Les Romains, aux jours antiques, plaçaient un esclave auprès du triomphateur, sur le même char ; tandis que la foule lançait vers le ciel ses acclamations et ses hymnes, célébrant les victoires du héros montant vers le Capitole, l'esclave lui répétait : « Souviens-toi que tu es mortel. » Près de ses serviteurs victorieux, pour les empêcher de s'enfler d'orgueil, Dieu permet aux souffrances de se hisser. Paul a son écharde en sa chair, William Booth sa cécité. Les ténèbres physiques s'efforceront d'épaissir les ombres de l'obscure vallée.
Le 11 novembre 1908, le journal du Général nous montre le voile ténébreux s'abaissant sur ses yeux :
Je me suis rendu à Nottingham pour consulter le docteur Bell-Taylor, au sujet de ma cataracte qui devient réellement ennuyeuse. Je ne puis plus lire, sauf les gros caractères, et encore avec difficulté. Chacun s'étonne que je puisse encore écrire si lisiblement ; je ne m'en étonne pas moins moi-même. En tout cas, cela devient réellement pénible. Le docteur Taylor m'a dit que mes deux yeux étaient atteints ; l'un des deux est prêt à être opéré, mais il me recommande de laisser mûrir la cataracte de l'autre, de manière à les opérer tous deux en une seule fois.
À ses souffrances physiques et à ce pronostic d'un triste avenir vinrent s'ajouter les soucis et les douleurs morales que lui causa l'avortement de son plan de colonies d'émigrés dans les dominions, Australie ou Canada, ou dans l'Afrique du Sud, en Rhodésie. À la suite de conférences avec des hommes politiques en vue, le Chancelier de l'Échiquier, M. Lloyd George, lord Roseberry, M. Churchill, M. Asquith, alors premier ministre, lord Crewe et M. Balfour, conférences très amicales, où ces hauts personnages prodiguèrent des encouragements au Général, il fallut enterrer le beau projet de colonisation en Afrique. Les chômeurs de l'Angleterre n'iraient pas exploiter la Rhodésie.
Le 16 décembre, le Général subit sa première opération. À cette époque, William Booth était devenu une célébrité, et il commençait à pâtir des ennuis de la célébrité. Les journaux publiaient des photographies de lui, voire des caricatures, ils lui attribuaient généreusement toutes sortes de paroles et d'opinions. Il s'en plaint dans une lettre du 15 janvier 1909 :
J'ai découvert que l'on faisait circuler dans la presse un portrait grotesque, copie d'une mauvaise photographie qu'un journaliste a prise de moi, hier, pendant ma courte promenade hygiénique. Cela devient vraiment agaçant : je ne puis plus bouger sans être caricaturé, ou sans que l'on m'attribue des paroles que je n'ai jamais dites ou pensé à prononcer ; mais je suppose que cela constitue une partie du prix dont nous devons payer notre renommée.
Sa vue le tourmenta bientôt de nouveau. La menace de cécité se précisait. Son agenda nous révèle les progrès du mal.
Réunion au Drill Hall – une grande salle – parlé pendant une heure et demie avec facilité, liberté d'esprit et puissance, et aussi, je crois, non sans effets et résultats. J'ai dû remarquer que ma vue baisse, impossible de lire mes statistiques. J'ai mis cela sur le compte du mauvais éclairage. Cependant je dus m'avouer que mes yeux vont plus mal, ils me firent souffrir davantage au fur et à mesure que la soirée avançait.
Le 17 août 1909, il note dans son journal :
Arrivé à Pontypool à 11 heures. Réunion enthousiaste, parlé une heure entière avec ma liberté habituelle. Mais je crains que mes maux d'yeux ne s'aggravent... J'étais logé avec un docteur un peu oculiste. Je lui ai demandé son opinion franche et nette sur mes yeux. Après un rapide examen, il ne me dissimula point la gravité de la situation. Il me dit que la cicatrice se rouvrait. L'iris est atteint ; il me conseilla de voir immédiatement mon oculiste.
