Le mot sacrement ne se trouve point dans la Bible. Ce fait seul devrait calmer toutes les discussions dont il a été l’occasion.
Nos théologiens définissent le sacrement un signe ou une action visible qui sert à désigner une grâce cachée, et que Jésus-Christ a ordonné à tous ses disciples comme sceau de ses promesses et aussi comme gage de leur attachement à sa personne et à la foi qu’il leur a communiquée. De là trois caractères qui constituent essentiellement le sacrement :
1° Ils doivent être le signe visible d’une grâce cachée ;
2° Être institués par Jésus-Christ lui-même ;
3° Être obligatoires à tous les membres de l’Église.
Nous ne connaissons que deux cérémonies qui réunissent tous ces caractères essentiels : le baptême et la sainte cène. En les décrivant, nous ferons connaître successivement et leur sens moral et leur forme traditionnelle.
[1] La Bible ne parle pas de baptême des enfants ; seulement de “présentation” d’enfants.
Le baptême qui nous sauve n’est pas celui qui consiste à nettoyer les ordures du corps, mais la réponse d’une bonne conscience devant Dieu. 1 Pierre, III, 21.
Destiné à représenter le renouvellement de l’esprit et du cœur, le baptême appartient, par son origine, aux premiers âges du monde. Nous en retrouvons les traces traditionnelles dans les ablutions que pratiquent tant de peuples idolâtres issus des races asiatiques, et dans les purifications imposées sous la loi de Moïse aux prosélytes qui désiraient jouir des privilèges de l’alliance.
Lorsque Jean-Baptiste vint au monde, il prêcha « le baptême de repentance, » non seulement aux prosélytes, mais aux pharisiens qui se disaient « enfants d’Abraham, » montrant par là que le changement du cœur ou la conversion est nécessaire à tous, quelle que soit leur origine nationale et religieuse.
Jésus-Christ trouva donc ce rite tout établi au milieu du peuple ; il le sanctifia par son exemple, il l’expliqua par sa parole, il le recommanda par des prescriptions positives. Il lui donna une destination plus complète, plus spirituelle ; il l’accompagna d’une grâce plus efficace ; il était venu lui-même pour baptiser les siens du Saint-Esprit et de feu.
L’usage de l’Église apostolique et les coutumes d’une tradition vivante ont apporté jusqu’à nous, sans interruption, à travers la succession des siècles, la pratique essentiellement évangélique du saint baptême. Cependant nous ne pouvons dire que cette forme sacramentelle soit parvenue à nous sans altération. Dans l’origine le baptême était administré par immersion, c’est-à-dire que les néophytes étaient plongés en entier dans l’eau, soit dans un fleuve, comme il arriva à l’eunuque d’Éthiopie, soit dans une piscine ou un baptistère, comme il est à présumer que cela arriva à Corneille et à ceux de sa maison.
Le baptême étant confié à ceux qui donnaient des signes de foi et de renoncement au péché, les adultes seuls y furent d’abord admis. Mais lorsque les premiers chrétiens eurent des enfants, ils éprouvèrent le besoin de les consacrer, dès leurs plus tendres années, par cet acte extérieur, comme les Juifs le faisaient par la circoncision.
Mais comme les enfants des fidèles, à cause de leur âge débile, ne pouvaient prononcer eux-mêmes cette réponse d’une bonne conscience, que saint Pierre déclare seule rendre le baptême efficace, on leur donna des répondants ou parrains qui contractèrent en leur nom les promesses qu’ils devaient apprendre plus tard à accepter pour eux-mêmes, lorsque, instruits des vérités de l’Évangile, ils confirmeraient à la face de l’Église le vœu fait lors de leur baptême.
Le baptême d’aspersion fut bientôt substitué au baptême d’immersion, pour des causes de prudence hygiénique que chacun comprend.
