« Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour ». Jean 15.9
Seigneur béni, éclaire nos yeux pour que nous puissions discerner combien ces merveilleuses paroles sont glorieuses. Tandis que nous méditons, ouvre-nous la chambre secrète de TON AMOUR ; que nos âmes y pénètrent et découvrent que c'est là leur demeure éternelle. Comment pourrions-nous connaître autrement la moindre parcelle de cet amour qui surpasse toute connaissance ?
Avant de prononcer les paroles qui nous invitent à demeurer dans son amour, le Sauveur nous dit d'abord de quel amour il s'agit. Et ce qu'il en dit va donner encore plus de force à son invitation et rendre impossible l'idée même de la refuser : « comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ! ».
« Comme le Père m'a aimé ». Nous ne sommes pas capables de nous représenter exactement cet amour. Seigneur, enseigne-nous. Dieu est amour.
L’amour est son être même. L'amour n'est pas un attribut mais l'essence même de sa nature, le centre autour duquel gravitent tous ses autres attributs glorieux. C'est parce qu'il est amour qu'il est le Père et qu'il y a un Fils.
Il faut à l'amour un objet auquel il puisse se donner, dans lequel il puisse se perdre, avec lequel il puisse ne faire qu'un. Parce que Dieu est amour, il faut qu'il y ait un Père et un Fils. L'amour du Père pour le Fils est cette tendresse divine par laquelle il se réjouit dans le Fils et déclare : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toute mon affection » (Mat. 3.17). L'amour divin est un feu ardent ; dans toute son intensité, son infinitude, il n'a qu'un unique objet, qu'une unique joie : le Fils unique. Quand nous considérons ensemble tous les attributs de Dieu — son infinitude, sa perfection, son immensité, sa majesté, sa toute-puissance et que nous voyons en eux comme les rayons de gloire de son amour, il manque toujours quelque chose dans la conception que nous pouvons avoir de ce que peut être cet amour, car c'est un amour qui surpasse toute connaissance.
Et pourtant, ô mon âme, cet amour de Dieu pour son Fils est le miroir dans lequel tu peux apprendre ce qu'est l'amour de Jésus pour toi. Puisque tu es un de ses rachetés, tu fais ses délices et tous ses désirs vont vers toi, avec l'ardeur d’un amour qui est plus fort que la mort, avec une soif que beaucoup d'eau n'arriverait pas à étancher (Cant. 8.6-7). Son cœur te cherche, désirant ta communion et ton amour. S'il le fallait, il pourrait mourir à nouveau pour te posséder. Comme le Père aime le Fils, ne pourrait vivre sans lui, ne pourrait être le Dieu bienheureux sans lui, c'est ainsi que Jésus t'aime. Sa vie est liée à ta vie ; tu es pour lui infiniment plus nécessaire et précieux que tu ne peux l'imaginer. Tu es un avec lui. « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». Quel amour !
C'est un amour éternel. Dès avant la fondation du monde — c'est la Parole de Dieu qui nous l'enseigne — le dessein que Dieu s'était proposé, c'est que Christ soit la tête de l'Église et qu'il ait un corps dans lequel sa gloire soit manifestée (Ep. 1.4-12). De toute éternité, le Fils aime et désire ceux qui lui ont été donnés par le Père et quand, venu sur terre, il dit à ses disciples qu'il les aime, il ne s'agit pas d'un amour terrestre et temporel, mais d'un amour enraciné dans l'éternité. C'est avec ce même amour infini que ses yeux se posent sur chacun de ceux qui, parmi nous, désirent demeurer en Lui et, dans chaque souffle de cet amour, il y a vraiment la puissance de l'Eternité. « Je t'aime d'un amour éternel » (Je. 31.3).
C'est un amour parfait. Il donne tout et ne retient rien pour lui. « Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main » (Jn.3.35). Et c'est de la même façon que Jésus aime les siens : tout ce qu'il possède est à eux. Quand il a fallu, il a abandonné pour toi son trône et sa couronne. Il n'a pas considéré que son sang et sa vie étaient un prix trop élevé à payer pour toi. Sa justice, son Esprit, sa gloire et même son trône sont à toi. Son amour ne retient rien, ne garde rien par devers lui, mais il te fait un avec lui d'une manière telle qu'aucun esprit humain ne peut le concevoir. Quel merveilleux amour ! Nous aimer comme le Père même l'a aimé et nous offrir cet amour pour que nous puissions vivre en lui tous les jours !
