L'apôtre Paul vide son sac !
Jusqu'ici l'apôtre a été aux prises avec l'accent exagéré que les Corinthiens mettaient sur le don des langues. Sans minimiser la valeur du véritable don, il en a démontré l'infériorité par rapport à celui de prophétie. Nous nous sommes penchés très longuement sur les cinq premiers versets de ce chapitre, pour la simple raison qu'ils sont parmi les plus controversés. Il a été nécessaire de les examiner minutieusement en rapport avec leur contexte et avec le texte grec ; mon but a consisté à faire ressortir clairement l'argument de l'apôtre.
Maintenant, dans les versets qui suivent (versets 6 à 12), Paul dit vraiment ce qu'il pense. Il expose l'absurdité d'un « parler en un langage » incompréhensible dans l'assemblée. Ce long passage ne présente aucun problème d'exégèse ; le raisonnement de l'apôtre est tellement clair qu'il n'a guère besoin d'être commenté. Même la traduction ne pose pas de problèmes.
Mais pourquoi laisse-t-on presque systématiquement de côté cette partie de l'argument de Paul ? C'est un fait non seulement curieux mais choquant : on n'entend presque jamais citer ces versets. Après tout, cela n'est peut-être guère étonnant, car ils ne contiennent rien pour encourager le « parler en langues ». Tout le passage est extrêmement défavorable à la glossolalie.
Évidemment, en se limitant aux phrases incomplètes qui semblent favoriser le « parler en langues », on fait inévitablement violence à l'argument de Paul ; une attitude semblable ne peut qu'amener les gens peu éclairés à tordre l'Écriture. C'est pourquoi il est plus que nécessaire d'étudier sérieusement les versets 6 à 12 et de les placer en parallèle avec le reste du chapitre afin d'obtenir une idée équilibrée du sujet.
TEXTE DU VERSET 6 AVEC COMMENTAIRE
« Et maintenant, frères, de quelle utilité vous serais-je si je venais à vous parlant en langues, et si je ne vous parlais pas par révélation, ou par connaissance, ou par prophétie, ou par doctrine ? »
Νῦν δέ, | ἀδελφοί, | |
nyn dé | adelphoï | |
Mais en fait, | frères, (littéralement : mais maintenant frères) |
ἐὰν | ἔλθω | πρὸς | ὑμᾶς | |||
éan | elthô | pros | hymas | |||
... si | je viens | vers | vous |
γλώσσαις | λαλῶν, | |
glôssaïs | lalôn | |
... (2) des langues [étrangères] | (1) parlant |
τί | ὑμᾶς | ὠφελήσω | ||
ti | hymas | ôphélêsô | ||
... en quoi | vous | serais-je utile... |
ἐὰν | μὴ | ὑμῖν | λαλήσω | |||
éan | mê | hymîn | lalêsô | |||
... si je | ne | vous | parle [plutôt]... |
ἢ | ἐν | ἀποκαλύψει | ||
ê | en | apokalypsei | ||
... soit | par | révélation |
ἢ | ἐν | γνώσει | ||
ê | en | gnôsei | ||
... soit | par | connaissance... [c'est-à-dire :]... |
ἢ | ἐν | προφητείᾳ | ||
ê | en | prophêteïaï | ||
... soit | par | prophétie... |
ἢ | ἐν | διδαχῇ ; | ||
ê | didachêï | |||
... soit | par | enseignement |
Quoi de plus clair que ce verset ? Paul pose carrément la question :
À quoi bon un discours en langues étrangères ou incompréhensibles, même s’il provient de la bouche de Paul en personne ? Comment en fait les croyants de Corinthe peuvent-ils recevoir de l'édification de sa part, s'ils ne comprennent pas ce qu'il dit ?
Au contraire, affirme-t-il, ce qu'il leur faut c'est une prophétie qui apporte une révélation directe de Dieu, où un enseignement qui leur donne une véritable connaissance de Dieu et de sa Parole.
