D’ailleurs, si prédicateur d’un dieu nouveau, il travaillait à abolir la loi du Dieu ancien, pourquoi, muet sur le dieu de Marcion, se contente-t-il de proscrire la loi ancienne uniquement ? Pourquoi ? Parce que la foi au Créateur subsistait. Parce que la loi ancienne devait seule disparaître, comme le Psalmiste l’avait chanté d’avance. « Brisons les chaînes dont ils nous ont enlacés ; éloignons de nos têtes le joug qu’ils portaient. » N’a-t-il pas dit encore ? « Les nations se sont rassemblées en tumulte et les peuples ont médité des choses vaines. Les princes de la terre ont été debout, les magistrats se sont ligués contre Dieu et son Christ. » Que Paul annonçât un autre dieu, Paul eût-il disputé avec le prince des apôtres sur le maintien ou l’abrogation d’une loi qui n’appartenait point au dieu nouveau, ennemi de la loi antique ? En effet, la nouveauté et l’opposition de ce dieu eussent tranché la question de la loi ancienne et étrangère ; il y a mieux : jamais la question n’eût été soulevée. Mais non ; en promulguant dans le Christ le Dieu de la loi ancienne, on dérogeait à sa loi : là était le point fondamental. Ainsi, toujours la foi dans le Créateur, toujours la foi dans son Christ ; mais les pratiques et la discipline chancelaient. Était-il permis de manger des viandes offertes aux idoles ? fallait-il voiler les femmes ? le mariage, le divorce, l’espérance de la résurrection, voilà les questions qui partageaient les esprits ; sur Dieu, pas le plus léger débat. Si cette controverse avait été agitée, les épîtres de l’Apôtre en conserveraient des traces, d’autant plus que c’était là le point capital.
Dira-t-on que depuis les apôtres, la vérité sur l’essence divine a été altérée ? Passe encore. Mais la tradition apostolique n’a point été altérée là-dessus dans son cours, et de tradition apostolique, on ne peut en reconnaître d’autre que celle qui est aujourd’hui en vigueur dans les Églises fondées par les apôtres. Or, on ne trouvera aucune Église d’origine apostolique qui ne christianise au nom du Créateur. Veut-on qu’elles aient été corrompues dès leur berceau ? où les trouvera-t-on intactes ? parmi celles qui repoussent le Créateur, sans doute ? – – Eh bien ! montre-nous quelqu’une de tes églises d’origine apostolique, et tu nous auras fermé la bouche. Puisqu’il est établi par tous les points que depuis le Christ jusqu’à Marcion, il n’y eut jamais dans la règle de foi à suivre ici d’autre Dieu que le Créateur, nous avons suffisamment prouvé que la connaissance du dieu de l’hérésie naquit avec la séparation de la loi et de l’Evangile. Le principe que nous établissions plus haut a reçu toute sa lumière. Un dieu inventé par l’homme ne mérite aucune créance, à moins que cet homme ne soit prophète, c’est-à-dire qu’il n’y ait rien de l’homme dans son langage. Des paroles, en donne qui veut, Marcion ; mais il faut des preuves. Toute discussion est superflue. Démontrer que le Christ n’a fait connaître que le Créateur, et pas d’autre Dieu, c’est repousser l’hérésie par toutes les forces de la vérité.