C'est un amour doux et tendre. Quand nous pensons à l'amour du Père pour le Fils, nous voyons que, dans le Fils, tout est infiniment digne de cet amour. Quand nous pensons à l'amour de Christ pour nous, nous savons bien, au contraire, qu'il ne peut trouver en nous que péché et indignité. Et nous nous posons cette question : Comment l'amour qui se manifeste au sein de la vie divine et de ses perfections peut-il être comparé à l'amour déversé sur des pécheurs ? Est-ce vraiment le même amour ? Béni soit Dieu, nous savons qu'il en est bien ainsi. La nature de l'amour ne change pas, si différents qu'en soient les objets. Christ ne connaît pas d'autre loi d'amour que celle de l'amour du Père envers lui. Notre détresse met seulement en évidence la beauté de l'amour plus distinctement qu'elle ne peut se voir dans le ciel. Avec la compassion la plus tendre, il se penche sur notre faiblesse, avec une patience inconcevable il supporte nos lenteurs, avec une bonté affectueuse il vient au secours de nos craintes et de nos sottises. C'est l'amour du Père pour le Fils, embelli, glorifié, parce qu'il condescend à l'adapter merveilleusement à nos besoins.
Et c'est un amour immuable. « Jésus, qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout » (Jn. 13.1). « Quand les montagnes s'ébranleraient, quand les collines chancelleraient, ma bienveillance pour toi ne sera pas ébranlée » (Es. 54.10). Et quand l'amour commence son œuvre dans une âme, c'est avec cette promesse : « Je ne t'abandonnerai pas avant d'avoir accompli ce que je te dis » (Gen. 28.15). C'est à cause de notre détresse qu'il s'est tout d'abord approché de nous et, de la même façon, le péché qui l'offense si souvent et qui nous incite à craindre et à douter, est pour lui une nouvelle raison de s'attacher davantage à nous. Pourquoi ? Il n'y a pas d'autre raison que celle-ci : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ».
Cet amour n'est pas seulement la motivation mais aussi la mesure de notre abandon pour demeurer en lui. L'amour donne tout mais exige tout. Et s'il le fait, ce n'est pas parce qu'il a donné à regret mais parce que, sans cela, il ne peut pas nous posséder entièrement et nous remplir de lui-même. Dans l'amour du Père pour le Fils il en est ainsi. Dans l'amour de Jésus pour nous il en est ainsi également. Et quand nous entrons dans son amour pour y demeurer, il faut encore qu'il en soit ainsi. La mesure de notre abandon à lui ne peut pas être autre que celle de son abandon pour nous. Oh ! puissions-nous comprendre que l'amour qui nous appelle est pour nous la source d'infinies richesses et d'une plénitude de joie. Ce que nous abandonnons pour lui nous sera rendu au centuple dans cette vie (Marc 10.29-30). Puissions-nous comprendre au moins que c'est un AMOUR dont la hauteur, la profondeur, la longueur, la largeur surpassent toute connaissance (Eph. 3.18-19). Alors disparaîtra de notre esprit toute idée de renoncement ou de sacrifice et notre âme s'émerveillera de ce privilège indicible : être aimé d'un tel amour, être admis à venir demeurer en lui pour toujours.
Et si le doute vient à nouveau suggérer cette question : Est-ce possible ? puis-je demeurer dans son amour pour toujours ? — écoutez comment cet amour lui-même pourvoit au seul moyen de demeurer en lui : c'est la foi dans cet amour qui nous rendra capables de demeurer en lui. Si cet amour est vraiment divin, si c'est une passion intense et brûlante, alors je peux compter sur lui pour me garder et me tenir fermement. Toute mon indignité et ma faiblesse ne pourront l'en empêcher. Si cet amour est vraiment divin et dispose de la puissance infinie, j'ai certainement le droit de croire qu'il est plus fort que ma faiblesse, que son bras tout-puissant me serrera contre son sein et ne me laissera plus partir. Je comprends que c'est la seule chose que Dieu demande de moi. Il me traite en être raisonnable, doué du pouvoir merveilleux de vouloir et de choisir. Il ne me donnera pas ses bénédictions de force, mais il attend que j'y consente de tout mon cœur. Et dans sa grande bonté, il a voulu que le signe de ce consentement ce soit la foi — la foi par laquelle le pire des pécheurs se jette dans les bras de l'amour pour être sauvé, et le croyant le plus faible pour être gardé et devenir fort. O amour infini ! Amour par lequel le Père aime le Fils. Amour avec lequel le Fils nous aime. Je peux te faire confiance. Je te fais confiance. Oh ! garde-moi en toi.