Or, il est évident qu'un discours incompréhensible ne peut apporter ni l'un ni l’autre de ces avantages. Dieu pourvoit à l'édification de l'église précisément par le ministère du docteur et du prophète. Pourquoi vouloir canaliser l'action du Saint-Esprit dans une activité que lui-même ne choisirait pas ?
Ce verset est tellement clair et tranchant qu'il devrait être cité à chaque occasion où le sujet des « langues » est traité. Pourquoi est-il entouré d'un tel silence ? Pourquoi est-ce que l'on se dérobe devant un argument si percutant ? Est-ce par crainte ?
Si nous écoutions certains de nos frères, nous ferions dire à l'apôtre : « Ce dont vous avez besoin, vous autres Corinthiens qui êtes si charnels, c'est de parler davantage « en langue » ; vous avez besoin que je vienne au milieu de vous en parlant « en langues » plus que dans le passé ». Pourtant, Paul dit exactement le contraire. Ce qu'il faut à la pauvre église de Corinthe, ce n'est pas une langue incompréhensible, mais un puissant message prophétique qui mette en relief le pêché et un enseignement biblique précis qui explique la gravité de leur situation et la manière d'en sortir.
Paul fait comprendre ici aux chrétiens de Corinthe que même si un apôtre leur parlait « en langue », il ne leur serait d'aucune utilité. Il choisirait, au contraire, de leur parler en docteur ou en prophète.
Ce passage est tellement lumineux, l'argumentation de Paul si évidente, que je m'étonne devant l'obstination de ceux qui n'en tiennent pas compte. Pourquoi ceux qui fondent leur doctrine sur quelques versets (et qui plus est sur des demi-versets) seulement de ce chapitre, laissent-ils de côté cet aspect fondamental de son enseignement ?
« Si les objets inanimés qui rendent un son, comme une flûte ou une harpe, ne rendent pas des sons distincts, comment reconnaîtra-t-on ce qui est joué sur la flûte ou sur la harpe ? »
ὅμως | τὰ | ἄψυχα | φωνὴν | διδόντα, | ||||
homôs | ta | apsycha | phônên | didonta | ||||
De même, | les | choses inanimées | (2) un son (ou : une voix) | (1) qui rendent |
εἴτε | αὐλὸς | εἴτε | κιθάρα, | |||
eité | aulos | eité | kithara | |||
... soit | une flûte, | soit | une harpe (guitare !) |
ἐὰν | διαστολὴν | τοῖς | φθόγγοις | μὴ | δῷ, | |||||
éan | diastolên | toïs | phthongoïs | mê | dôï | |||||
... si | (2) distinction | à leurs | notes | (1) elles n'apportent | aucune |
πῶς | γνωσθήσεται | τὸ | αὐλούμενον | |||
pôs | gnôsthêsethaï | to | aulouménon | |||
... comment | reconnaîtra-t-on | ce | qui est joué à la flûte... |
ἢ | τὸ | κιθαριζόμενον ; | ||
ê | tô | kitharizoménon ? | ||
... ou | ce qui est | joué à la harpe ? |
Paul pousse son raisonnement encore plus loin : les êtres vivants ont chacun une voix caractéristique, ce qui nous permet de les identifier ; mais cela est également vrai pour les choses inanimées. Chaque métal résonne de façon distinctive ; le tonnerre, la grêle, la brise sur les champs de blé, toutes ces choses ont une voix particulière. De même, les instruments de musique sont conçus par les hommes de manière à présenter chaque note de la gamme de façon parfaite et avec un timbre particulier ; sans cela, aucune harmonie, aucune mélodie ne sont possibles.
Or, dit Paul, si même les choses inanimées peuvent et doivent exprimer des sons coordonnés, si même les éléments terrestres ont chacun leur voix, que l'on ne confond pas avec autre chose, pourquoi dans l'assemblée du Dieu vivant, l'Esprit de Dieu se plairait-il à s'exprimer de façon confuse ou incompréhensible ?