Le même jour, à Newport, il résolut de consulter un autre docteur. Ce deuxième médecin, comme le premier, diagnostiqua une dangereuse aggravation de la cataracte, et il interdit au Général de continuer sa tournée d'évangélisation. Rentré à Londres, William Booth se traîna chez son oculiste qui le plaça dans une clinique, car il ne pouvait l'opérer tant que l'œil resterait enflammé. Un abcès s'y était formé. Il fallut bientôt abandonner tout espoir de lui sauver l'œil. Le 21 août, l'opération fut décidée. Les chirurgiens procédèrent à l'énucléation de l'œil droit. Le Général endura patiemment les terribles souffrances de ces journées, surtout à l'heure du pansement. Le sommeil fuyait sa couche et, pendant les longues insomnies, la douleur tenaillait son cerveau ; il avait perdu son appétit. Cependant, il triompha de cet assaut de la souffrance physique. En novembre, il avait repris sa tâche avec le même zèle et la même ardeur que jadis. Les lignes du poète s'appliquent bien à lui :
Écoute, nous vivrons, nous saignerons, nous sommes
Faits pour souffrir parmi les femmes et les hommes,
Et nous apercevrons devant nos yeux, vois-tu,
Comme des monts : travail, honneur, devoir, vertu ;
Et nous gravirons l'une après l'autre ces cimes ;
Quand nous serons en bas, loin des sommets sublimes,
Nous dresserons nos fronts ; mais en haut, nos genoux plieront...
Il gravit courageusement les cimes escarpées du devoir, au prix de quelles douleurs et de quels renoncements, Dieu seul le sait.
William Booth s'affaiblissait : son entourage s'en apercevait-il ? Remarquons-nous l'œuvre du temps sur nos bien-aimés ? Entendons-nous le bruit des ciseaux qui coupent un à un les liens qui les attachent à nous ? Un de ses intimes, le Commissaire Railton, a écrit : « Il semble presque impossible de décrire la fin de la vie du Général, parce que rien ne semblait faire prévoir cette fin, même une quinzaine de jours avant sa mort. »
Pourtant, nous pouvons entendre, dans les phrases de son agenda, comme un écho des pas feutrés de la visiteuse qui s'approchait, pour prendre le vieillard par la main et l'introduire dans un autre monde.
Je n'ai pas dormi autant que d'habitude, écrit-il au mois de mars 1910, ni autant que j'en ai besoin, pourtant je n'ai pas eu de vertige depuis onze ou douze heures. J'en suis vraiment reconnaissant. Ils sont peut-être disparus à toujours. Quelle bénédiction ce serait !
Un peu plus tard :
Hélas ! le vertige m'a ressaisi et fortement. Toutes mes espérances encore une fois déçues. Néanmoins, je veux continuer d'espérer. Je veux m'ancrer au rocher de ma foi, ma confiance en la bonté de Dieu. Je crois qu'il m'aime, et je suis sûr que je l'aime.
Plusieurs fois il s'évanouit devant sa table de travail, et il perdait la mémoire. Son œil gauche s'affaiblissait aussi. Cependant, malgré ses quatre-vingt-un ans et ses souffrances, le Général ne renonçait pas à son activité. En 1911, il entreprit encore une longue tournée de conférences à travers la Hollande, la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie. L'année suivante, il recommencera sa ronde en Hollande et en Norvège. Il organisera à Christiania un congrès pour les officiers d'État-Major de l'Europe septentrionale ; il conférencera à l'université sous la présidence du premier ministre de Norvège.
Des éclairs de bonne humeur déchiraient parfois sa nuit douloureuse. À la fin janvier 1912, en descendant de sa chambre, son pied glissa sur une marche ; il tomba à plat ventre et sa tête porta contre la muraille. Heureusement, il ne se blessa point. S'étant relevé, il consola son entourage, consterné, par cette apostrophe :
– Je vous l'avais toujours dit, que ma tête était la partie la plus dure de ma personne !
Le 9 mai 1912, à l'Albert Hall, il déclarait à un auditoire de dix mille personnes :
– Je rentre pour réparations dans la cale de radoub.
