« Nous aussi nous soupirons en nous-mêmes en attendant la rédemption de notre corps. »
Rien n’est plus décevant pour un prédicateur que de s’entendre dire à l’issue d’un office ou d’une réunion :
– Vraiment, je regrette… j’ai été incapable de suivre votre exposé ; j’ai saisi par-ci par-là quelques bribes de vos paroles mais insuffisamment pour tirer profit de votre enseignement.
– Ai-je parlé trop vite ?
– Pas du tout, mais vous ignoriez sans doute que l’acoustique, dans ce temple, est des plus déplorable. Si l’orateur tient à être entendu et bien compris, il doit regarder fixement, sans s’en détourner un seul instant, la colonne qui est devant lui, légèrement sur sa gauche… faute de quoi, il parle en vain et ses paroles se perdent alors dans ce vaste édifice.
Regarder au bon endroit, voilà qui est important.
Vous connaissez sans doute ce récit de l’Évangile (relire Luc 17.11-19) : dix lépreux dont un samaritain implorent Jésus qui passe : « Aie pitié de nous ! » Appel entendu puisque le Maître les envoie séance tenante vers le prêtre chargé de constater la guérison et d’accorder, si le diagnostic est favorable, le droit de réintégrer la cité. Les dix obtempèrent sans hésiter et, bientôt, ont la surprise de constater qu’ils sont guéris. On devine leur joie. L’un d’entre eux – un samaritain – revient sur ses pas pour adorer Jésus et lui témoigner sa reconnaissance tandis que les autres poursuivent leur chemin en direction de la ville. Hélas ! Ce faisant, ils tournent le dos au Sauveur et s’éloignent de plus en plus de lui. Peut-être ne le rencontreront-ils plus jamais. Ici, le bienfait occulte le Bienfaiteur. Il y a une poursuite de la guérison qui éloigne de Jésus. Regarder à Celui qui guérit importe plus que de se polariser sur la guérison et les bénédictions qui peuvent s’ensuivre. Il est bon de le redire.
Le Samaritain, cet homme doublement méprisé, a compris et reconnu que Jésus est infiniment plus qu’un puissant guérisseur. N’est-il pas le Fils de Dieu, le Messie annoncé par les prophètes et certainement attendu par ses neuf compagnons d’infortune ? En rebroussant chemin, cet étranger a réjoui le cœur de son Bienfaiteur et, du même coup, a reçu une grâce supplémentaire – le salut – un don infiniment plus précieux que la guérison de sa lèpre : « Va, ta foi t’a sauvé. »
Celui qui a le pouvoir de guérir est Dieu, et ses faveurs – la guérison y comprise – ne sont jamais des récompenses mais uniquement des faveurs, des grâces imméritées. Répétons-le : il serait inconcevable que nous nous adressions à Lui comme à un guérisseur, ou comme s’il nous devait quoi que ce soit, la délivrance de tous nos maux. Aussi, importe-t-il de reconnaître d’abord qui il est, à savoir :
Ici, retenons une recommandation sur laquelle il vaut la peine d’insister : que nos regards restent fixés sur Celui qui guérit ; s’ils l’étaient sur la guérison demandée, nous attristerions le Seigneur et risquerions de nous croire frustrés si la délivrance tardait à venir ou n’était pas accordée selon nos vœux. Le doute et le découragement nous gagneraient, nous accuserions Dieu de faillir à ses promesses et, déçus, nous nous éloignerions sûrement de Jésus. Surtout pas ! Que notre constante préoccupation soit la personne du Seigneur, Sa gloire, Son Royaume ; la réponse ne manquera pas de venir si je persévère dans une humble soumission, en ne comptant que sur sa grâce.
L’Évangile selon Saint Matthieu rapporte une parole du prophète Ésaïe qu’il applique à l’œuvre de Jésus : « Il a pris nos infirmités, il s’est chargé de nos maladies » (Matthieu 8.17 ; Ésaïe 12.17 ; 53.4). Pour ma part, je reste persuadé que le Christ, sur le Calvaire, a porté non seulement nos péchés et les a expiés, mais il s’est également chargé de nos maladies et de nos tares physiques. Il a sauvé l’homme tout entier par ses mérites et ses souffrances, et si un jour, selon les promesses de l’Écriture, notre corps jugé infirme est transformé radicalement en un corps spirituel en parfaite santé, c’est bien à cause de l’œuvre rédemptrice du Crucifié.
Il est vrai qu’à la conversion, l’enfant de Dieu reçoit un cœur nouveau, un esprit nouveau. Un changement profond s’opère en lui : il devient une nouvelle créature unie à son Créateur (2 Corinthiens 5.17). Si cette transformation est immédiate, il n’en est pas de même pour notre corps. En vérité, toute guérison physique accordée ici-bas n’est que le gage de la guérison promise et acquise à Golgotha et que nous attendons encore ; à la résurrection, elle sera totale, parfaite et définitive. C’est la “rédemption des corps” dont parle l’apôtre, leur transformation glorieuse qui s’opérera au retour du Christ ; plénitude de guérison après laquelle soupirent tant de malades et d’infirmes (Romains 8.23 ; 1 Thessaloniciens 4.15). En attendant, et en dépit des guérisons obtenues, la décrépitude poursuivra son œuvre, la vue baissera, l’ouïe sera moins fine, les réflexes plus lents ; les forces diminueront, les dents tomberont et cela « jusqu’à ce que casse le fil de la vie », c’est-à-dire, que mort s’ensuive. C’est l’Ecclésiaste qui décrit de façon imagée et saisissante cette incontournable décrépitude (Ecclésiaste 12.3-9). « L’homme extérieur se détruit de jour en jour » et nous fait aspirer – Ô combien ! – à la rédemption promise.
Mais gloire à Dieu ! La résurrection des corps attend le fidèle. Il sait qu’il revêtira un corps “tout neuf” sans commune mesure avec celui que nous possédons sur la terre et qui nous éprouve parfois si douloureusement. Nous serons transformés en un instant et le corps nouveau ne ressemblera en rien au premier devenu poussière dans le tombeau. Heureusement, nous n’emporterons pas au ciel nos infirmités ! Plus de dents qui font souffrir, plus de lassitude qui accable. Plus de déclin ou d’infirmité. Ce corps dit de résurrection sera, selon la Bible, glorieux, spirituel, éternel. Autant de termes à méditer avec reconnaissance et émerveillement. Cultivons cette merveilleuse espérance pour éclater de joie et faire nôtre l’ultime prière de l’Église : « Seigneur, vient bientôt ! » (Apocalypse 22).
La guérison totale, en plénitude, est donc À VENIR. Paul nous le rappelle dans sa lettre aux Corinthiens :
Il y a des corps célestes et des corps terrestres et ils n’ont pas le même éclat… Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible ; semé méprisable, il ressuscite éclatant de gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. Et de même que nous avons été l’image de l’homme terrestre, nous serons aussi à l’image de l’homme céleste… Je vais vous faire connaître un mystère. Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, en un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale. Car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles et nous, nous serons transformés. Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité et que cet être mortel revête l’immortalité. (1 Corinthiens 15.40-53).
Alléluia !
Questions :