Le violon est conçu pour créer une musique exquise. La simple guitare bien jouée, peut communiquer un élan précis ou un air pathétique qui déchire le cœur. Aucun instrument n'est fabriqué pour ne donner qu'un bruit sans signification.
Lors donc qu'il s'agit de la musique du ciel, du logos même de Dieu, de cette sagesse infinie qu'est Christ, pourquoi l'Esprit de Dieu renoncerait-il à la parole lucide et intelligente (c'est le sens précis du mot logos) pour ne transmettre, par le croyant, qu'un son dont le sens échapperait à ceux qui écoutent ?
Plus j'examine cette question à la lumière des Écritures divines plus je suis convaincu que la recherche d'une expression incompréhensible dans l'assemblée chrétienne est une aberration. La nature même nous enseigne la sagesse Romains 1.19-20 Psaumes 19.2, 8-12 : à combien plus forte raison l'Esprit de Dieu !
« Et si la trompette rend un son confus, qui se préparera au combat ? »
καὶ γὰρ | ἐὰν ἄδηλον | σάλπιγξ | φωνὴν | δῷ, | ||||
kaï gar | éan adêlon | salpinx | phônên | dôï | ||||
Parce que, si | (4) confus, incertain | (1) la trompette | (3) un son ou : une voix | (2) rend |
τίς | παρασκευάσεται | εἰς | πόλεμον ; | |||
tis | paraskeuasétaï | eis | polémon ? | |||
qui | se préparera | pour | la guerre (ou : le combat) ? |
Il me semble que l'apôtre concentre toute la force de son argument dans ce verset. L'Église de Christ est en fait engagée dans un combat jusqu'à la mort contre les puissances diaboliques et cette action dresse le monde entier contre ses frêles ressources. Le disciple du Christ, dans ce monde qui a crucifié son Maître, trouve que tout est contre lui sauf Dieu.
Face à une situation aussi adverse, le vrai prophète est l'homme qui mobilise le peuple de Dieu ; il appelle à la repentance, à l'obéissance et à la foi ; il entraîne l'église dans un acte de témoignage qui l'engage à fond. Le message prophétique doit nécessairement être clair, puissant, intransigeant.
Ainsi, le faible Gédéon a su, par l'audace de sa résolution, sauver sa génération d'une situation inextricable Juges 6-8. Avec son armée minuscule de trois cents hommes convaincus, il a mis en fuite un ennemi composé d'au moins cent cinquante mille hommes. Ésaïe, par sa prophétie incroyablement courageuse, a pu délivrer la petite ville repentante de Jérusalem de l'irrésistible monstre de cruauté, Sanchérib 2 Rois 19. La prédication de John Knox libéra son pays, l'Écosse, de la superstition du moyen-âge. De même, les voix de Charles Studd et de Hudson Taylor entraînèrent des milliers de jeunes missionnaires en Afrique et en Chine.
Aujourd'hui, le peuple de Dieu a besoin d'entendre cette voix, le son de la trompette de Dieu, son appel aux armes, son défi qui mobiliseront les ressources de l'Église de Christ pour passer à l'attaque des puissances de ténèbres.
Je crois que la carence d'hommes d'élite dans l'œuvre de Dieu s'explique par le climat d'incertitude provoqué dans les esprits par la théologie humaniste et existentialiste qui met en doute l'authenticité de la Parole de Dieu. Quel homme, en effet, sacrifiera sa carrière et son confort pour accomplir une tâche dont il ne voit vraiment pas la nécessité ou l'utilité ? S'il ne croit pas que le sang de Christ est le seul espoir de l'humanité, pourquoi se dérangerait-il pour aller le prêcher aux gens qui, pour la plupart, ne veulent pas l'entendre ?
La force du raisonnement de Paul atteint son comble dans cette question : qui se préparera au combat ?
