Où l’on fait voir que le Saint-Esprit aurait parlé un langage obscur, absurde, et peu conforme à la piété, si la glose socinienne avait lieu.
Pour l’obscurité qui serait dans l’Écriture, s’il la fallait expliquer par les principes des sociniens, elle saute aux yeux d’une telle sorte, qu’il n’est pas nécessaire de la justifier, mais seulement d’en rechercher la source. L’obscurité, qu’on trouve dans quelques passages de l’Écriture, se rapporte à divers principes généraux.
Premièrement elle naît de la nature des choses que l’Écriture nous propose. Nous pouvons rapporter à ce principe les difficultés que nous trouvons dans les passages de l’Écriture qui regardent la nature de Dieu, le mystère de l’incarnation, les décrets de l’élection et de la réprobation, l’éternité des peines qui attendent les méchants après cette vie, la satisfaction de Jésus-Christ et celles de tous ces autres grands et sublimes mystères qui ne peuvent être bien compris par l’entendement de l’homme, à moins qu’ils ne cessent d’être ce qu’ils sont, ou que celui-ci cesse d’être ce qu’il est. On ne peut point rapporter à ce principe l’obscurité que nos adversaires trouvent, de leur propre aveu, dans les passages ci-dessus marqués. Ce n’est pas un grand mystère qu’une créature manifeste le conseil de Dieu ; qu’elle vive au commencement de l’Évangile, ou du temps de Jean-Baptiste ; qu’elle soit connue de Dieu seul ; qu’elle soit destinée à un ministère plus glorieux que celui des prophètes ; qu’un simple homme ait été chair, c’est-à-dire participant d’une nature corporelle. Il n’y a rien d’extraordinaire à dire que Jésus-Christ était en destination avant Abraham, ni qu’il a possédé une gloire par-devers son Père, parce que dès lors il était résolu dans le décret de Dieu qu’il la posséderait.
La seconde source de l’obscurité qu’on trouve dans les passages de l’Écriture, vient de l’impossibilité où le péché, qui a infecté toutes les facultés de nos âmes, nous met de juger sainement des objets qui sont présentés à notre entendement. Si notre Évangile est couvert, dit saint Paul, il est couvert à ceux qui périssent, auxquels le Dieu de ce siècle a aveuglé l’entendement. Il serait inutile d’apporter des exemples d’une vérité trop connue ; mais il ne le sera point de rentrer en nous-mêmes pour voir si l’obscurité qu’on trouve dans les passages ci-dessus marqués, naît de la corruption de notre cœur : cela pourrait être soupçonné si c’était nous qui les trouvions obscurs ; mais c’est principalement nos adversaires qui doivent reconnaître cette obscurité : car, dans notre sens, l’objet est haut, mais l’expression est facile ; mais dans leur sens, l’objet est assez proportionné à notre portée, mais l’expression est obscure. D’ailleurs, peut-on dire sans extravagance que c’est nous, et non pas nos adversaires, qui obéissons au désir secret de tourner ces passages d’une manière avantageuse à notre sentiment, et que les passions de notre cœur nous font inventer des sens si nouveaux et si extraordinaires ? Quel dérèglement y a-t-il, je vous prie, à s’imaginer que cette expression : au commencement ? est une expression générale ; que celle-ci : la Parole était Dieu, emporte quelque chose de plus grand que la gloire d’un simple ministère ; que ces paroles : Par lui toutes choses ont été faites, et sans lui rien de ce qui a été fait n’a été fait, signifient autre chose que la prédication de l’Évangile ; que celles-ci : avant qu’Abraham fut, je suis, emportent autre chose qu’un éloge qui convient à la moindre des créatures, etc.
On peut compter pour un troisième principe des obscurités qu’on trouve dans l’Écriture, le génie de la langue originale du Vieux et du Nouveau Testament, qui est quelquefois peu conforme à celui de la nôtre ; mais on convient que ce n’est pas ici la source de l’obscurité que l’on trouve dans ces passages contestés entre nos adversaires et nous. Ce n’est point le génie de la langue de ces écrivains qui veut qu’on revête une créature des caractères les plus glorieux de la gloire du Créateur ; au contraire, la langue sainte est tout opposée à ce caractère. Les autres langues ont quelque chose d’impie et de païen ; elles emploient, sans scrupule, les termes d’adorable, de divin, d’encens, de sacrifice, d’éternité, de souverain bien, lors même qu’il s’agit des créatures. Mais le langage des auteurs sacrés, comme étant consacré à exprimer la révélation céleste, est sobre et religieux ; ils emploient des hyperboles, mais jamais celles qui peuvent intéresser la gloire de Dieu.
