Voilà ce que dit Plutarque, et d’après ce peu de paroles que nous venons d’extraire de son ouvrage, nous pouvons juger s’il y a vraiment dans cette célèbre et mystérieuse théologie des Grecs, rien qui soit digne de la grandeur de la divinité, rien que l’on puisse convenablement offrir à la vénération. Ainsi, vous avez vu Junon d’abord déesse du mariage et symbole de l’union des deux sexes ; vous l’avez vue ensuite devenir la terre, puis enfin l’eau. Vous avez aussi vu Bacchus devenir l’ivresse, Latone la nuit, Apollon le soleil. Jupiter lui-même l’élément du feu. Ainsi, pas plus que les fables elles-mêmes avec leurs absurdités, ce prétendu sens allégorique qu’on nous présente comme plus grave et fondé sur la nature, n’élève donc notre esprit jusqu’à un être céleste, intelligent, divin, jusqu’à une nature raisonnable, qui ne participe point à la grossièreté des corps ; mais elle nous rabaisse toujours à des débauches, des obscénités, en un mot, à toutes les passions humaines, et elle réduit toutes les parties du monde au feu, à la terre, au soleil et aux autres éléments matériels, parce qu’elle ne reconnaît qu’en eux la divinité. Ce fait n’était pas ignoré de Platon : car dans son Cratyle, il affirme textuellement que les premiers hommes qui habitèrent la Grèce ne portèrent pas leurs connaissances au-delà des objets visibles, et que les seuls êtres en qui ils aient admis la divinité, furent les astres du firmament et les autres phénomènes. Voici comment il s’exprime à ce sujet :
« Il me paraît démontré, dit-il, que les premiers habitants de la Grèce n’eurent pas d’autres dieux que les nations barbares, c’est-à-dire le soleil, la lune, la terre, les étoiles, le ciel. »
Voilà pour la Grèce. Maintenant, arrêtons nos regards sur des fables qui remontent à une plus haute antiquité, celles des Égyptiens. On sait que leur Osiris était le soleil, Isis la lune, Jupiter l’air qui pénètre tout, et qu’ils avaient donné au feu le nom de Vulcain, à la terre celui de Gérés ; qu’ils appelaient Océan, l’élément humide, et en particulier leur fleuve du Nil, auquel ils attribuaient l’honneur d’avoir donné naissance aux dieux ; que Minerve n’était autre chose que l’air. Or, ces cinq dieux, savoir : l’air, l’eau, le feu, la terre et le vent, parcoururent l’univers et prirent diverses formes d’hommes ou d’animaux. Ces dieux prirent aussi des noms d’hommes que l’Égypte avait vus naître ; ils appelèrent le soleil Saturne, Rhéa, Jupiter, Junon, Vulcain, Vesta. Manéthon en parle fort au long ; mais nous citerons le récit plus succinct de Diodore de Sicile, qui s’exprime ainsi dans l’ouvrage auquel nous avons déjà emprunté quelques extraits.