Le chrétien est appelé à témoigner devant un monde hostile ; il est tenu d'achever l'évangélisation des nations et de garder la foi en face des persécutions les plus atroces. Pour affronter une vie semblable, il a besoin d'entendre une parole sûre et claire de la part de son Maître. Face au sacrifice et au martyre, toute équivoque lui « coupe les bras » : il n'a plus de fondement pour sa foi. C'est pourquoi, dit l'apôtre Paul, l'église a besoin d'entendre un message prophétique aussi clair que la lumière de midi, un enseignement qui ne laisse pas l'ombre d’un doute. Or, un langage inintelligible ne peut jamais communiquer cette certitude. L'Esprit de Dieu, en nous appelant à suivre le Christ, nous parlerait-il avec une voix ambiguë ?
« Ta parole est une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier » Psaumes 119.105.
« De même vous, si par la langue vous ne donnez pas une parole distincte, comment saura-t-on ce que vous dites ? Car vous parlerez en l'air. »
οὕτως | καὶ | ὑμεῖς | ||
houtôs | kaï | hymeis | ||
De même | (2) aussi | (1) vous |
διὰ | τῆς | γλώσσης | ||
dia | tês | glôssês | ||
... par | la | langue |
ἐὰν | μὴ | εὔσημον | λόγον | δῶτε, | ||||
ëan | mê | eusêmon | logon | dôté | ||||
... si | (2) pas | (4) intelligible | (3) une parole (ou : un discours) | (1) vous (ne) donnez... |
πῶς | γνωσθήσεται | τὸ | λαλούμενον ; | |||
pôs | gnôthêsétaï | to | lalouménon ? | |||
... comment | saura-t-on | ce qui | est en train d'être dit ? |
ἔσεσθε | γὰρ | εἰς | ἀέρα | λαλοῦντες. | ||||
ésesthé | gar | eis | aéra | lalountes | ||||
... (2) vous serez | (1) parce que | (4) en | l'air | (3) en train de parler |
Je ne vois pas comment l'apôtre Paul aurait pu exprimer de façon plus transparente sa désapprobation de l'importance que les Corinthiens attachaient au « parler en langues ». Pour que l'église soit édifiée, il faut d'abord qu'elle comprenne ce qui est dit ! Si mon discours est inintelligible, comment sera-t-elle bâtie ? Même si mes paroles étaient vraies, elles ne transmettraient rien de cohérent à mes frères, je leur ferais plutôt perdre du temps. L'Esprit du Dieu Tout-Puissant s'amuserait-il réellement à m'entraîner dans un jeu semblable ? Ne cherchera-t-il pas, au contraire, à me rendre utile à mes frères ? Je crains que cette insistance sur une expression inintelligible ne soit une dégradation de son œuvre, un travestissement de son intelligence.
« Si par la langue », dit Paul, « vous ne donnez pas une parole distincte comment saura-t-on ce que vous dites ? Car vous parlerez en l'air ».
Une question : pourquoi ce verset n'est-il jamais cité quand on prèche sur le don des langues ?
Verset 10 : « Aussi nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues, il n'en est aucune qui ne soit une langue. »
τοσαῦτα | εἰ τύχοι | γένη φωνῶν | εἰσιν | |||
tosauta | ei tychoi | guénê phônon | eisin | |||
(3) tant de | (2) selon le cas | (4) sortes de voix (ou : de sons) | (1) il y a |
ἐν | κόσμῳ | |
en | kosmôï | |
(5) dans | le monde |
καὶ | οὐδὲν | ἄφωνον· | ||
kaï | ouden | aphônon. | ||
et (pourtant) | aucune (d'elles) (n'est) | sans articulation |
Paul ne ménage pas ses mots ! Les phrases de ce passage se succèdent comme des coups de marteaux. Il raisonne de la façon suivante :
Le monde est rempli de voix, dont chacune a une véritable signification. Tout oiseau a un chant qui lui est propre. Chaque animal possède un cri définissable. La voix de la rivière sur les cailloux, la pluie d'été sur le toit, les sabots du petit âne dans les ruelles d'un antique village méditerranéen : tout est caractérisé par une « voix » individuelle. Même les ouvrages humains se différencient les uns des autres selon le caractère de leur auteur. Nous avions autrefois, ma femme et moi, une petite chienne qui savait distinguer le bruit de notre voiture de celui des autres de la même marque !
