Conduisez-vous avec sagesse envers ceux de dehors, rachetant le temps. Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce, assaisonnée de sel, de manière que vous sachiez comment il vous faut répondre à chacun.
Le soin de la prédication dans l’intérêt des âmes conduit saint Paul à donner un avis aux Colossiens sur la manière de se conduire avec le monde, sur les rapports que le chrétien doit soutenir avec les personnes étrangères à l’Evangile, non membres de l’Eglise, et qu’il appelle « ceux du dehors » (comme dans 1 Thessaloniciens 4.12 ; 1 Corinthiens 5.12-13). Dans cette exhortation :
I. Il faut considérer d’abord la difficulté de ces rapports d’ailleurs inévitables du chrétien avec le monde. Mais si ces rapports sont très difficiles, il ne s’agit pas d’éviter cette difficulté : Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal (Jean 17.15), a dit Jésus-Christ pour ses disciples à son Père. Dirai-je donc à Dieu: « Fais-moi sortir du monde ? » Non ; cela n’est pas permis, mais je dirai plutôt : C’est pour être dans le monde que tu m’as créé. Le chrétien répète la prière de son Maître : Dirai-je : Mon Père, délivre-moi de cette heure ? Mais c’est pour cette heure même que je suis venu (Jean 12.27). Mais il importe ici qu’il se rappelle une autre parole de Jésus : Prenez courage, j’ai vaincu le monde (Jean 16.33).
Oui, puisque Jésus a vaincu le monde, prenons courage pour vivre dans le monde… D’ailleurs, dit saint Paul : Autrement, il vous faudrait sortir du monde (1 Corinthiens 5.10).
Ces rapports du chrétien « avec ceux du dehors » sont difficiles dans tous les temps, et ils l’étaient dans celui des apôtres en particulier. Nous n’aurons pas les mêmes difficultés que du temps des apôtres, mais nous en aurons d’autres et de grandes :
La première est de distinguer le monde de ce qui ne l’est pas, de discerner l’Eglise du monde, ceux qui ne sont pas chrétiens de ceux qui le sont.
La seconde, après ce discernement fait, c’est de savoir comment se conduire. Ainsi difficulté de discernement, puis difficulté d’action. Savoir comment se conduire, disons-nous, car il faut « chercher la paix et là poursuivre » (1 Pierre 3.11), et il ne faut pas craindre, ni éviter la guerre.
II. Saint Paul nous donne des directions là-dessus.
- (v. 5) Il faut se conduire sagement, ou prudemment, avec circonspection, et par conséquent ne pas agir imprudemment, contrairement aux circonstances, prendre garde de ne rien faire qui puisse détourner de l’Evangile ; il faut « racheter le temps » c’est-à-dire, profiter soigneusement des circonstances, saisir avidement le temps favorable, les occasions, les saisir aussitôt qu’elles se présentent, et de manière à gagner à l’Evangile les gens du dehors. Le temps n’est pas à nous, il faut le racheter, l’emporter avec violence. Les circonstances, les occasions nous échappent ; il faut les racheter, les conquérir. (Comparez les passages parallèles Ephésiens 5.15-16 ; 1 Thessaloniciens 4.12.)
- (v. 6) Il faut « assaisonner de sel avec grâce » nos réponses et plus généralement tout ce que nous disons.D’abord remarquer qu’il s’agit donc surtout dans ce verset de réponses à donner. C’est la tâche la plus ordinaire du chrétien ; elle revient très souvent, plus que les attaques. (Comparez 1 Pierre 3.15). Ainsi, que le chrétien ne se hâte pas, qu’il soit « lent à parler » et plus « disposé à écouter » (Jacques 1.19).Ensuite, quand le chrétien parle, qu’il y ait du sel. Le sel, c’est tout ce qui, dans l’Evangile, pique, éveille le goût moral. Que le chrétien parle avec incision.Enfin, ce qui est poignant, il faut que le chrétien s’applique à le donner avec grâce. La grâce, c’est l’agrément, c’est cette douceur, cette aménité sans lesquelles la vérité n’est plus reconnaissable, n’est plus la vérité.
III. Mais comment garder ce tempérament ? Tant que l’intelligence seule s’en mêle, l’esprit est bien stupide et maladroit dans ces choses. C’est le cœur seul qui a de l’intelligence, de l’esprit en ces choses ; car il y faut, il n’y a pour cela que la candeur de la charité, la simplicité de l’amour, l’amour qui n’est qu’amour. C’est là la règle des règles ; c’est en cela qu’on trouvera le motif et l’inspiration des préceptes de l’apôtre. On dit quelquefois que l’amour a des écarts. Non, il n’en a pas ; l’excès de l’amour est raisonnable, l’amour ne peut avoir d’excès. Les défauts viennent toujours de quelque chose d’étranger et d’hostile à la charité. Mais cette charité, cette candeur, cette simplicité de l’amour n’est réelle, complète, parfaite que dans un cœur humble.