D’après nos croyances protestantes, l’enfant présenté au Seigneur par ses parents, accompagné des prières des fidèles, baptisé au nom trois fois saint du Père, du Fils et du Saint-Esprit, reçoit, aux yeux de l’Église, les sceaux de la nouvelle alliance, et devient enfant de l’Église, l’objet de sa sollicitude maternelle. Elle veillera sur ses premiers pas avec un tendre intérêt ; elle le nourrira du lait de l’instruction, et plus tard de la nourriture plus substantielle qui est dans la Parole ; elle le protégera contre les ennemis de son âme ; elle le conduira comme par la main jusqu’à ce qu’il ait atteint à la stature d’homme fait.
Jésus-Christ a promis de baptiser son peuple du Saint-Esprit ; l’enfant consacré par le baptême est confié à la garde du Saint-Esprit qui ne fait jamais défaut à ceux qui l’invoquent.
Les enfants, qui par suite de la négligence de leurs parents ou par suite de toute autre circonstance, mourraient sans avoir été baptisés, seraient-ils condamnés devant Dieu ?… La Parole du Seigneur ne le dit nulle part, et nous autorise à être sans aucune inquiétude à cet égard.
Quant à la forme consacrée dans nos Églises pour la célébration du baptême, elle est fort simple, comme tout ce qui appartient au protestantisme français. Peu de temps, et quelquefois immédiatement après l’enregistrement à l’état civil, les enfants sont présentés au temple, où l’on a soin de consigner dans un registre presbytéral leurs noms et prénoms, ceux de leurs père et mère et de leurs parrains.
Il est d’usage que les parrains ne soient choisis que parmi des personnes de notre communion, ayant elles-mêmes ratifié le vœu de leur baptême. Le service se fait dans le temple, l’assemblée des fidèles y ayant forme d’Église. La formule du culte est toute liturgique. Un préambule expose la corruption du cœur humain, la nécessité de la nouvelle naissance, la purification du cœur opérée par la grâce du Saint-Esprit, dont l’eau est le signe visible, les promesses attachées au baptême, qui seront dispensées aux enfants dès leur baptême, et multipliées sur eux, à mesure qu’ils avanceront dans la vie chrétienne.
Puis le pasteur prie en ces termes : « Seigneur Dieu, Père éternel, puisqu’il t’a plu, par ta bonté infinie, de nous promettre que tu seras notre Dieu et le Dieu de nos enfants, nous te supplions d’accomplir cette promesse dans l’enfant ici présent. Nous te l’offrons ; nous te le consacrons, ô notre Dieu ! Daigne le prendre sous ta protection et le recevoir dans ta sainte alliance. Et comme toute la postérité d’Adam est dans un état de corruption et de misère, qu’il te plaise de te déclarer le Dieu et le Sauveur de cet enfant, et de le sanctifier par ton Esprit, afin que, dès le moment où son âge lui permettra de te connaître, il t’adore comme son seul Dieu, et que, fidèle à la communion de ton Fils, il obtienne toutes les grâces promises dans l’Évangile ; qu’il soit purifié de ses péchés ; qu’il devienne une nouvelle créature formée à ton image, dans la sainteté et dans la justice, et qu’il reçoive, enfin, le céleste héritage que tu destines à tes enfants ! Exauce-nous, Père de miséricorde ! Nous t’invoquons au nom de ton Fils Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen. »
Après cette prière, le pasteur fait contracter aux parrains les promesses d’usage, qui consistent à faire connaître à l’enfant, à mesure qu’il avancera en âge, la doctrine chrétienne, et à l’engager à vivre selon la règle que le Seigneur nous a donnée dans sa loi. Il descend alors de la chaire ; puis, s’approchant de l’enfant, il verse sur sa tête quelques gouttes d’eau pure, en prononçant cette parole sacramentelle : N., je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Puis il prononce une bénédiction sur l’enfant, sur les parents et sur le peuple chrétien, qui se retire en silence, déposant comme de coutume des offrandes à la bourse des pauvres.
