Matthieu 9.1-8 ; Marc 2.1-12 ; Luc 5.17-26
Ce fut à Capernaüm que cette guérison eut lieu, pendant que le Seigneur y enseignait, et dans un moment où des pharisiens et des docteurs de la loi étaient présents. C’était peut-être une sorte de conférence, qui avait rassemblé la grande foule dont il est parlé, foule si considérable que les abords de la maison étaient complètement obstrués ; « l’espace devant la porte ne pouvait plus les contenir ; » il était donc impossible de s’approcher du Seigneur. « Des gens, portant sur un lit un homme paralytique, ne savaient par où l’introduire, à cause de la foule. »
Les évangélistes saint Marc et saint Luc nous racontent le moyen singulier auquel les porteurs du paralytique durent avoir recours pour l’amener devant le grand Médecin du corps et de l’âme ; ils montèrent sur le toit, ce qui pouvait se faire facilement, parce qu’il y avait un escalier extérieur qui y conduisait ; il y avait aussi une communication entre le toit et l’intérieur de la maison ; on trouve des constructions semblables dans certaines contrées du sud de l’Espagne. Quelques-uns pensent que les porteurs, arrivés sur le toit, descendirent le malade par l’ouverture conduisant dans la maison, en élargissant peut-être cette ouverture pour y faire passer le lit du paralytique ; d’autres sont d’avis que Jésus était assis dans la cour intérieure, autour de laquelle, en Orient, les maisons sont bâties. Mais il n’y a aucune raison pour ne pas admettre simplement le récit des évangiles ; les paroles de saint Marc sont assez claires : « Ils découvrirent le toit de la maison, et descendirent par cette ouverture le lit du paralytique ; » ils le descendirent probablement dans la chambre la plus rapprochée du toit (ὑπερῶον), où étaient réunis ceux qui écoutaient le Seigneur. Cette chambre était peut-être la plus spacieuse ; elle était souvent utilisée pour des réunions semblables (Actes 1.13 ; 20.8) ; le miséricordieux Fils de l’homme, toujours prêt à recevoir ceux qui venaient à lui dans la foi, fut heureux d’accueillir ces gens.
Si nous n’avions que le récit de Matthieu, nous aurions peine à comprendre en quoi consistait leur foi : mais les autres évangélistes complètent admirablement ce que Matthieu n’a pas dit ; ils nous racontent que cette foi ne se laissait pas décourager par les difficultésa. Jérôme et Ambroise pensent qu’il ne s’agit ici que de la foi des porteurs, mais il n’y a pas de motif pour cette restriction ; il est évident que le malade les approuvait dans leur démarche ; il faut donc admettre, avec Chrysostome, que le Seigneur voulut récompenser leur foi et celle du paralytique. Ils vont à Christ comme à Celui qui seul pouvait les secourir. En voyant leur foi, le Seigneur dit au paralytique : « Prends courage, mon enfant, tes péchés sont pardonnés ; » le Seigneur donne avant même que l’homme demande, et il donne mieux qu’on ne le pense, car le paralytique n’avait rien demandé, il avait seulement fait effort pour venir à Jésus ; tout ce qu’il désirait, c’était la guérison de son corps. Cependant, il est probable qu’il envisageait sa maladie comme une conséquence du péché, peut-être d’un péché particulier ; quelque témoignage de repentance de sa part peut avoir été l’occasion des paroles de pardon de Jésus. Les mots : « Prends courage » semblent impliquer que cet homme était abattu, misérable, ayant un fardeau plus lourd que celui de sa maladie. En d’autres occasions, le pardon des péchés suit la guérison ; ici, le pardon précède ; on peut en trouver la raison dans le fait qu’il y avait, pour le malade, une relation si étroite entre sa maladie et son péché que la guérison lui eût été incompréhensible si sa conscience n’avait pas été soulagée ; avant tout, il avait besoin de paix (Jacques 5.14-15).
a – Bengel : « Per omnia fides ad Christum penetrat. » (La foi pénètre tous les obstacles pour parvenir à Christ.)