L’Écriture est obscure, en quatrième lieu, lorsqu’elle marque des événements qui sont encore dans les ténèbres de l’avenir ; une excessive clarté dans la prophétie en détruirait l’accomplissement. Personne ne s’étonne, par exemple, que dans la révélation du prophète Ezéchiel les choses soient enveloppées de figures énigmatiques et paraboliques, propres à rendre le discours plus obscur, parce qu’il s’agit là des secrets de l’avenir, mais les expressions dont il s’agit maintenant ne contiennent aucune prophétie ; elles marquent presque toutes le passé : Je suis avant qu’Abraham fût : La Parole était au commencement ; elle était avec Dieu ; elle était Dieu.
Une cinquième source des obscurités qu’on trouve dans les passages de l’Écriture, est la philosophie. Il est certain qu’il y a beaucoup de passages dans le Vieux et dans le Nouveau Testament, lesquels étant clairs en eux-mêmes, sont devenus obscurs par les commentaires des philosophes et des théologiens scolastiques. On ne peut rien dire de pareil des passages contestés entre nous et nos adversaires ; car il ne s’agit pas de l’obscurité qui est dans ces passages expliqués par rapport à nos sentiments ; mais il s’agit de l’obscurité qu’on trouve dans ces passages expliqués à la manière de nos adversaires. Le sentiment des sociniens est, comme ils le prétendent, extrêmement dégagé des subtilités de l’école : or, c’est dans leur sentiment que ces passages sont extrêmement difficiles et obscurs.
Voici donc une obscurité qui n’a aucune des sources qui sont ordinaires à l’obscurité des passages difficiles de l’Écriture : cela est surprenant ; mais la chose le paraîtra encore beaucoup davantage, si l’on considère que cette obscurité n’ayant point son principe en nous, et ne pouvant nous être raisonnablement attribuée, il faut la rapporter à Dieu. Or, si c’est Dieu qui en est la seule cause, c’est ici une énigme que Dieu nous propose, mais une énigme dont nous ne saurions comprendre la fin.
Son dessein ne peut pas être celui de se glorifier ; car, je vous prie, en quoi une obscurité de l’Écriture, qui laisse croire que Jésus-Christ est Dieu, qu’il a créé le monde, les siècles, etc., et qu’enfin il a été revêtu de la gloire la plus propre de l’Être souverain ; en quoi, dis-je, une telle obscurité glorifie-t-elle Dieu ?
Ce dessein n’est pas celui d’éclairer les hommes ; car comment une obscurité éclairerait-elle l’esprit humain ? D’ailleurs, pourquoi les éclairer en les exposant au danger d’une erreur si mortelle ?
On ne peut point dire que Dieu ait voulu par là éprouver la foi des hommes ; car, bien que la grandeur des objets que l’Écriture nous propose, jointe à ce que ces objets ont de contraire à nos préjugés ordinaires, serve à exercer la foi, on ne voit point que les expressions obscures et extraordinaires dont on pourrait se servir pour représenter ces objets, servissent à ce dessein. Ajoutez à cela que, quand le Saint-Esprit voudrait exercer notre foi, il ne le voudrait point aux dépens de la gloire de Dieu et de notre salut éternel, et en nous donnant des idées qui naturellement nous conduiraient à l’idolâtrie. Enfin, si c’était là le dessein du Saint-Esprit, le Saint-Esprit aurait été extrêmement trompé dans ses vues ; il n’aurait du moins exercé que la foi d’un très petit nombre de personnes, puisqu’il n’y a qu’un très petit nombre de personnes qui, dans les derniers temps, se soient avisées d’entendre ces paroles dans le sens qu’on suppose être le plus véritable.
Le second principe que nous avons établi là-dessus, est que l’hypothèse de nos adversaires rend le langage de l’Écriture faux et illusoire.
