La dernière, la moins injurieuse et la plus plausible des fausses théories sur la vie de Jésus est l’hypothèse dans l’invention poétique. Elle peut revêtir deux formes : celle du mythe et celle de la légende. La première se fonde surtout sur les anciens cycles mythiques des dieux et des demi-dieux païens, et la seconde sur les légendes des martyrs et des saints chrétiens au moyen âge.
L’hypothèse mythique a été exposée et appliquée par David-Frédéric Strauss, avec les recherches patientes, la solidité et la profondeur d’un savant allemand ; et l’hypothèse légendaire par M. Renan, avec l’éclat, l’élégance et la frivolité d’un nouvelliste parisien. L’une a été écrite pour les savants, et l’autre pour le peuple ; l’une s’appuie sur la base philosophique d’un panthéisme spéculatif ou logique, et l’autre sur celle d’un panthéisme sentimental ou poétique. La Vie de Jésus de Strauss est à la Vie de Jésus de M. Renan ce que la pesante armure d’un chevalier du moyen âge est à l’uniforme de parade d’un soldat moderne endimanché, ou ce qu’une statue d’airain est à une figurine de cire bien ornée ; mais au fond elles parlent, toutes les deux, des mêmes présuppositions naturalistes, et aboutissent aux mêmes conclusions. Elles sont également hostiles à l’élément miraculeux et surnaturel, et ne laissent subsister du Jésus vivant des Evangiles que l’ombre d’un spectre, un caput mortuum.