Les paroles d’absolution : « Tes péchés sont pardonnés » sont une déclaration positive, et non pas un simple vœu ; elles sont la justification du pécheur, la preuve de l’amour de Dieu, l’assurance de cet amour répandue dans le cœur. Personne ne peut pardonner les péchés que Dieu seul ; c’est pourquoi les scribes dirent : « Il blasphème. » Le sens scripturaire du mot blasphème était inconnu à l’antiquité profane ; pour elle blasphémer, c’était : parler mal d’une personne ; puis : avoir un présage funeste ; la religion monothéiste seule comprend dans le blasphème non seulement des paroles d’outrage contre le nom de Dieu, mais aussi toute tentative, de la part de la créature, de s’attribuer des hommages qui n’appartiennent qu’au Créateur (Matthieu 26.65 ; Jean 10.36). Si Jésus n’avait pas été le Fils unique du Père, possédant tous les attributs de la divinité, il aurait sans doute alors prononcé un blasphème ; le péché de ces scribes consistait en ce que leurs yeux étaient si aveuglés qu’ils ne reconnaissaient pas en Jésus une gloire supérieure à celle de l’homme. La lumière à lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reçue. Ce n’est pas pour rien qu’il est dit que le Seigneur « connut par son esprit ce qu’ils pensaient au dedans d’eux » (Marc 2.8) ; par son esprit divin, il pouvait connaître les pensées et les desseins de leurs cœurs. Il leur donna à entendre qu’il était plus grand qu’ils ne le pensaient (1 Samuel 16.7 ; 1 Chroniques 28.9 ; 2 Chroniques 6.30 ; Jérémie 17.10).
Ce n’est pas seulement d’une manière générale que le Seigneur découvre les pensées des scribes comme étant dures et mauvaises, mais il indique la direction exacte que prenaient ces pensées ; car, en eux-mêmes, ils l’accusaient non seulement de s’arroger des pouvoirs divins, mais encore de prendre des précautions pour ne pas être taxé de fausseté. Ils se disaient sans doute : Il est facile de s’attribuer des pouvoirs divins, chacun peut le faire et dire aux hommes : Vos péchés vous sont pardonnés, mais qu’est-ce qui prouve que cette parole soit ratifiée dans le ciel ? La réponse du Seigneur à cette pensée mauvaise de leurs cœurs consiste en ceci : Vous m’accusez de me prévaloir gratuitement, sans aucune preuve, d’un pouvoir divin, mais j’aurai recours à une preuve décisive ; je prononcerai une parole qui montrera si je suis un imposteur. Je dirai à ce malade : Lève-toi et marche ; vous verrez alors si j’ai le droit de lui dire : Tes péchés sont pardonnés.
Il faut remarquer que le Seigneur ne dit pas : Lequel est le plus aisé de pardonner les péchés ou de guérir un malade ? mais il dit : « Lequel est le plus aisé, de dire : Tes péchés sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi et marche ? » Il en conclut : Il est plus aisé de pardonner ; je veux prouver maintenant mon droit en disant au paralytique : Lève-toi et marche.
Dans les mots : « pouvoir sur la terre, » il y a opposition tacite à : pouvoir dans le ciel. Cette puissance n’est pas exercée seulement par Dieu dans le ciel, mais aussi par le Fils de l’homme sur la terre (Matthieu 16.19 ; 18.18) ; il a fait descendre cette puissance sur la terre ; il parle, et la chose s’accomplit. Il semble étonnant, au premier abord, que Jésus s’attribue ce droit comme « Fils de l’homme, » au lieu de se donner à lui-même ici le titre de Fils de Dieu. Tertullien suppose que le Seigneur a voulu faire penser à la parole contenue dans Daniel 7.13. Un tel langage n’aurait pu être employé par Jésus s’il n’avait pas possédé les deux natures ; le titre de « Fils de l’homme » équivaut dans notre passage à celui de Messie.
Après avoir ainsi parlé à ses adversaires, Jésus se tourne vers le paralytique pour lui dire : « Lève-toi, prends ton lit et va dans ta maison, » montrant par là qu’il avait le droit de pardonner les péchés ; ce miracle est donc le signe extérieur d’une vérité spirituelle, un chaînon qui relie le monde visible à l’invisible. « Et à l’instant il se leva, prit son lit, et sortit en présence de tout le monde. » Ceux qui voulaient s’opposer à son arrivée le laissent sortir librement ; on ne sait pas quels furent les effets produits par ce miracle sur les pharisiens ; quant aux autres spectateurs, il nous est dit « qu’ils étaient tous dans l’étonnement et glorifiaient Dieu. »