Le baptême, tel que l’Église le confère aux petits enfants, est une dispensation conditionnelle à laquelle il manque, pour la compléter, la participation personnelle de celui qui en reçoit le bienfait.
Il importe donc que l’enfant, admis dans l’Église extérieure et visible par l’eau sainte, apprenne à connaître les conditions attachées à son admission dans l’Église invisible. L’instruction religieuse attend l’enfant dès ses premiers pas dans la vie. À part les leçons d’un père et d’une mère, qui manqueraient au plus doux comme au plus respectable de leurs devoirs, s’ils négligeaient de le conduire dans les voies du Seigneur, il rencontre à la salle d’asile, à l’école proprement dite, et à l’école du dimanche, un enseignement essentiellement empreint de religion ; on met à sa disposition une foule d’excellents ouvrages empruntés à l’Angleterre, à la Suisse, à l’Allemagne, ou produits par des chrétiens nationaux aussi distingués par leurs lumières que par leur piété.
Dans plusieurs Églises, les pasteurs réunissent, en un jour de la semaine, tous les enfants des écoles, pour leur adresser des instructions très simples et adorer avec eux ce Seigneur plein d’amour, dont la parole était : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez point.
Mais ces soins ne sont encore que les préliminaires d’une œuvre plus sérieuse et plus complète. L’adolescent, parvenu à l’âge de quinze ou seize ans, est admis à faire son instruction religieuse ; c’est l’expression reçue.
À cet effet, il est spécialement confié à un pasteur, qui, pendant un temps plus ou moins long, un an environ, rarement moins de six mois, l’appelle auprès de lui, l’admet à un cours suivi de religion, en développant les vérités indiquées dans un catéchisme confié à sa mémoire, exigeant de son élève, lorsqu’il en est capable, la rédaction d’un cahier d’analyses qui a le double avantage d’obliger l’élève à un travail intérieur, tout au profit du développement de ses facultés intellectuelles et morales, et de fournir au pasteur une donnée pour apprécier l’intelligence et les progrès du disciple.
Le jeune homme ou la jeune personne qui, pendant cette instruction, reçoit le titre de catéchumène, contracte ainsi, pendant un temps assez long, des habitudes de travail et de réflexion dirigés vers les sujets les plus élevés de la science évangélique, auxquelles viennent s’unir aussi les habitudes, plus salutaires encore, de la piété domestique et de la fréquentation assidue du culte public. C’est une année bénie pour les jeunes gens de l’Église, et plusieurs jettent, plus tard, un souvenir mêlé de plaisir et de regret sur une époque de leur existence qu’ils ne craignent pas d’avouer comme la plus sainte et la plus heureuse.
Le monde n’avait pas encore essayé sur eux ses ruses et ses séductions ; alors leur opinion sur les hommes n’était pas désenchantée par de cruelles expériences ; les passions n’avaient pas encore torturé ces jeunes âmes, ni les larmes sillonné ces jeunes fronts ; la piété leur apparaissait dans tous ses charmes, sans qu’ils pussent encore se convaincre, par leur propre expérience, que ses douceurs doivent s’acheter par des combats et des sacrifices ; ils avaient trouvé dans leur pasteur un ami, méconnu jusqu’alors, mais désormais accepté, reçu par le cœur, comme un guide, un conseiller, auprès duquel on se réunit pour prêter une oreille attentive à ses instructions, qui, plus tard, sera appelé à dispenser des conseils, des consolations peut-être, dans le sein duquel on aura à confier des douleurs, des aveux, et que, toujours, on retrouvera compatissant, aimant et dévoué.
Aussi l’instruction religieuse est-elle généralement suivie avec beaucoup d’assiduité et d’intérêt, et les jeunes gens qui en ont profité conservent pendant leur vie entière un souvenir à la fois utile et doux des leçons qu’ils ont reçues de leurs pasteurs.
