été une fête phénicienne se rattachant au mythe d'après lequel Héraclès, tué par Typhon, aurait été ranimé au contact d'une caille que lui apporta Iolas (Eudoxe de Cnide, ap. Athénée, IX, 392 D). — Abel (Revue Biblique, 1908, p. 577) a rapproché de l'information de Ménandre le titre d'έγερσε(ίτης) [τοῦ] ῾Ηραχλέου(ς)qui figure dans une inscription d'Amman-Philadelphie.
[3] Le mois Péritios correspond à peu près à février.
[4] Trait qui manque à la relation de Dios (supra, § 115) et dont l'intérêt a été remarqué par Cosquin, Revue Biblique, 1899, p. 67. L'enfant prodige dont la sagacité assure la victoire d'un souverain défié par un rival reparaît dans le Conte démotique de Siosiri, où, grâce au héros âgé de douze ans, Ramsès II a le dessus sur le roi d'Ethiopie (I. Lévy, La légende de Pythagore, p. 194). Assez proche d'Abdémon et de Siosiri est le jeune Daniel de l'histoire de la chaste Suzanne (Daniel, XIII) qui à l'âge de douze ans d'après certaines versions (cf. Baumgartner, Archiv für Religion, XXIV, p. 273), confond l'imposture des deux vieillards.
(121) On suppute le temps écoulé depuis ce roi jusqu'à la fondation de Carthage de la manière suivante. Après la mort d'Hirôm, la succession du trône revint à Baléazar, son fils, qui vécut quarante-trois ans et en régna (dix)-sept[5]. (122) Après lui Abdastratos, son fils, vécut vingt-neuf ans et régna neuf ans. Les quatre fils de sa nourrice conspirèrent contre lui et le firent périr. L'aîné, nommé Méthousastratos, fils de Léastratos, monta sur le trône : il vécut cinquante-quatre ans et en régna douze. (123) Puis son frère Astharymos vécut cinquante-huit ans et en régna neuf. Il fut tué par son frère Phellès, qui s'empara du trône, gouverna huit mois et vécut cinquante ans. Celui-ci fut assassiné par Ithobal[6], prêtre d'Astarté, qui vécut soixante-huit ans[7] et régna trente-deux ans. (124) Il eut pour successeur son fils Balezoros qui vécut quarante-cinq ans et en régna six. A ce dernier succéda son fils Mettên qui vécut trente-deux ans et régna vingt-neuf ans ; (125) à Mettên Pygmalion, qui vécut cinquante-six ans et régna quarante-sept ans. Dans la septième année de son règne[8] sa sœur s'enfuit et fonda en Libye la ville de Carthage. (126) Ainsi tout le temps qui sépare l'avènement d'Hirôm de la fondation de Carthage fait un total de cent cinquante-cinq ans et huit mois, et comme c'est dans la douzième année du règne d'Hirôm que fut construit le temple de Jérusalem[9], depuis la construction du temple jusqu'à la fondation de Carthage cent quarante-trois ans et huit mois se sont écoulés.
[5] Le chiffre 17 (Théophile, etc.) doit être adopté de préférence à 7 (Laurentianus) pour obtenir au § 126 le total exigé : de même au § 124 nous avons adopté pour Mettên 29 ans de règne (Théophile) au lieu de 9 (Laurentianus).
[6] Josèphe a remarqué, dans les Ant. Jud., l'identité d'Ithobal avec Ethba'al, le père de Jézabel.
[7] Nous adoptons, comme Gutschmid et Naber, ce chiffre de préférence à celui de quarante-huit ans, qui a pour lui la majorité des témoins, mais est difficilement conciliable avec le contexte : Ithobal aurait été père de Balezoros à neuf ans, grand prêtre, puis meurtrier de Phellès et roi à seize ans.
[8] En 814 d'après la date la plus communément admise.
[9] Ailleurs (Ant. VIII, 3, I, § 62) Josèphe dit que la construction commença l'an onze d'Hirôm, an 240 de Tyr. Gutschmid suppose que cette date était donnée dans les chroniques tyriennes pour la construction du temple d'Héraclès et que Josèphe l'a transportée arbitrairement à celle du temple de Jérusalem.
(127) Est-il besoin de multiplier ces témoignages venus des Phéniciens ? On voit que la vérité est solidement établie par le consentement des auteurs, et que certes la construction du temple est bien postérieure à l'arrivée de nos ancêtres dans le pays, car c'est seulement après l'avoir conquis tout entier qu'ils bâtirent le temple. Je l'ai clairement montré d'après les Livres sacrés dans mon Archéologie[10].
[10] Cf. Antiq. jud., VIII, 3, I suiv.