Il est facile de reconnaître le rapport qui existe entre cette parabole et les paroles qui précèdent. « Il arriva, comme Il était quelque part en prière, qu’après qu’il eut cessé quelqu’un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier comme aussi Jean l’a enseigné à ses disciples. » En réponse à leur demande, Il leur donne un vrai modèle et leur montre ensuite dans quel esprit, avec quelle ferveur et quelle persévérance ils doivent prier. Ce n’est pas qu’il s’agisse de vaincre un mauvais vouloir de Dieu ; ce mauvais vouloir n’est qu’apparent, comme dans le cas de la femme syro-phénicienne (Matthieu 15.21). Le Fils de l’homme savait qu’elle triompherait par sa foi de tous les obstacles, en sorte que cette foi en serait fortifiée, purifiée. De même, l’ange de l’Alliance lutta avec Jacob durant toute une nuit, et se laissa vaincre en laissant au patriarche une précieuse bénédiction.
La parabole qui nous occupe se rattache à un événement très ordinaire : « Que l’un d’entre vous ait un ami et qu’il aille vers lui, à minuit, et lui dise : Ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé chez moi et je n’ai rien à lui présenter. » Ces paroles ont été interprétées dans un sens allégorique et mystique. On a dit que l’hôte de minuit représente l’esprit humain, fatigué d’errer dans le monde et affamé d’une nourriture céleste, de la vraie justice. Mais celui chez lequel il arrive, « l’homme charnel, qui n’a pas l’Esprit », n’a rien à lui présenter ; dans sa pauvreté spirituelle, il doit s’adresser à Dieu et réclamer de Lui la nourriture de l’âme. Saint Augustin, à propos, de cette parabole, montre à ses auditeurs l’absolue nécessité de rendre compte de leur foi, de telle sorte qu’ils puissent persuader les autres ; car, dit-il, il se peut qu’un païen, ou un hérétique, ou un catholique de nom seulement, fatigué de ses erreurs et désirant connaître la foi chrétienne, vienne leur demander l’instruction dont il a besoin. Il faut alors qu’ils puissent lui présenter quelque chose ; s’ils n’ont rien, ils doivent s’adresser à Dieu, lui demandant la lumière pour en instruire d’autres. Pour Vitringa, l’hôte de minuit est le monde païen ; celui qui le reçoit représente les disciples de Jésus, qui peuvent nourrir du pain de vie ceux qui vont à eux. On a vu dans les « trois pains » la Trinité ou les trois dons les plus précieux de l’Esprit : la foi, l’espérance et la charité.
« Si cet homme, répondant de l’intérieur, disait : Ne m’importune pas ; la porte est déjà fermée et mes petits enfants » ou, selon quelques-uns, « mes serviteurs » « sont avec moi dans le lit, je ne puis me lever pour t’en donner. » Cela signifie, d’après l’interprétation allégorique : « Tous ceux qui ont obtenu le droit d’être appelés mes enfants sont entrés dans mon royaume et se reposent maintenant avec moi ; il est trop tard pour demander d’entrer ».
« Je vous dis que lors même qu’il ne se lèvera pas pour lui en donner, parce qu’il est son ami, toutefois, à cause de son importunité, il se lèvera et lui donnera tout ce dont il a besoin. » Les traducteurs ont un peu affaibli l’expression dont se sert ici le Seigneur. Ce n’est pas tant son « importunité » qui lui fait obtenir les pains que sa « hardiesse » ou son « effronterie », qui s’est traduite par plusieurs appels successifs, dont le dernier obtient une réponse. Toutefois, s’il est hardi, ce n’est pas pour lui-même, mais pour un autre, afin de pouvoir remplir les devoirs de l’hospitalité ; de même, Abraham dans sa prière d’intercession (Genèse 18.23-33). A cause de son « importunité », le suppliant de la parabole triomphe ; il obtient non seulement les « trois pains », mais « tout ce dont il a besoin ». « Le royaume des cieux est forcé, et les violents le ravissent. » Saint Augustin a dit : « Les choses qu’on a longtemps désirées sont plus précieuses quand on les obtient ; celles qui sont promptement accordées perdent bientôt leur valeur » ; « Dieu retient ses dons pour un temps, afin que tu apprennes à désirer avec énergie les grandes choses ». Le Seigneur ajoute, comme conclusion : « Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; heurtez, et l’on vous ouvrira ». Il y a une gradation du premier de ces termes au dernier ; le suppliant doit insister avec une ferveur toujours plus grande, jusqu’à ce qu’il reçoive ce que Dieu veut lui donner dans le temps convenable.