En effet, la fausseté d’un discours consiste en ce que la signification que l’usage lui a attachée ne se trouve point véritable, et non en ce que la signification que nous lui attachons ou mentalement, ou par une fantaisie particulière, se trouve contraire à la vérité ; car n’est-il pas vrai que les équivoques, les réservations mentales enferment de véritables mensonges, bien que dans le sens que les entendent ceux qui les font, elles puissent être véritables ?
Je dis en second lieu, que le sentiment de nos adversaires rend le langage de l’Écriture tout à fait illusoire : il est aisé de le justifier, en faisant voir que, s’il est permis de donner à l’Écriture un sens éloigné de la signification ordinaire des termes, il n’y a point de dogme monstrueux qu’il ne soit facile d’établir par l’Écriture.
Il me serait aisé, par exemple, si la fantaisie m’en prenait, de soutenir que le Dieu souverain n’a eu aucune part ni à l’ouvrage de la création, ni à l’ouvrage de la rédemption, et même qu’il n’en est pas une seule fois fait mention dans les anciens oracles ; et je pourrais défendre mon sentiment sans faire plus de violence à l’Écriture du Vieux Testament, que nos adversaires en font à celle du Nouveau.
Car je soutiendrais que celui qui a fait les cieux et la terre est un ange, le ministre du Dieu souverain, qui n’était point Dieu par nature, mais simplement par office. Si l’on m’objectait les noms qui lui sont donnés dans l’Écriture, je dirais ce que les sociniens disent sur le sujet de Jésus-Christ ; c’est qu’il ne les porte qu’en tant qu’il est l’ambassadeur et le ministre du Dieu très haut. Je ne ferais pas grand état de l’épithète de tout-puissant qui lui est donnée : je dirais que cet ange fait tout dans ce bas monde par la volonté du Dieu très haut, qui lui en a abandonné l’administration ; mais qu’il y a d’autres mondes à l’infini qui ne relèvent point de son empire. Si l’on m’objectait qu’il est appelé le scrutateur des cœurs, je dirais qu’il ne l’est que parce que le Dieu très haut lui révèle ce qui se passe dans les âmes. Si l’on m’objectait qu’il est dit avoir créé toutes choses, je répondrais que par toutes choses il ne faut pas entendre toutes choses sans exception, mais simplement celles qui nous regardent, ou qui appartiennent à ce monde visible. Si l’on objectait l’adoration qu’on lui rend, et qu’on prétendit que ce fût là un hommage propre au Dieu souverain, on distinguerait entre adoration suprême et adoration subalterne. Si l’on objectait que cette dépendance de cet ange appelé Dieu d’avec le Dieu souverain, ne paraît point dans l’Écriture, il n’y aurait rien de si aisé que d’apporter plusieurs exemples contraires, comme celui-ci : Le Seigneur fit pleuvoir du feu de par le Seigneur ; ce discours tenu à Abraham par celui qui est appelé du nom de Dieu : Or, maintenant sais-je que tu crains l’Éternel. Et lorsque le Dieu d’Israël est appelé le plus grand des dieux, ne pourrait-on pas entendre qu’il est le plus grand des anges, à qui le Dieu souverain a commis le gouvernement des diverses parties de l’univers ? Ce qui supposerait toujours que le Dieu d’Israël ne serait pas le Dieu souverain. On objecterait vainement que le Dieu d’Israël est celui qui a créé le ciel et la terre, et que l’action de créer suppose une puissance infinie qui ne peut convenir qu’au Dieu très haut ; nos adversaires nous fourniraient eux-mêmes, en cas de besoin, la réponse à cette difficulté, en nous faisant voir que le terme ברא ne signifie pas toujours tirer du néant, mais simplement produire, et quelquefois façonner, agencer. Que si l’on objectait que le Dieu d’Israël, en disant qu’il ne donnera point sa gloire à un autre, parle comme étant le Dieu souverain, parce qu’il n’appartient qu’au Dieu souverain d’avoir une gloire propre et incommunicable, on répondrait que l’ange de Dieu qui a reçu le gouvernement de cet univers, a une gloire qui lui est propre, c’est d’avoir reçu cet empire à l’exclusion des autres intelligences, et qu’il possède particulièrement cette gloire par opposition aux idoles, qui ne sont que vanité. On peut supposer, au reste, si l’on veut, que le Dieu souverain lui a laissé le pouvoir de communiquer à un autre ce qu’il voudrait de son empire, et que c’est pour cela qu’il l’a pu communiquer à Jésus-Christ, en qui il a mis son nom, comme le Dieu souverain l’avait mis en lui. Je laisse à penser à nos adversaires s’il leur serait facile de nous forcer dans ces retranchements qu’ils nous auraient eux-mêmes fournis par leurs hypothèses, et de quelle conséquence il est par conséquent de n’ôter point aux paroles de l’Écriture leur force et leur signification naturelle, puisque, si nous nous donnons une. fois la liberté d’attacher aux termes de Dieu, d’adorer, etc., des sens tout nouveaux, il n’y a plus rien d’assuré, ni dans l’Écriture, ni dans l’analogie de la foi, laquelle n’est plus qu’un pyrrhonisme perpétuel.
