L’orthodoxie scolastique de la Réforme, qui s’était affirmée avec tant d’énergie à Dordrecht, se maintint en Allemagne, en France et en Hollande, en face des attaques toujours croissantes des tendances anti-prédestinatiennes. Les théories de Coccéius vers 1650, et bientôt après la philosophie de Descartes vinrent porter le premier coup à son prestige séculaire. Elle réussit, il est vrai, par des coups d’État politiques et par le Consensus helvétique, à condamner et à repousser pendant quelques années ses redoutables adversaires, mais nous pouvons fixer à l’année 1700 l’heure de sa décadence. En Angleterre, ou la Réforme pénétra et s’établit sous deux formes bien distinctes, dont l’hostilité n’a pas encore cessé de nos jours, la tendance épiscopale et la tendance presbytérienne, la science théologique se consacra surtout aux études patristiques, et ne revint à des études plus vivantes et plus religieuses que provoquée par les attaques ardentes du déisme, sans pourtant parvenir à atteindre le niveau scientifique de ses adversaires. Reprenons notre récit au point où nous l’avions laissé à la fin de la période précédente.
Vers 1600 le sceptre de la science et de l’influence théologiques passa des mains de la Suisse dans celles de la Hollande, qui dut partager son autorité avec la France protestante après la publication de l’édit de Nantes, jusqu’à ce que l’Angleterre prit le premier rang, que les Etats-Unis d’Amérique semblent vouloir lui disputer aujourd’hui.
La petite Hollande, dans les jours de sa grandeur politique, et grâce à la généreuse rivalité de ses diverses provinces, fonda, par reconnaissance pour le principe évangélique, qui l’avait affranchie du joug des Espagnols, un grand nombre d’universités, qui devinrent bientôt des foyers de science et de lumière, et qui comptèrent dans leurs rangs un grand nombre d’hommes illustres. Qu’il nous suffise de citer Scaliger, Saumaise, Juste Lipse, Isaac Vossius, Grævius, Heinsius, et les orientalistes Golius, Erpénius, et Schultens. Ces facultés subirent pour la plupart l’influence d’Erasme, et de l’école de Mélanchthon. Voici les dates de la fondation de quelques-unes de ces écoles : Leyde, 1575 ; Franeker, 1585 ; Groningue 1614 ; Utrecht, 1634 ; Harderwijk, 1648.
On vit affluer à ces universités la jeunesse protestante de toutes les contrées de l’Europe, qui commença souvent ses études dans les écoles d’Amsterdam (1631), Deventer, Middelbourg et Bréda. Les études les plus suivies à l’origine furent celles de la Bible dans les langues originales sous l’influence et la direction des philologues Jean Drusius, Lydius, Louis de Dieu, André Rivet, Voétius et Amama. La période biblique et sérieuse fut, aussitôt après le synode de Dordrecht, remplacée par une période de scolastique aussi aride que subtile. Bien que les vainqueurs de Dordrecht, Lubbertus et François Gomar aient encore suivi la méthode biblique, et que le premier ait accusé son collègue Maccovius d’hérésie, pour avoir introduit la méthode scolastique dans son enseignement, cette méthode fit des progrès si rapides, qu’elle trouva en Hollande ses représentants les plus distingués, Maccovius, Samuel Marésius, Voétius, Hoornbeck, Marck, etc.
Nous voulons indiquer rapidement les savants les plus distingués des diverses universités hollandaises. Nous trouvons comme professeurs : à Franeker, Martin Lydius, mort en 1601 ; Jean Drusius, célèbre exégète et philologue, qui enseigna d’abord à Leyde, mort en 1616 ; Maccovius ou Makowski, professeur de 1615 à 1644 (Collegia Theologica, Amstelodami, 1623-1631. Loci comm. theol. Fran. 1626) ; Amésius (ennemi d’Arminius : De Arminii sententia, 1613. Medulla Theologiæ. De conscientia et ejus jure, vel Casibus. Puritanismus anglicanus. Il défendit le principe du sabbatisme rigide. Bellarminus enervatus), mort en 1633 ; Amama.