Le 23 mai, les médecins opéraient son œil gauche. Hélas ! le succès ne répondit pas aux soins que lui donnaient ses médecins, MM. Higgens, Eason et Milne, et sa fille Lucy. Il fallut se rendre à l'évidence, le Général était aveugle. Lorsque son fils Bramwell, avec d'infinies précautions, lui dévoila le verdict des médecins, le vieux prophète se réfugia dans sa foi en Dieu :
– L'Éternel connaît mieux que nous ce qui est bien, sa volonté soit faite, Bramwell. Je me suis employé de toutes mes forces au service de Dieu et des hommes quand j'avais mes yeux. Maintenant, sans mes yeux, je ferai tout ce que je pourrai pour Dieu et pour les hommes.
Il restera encore quelques mois sur cette terre ; mais tourmenté par la nostalgie du ciel, il soupirera plus d'une fois après le moment où, dans la maison du Père Céleste, il retrouvera sa Catherine et sa fille Emma.
Quelques jours avant sa mort, il eut un entretien avec son fils Bramwell. Cette conversation constitue un véritable testament spirituel.
– Chef, peux-tu me consacrer quelques minutes ? J'ai deux choses qui me préoccupent, et je désire à ce sujet que tu me fasses une promesse.
Bramwell s'assit près de son père.
– Maintenant, écoute-moi bien. Je désire que tu me promettes que tu emploieras toute ton influence sur l'Armée, quand le silence de la tombe étouffera ma voix et que je vous aurai quittés, pour la pousser à se consacrer toujours plus au service des sans-logis. Les hommes sans foyer ! Fais bien attention ; je ne parle pas seulement de ce pays, mais de tous les pays.
– Oui, Général, je comprends.
– Les femmes sans foyer ! Ah ! mon fils, nous ne savons pas, nous, ce que c'est que de ne pas avoir un logis !
Les enfants sans foyer ! Oh ! les enfants, Bramwell, occupe-toi des sans-logis, promets-le-moi. Puis il exprima le désir de voir déployer le drapeau de l'Armée du Salut en Chine.
Un autre jour, Bramwell demandait au vétéran, blanchi sous le harnais de la guerre sainte, le secret de ses succès et de sa puissance. Après un moment de réflexion, le vieillard répondit :
– Dès ma jeunesse, je me suis décidé à consacrer à Dieu tout William Booth : corps, cœur, âme, intelligence.
Dieu, les promesses divines, ses expériences de la fidélité de l'Éternel : ces pensées le hantèrent jusqu'aux portes de la Cité céleste. Les dernières paroles conscientes qu'il prononça furent :
– Bramwell, les promesses – ... (la mort, qui le tenait déjà à la gorge, arrêta momentanément le reste de la phrase) – ... les promesses, reprit-il.
Nouvelles difficultés, les mots lui manquant, semblait-il. Il reprit pour la troisième fois :
– Les promesses... Un des assistants suggéra :
– Les promesses de Dieu...
– Oui, murmura le moribond, les promesses de Dieu sont certaines, mais il faut y croire.
Le Général avait cru à la promesse divine : « Je ne te laisserai point, je ne t'abandonnerai point. Va seulement avec la force que tu as... » Les fruits de sa foi, nous les connétables : l'Armée du Salut et son œuvre bénie pour les corps et les âmes, et la carrière glorieuse de William Booth.
Du rocher de Jacob toute l'œuvre est parfaite,
Ce que sa bouche a dit, sa main l'accomplira :
Alléluia ! Alléluia !
Car il est notre Dieu, notre haute retraite.
De tous nos ennemis il sait quel est le nombre,
Son bras combat pour nous et nous délivrera :
Alléluia ! Alléluia !
Les méchants, devant lui, s'enfuiront comme une ombre !
Ces strophes condensent en quelques lignes l'expérience du Général William Booth.
Quatre jours après avoir rendu cet ultime témoignage, le 20 août 1912, le Général franchissait le portail de la Cité divine. Sa mort fut calme, à peine si les dernières minutes de sa vie terrestre se signalèrent à ses enfants qui entouraient son lit, par une respiration un peu plus courte et par un affaiblissement des battements du pouls ; il s'endormit littéralement dans les bras du Seigneur.