Avant d’être admis à la ratification du baptême, les catéchumènes subissent quelques épreuves qui ont pour but, soit par un examen public de doctrine, de s’assurer qu’ils sont capables de se rendre compte de leur foi, soit par le témoignage de leurs parents, de constater la pureté de leurs mœurs.
Les membres du Conseil presbytéral profitent de cette précieuse occasion, qui les met en contact avec les chefs des familles pour leur adresser des conseils affectueux et leur donner d’utiles directions. Les catéchumènes eux-mêmes sont quelquefois appelés à recevoir des admonestations et des censures, lorsqu’on a reconnu quelque irrégularité dans leurs mœurs ou quelque défaut capital dans leur caractère.
Ces diverses épreuves terminées, les catéchumènes se rendent au temple, les jeunes filles vêtues de blanc, les jeunes gens avec un costume simple et décent, entourés de leurs parents et de leurs amis ; des places convenables leur sont assignées, et ils s’y rendent en silence.
Le service religieux commence ; le pasteur appelle nominativement chaque catéchumène, qui se lève aussitôt. – Il annonce à l’assemblée le but de la réunion, et il prie pour ce jeune troupeau qui va entrer dans l’Église de Christ.
Après les chants d’usage, le pasteur adresse aux catéchumènes une exhortation dans laquelle il dirige leur attention sur la gravité des promesses qu’ils vont contracter, sur les privilèges inappréciables que le Seigneur promet à ses disciples, sur les devoirs des chrétiens, les difficultés et les encouragements qu’ils rencontreront dans la vie ; c’est un père qui parle à ses enfants, leur tenant le langage de l’expérience et de la tendresse ; ses paroles sont brèves, frappantes ; elles sortent d’un cœur profondément ému ; il est rare qu’elles ne produisent pas, dans les jeunes âmes auxquelles elles sont adressées, une émotion correspondante.
Après un dernier et chaleureux appel à la conscience de ses jeunes auditeurs, le pasteur s’écrie :
« Levez-vous, catéchumènes ! » Vous, qui souhaitez d’être admis à la sainte cène, qui avez été instruits des vérités de l’Évangile, êtes-vous si bien persuadés de ces vérités que rien ne puisse vous faire renoncer à la religion chrétienne, et que vous soyez prêts à tout souffrir plutôt que d’en abandonner la profession ? »
Les catéchumènes donnent leur assentiment.
Le pasteur : « Vous êtes-vous éprouvés vous-mêmes, et êtes-vous résolus à renoncer au péché et à régler toute votre vie sur les commandements de Dieu ? »
Les catéchumènes : « Oui. »
Le pasteur : « Comme dans le sacrement de la sainte cène, nous faisons profession d’être tous un même corps : voulez-vous vivre dans la paix et dans la charité, aimer sincèrement vos frères et leur en donner des marques dans toutes les occasions ? »
Les catéchumènes : « Oui. »
Le pasteur : « Pour affermir toujours plus votre foi et votre piété, promettez-vous de vous appliquer avec soin à la lecture et à la méditation de la Parole de Dieu et à la prière ; de fréquenter assidûment toutes les saintes assemblées, et d’employer tous les autres moyens que la Providence vous fournira pour avancer votre salut ? »
Les catéchumènes : « Oui. »
Le pasteur : « Que l’un de vous, au nom de tous, confirme donc le vœu du baptême. »
Un catéchumène : « Nous confirmons et nous ratifions le vœu de notre baptême ; nous renonçons au diable et à ses œuvres, au monde et à sa pompe, à la chair et à ses convoitises ; nous promettons de vivre et de mourir dans la foi chrétienne et de garder les commandements de Dieu tout le temps de notre vie. »
Le pasteur : « En conséquence de ces déclarations et de ces promesses, je vous admets, en présence de cette assemblée, à participer à la cène du Seigneur, afin que vous jouissiez de tous les privilèges de la nouvelle alliance que Dieu a traitée avec nous par son fils Jésus-Christ. »
Le pasteur termine cette partie du service par une touchante prière, dans laquelle il adresse à Dieu des vœux en faveur des catéchumènes et de l’Église universelle, qui voit en ce jour s’accroître le nombre de ses membres.