A Utrecht : Gisbert Voétius, 1634-1676 (G. Voetii selectæ disputationes theol. 5tom. 1618). Malgré sa science et sa piété, il est grand partisan de la méthode scolastique, et attaque avec violence l’arminianisme, Descartes, Coccéius, et plus tard les « petites Églises dans l’Église » de Labadie) ; Hoornbeck, l’un des controversistes les plus distingués de l’époque, attaque avec talent le socinianisme (1644-1654), mourut professeur à Leyde (Summa Controversarium religionis cum infidelibus, schismaticis, i. e. Gentilibus, Muhamedanis, papistis, anabaptistis, socinianis, remonstrantibus, lutheranis, Brownistis, éd. 2, Traj. ad. Rh., 1658 ; Socinianismus confutatus, 3 tom., 1650-1664) ; Melchior Leydecker (1679-1721), apologète de la théologie réformée (De Veritate fidei reformatæ, Commentaire du catéchisme de Heidelberg, Ultraj., 1694 ; De Œconomia trium personarum in negotio salutis, etc., 1682).
A Groningue : François Gomar (1618-1641), débuta de 1594 à 1611, à Leyde, supralapsaire absolu, ennemi implacable d’Arminius (Opera omnia theologica, Amst., 1694) ; Samuel Marésius, 1643-1675 (Syst. theologicum cum annot. Gron., 1673), polémiste infatigable, véritable Calov réformé, qui combattit à la fois catholiques, sociniens, coccéiens, cartésiens, Amyraut et Labadie ; Jean-Henri Alting, 1627-1644 (Scriptorum theol., 1644, Amst.), adversaire de la méthode scolastique, historien distingué ; son fils Jacob Altingse consacra à l’exégèse de l’Ancien Testament (1643-1697).
A Leyde : François Junius, qui débuta par Heidelberg et Neustadt, mort en 1602 ; Louis de Dieu (1619-42), défenseur de l’exégèse grammaticale, orientaliste éminent ; André Rivet, Frédéric Spanheim Ier, qui vécut jusqu’en 1642 à Genève, ennemi de l’amyraldisme, mort en 1646 (Fr. Spanheimii exercitationes degratia universali ; contre Amyraut) ; son fils Frédéric Spanheim le jeune (1670-1701), qui débuta par Heidelberg, controversiste rigoureux, et calviniste rigide (Controversiarum de Religione cum dissidentibus hodie Christianis, prolixe cum Judæis, elenchus historico-theologicus, etc.) ; Antoine Hulsius, grand controversiste (Syst. Controversiæ theol., 1677) ; le grand savant Jean Vossius, né en 1577, philologue, historien, mort en 1649 à Amsterdam, où il s’était fixé en 1633 à son départ de Leyde. Il publia en 1618 sept livres sur les controverses pélagiennes. (Bien qu’adversaire des remontrants, il n’était pas encore assez orthodoxe au gré de Gomar. Citons ses Thèses theologicæ et historicæ, 1658 ; et son traité célèbre : De Theologia gentili, et physiologia christiana, sive de Origine ac progressu idolatriæ deque naturæ mirandis, quibus homo adducitur ad Deum libri IX. Amst., 1658.)
A l’école de Coccéius, outre Coccéius lui-même (1636-50, à Leyde) se rattachent, à Franeker : Van der Wayen ; Vitringa, l’élégant et consciencieux commentateur d’Esaïe, mort en 1722 ; le savant et aimable philologue Herrmann Witsius (De Œconomia fœderum Dei cum hominibus, 1693, édit. 4. Herborn, 1712), qui fut plus tard professeur à Utrecht et à Leyde, mort en 1708. A Leyde : Guertler et plusieurs autres théologiens estimables.
Nous pouvons citer encore à côté des coccéiens, Adolphe Lampe, d’Utrecht, né en 1683, mort en 1729 ; le critique Erpénius, de Leyde ; le théologien spéculatif Al. Roëll, le cartésien Heidan, Burmam, Wittich, etc. Les persécutions chassèrent de France un grand nombre d’hommes distingués, qui se fixèrent en Hollande. Parmi les plus connus contentons-nous de citer le célèbre sceptique Pierre Bayle, auteur du Dictionnaire critique, et le rigoureux calviniste Pierre Jurieu, qui professa à Sedan, de 1674 à 1681, et se fixa à Amsterdam après la fermeture de l’Académie. Ses plus célèbres écrits, qui ont trait à la controverse avec Nicole et les jansénistes, sont : Apologie pour la morale des Réformés, ou Défense de leur doctrine sur la justification ; la Persévérance des vrais saints et la Certitude de son salut, 1675 ; le Vrai système de l’Église et la Véritable analyse de la foi, 1686 ; Traité de la nature et de la grâce, 1687 ; Histoire critique des dogmes et des cultes, 1707.
