Le don de parler diverses langues

CHAPITRE 19

ANALYSE DU TEXTE DE

DE 1 CORINTHIENS 14.21 À 25

Les versets 21 et 22 sont indissociables et représentent une sorte de pivot autour duquel tourne toute l'argumentation de Paul dans ce chapitre.

Les versets 23 à 25 dépendent de la conclusion à laquelle Paul est amené au verset 22.

TEXTE DES VERSETS 21 ET 22

Verset 21 : « Il est écrit dans la loi : c'est en d'autres langues et par des à d'étrangers (hébreu : par des railleries de la lèvre et par une langue étrangère) que je parlerai à ce peuple et même ainsi, ils ne m'écouteront pas, dit le Seigneur. »

Verset 22 : « Par conséquent, les langues sont un signe, non pour les croyants, mais pour les non-croyants ; la prophétie, au contraire, est un signe, non pour les non-croyants, mais pour les croyants. »

Verset 21

ν ἑτερογλώσσοιςκαὶἐνχείλεσινἑτέρων
en hétéroglôssoïskaïencheilésinhétérôn
avec des langues
étrangères
etparles lèvresd'autrui

λαλήσωτῷ λαῷ τούτῳκαὶ οὐδ'οὕτως
lalêsôtôï laôï toutôïkaï oud'houtôs
je parleraià ce peupleet même pasainsi

εἰσακούσονταί μου, λέγει κύριος.
eisakousontaï mou léguel kyrios
ils ne m'écouteront dit le Seigneur

Verset 22

ὥστεαἱ γλῶσσαι εἰς σημεῖόνεἰσιν
hôstéhaï glôssaï eis sêmeioneisin
Par conséquentles langues (2) pour un signe
[c'est-à-dire : servent de signe]
(1) sont

οὐτοῖςπιστεύουσινἀλλὰτοῖς ἀπίστοις,
outoïspisteuousinallatoïs apistoïs
nonauxcroyantsmais,
au contraire,
aux non-croyants ;

ἡ δὲπροφητείαοὐ τοῖς
hê déprophêteiaou toïs
par contre (dé)la prophétie
[sert de signe]
non aux

ἀπίστοις
apistoïs
non-croyants

ἀλλὰτοῖς πιστεύουσιν.
allatoïs pisteuousin
mais, au contraire,aux croyants.

NOTE IMPORTANTE SUR LE VERSET 21

Le verset 21 contient l'unique citation biblique (c'est-à-dire de l'Ancien Testament) dans tout le texte de Paul sur les langues. Il s'agit d'une prophétie d'Ésaïe dont la portée est d'une extrême gravité. L'étude de ce verset soulève des questions d'une telle envergure que j'ai jugé nécessaire de lui consacrer un chapitre entier.

Pour cette raison, nous passerons directement au commentaire du verset 22 et du reste du chapitre, pour revenir au verset 21 à la fin du livre. ( voir le chapitre 28) (La citation est en caractères gras.)

COMMENTAIRE SUR LE VERSET 22

Ce verset, comme le verset précédent, est très significatif.

1

Il est vrai que l'apôtre Paul ne nous donne aucune description des langues miraculeuses, comme le fait Luc ; il n'est donc pas possible, d'après les seuls écrits de Paul, d'établir la vraie nature de ce don. C'est pour cette raison que nous devons inévitablement nous référer à Actes 2 pour comprendre le sens que Paul donne aux « langues ».

Paul nous donne pourtant, dans ce verset 22, une définition qui précise de façon succincte et claire le but de ces langues. Ce texte est donc d'une importance capitale pour la compréhension du sujet ; c'est une clé que nous devons utiliser.

« Les langues, dit Paul sont un signe, non pour les croyants, mais pour les non-croyants ». Leur but est de convaincre ceux qui ne croient pas encore en Christ.

Cela est extrêmement intéressant. Le Saint-Esprit, par cet énoncé de la main de Paul, confirme ainsi tout ce que nous avons dit jusqu'à présent. Pour Paul, le vrai don des langues est orienté vers les inconvertis, exactement comme dans Actes 2.1-11.