Dans la plupart de nos Églises, les catéchumènes assistent, immédiatement après leur réception, à la célébration de la sainte cène.
On voit, par ce qui précède, que cette réception est considérée parmi nous comme chose sérieuse : elle réclame une part considérable du ministère évangélique ; elle exige de, la part des familles des sacrifices de temps et une constante sollicitude qui sûrement ne seront pas vains devant le Seigneur s’ils sont sincèrement accomplis pour sa gloire.
Faites ceci en mémoire de moi ! Luc, XXII, 19.
Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. 1 Cor., XI, 26.
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle… La chair ne sert de rien : c’est l’Esprit qui vivifie ; les paroles que je vous dis sont esprit et vie. Jean, VI, 54, 63.
Christ ne s’offre pas plusieurs fois ; s’étant offert une fois pour ôter les péchés de plusieurs, il paraîtra une seconde fois sans péché à ceux qui l’attendent pour obtenir le salut. Héb., IX, 28.
Nous qui participons au même pain, nous ne faisons qu’un seul corps. » I Cor., X. 17.
Les passages qui composent l’épigraphe placée à la tête de ce chapitre exposent en abrégé la doctrine protestante de la sainte cène.
La sainte cène, ou communion chrétienne, est le souvenir sacramentel de la mort de Jésus-Christ. Cet acte solennel consiste à rompre et à manger du pain qui, par la consécration, devient l’image symbolique du corps meurtri du Sauveur, et à boire en commun du vin contenu dans une coupe, qui devient la coupe d’alliance au sang de Christ répandu pour la rémission de nos péchés.
La communion n’est point le renouvellement du sacrifice de Jésus-Christ, puisqu’il est écrit positivement que Christ s’est offert une seule fois.
Le pain et le vin ne changent point de substance après la consécration, et Christ n’y est pas contenu d’une manière charnelle, puisque Christ est assis à la droite du Père et que l’Église doit continuer à communier en mémoire de lui, jusqu’à ce qu’il vienne, et qu’il déclare lui-même que ce qu’il dit de sa chair et de son sang doit se prendre dans un sens spirituel.
Dans la communion, accomplie avec foi, Christ se communique au fidèle, de telle sorte que celui-ci vit de sa vie, en attendant qu’il partage sa gloire céleste. C’est la foi qui est le trait d’union ; la communion en est le sceau et la confirmation extérieure.
Pour le fidèle, la communion est un acte de repentance dans le sentiment de ses péchés qui ont rendu la mort de Jésus-Christ nécessaire, de foi dans le salut gratuit apporté au monde par le Rédempteur, de consécration à son service, en action de toutes ses grâces, de fraternité, de pardon et d’amour envers ceux qui participent au même banquet.
Le pain doit être rompu et mangé ; la coupe ne doit pas être réservée aux ministres seuls, mais tous les fidèles doivent y participer.
Touchante commémoration du sacrifice sanglant de Jésus-Christ, gage de son dévouement et de la puissance de son amour, banquet fraternel dressé par les mains de notre céleste Ami, communion intime et mystique de l’âme du fidèle avec son Dieu, acte de foi, de repentance, de charité, d’espérance chrétienne, occasion solennelle de saintes résolutions, de pieux désirs, la sainte cène doit participer, dans la célébration de ses rites extérieurs, à la simplicité de la pensée chrétienne qui la domine, et de la doctrine évangélique qui la constitue. Le service liturgique adopté dans nos Églises en fournit le témoignage constant.
La sainte cène est dispensée, parmi nous, aux fêtes solennelles de Noël, vendredi saint, Pâques, Pentecôte, et le premier dimanche de septembre. Les fidèles sont dans l’usage d’employer d’une manière spéciale quelques jours pour se préparer à la participation à la sainte cène, chacun selon la mesure de la profondeur et de la spiritualité de sa foi.