Verset 11 : « Si donc, je ne connais pas le sens de la langue, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera un barbare pour moi ».
ἐὰν οὖν μὴ | εἰδῶ | τὴν δύναμιν | ||
éan oun mê | eido | tên dynamin | ||
Si donc (2) pas | (1) je (ne) connais | (3) le sens (littérallement : la puissance, c'est-à-dire : la valeur) |
τῆς | φωνῆς, | |
tês | phônês | |
de la | voix (ou : du son) |
ἔσομαι | τῷ | λαλοῦντι | βάρβαρος | |||
ésomai | tôï | lalounti | barbaros | |||
je serai | pour | celui qui parle | un barbare |
καὶ ὁ | λαλῶν | ἐν ἐμοὶ | βάρβαρος. | |||
kaï ho | lalôn | en émoï | barbaros | |||
et celui | qui parle (sera) | pour moi | un barbare |
Tout dans la création de Dieu a un sens. À combien plus forte raison l'Esprit de Dieu ne cherchera-t-il pas à s'exprimer clairement dans sa nouvelle création dont l'Église fait déjà partie ! Il est donc normal que dans l'assemblée des enfants de Dieu tout ce qui est exprimé ait un sens précis.
Si je n'observe pas cette règle, dit l'apôtre Paul, j'agis en « barbare ». Non seulement, je me présente devant mes frères, par mon langage incompréhensible en guise d'étranger (grec : barbaros), mais je les réduis, eux aussi, à l'état de « barbares ».
Ah, mon frère ! Voulez-vous que nous paraissions des barbares aux yeux l’un de l'autre ?
« De même vous, puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l'édification de l'église que vous cherchiez à en posséder abondamment. »
οὕτως | καὶ | ὑμεῖς, | ||
houtôs | kaï | hymeis | ||
De même | (2) aussi | (1) vous |
ἐπεὶ | ζηλωταί | ἐστε | πνευμάτων, | |||
épei | zêlôtaï | esté | pneumatôn | |||
puisque | (2) zélés (pour) ou : désireux (de) | (1) vous êtes | (3) les (ou : des esprits) |
πρὸς | τὴν οἰκοδομὴν | τῆς ἐκκλησίας | ||
pros | tên oïkodamên | tês ecclêsias | ||
(2) pour | l'édification | de l'église |
ζητεῖτε | ἵνα | περισσεύητε. | ||
zêteité | hina | périsseuêté | ||
(1) cherchez | de manière | à abonder |
Toujours le même refrain dans la bouche de Paul : l'important, à ses yeux, c'est que le don spirituel soit utilisé pour l'édification de l'église. Puisque mon frère n'est pas édifié si je lui parle de façon inintelligible, il va de soi que je devrai demander à Dieu de m'accorder un don plus utile. En effet, Dieu nous ordonne de chercher des dons supérieurs en abondance ; Dieu veut que l'église en soit comblée. Le dernier mot de ce verset, le verbe périsseuô, signifie en réalité : avoir une surabondance, en avoir presque trop ! Dieu est si riche qu'il sait octroyer à son Église des dons tels, qu'elle est obligée de se multiplier. Quand il y a trop d'évangélistes, trop de docteurs dans une église, c'est le moment d'éclater, d'en commencer une autre ! De cette manière, le monde serait vite rempli de petites églises vivantes qui se reproduiraient continuellement. C'est la vision de l'Église qu'avaient Christ et Paul.