En ce jour où l'Église est née à Jérusalem, les langues des apôtres ont touché les divers groupes linguistiques dans la rue, elles les ont amenés à se renseigner plus profondément ; les étrangers ont compris suffisamment bien pour se rendre compte d'un acte de Dieu à leur intention. Ils ont entendu parler des « grandes choses de Dieu » (traduction exacte du grec).

Or, il est évident, comme nous l'avons déjà dit, que Paul, dans son épître aux Corinthiens, a la même optique du don des langues que l'auteur des Actes ; dans chaque cas, le but de ce don est identique.

Ce texte nous aide sensiblement à interpréter correctement l'enseignement de Paul. Il exprime de façon claire l'objectif du Saint-Esprit. Les langues que Paul entend ici ne sont pas incompréhensibles à ceux qui sont interpellés par Dieu ; car quel non-croyant de la rue se laisserait convaincre par un discours inintelligible ? Par contre, un véritable blasphémateur sera bouleversé s'il entend une réprimande que Dieu lui aura communiquée miraculeusement dans sa langue maternelle par la bouche d'un simple disciple de Christ. Ensuite, si cet homme cherche à se renseigner plus amplement, l'Évangile pourra lui être alors expliqué, s'il le faut, par l'intermédiaire d'un traducteur. Son cœur pourra s'ouvrir à l'Évangile et Dieu le sauvera. Que de fois j'ai dû prêcher Christ dans de telles conditions !

C'est en suivant les principes d'une exégèse valable — et surtout honnête — que nous pouvons parvenir à coordonner les éléments de l'Écriture qui à première vue paraissent contradictoires ou du moins confus ; nous expliquons ainsi les textes sans en tordre le sens, sans avoir à les manipuler de manière à les accommoder à des idées préconçues.

Il y a donc, comme nous l'avons constaté au début, un accord parfait entre l'optique de Luc et celle de Paul, entre les textes des Actes et celui de l'épître aux Corinthiens. Le « parler en langue » biblique est un phénomène bien défini, unique dans son caractère, une expression logique de la sagesse de Dieu, entièrement digne de l'Esprit de vérité qui est venu dans le monde apporter la lumière et non les ténèbres, la paix et non la désunion, la vérité simple et directe et non l'équivoque, l'ordre et non la confusion.

Merci, Seigneur Jésus-Christ, pour cette parole !

2

Paul ne dit pas seulement que les langues sont conçues pour les inconvertis, il dit précisément qu'elles ne sont pas conçues pour les croyants. Ils n'en ont pas besoin : non seulement ils sont déjà convaincus et nés de nouveau, mais Dieu a d'autres moyens plus efficaces pour les instruire et les bénir. La notion populaire selon laquelle Paul entend dans ce chapitre des langues « inintelligibles » est rendue nulle par la définition qu'il nous donne. Ce n'est pas avec des langues inintelligibles que l'Esprit de Dieu entend convaincre les non-croyants. Il en est de même pour les croyants : la supposition que le don des langues est destiné à l'édification des croyants — que ce soit pour l'assemblée qui écoute ou pour l'individu qui parle — va à l'encontre de ce que Paul dit ici : « non pour les croyants ».

Or, l'Esprit de Dieu nous fait bien comprendre par l'Écriture :
— d'abord, qu'il n’accorde pas le don des langues à tout le monde ; Romains 12.4,6, 1 Corinthiens 12.4,11 ; 14-25, 27-31 ;
— en second lieu, qu'il préfère s'exprimer par la prophétie et par les dons qu'il appelle « les meilleurs » 1 Corinthiens 12.31 ; 14.1-12. Si donc des croyants tiennent à le forcer à faire ce qui n’est pas dans sa volonté, comment le résultat peut-il glorifier Dieu ? Ce serait provoquer ainsi une situation « irréelle ». Paul veut enseigner aux Corinthiens que chaque don a sa place et que seul le Saint-Esprit sait comment il veut distribuer ses divers dons. Il est plus intelligent que nous et c'est à nous de respecter l’ordre qu'il établit et qu'il nous révèle dans sa Parole. Le don des langues n'a normalement pas sa place dans une réunion de chrétiens. Puisque les langues ne sont pas un signe pour les croyants, pourquoi vouloir les leur imposer ? N'est-ce pas créer un climat d'absurdité ?