Comme Dieu est le Dieu de vérité, on ne peut supposer sans une hardiesse impie, qu’il nous ait voulu engager dans l’erreur, en nous tenant un langage faux et illusoire ; mais si ce procédé doit être regardé comme étant contraire à sa vérité éternelle, il est contre sa sagesse infinie, et contre la dignité de sa révélation, qu’il nous tienne un langage plein d’absurdité et d’extravagance, comme il semble que le serait le langage de l’Écriture, si le système de nos adversaires était véritable.
Y a-t-il rien, par exemple, de plus ridicule que cette expression : il a été fait de la semence de David selon la chair, si, comme le prétendent nos adversaires, Jésus-Christ n’est qu’un simple homme, qui est honoré du titre de Dieu à cause de son ministère ? Car quel est le sens qu’il faut donner à ce terme de chair ? Si vous le prenez dans le sens qui est opposé à celui d’esprit, il s’ensuivra que le sens de cette expression sera celui-ci : II a été fait de la semence de David selon le corps, et non pas selon l’âme. Mais c’est vouloir donner un air ridicule aux expressions de l’Écriture, et se moquer, pour ainsi dire, du Saint-Esprit, que lui attribuer un pareil langage : Alexandre avait un corps et une âme ; cependant on aurait trouvé ridicule un homme qui se serait ainsi exprimé : Alexandre a été fait de la semence de Philippe selon la chair. Cette expression serait même absurde en la bouche d’un homme qui croirait Alexandre fils de Jupiter ; car un tel homme devrait prononcer absolument qu’Alexandre n’est point fils de Philippe, et non qu’il est fils de Philippe selon la chair. Peut-être dira-t-on que cette expression : selon la chair, est opposée, non à la nature de Jésus-Christ, mais à ses charges toutes célestes, et à son ministère tout divin, le sens étant que Jésus-Christ a été fait de la semence de David, non en tant qu’il est Dieu, ou honoré d’un ministère tout céleste, mais en tant qu’il est homme, ou qu’il a une nature corporelle. Mais saint Pierre était de même fils de Zébédée, non en tant qu’apôtre, son apostolat étant une charge céleste et venant de Dieu immédiatement, mais en tant qu’homme ; cependant cette expression : Pierre a été fait de la semence de Zébédée selon la chair, serait une expression ridicule. Peut-être répondra-t-on que cette façon de parler : il a été fait de la semence de David selon la chair, marque que Jésus-Christ a un principe plus noble que les principes ordinaires de la génération des autres hommes, ayant été conçu du Saint-Esprit. Car, premièrement, il est évident qu’il s’agit dans cet endroit, non du principe qui a fait Jésus-Christ, mais de la matière dont Jésus-Christ a été fait : Il a été fait selon la chair. En second lieu, il est certain par l’Écriture et par l’analogie de la foi, que Jésus-Christ a été fait de la semence de David, et fait chair par la vertu du Saint-Esprit ; ainsi cette expression : il a été fait de la semence de David selon la chair, est équivalente à peu près à celle-ci, dans le sens de l’Écriture : il a été fait de la semence de David selon la chair, par le Saint-Esprit. Cela étant, il reste toujours à savoir ce que nous devons entendre par : il a été fait selon la chair ; car si Jésus-Christ n’est qu’un simple homme par sa nature, cette expression : selon la chair, est tout à fait ridicule.