« De même vous ».… C'est ainsi que Paul introduit ce verset. C'est-à-dire : à cause de tout ce qu'il a dit dans les versets précédents (versets 6 à 11), il insiste sur la recherche des dons supérieurs, les plus utiles. Parce que même les choses inanimées, toute la nature, toutes les langues humaines ont un véritable sens, voilà la raison d'importuner Dieu pour qu'il suscite de meilleurs dons que celui de parler en langue inconnue.
NOTA
Le mot « esprits » dans ce verset (grec : pneumatôn, le génitif pluriel de pneuma) paraît étrange dans ce contexte. Paul dit textuellement : « puisque vous êtes désireux des esprits, cherchez à abonder [le texte grec ne dit pas en quoi abonder, mais d'être dans l'abondance, autrement dit : rempli sûrement de l'Esprit] pour que l'église soit édifiée ». Paul ne dit pas d'abonder en « esprits »... Cela semblerait inciter à l’occultisme ! Et tout l'enseignement de la Bible est radicalement contraire à cette idée. Si pourtant nous nous bornons à traduire cette phrase mot-à-mot, elle ne présente aucune difficulté insoluble.
Presque toutes les versions contournent le problème en traduisant pneumatôn (esprits) par « dons spirituels », alors que le mot « don » ne se trouve pas dans l'original et que le mot pneumatôn est un substantif et non un adjectif.
Peut-être qu'un scribe, en recopiant cette lettre de Paul au premier siècle, s'est trompé d'orthographe en écrivant le substantif pneumatôn (= des esprits) au lieu de l'adjectif pneumatikôn (= (choses) spirituelles) — une petite erreur difficile à repérer. (Nota : que mon lecteur ne suppose pas que je mette en doute l'inspiration divine de la Bible. Je crois fermement à l’inerrance, c'est-à-dire l'infaillibilité absolue du texte original, comme le faisait le Seigneur Jésus lui-même pour l'Ancien Testament et pour ses propres paroles (Matthieu 5.18 ; 24.35). Au cours des premiers siècles, avant l'invention de l'imprimerie et avant la standardisation de l'orthographe grecque, le texte du Nouveau Testament — dont 5000 manuscrits existent encore — a été copié à la main. Il n'est pas étonnant que quelques variantes se soient glissées par-ci par-là dans cette masse de documentation. Par contre, le caractère sérieux et l'unanimité générale du témoignage qui nous est parvenu sont très impressionnants. Pas une seule doctrine biblique n'est remise en question par les variantes dont les copistes seraient responsables. Voir à ce sujet l'excellent livre du Professeur F.F. Bruce : Les Documents du Nouveau Testament : peut-on s'y fier ? [Éditions Farel] ) Seulement tous les manuscrits existants portent le mot pneumatôn et nous ne pouvons pas le modifier tant que Dieu n'apporte pas de nouvelles lumières sur la question. C'est pourtant le seul endroit où le mot est employé dans ce sens.
De toute manière, ce petit problème ne change rien à l'argument de Paul dans ce chapitre.
Il y à une autre interprétation possible du passage :
« C'est pourquoi [à cause de tout ce que je viens de dire], puisque vous recherchez tellement les esprits [angéliques ou démoniaques... comme vous le faisiez avant votre conversion], cherchez [maintenant] [plutôt] à abonder [spirituellement] de manière à édifier l'église ».
Autrement dit : Paul fait allusion à leur vie païenne antérieure, lorsque les croyants de Corinthe recherchaient les puissances invisibles (les esprits). Il les exhorte maintenant à rechercher l'abondance, c'est-à-dire la plénitude du Saint-Esprit, afin de se rendre vraiment utiles à l'église en exerçant des dons valables au lieu de poursuivre le vent, en cherchant un don qui ne communiquerait en fait rien de précis aux auditeurs. Il les met en garde surtout contre la tentation de recevoir des révélations venant d'un esprit, même angélique, autre que l'Esprit de Dieu.