Les controverses théologiques de la Hollande eurent leur contrecoup dans d’Allemagne réformée, grâce aux nombreuses relations des savants et des théologiens entre eux, et à l’usage fréquent des voyages chez les jeunes théologiens et les jeunes nobles, luthériens aussi bien que réformés. L’Allemagne resta longtemps en dehors de l’influence de la théologie réformée, seules la Frise Orientale et les provinces du bas Rhin se laissèrent pénétrer par les idées de Lasco et d’Erasme, Le prestige exercé par les idées de Mélanchthon n’en fut que plus grand dans un grand nombre de provinces. Citons en particulier sa patrie, le palatinat électoral, la Hesse Electorale, ou, depuis Philippe le Magnanime, les théologiens avaient cherché à jouer un rôle conciliateur entre les Suisses et les luthériens, ainsi que les provinces, dans lesquelles professèrent les nombreux disciples de Mélanchthon. Quand la Formule de concorde eut commencé à chasser du sein de l’Église luthérienne le philippisme, ou conception théologique de Mélanchthon, les provinces, qui avaient embrassé ses principes avec le plus d’ardeur, se séparèrent d’elles-mêmes de l’Église luthérienne, et se rapprochèrent plus ou moins de l’Église réformée. Grâce au catéchisme et à l’université de Heidelberg, l’Église du Palatinat reçut une organisation réformée, qui survécut à l’éphémère réaction luthérienne de 1578-1583.
Les Églises réformées du bas Rhin et de l’Ostfrise reçurent leur organisation des synodes de Wesel, 1561, et d’Emden. Leur exemple fut suivi par le comté de Meurs, 1580 ; le comté de Nassau uni à Wittgenstein, Solms et Wied, 1586 ; par les provinces d’Anhalt, 1597 ; par Bentheim, Steinfurt, Tecklenbourg et le palatinat des Deux-Ponts, 1580 ; par Hanau, 1596 ; par Lippe, 1600 ; sans parler de la conversion au rite réformé d’un grand nombre de princes luthériens, entre autres de l’électeur palatin Sigismond, dont l’abjuration eut lieu au mois de décembre 1613.
Le calvinisme régna à Dantzig de 1590 à 1606, et à Elbing dans une proportion moins forte. Il conserva l’ascendant à Brême, bien qu’Albert Hardenberg, l’illustre disciple de Mélanchthon, et son protecteur Van Buren, eussent dû reculer devant l’ascendant passager du luthéranisme. Les réformés étaient encore plus nombreux relativement à la diète, grâce à l’abjuration d’un grand nombre de princes, qui avaient suivi l’exemple de Philippe de Hesse, et subi l’influence soit d’une politique amie de la paix et de l’union, soit du caractère plus intelligible et plus pratique du calvinisme, soit enfin de l’éducation polie, des grâces et des connaissances des théologiens réformés. Les persécutions endurées par les philippistes leur valurent de nombreux adhérents d’une haute valeur, en particulier des Saxons tels que Christophe Pezel, qui répandit les principes réformés dans le Nassau-Dillenbourg ; Gaspard Cruciger le jeune, mort en 1597 à Cassel ; Widebram, Schœnfeld, Grégoire Franck, Piérius, et plusieurs autres. Néanmoins les réformés allemands étaient trop disséminés, exposés à trop de périls de la part des luthériens et des armées de la guerre de Trente ans, pour constituer une masse homogène, et donner l’essor à un véritable mouvement scientifique. Ils ne firent que répercuter les tendances et les controverses soit de la Hollande, soit de la Suisse. Leurs facultés étaient nombreuses eu égard à leur petit nombre, mais leur cercle d’action était trop restreint, pour leur permettre d’acquérir une influence décisive et durable.