Nous ne nous arrêterons pas à la description des funérailles du Général Booth : les soixante-cinq mille personnes qui défilèrent devant le cercueil dans la salle du Congrès de Clapton, les trente-cinq mille qui se réunirent pour le service commémoratif à la salle de l'Olympia de Londres, et les millions de personnes qui se pressaient respectueusement sur le passage du cortège funèbre. Sans doute ces scènes se prêtent au jeu des faciles antithèses : le trafic de Londres arrêté, pendant trois heures, pour l'enterrement du prédicateur que la cité avait repoussé et que les faubourgs avaient lapidé ; la presse qui, jadis, l'insultait, publiant d'infâmes calomnies pour le salir, aujourd'hui remplissant ses colonnes d'articles élogieux, et déplorant l'appauvrissement de l'humanité, conséquence de la mort du Général.
Même nos journaux français qui ne se préoccupent guère des événements religieux et, jusqu'alors, n'avaient parlé de l'Armée du Salut que pour blaguer le jersey rouge, le chapeau « Miss Heyliett », la fanfare et l'accent des premières officières, consacrèrent à la mort du Général des articles sympathiques.
Le Temps du 22 août, après avoir résumé la carrière de William Booth, ajoutait :
Nous n'avons pas la prétention de refaire ici l'histoire du mouvement original et puissant, où quelques traits puérils sont noyés dans la vague des sentiments généreux de la foi illuminée de la large fraternité. Le « Général » fut l'âme de ces troupes d'un nouveau genre, dont il traça lui-même les règlements sur le modèle extérieur de l'armée anglaise. Les persécutions qui suscita l'organisation nouvelle prirent fin vers 1890 ; c'est à cette époque que M. Booth traça le plan d'une rénovation des classes miséreuses par son fameux livre Dans la plus sombre Angleterre et le moyen d'en sortir.
La même année, il perdait sa femme qu'il avait eue trente-cinq ans à ses côtés dans sa tâche, et qui déploya la plus admirable activité de prédicante. Il demeura ferme au poste, nullement affaibli par le chagrin et par l'âge. Beaucoup de ses idées sociales ont fini par être adoptées en son pays et ailleurs et, en 1905, lorsque les souverains anglais inaugurèrent une formidable souscription pour tâcher de résoudre le problème des sans-travail, ce fut le Général Booth qu'on appela pour l'administrer.
Le Gaulois, le même jour, publiait un article de plus de cent lignes sur la carrière de celui qu'il appelait improprement le « Maréchal Booth » :
Nous ne voulons pas plaisanter sur la mort de cet homme qui a rempli de réelles bonnes œuvres une vie longue et pénible, car il meurt à quatre-vingt-trois ans sans s'être jamais reposé.
Son action se résume en ceci : il a ramené à Dieu, et à la morale, quantité d'âmes qui allaient au matérialisme et au vice ; il a fondé, un peu partout, sept cent cinquante asiles et maisons de refuge pour les malheureux ; il a procuré du travail à ceux qui n'en avaient pas ; il a méprisé le respect humain pour faire le bien.
Excelsior, le Radical, l'Intransigeant, Gil Blas, le Voltaire, et combien d'autres journaux parisiens, rivalisèrent de louanges pour le Général. Le Journal des Débats affirmait :
Il n'y eut peut-être jamais un homme comme celui qui vient de mourir, après avoir passé cinquante ans de sa vie à courir le monde à la recherche des misérables et des désespérés, pour créer de pareilles œuvres sociales...
Le Petit Républicain déclarait :
C'est une très noble personnalité morale, plus encore qu'une des plus fameuses célébrités de notre temps qui vient de disparaître. S'il devint prédicateur, il naquit apôtre. Il avait le génie de la conversion et il ne cherchait ici-bas nulle autre carrière. Il n'y a plus une ville du monde anglo-saxon, où son Armée n'ait arraché par centaines des hommes à l'alcool, des femmes à la prostitution.
Le grand organe de la Suisse romande, Le Journal de Genève, paya lui aussi son tribut d'admiration au noble chrétien et au vaillant soldat qui venait de déposer son épée :
C'est une des plus utiles existences de notre temps qui vient de prendre fin. Le Général Booth était un héros de l'humanité. Son influence a dépassé de beaucoup celle de nombreux grands de la terre, et son souvenir mérite les bénédictions d'innombrables malheureux.