Cette préparation consiste principalement en méditations, en prières et en lectures. Pendant ce temps la vie du fidèle devient plus sérieuse, plus retirée et plus conforme aux saintes pensées qui président à la communion. Quelques-uns y ajoutent l’observance du jeûne extérieur, coutume que nous devons juger avec l’esprit large et tolérant que l’Évangile lui-même paraît y avoir attaché, désirant que ceux qui s’abstiennent du jeûne le fassent par conscience, et que ceux qui l’observent le fassent sans superstition, sans idée qu’il y ait aucun mérite à le faire.
Toutefois, nous ferons observer que la sainte cène ayant été instituée après le souper, rien n’indique que le jeûne soit commandé comme préparation indispensable à la communion.
Au jour solennel, la table sainte, qui est d’ordinaire placée immédiatement au-devant de la chaire, est couverte d’une nappe blanche ; un plat d’argent contient le pain que les diacres de l’Église ont disposé d’une manière convenable à la distribution ; deux coupes d’argent contiennent le vin.
Après le service d’usage et un sermon adapté à la circonstance, le pasteur rappelle, dans le service liturgique, la manière dont notre Seigneur Jésus-Christ institua la sainte cène la veille de sa mort, et, à cet effet, il lit les paroles de saint Paul (1 Cor., XI).
Après cette citation, le pasteur exhorte les fidèles à un examen consciencieux de leur vie passée, au retour à Dieu, à l’amour de sa loi, au pardon et à la charité envers leurs frères ; il leur rappelle que Dieu n’exige pas de nous une sainteté parfaite, à laquelle il nous est impossible de parvenir pendant les jours de notre chair, mais qu’il subviendra lui-même à notre faiblesse, nous accordant des secours efficaces dans cette communion même, à laquelle il nous convie par son Fils Jésus-Christ.
Il rappelle, en termes clairs et propres à produire sur les âmes une profonde impression, les privilèges accordés aux chrétiens qui communient de cœur avec leur Sauveur, et la rémission entière de leurs péchés par le sang de l’Agneau. Une prière pleine d’onction et de vie termine ces exhortations et achève de disposer les âmes des fidèles à l’acte saint auquel elles vont participer.
Alors deux pasteurs en robe se placent derrière la table sainte, et chacun consacre l’un des éléments de la cène.
Le premier pasteur, après avoir exposé le pain aux yeux du peuple, le rompt, le bénit, et s’écrie : « Le pain que nous rompons est la communion au corps de Jésus-Christ notre Seigneur, qui a été rompu pour nous. »
Le second pasteur élève les coupes, les bénit, et dit : « La coupe de bénédiction que nous bénissons est la communion au sang de Jésus-Christ, le sang de la nouvelle alliance qui a été répandu pour nous. » Après que les deux pasteurs ont communié ensemble, les fidèles s’approchent de la table deux à deux, les hommes d’abord, les femmes suivent ; ils reçoivent successivement des mains des deux pasteurs le pain et le vin consacrés, et recueillent en leur âme des passages scripturaires qui leur sont adressés, et que les pasteurs ont soin d’appliquer, autant que possible, aux circonstances particulières des fidèles que leur pieux et charitable ministère leur fait connaître d’une manière intime. Ces paroles sont graves, émouvantes, et propres à se graver pour jamais dans l’esprit des fidèles qui les écoutent dans le recueillement.
La communion terminée, le pasteur officiant monte en chaire, exhorte le peuple à conserver soigneusement les dons de Dieu, à revêtir des « entrailles de miséricorde, à se supporter et à s’aimer les uns les autres, comme Christ nous a aimés et pardonnés. » Il adresse à Dieu une dernière prière, courte et pressante, et l’assemblée, debout, termine par le chant du cantique de Siméon, qui dépeint si bien les trésors des dispensations évangéliques et l’avenir de l’humanité.