Le premier rang revient sans contredit à Heidelberg et à Marbourg, nommons ensuite, bien qu’elles aient moins d’importance, Francfort-sur-l’Oder, dont les tendances furent mélanchthoniennes dès le début, qui devint, à partir de Sigismond, une université réformée, et ne posséda plus qu’une seule chaire de théologie luthérienne ; l’université de Duisbourg, fondée en 1655 par le grand électeur palatin ; enfin les écoles théologiques de Herborn et de Brême. C’est à peine si nous jugeons dignes d’une mention les gymnases de Steinfurt, 1590 ; Hamm, 1650 ; Lingen, 1697 ; et Hanau, 1607.
A ces renseignements sommaires, nous voulons joindre, d’après les excellents ouvrages de Tholuck, Heppe et Schweizer, une statistique de l’Allemagne réformée savante de cette période. Les professeurs les plus distingués de l’université de Heidelberg, depuis son organisation protestante de 1559, furent Gaspard et Ursinus, rédacteurs du Catéchisme de Heidelberg ; Zanchi, prédestinatien absolu, qui eut en 1561 le dessous à Strasbourg dans ses controverses avec le luthérien Marbach (Voir Zanchii de Religione christiana fides, Neost., 1585) ; Tremellius ; Boquin. Grâce à l’esprit qui régnait alors à l’université, on y vit professer aussi Heshus et Clebitz. Ces premiers professeurs cherchèrent surtout à maintenir un juste milieu entre les doctrines luthériennes et les doctrines réformées. Mais bientôt les manœuvres réactionnaires et luthériennes de Louis VI, et l’adoption forcée de la Formule de concorde, les chassèrent de l’université. Ils se groupèrent autour du gymnasium illustre, fondé par le frère de Louis VI, Jean-Casimir, à Neustadt, et y constituèrent, grâce à de nombreux auxiliaires venus du dehors, un centre scientifique considérable. Les théologiens, qui s’y étaient réfugiés pendant leur court exil, François Junius, Daniel Tossanus, Zanchi, mort en 1590, et Ursinus, composèrent contre la Formule de concorde de violents écrits polémiques, dont les plus remarquables sont l’Admonitio Neostadtensis, et sa Defensio. La période suivante comprend parmi les théologiens d’Heidelberg le dogmatiste George Sohn (1564-1590) ; le célèbre théologien irénique David Paréus, 1594-1622 (Irenicon, sive de unione et synodo evangelicorum concilianda) ; Daniel Tossanus (1586-1602), successeur de Grynæus ; Henri Alting (1612-22) ; Abr. Scultétus (1618-22).
Les plus anciens de ces docteurs, et G. Sohn parmi les plus jeunes, ne veulent pas adopter la théologie suisse, mais maintenir l’enseignement théologique dans l’esprit de Bucer et de la concorde de Wittemberg de 1536. Les Silésiens Ursinus (Doctrinæ Christi compend. seu comment. Catech. Genev., 1584), et Paréus veulent l’union dans l’esprit de Mélanchthon, mais le dernier est choqué par le dogme luthérien de l’ubiquité du corps de Christ. En 1603, une controverse sur la sainte cène éclate au sein même de l’université. Paréus professe la présence du Christ et la jouissance spirituelle de son corps et de son sang par les fidèles ; les iconoclastes Scultétus et Pitiscus, Silésiens eux aussi, ne veulent voir avec Zwingle qu’un mémorial dans la sainte cène, et déclarent qu’il est aussi absurde de vouloir goûter spirituellement une chose matérielle, que de saisir matériellement une chose spirituelle. Le prince mit fin à la controverse, en imposant silence aux deux partis. Paul Tossanus, fils de Daniel, et Scultétus se rangèrent au synode de Dordrecht du côté des calvinistes rigides.