… Ses débuts furent bruyants, contestés, contestables. C'était comme une montée des bas-fonds de la société. Les cultes en plein air, les processions dans les rues, les fanfares, les cantiques sur des airs badins, la hiérarchie à titre militaire, les invasions d'estaminets pour en détourner les clients et les amener à rompre avec leurs habitudes d'ivrognerie, les récits bruyants, d'allures parfois charlatanesques des réprouvés « nés de nouveau », se heurtèrent à une hostilité très vive, qui mit souvent en péril la liberté de l'Armée, tout en lui procurant, en plus d'un lieu, les bienfaits de la persécution. Cette méthode, qui répugnait à beaucoup de bons chrétiens, n'en a pas moins fait ses preuves, dans le monde anglo-saxon surtout. Elle a permis d'atteindre des couches populaires qui n'étaient, jusqu'alors, pas touchées par l'action des Églises établies. Et si les « campagnes d'ordre purement religieux du Général Booth n'ont pas cessé de soulever la contradiction, bien que les pratiques de son Armée se soient peu à peu tempérées, son œuvre purement sociale mérite et obtient, dans les milieux les plus variés, une approbation, une admiration unanimes et sans réserve.
Il était servi par un caractère impérieux, de saintes colères et une éloquence imagée. William Booth fut un des chrétiens les plus nobles dont l'histoire ait enregistré le nom. Il n'avait pas de doctrine spéciale, il n'exigeait de ses adhérents aucun credo théologique ; il faisait mieux : il agissait et faisait agir comme son Maître.
L'action ! L'action bonne ! L'action chrétienne ! Ce mot : l'action, résume toute la vie de William Booth. Un grand prédicateur moderne a déclaré :
Lancer dans le monde une multitude de gens animés de l'esprit de sacrifice de leur Maître et qui, dans la même foi et avec le même but, se donnent au service de l'humanité, voilà la gloire permanente de l'Évangile du Christ et ce qui fait espérer son triomphe.
Quiconque a lu, sans parti pris, la biographie de William Booth, appliquera cette phrase au Général : la gloire permanente du Général se trouve dans ces milliers d'officiers et soldats salutistes, lancés dans le monde pour continuer l'œuvre du Christ au service des plus humbles enfants des hommes.
Du Général, on peut dire : « Et mort, il parle encore. » Non seulement il parle, mais il continue à agir comme un puissant levain, travaillant à la transformation de notre société égoïste et méchante. Son souvenir inspire et les officiers, et les soldats de l'Armée du Salut, et les chrétiens de toutes les dénominations. Il les empêche d'oublier le second commandement, tout aussi important que le premier ordonnant l'amour envers Dieu : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », ou plutôt : « Tu aimeras ton prochain comme Christ t'a aimé », tu l'aimeras jusqu'au renoncement à tes aises, à ton bien être et, s'il le faut, jusqu'au suprême sacrifice. L'antiquité judaïque a eu ses prophètes champions du droit, de la justice et de la miséricorde, le premier siècle chrétien se glorifie de son apôtre missionnaire, son saint Paul affirmant : « Malheur à moi si je n'évangélise ! ... » Mais le XIXe siècle n'a rien à envier à l'antiquité judaïque et au christianisme primitif, puisqu'il a eu ses missionnaires : les William Carey, les Adoniram Judson, les Coillard, les Mabille, le catholique Charles de Foucault ; ses prophètes en la personne des Josiah Strong, des Rauschenbusch, des Lamennais, des Tommy Fallot et des Rochat ; et, unissant en un seul homme prophètes et missionnaires, son William Booth.
La vie de William Booth semble résumée dans ces lignes d'un auteur contemporain, par lesquelles nous terminerons cette biographie : « Je me suis fait rôdeur pour frôler tous ceux qui rôdent, je me suis pris de tendresse pour ce qui ne sait où se chauffer, et j'ai passionnément aimé tout ce qui vagabonde. »