L’Imitation de Jésus-Christ, traduite en vers français
17 De la vie monastique
Rends-toi des plus savants en l’art de te contraindre, En ce rare et grand art de rompre tes souhaits, Si tu veux avec tous une solide paix, Si tu veux leur ôter tout sujet de se plaindre. Vivre en communauté sans querelle et sans bruit, Porter jusqu’au trépas un cœur vraiment réduit, C’est se rendre digne d’envie. Heureux trois fois celui qui se fait un tel sort ! Heureux trois fois celui qu’une si douce vie Conduit vers une heureuse mort !
Si ta veux mériter, si tu veux croître en grâce, Ne t’estime ici-bas qu’un passant, qu’un banni ; Parais fou pour ton Dieu, prends ce zèle infini Qui court après l’opprobre et jamais ne s’en lasse. La tonsure et l’habit sont bien quelques dehors, Mais ne présume pas que les gênes du corps Fassent l’âme religieuse ; C’est au détachement de tes affections Qu’au milieu d’une vie âpre et laborieuse En consistent les fonctions.
Cherche Dieu, cherche en lui le secret de ton âme, Sans chercher rien de plus dessous cette couleur : Tu ne rencontreras qu’amertume et douleur, Si jamais dans ton cloître autre désir t’enflamme. Tâche d’être le moindre et le sujet de tous, Ou ce repos d’esprit qui te semble si doux Ne sera guère en ta puissance. Veux-tu le retenir ? Souviens-toi fortement Que tu n’es venu là que pour l’obéissance, Et non pour le commandement.
Le cloître n’est pas fait pour une vie oisive, Ni pour passer les jours en conversation, Mais pour une éternelle et pénible action, Pour voir les sens domptés, la volonté captive. C’est là qu’un long travail n’est jamais achevé, C’est là que pleinement le juste est éprouvé De même que l’or dans la flamme ; Et c’est là que sans trouble on ne peut demeurer, Si cette humilité qui doit régner sur l’âme N’y fait pour Dieu tout endurer.