Matthieu 9.18-19, 23-26 ; Marc 5.22-24, 35-43 ; Luc 8.41-42, 49-56.
Ce miracle est rattaché immédiatement par saint Marc et saint Luc au retour du Seigneur de la contrée des Gadaréniens. Dans saint Matthieu, d’autres événements ont lieu avant celui-ci : la guérison du paralytique, la vocation de Matthieu, et quelques entretiens avec les pharisiens. Saint Marc et saint Luc nous indiquent le nom du père de l’enfant ; saint Matthieu, qui ne s’occupe que du fait essentiel et néglige les détails secondaires, parle de lui comme étant « un chef. » Il s’agit, d’après les deux autres évangélistes, d’un chef de synagogue ; c’est de la synagogue de Capernaüm qu’il est question, puisque Jésus se trouvait alors dans cette ville. D’après Matthieu, ce chef vient à Jésus pour lui dire : « Ma fille est morte, il y a un instant ; mais viens, impose-lui les mains, et elle vivra. » Les autres évangélistes disent : « Ma petite fille est à l’extrémité. » — « Il avait une fille unique d’environ douze ans, qui se mourait. » Il n’est pas difficile de concilier ces références ; le père avait quitté sa fille mourante, il ne savait si elle vivait encore ou si elle était morte ; il pouvait supposer qu’au moment où il s’approchait de Jésus elle était déjà morte, toutefois, il était encore dans l’incertitude, voilà pourquoi il s’exprime tantôt d’une manière, tantôt d’une autre.
Le Seigneur, toujours prêt à secourir les malheureux, « se leva et le suivit avec ses disciples ; » la foule le suivit aussi, afin de voir ce qui arriverait ; pendant que Jésus était arrêté par l’hémorrhoïsse, le père devait être dans une grande angoisse, chaque instant était précieux ; cependant, il ne donne aucun signe d’impatience. Tandis que le Seigneur parlait à la femme, quelques amis ou serviteurs du chef arrivèrent de sa maison. Saint Luc ne parle que de l’un d’eux, probablement celui qui était chargé du message ; ils vinrent dire au chef : « Ta fille est morte, n’importune pas le Maître. » Ils avaient cru peut être que Jésus pourrait guérir la jeune fille si elle vivait encore, mais ils ne croyaient pas qu’il pût la ressusciter ; ils avaient perdu tout espoir ; il aurait pu en être de même du père, et alors le miracle n’eût pas eu lieu, puisque la foi, condition nécessaire, aurait manqué ; mais le Seigneur, dans sa bonté, prévint les doutes qui risquaient de s’élever dans le cœur de ce père : « Ayant entendu cela, il dit au chef de la synagogue : Ne crains pas, crois seulement. » Jésus prit avec lui trois apôtres, ceux dont il s’entourait ordinairement dans les circonstances importantes, Pierre, Jacques et Jean ; ils entrèrent avec lui dans la maison. « Alors Jésus dit : Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte, mais elle dort. »
Quelques interprètes croyants, Olshausen par exemple, ont pensé qu’il s’agissait d’un sommeil de la fille de Jaïrus, et non de sa mort, en sorte que nous n’aurions pas ici, a proprement parler, une résurrection ; ce serait, selon eux, un cas de léthargie, mais dont Jésus seul pouvait la délivrer. S’il en eût été ainsi, la parole adressée au père par Jésus eût été différente, lorsqu’on vint annoncer la mort de l’enfant ; en disant : « Ne crains point, crois seulement, » Jésus l’invite à se confier en sa toute-puissance. Il dit au sujet de Lazare : « Lazare notre ami dort ; » il est vrai qu’il ajoute : « Lazare est mort, parce que les disciples n’avaient pas compris la première parole. Dans toutes les langues, il est parlé de la mort comme d’un sommeil ; par cette expression l’on ne nie pas la réalité de la mort, mais on veut dire qu’elle sera suivie d’une résurrection, comme le sommeil est suivi d’un éveil ; il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le Seigneur s’est exprimé ainsi. C’est d’abord par égard pour la foi chancelante du père ; c’est une autre manière de lui dire : « Ne crains point, crois seulement. » Puis, à cause de la foule, dont il désire ne pas attirer les regards sur le miracle, Jésus veut jeter un voile sur l’œuvre qu’il va opérer.
Après avoir ainsi parlé, il renvoie les pleureurs, car leur présence était inutile : il n’y avait pas lieu de se lamenter, puisque la vie allait être rendue à l’enfant il s’agissait simplement de réveiller celle qui dormait : mais plusieurs se moquaient « sachant qu’elle était morte. » En outre, les lamentations, le chagrin bruyant de quelques-uns, ne s’accordaient pas avec l’acte saint qui devait s’accomplir (2 Rois 4.33).
La maison est maintenant solitaire et tranquille ; deux âmes, qui espèrent et croient, se tiennent, comme des flambeaux funéraires, près du lit de la morte, ce sont le père et la mère. Alors s’accomplit l’acte de résurrection ; le Seigneur prit l’enfant par la main, et lui dit : « Jeune fille, lève-toi. Aussitôt la jeune fille se leva, et se mit à marcher. » Pour la fortifier, et lui prouver que la vie lui avait réellement été rendue, « Jésus dit qu’on lui donnât à manger. »
Les miracles de résurrection ont toujours été considérés comme les plus grandes manifestations de la puissance de Christ et ont aussi toujours été une pierre d’achoppement pour les incrédules. Ces miracles ne sont pas tous exactement les mêmes ; chacun d’eux est un déploiement plus grand du pouvoir de Christ ; il y a une progression ascendante jusqu’à la résurrection de Lazare, dont le corps était en décomposition. La résurrection de celui qui était mort depuis quatre jours est un plus grand miracle que la résurrection du jeune homme de Nain, et celle-ci est plus remarquable que la résurrection de la fille de Jaïrus, chez qui la flamme que la vie pouvait être plus facilement rallumée par le contact avec Celui qui est le Prince de la vie. Mais le plus grand miracle sera la résurrection générale lorsque tous les morts sortiront de leurs tombeaux à la voix du Fils de Dieu (Jean 5.28-29).