3

Ce tableau négatif est contrebalancé par le reste du verset 22 où Paul dit que la prophétie est, au contraire, un signe pour les croyants.

Par la bouche du vrai prophète, Dieu parle à son peuple en « face à face ». Le message est compréhensible, il est direct et percutant ; l'assemblée est éclairée et chacun sait très bien où il en est. Le prophète met ses frères devant les exigences et les promesses de la Parole de Dieu : ils se trouvent confrontés à un choix entre l'incrédulité et l'obéissance de la foi.

Or, ce message est adressé essentiellement à ceux qui connaissent Dieu et pour qui sa Parole a de la valeur. Les inconvertis ne connaissent pas la Parole de Dieu ; le prophète ne peut pas les rappeler à l'ordre, car ils ignorent cet ordre ; c'est l'évangéliste et non le prophète qui parvient à éveiller leur conscience par la Parole de Dieu. Tout comme le docteur, le prophète peut faire, certes, le travail d'un évangéliste 2 Timothée 4.4 et il est tenu de témoigner de Christ, comme nous tous d'ailleurs, devant tout le monde. Mais son message prophétique s'adresse aux croyants ; il ne le proclame pas dans la rue mais dans l'assemblée : les gens de la rue le trouveraient incompréhensible. Chaque don a son utilité et sa place dans l'économie de Dieu.

Nous avons déjà assez étudié la valeur et le but de la prophétie pour n'avoir pas à disserter sur le sens de cette phrase : elle est, je l'espère, parfaitement claire aux yeux de mon lecteur.

TEXTE DES VERSETS 23 À 25 AVEC COMMENTAIRE

verset 23 : « Si donc, dans une assemblée de l'église entière, tous parlent en langues, et qu'il survienne des hommes du peuple (grec : des gens non instruits) ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous ? »

verset 24 : « mais si tous prophétisent, et qu'il survienne quelque non-croyant ou un homme du peuple, il est convaincu par tous, il est jugé par tous, »

verset 25 : « les secrets de son cœur sont dévoilés, de telle sorte que, tombant sur sa face, il adorera Dieu, et publiera que Dieu est réellement au milieu de vous. »

Verset 23

Ἐὰν οὖνσυνέλθῃ ἡἐκκλησίαὅλη
éan ounsynelthêïhê ekklêsiaholê
si donc(3) est rassemblée(1) l'église(2) entière

ἐπὶ τὸ αὐτὸκαὶ πάντεςλαλῶσινγλώσσαις,
épi to autokaï panteslalôsinglôssaïs
au même endroit,
(ou : tous ensemble)
et tousvous parlezen langues

εἰσέλθωσινδὲ ἰδιῶται
eiseilthôsinidiôtaïê
[et] il entrecependantdes gens sans instructionou

ἄπιστοι,οὐκἐροῦσινὅτι μαίνεσθε ;
apistoïoukérousinhoti maïnesthé ?
non-croyantsnediront-ils (pas)que vous êtes fous ?