Laisse-moi désormais,
Seigneur, aller en paix ;
Car, selon ta promesse,
Tu fais voir à mes yeux
Le salut glorieux
Que j’attendais sans cesse.
Salut, qu’en l’univers,
Tant de peuples divers
Vont recevoir et croire ;
Ressource des petits,
Lumière des Gentils,
Et d’Israël la gloire.
D’abondantes aumônes pour les pauvres sont recueillies, selon l’usage, à la porte de la maison de Dieu.
Quiconque mange de ce pain et boit de cette coupe indignement, mange et boit sa condamnation. 1 Cor., XI. 26-30.
— L’excommunication est l’acte par lequel une Église retranche de sa communion les personnes qui s’en sont elles-mêmes séparées par leur incrédulité ou par leur inconduite. Chez les protestants, cet acte est tout spirituel et intérieur, et ne touche en rien à la vie civile et extérieure.
Il ne faut donc pas confondre l’excommunication protestante avec l’acte politico-religieux du même nom qui, dans le moyen âge, jetait le trouble parmi les nations et mettait en péril les trônes eux-mêmes.
Chez nous la liberté ayant introduit l’élément précieux d’une grande sincérité en ce qui concerne les actes religieux, l’excommunication reste, pour ainsi dire, sans effet, parce qu’elle reste sans application. Le formalisme a peu de prise sur le peuple protestant ; les hommes étrangers de cœur aux convictions évangéliques ne se croient pas obligés d’en prendre les apparences extérieures ; ceux qui sont indignes de participer à la cène du Seigneur se font justice à eux-mêmes et s’abstiennent. Il y a peu à gagner aujourd’hui à afficher les dehors de la piété, quand on en a chassé de son cœur les douces et salutaires influences.
Aussi, chez nous, l’excommunication est un avertissement général qui est placé dans le service même de la sainte cène, et qui est ainsi conçu : « Ceux qui ne sont pas membres de l’Église, ou qui la déshonorent par leur conduite, ne doivent point être admis à cette cérémonie. C’est pourquoi, au nom et en l’autorité de notre Seigneur Jésus-Christ, et selon la règle qu’il nous a laissée dans sa Parole, j’excommunie, c’est-à-dire je déclare indignes de participer à ce saint sacrement tous les impies, les incrédules, les pécheurs obstinés, tous ceux qui vivent dans le dérèglement ; je leur déclare que, s’ils ne se repentent et ne sont résolus à changer de conduite, ils ne sauraient avoir communion avec Jésus-Christ, et qu’ainsi ils doivent s’éloigner de cette sainte table, de peur de la profaner. »
Cette déclaration solennelle, qui renvoie chacun à sa propre conscience, suffit, sans doute, pour l’instruction générale du peuple ; celui-ci est par là averti du saint respect qu’il doit à une cérémonie qui scelle ou notre grâce ou notre condamnation.
Quant aux cas de conscience d’une nature plus particulière, qui pourraient troubler l’âme des fidèles, le ministère des pasteurs y pourvoit ; et il se montre, dans ces circonstances comme en toute autre, suffisant par l’efficace de la Parole de Dieu, pour éclairer, encourager, consoler, et, quand il le faut, pour avertir, censurer et reprendre.
La discipline de notre Église a conservé de précieuses indications sur les cas où l’on appliquait jadis l’excommunication. Précieux documents qu’il convient de conserver, parce que si jamais les formes extérieures de la religion reprenaient, comme jadis, la prééminence sur la piété intime, pour en marquer les imperfections si ce n’est l’absence totale, il conviendrait de rétablir l’exercice d’un droit dont l’Église n’a jamais pensé se départir.
Remarquons, en terminant, que la table sainte, dans nos Églises, est accessible aux chrétiens de toutes les dénominations ou sectes protestantes évangéliques, qui s’y présentent dans un esprit de foi et sous leur propre responsabilité personnelle.