On doit mettre dans ce même rang ce célèbre passage qui se lit dans l’Évangile selon saint Jean : Père, glorifie ton Fils de la gloire qu’il a eue par-devers toi avant que le monde fût. Si on l’explique de la gloire que Jésus-Christ a eue dans le décret divin, on dit une chose qui en soi n’a rien que de raisonnable ; car il est vrai que la gloire de l’exaltation de Jésus-Christ a été dans le conseil de Dieu avant que d’avoir été dans la nature des choses ; mais il est certain que l’expression sera pleine d’absurdité, étant hors de l’usage commun, à moins qu’on n’estime raisonnable le langage d’un homme qui dirait à Dieu : Seigneur, donne-moi la santé que j’ai eue par-devers toi avant que le monde fût. Seigneur, repais-moi du pain de mon ordinaire, dont j’ai été repu par-devers toi avant tous les siècles. Seigneur, fais-moi la grâce d’arriver heureusement dans ce lieu où j’ai été par-devers toi avant la naissance du monde.
Il n’est pas plus difficile de montrer que l’hypothèse de nos adversaires rend le langage de l’Écriture impie et plein de blasphème. La chose parle d’elle-même. Cette impiété, supposé que le sentiment de nos adversaires fût véritable, aurait six degrés. Le premier consiste en ce que les écrivains sacrés ne prennent aucun soin d’éviter les expressions qui peuvent donner une occasion de blasphémer : telles sont celles de Dieu, d’égal avec Dieu, d’adoration, de Créateur de toutes choses, etc., qui n’avaient jamais été employées que pour exprimer la gloire du Dieu souverain. Le second consiste en ce que Jésus-Christ joint ces expressions à certaines autres façons de parler qui emportent une excessive et criminelle familiarité avec le Dieu souverain, s’il est vrai qu’il ne soit pas d’une même essence avec lui. Tel est le titre qu’il prend de Fils, de propre Fils, de Fils unique de Dieu, appelant Dieu son Père, non en passant, en une occasion ou deux seulement, et d’une manière qui fasse connaître qu’il ne prétend l’être qu’au figuré, mais ordinairement, dans des discours graves et sérieux, sans restriction ni limitation, disant mon Père lorsque les autres disent mon Dieu, et marquant que c’est proprement et à la lettre qu’il prend ce titre si remarquable. Le troisième degré de cette impiété consiste à oser mettre en parallèle la créature avec le Créateur, par ces expressions qui seraient si horribles si le sentiment de nos adversaires avait lieu : Il n’a point réputé à rapine d’être égal avec Dieu. Philippe, qui me voit, il a vu le Père ; comme si celui qui voit la clarté d’un ver luisant, avait vu par là même la clarté du soleil, ou la splendeur du firmament marqué de ses feux et orné de ses étoiles : et celles-ci : Allez et baptisez toutes les nations au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; comme si quelqu’un disait : Allez et enrôlez le peuple de la part du roi et de son esclave. Le quatrième consiste en ce que l’Écriture exprimant l’honneur et l’hommage qui sont dus à Jésus-Christ, emploie le terme général d’adorer sans nous avertir qu’il s’agit d’une adoration subalterne, bien qu’il y ait une aussi grande différence entre l’adoration suprême et l’adoration subalterne, qu’il y en a entre le Créateur et la créature, et qu’il soit très certain que si quelqu’un s’accoutumait à traiter de majesté une autre personne que le roi, il serait coupable d’irrévérence envers la personne du roi, bien qu’il pût mentalement distinguer entre majesté suprême et majesté subalterne, parce que les termes signifient selon l’usage, et non selon la fantaisie particulière de celui qui les emploie. Le cinquième degré d’impiété que nous trouvons dans le style de l’Écriture, si le sentiment de nos adversaires est véritable, consiste en ce qu’elle revêt une créature des qualités et des ouvrages du Créateur ; et enfin, que les apôtres appliquent à Jésus-Christ les oracles de l’Ancien Testament, qui marquent de la manière la plus forte et la plus énergique la gloire du Dieu très haut. Mais cette preuve doit faire le sujet de la section suivante.