Verset 24

ἐὰνδὲπάντεςπροφητεύωσιν,
éanpantèsprophêteuôsin
sipourtanttousprophétisent

εἰσέλθῃδέτιςἄπιστοςἢ ἰδιώτης,
eiselthêïtisapistosê idiôtês
(et il entre)cependantun (homme)non-croyantou sans
instruction

ἐλέγχεταιὑπὸπάντων,
élenchétaïhypopanthôn
il est convaincupartous

ἀνακρίνεταιὑπὸπάντων,
anakrinétaïhypopantôn
il est jugé (ou : sondé)partous

Verset 25

τὰκρυπτὰτῆς καρδίας αὐτοῦφανερὰγίνεται,
takryptatês kardias autouphanéraguinétaï
lessecretsde son cœur(2) évidents(1) deviennent

καὶοὕτωςπεσὼνἐπὶπρόσωπον
kaïhoutôspésônépiprosôpon
etainsitombantsursa face

προσκυνήσειτῷ θεῷἀπαγγέλλωνὅτι
proskunêseitôï théôïapanguellônhoti
il adoreraDieuen déclarantque

Ὄντωςὁ θεὸςἐν ὑμῖνἐστιν.
ontôsho théosen hyminestin
(3) réellement(1) Dieu(4) au milieu
de vous
(2) est

* * *

Les versets 23 à 25 mettent à nouveau en relief la différence entre le don de prophétie et le don des langues. Dans les rassemblements de l'église où la prophétie trouve sa véritable place (une place d'ailleurs indispensable), tous les croyants peuvent s'exhorter mutuellement, les uns après les autres, de semaine en semaine — non pas tous à la fois, certes, mais chacun à son tour et deux ou trois par rencontre (1 Corinthiens 14.31). Celui à qui le don de prophétie est confié y prend aussi sa place ; une lourde responsabilité repose sur ses épaules ; son message peut avoir des conséquences très sérieuses pour l'église.

Un non-croyant, présent dans une rencontre où la prophétie est exercée de façon « normale » et en conformité avec la pensée de Dieu, est tout de suite frappé par l’action incontestable de l'Esprit de Dieu à travers les uns et les autres. Même s’il ne comprend pas toutes les allusions bibliques, si certaines expressions lui échappent, il est tout de même puissamment impressionné par l'authenticité et la sagesse des témoignages, par la force de la Parole de Dieu, par l'ambiance de sérieux et d'amour qui règne dans l'assemblée, par la présence manifeste de Christ. Bien que les exhortations des prophètes soient adressées aux chrétiens et non pas aux inconvertis, le non-croyant qui se trouve présent ne peut qu'être conscient de la main de Dieu sur tous. Il est témoin d'une réalité spirituelle qui finit par le convaincre. Bien que le message prophétique ne lui soit pas spécialement adressé, ce don, parce qu'il est utilisé correctement, dans son contexte normal, et selon les directives du Saint-Esprit, lui apparaît comme quelque chose de vrai. Le fonctionnement d'une église sincèrement spirituelle est un témoignage qui ne manque pas de toucher même les inconvertis présents. Moi-même, j'ai vu des non-croyants amenés à Christ dans des études bibliques, dans des unions de prières, à la sainte cène, à l'occasion des baptêmes en public et dans de simples rencontres fraternelles. Si Christ est présent toutes les activités de l'église revêtent un caractère réel, authentique, divin.

Si par contre, certains de ces croyants, au lieu d'employer des dons spirituels propres aux circonstances, tiennent à s'exprimer de façon tout à fait inintelligible, l'absurdité de la situation ne peut que faire une impression négative sur les non-croyants qui assistent à la rencontre. Même si la langue est « interprétée » par la suite, ils peuvent se demander pourquoi Dieu ne s'est pas exprimé en premier lieu de façon compréhensible : le processus ne semble pas digne d'une sagesse divine.

Un non-croyant patientera peut-être une ou deux fois devant une anomalie semblable mais, si elle se répète souvent, il dira (c'est Paul qui l’affirme) que les membres de l'assemblée sont fous. Au lieu d'entendre les paroles d'une sagesse divine, il aura l'impression d'être témoin d'une véritable aberration. Un don des langues authentique, employé dans le sens voulu par Dieu, ne peut qu'être un témoignage puissant de la vérité de Christ, comme le bon fonctionnement d’un organe du corps, par exemple, un œil ou une main. Mais quand on voit un homme qui essaie de marcher sur les mains ou d'utiliser sa bouche pour tenir un marteau, on peut penser à juste titre qu'il ne va pas très bien !

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