Heidelberg possède quelques philologues éminents : Sylbourg, et le spirituel Keckermann, de Dantzig (1592-1602), mort en 1609 à Dantzig. Ce dernier est aristotélicien et ennemi de Ramus ; il veut conserver à la philosophie un rôle indépendant, et y rattacher la politique et la morale, tandis que l’Ecossais Amésius, de Franeker, ne veut entendre parler que d’une morale chrétienne, qu’il expose au point de vue rigoureux du puritanisme. La guerre de Trente ans troubla pendant un quart de siècle les études, de l’université, qui fut même sur le point d’être abandonnée aux jésuites ; l’électeur palatin Charles-Louis lui assura en 1652 le calme des fortes études. Parmi ses nouveaux professeurs signalons Jean-Henri Hottinger, de Zurich, (1655-1661), qui enseigna avec distinction les langues orientales et l’histoire ecclésiastique ; Frédéric Spanheim, installé en 1655 et qui se rendit en 1670 à Leyde, adversaire éminent de Coccéius et de Descartes, ennemi de l’Union, tous deux calvinistes rigides. Néanmoins Hottinger, comme plus tard Mieg, 1668, et l’élégant Jean-Louis Fabricius, 1660, étaient assez partisans de l’Union. Quand il s’agit de donner une des chaires de la faculté à Spinosa, Fabricius exigea de lui l’engagement de ne point attaquer l’enseignement évangélique, et le contraignit par cette mesure à ne point accepter sa vocation.
L’université philippiste de Marbourg resta, elle aussi, fidèle jusque dans les dernières années du seizième siècle à la tendance intermédiaire entre Luther et Zwingle, comme l’attestent les travaux de G. Sohn 1574-1584 (Exegesis præcipuorum articulorum Augustanæ confessionis, 1591 ; Synopsis corp. doct. phil. Melanchthonis, 1598), et de Cruciger, de Wittemberg, ainsi que le fait de l’acceptation comme règle de foi de la confession d’Augsbourg par la plupart des réformés allemands. Déjà pourtant Hypérius et Lambert d’Avignon avaient travaillé à répandre les principes évangéliques réformés, mais dans un esprit de conciliation et d’union. Mais G. Sohn se vit donner comme collègue, grâce à l’administration commune des deux princes et frères, l’un luthérien et l’autre calviniste, l’ultra-luthérien Ægidius Hunn, du Wurtemberg (1574-94). Il était impossible à ces deux esprits si opposés de vivre longtemps en bonne intelligence. La Formule de concorde amena une crise décisive. La lutte fut longtemps indécise parce que, d’un côté, la Hesse supérieure était depuis bien des années luthérienne et que Maurice échoua dans sa tentative de soumettre la Hesse entière au rite calviniste, et parce que d’un autre côté, le successeur de Maurice ne réussit pas davantage à détruire l’université de Marbourg. Enfin elle aboutit à constituer la moitié de la Hesse en Église luthérienne avec Giessen pour centre théologique, et l’autre moitié en Église réformée, dont Marbourg devint l’université. Depuis le synode de Dordrecht, dont les canons furent introduits dans la Hesse par Cruciger, Angelokrator, et Goclénius, bien qu’as n’aient jamais possédé en Allemagne une autorité symbolique, Eglin, Cruciger et Heine professèrent le dogme calviniste de la prédestination absolue. Ce furent Heine et Sébastien Curtius qui tinrent, au nom des réformés de Marbourg, le colloque de Cassel avec les luthériens. Jean Crocius, mort en 1659, le théologien le plus distingué de Marbourg, apologète infatigable des tendances réformées contre les catholiques, les luthériens et autres, se montra, toutefois, dans la pratique, animé d’un grand esprit de modération. Samuel Andréæ, mort en 1699, défendit contre Alting les principes de Coccéius, et ceux de Descartes contre le Zurichois Zwinger, mais il maintint aussi contre Musæus la prédestination calviniste.
Malgré la présence et l’autorité d’And. Musculus, l’université de Francfort-sur-l’Oder, au sein de laquelle dominait une tendance plus modérée, n’accepta pas la Formule de concorde. Heidenreich mort en 1617, et Pélargus, adoptèrent le point de vue de l’Union, d’après laquelle les deux Églises réformée et luthérienne possédaient également la vérité du salut, et consacrèrent dans cet esprit des pasteurs, et promurent des docteurs des deux communions. Jean Berg, nommé prédicateur de la cour en 1618, professa des opinions universalistes et anti-prédestinatiennes. Leurs successeurs, par contre, parmi lesquels nous pouvons citer Wolfgang Crell,1618, et Christophe Becmann (1676-1717), professèrent le prédestinatianisme, celui-là sous la forme supralapsaire. La tradition des principes de Pélargus fut continuée dans son esprit par Grégoire Franck, mort en 1651, qui professait qu’il n’y a pas plus de différence entre les deux communions qu’entre saint Matthieu et saint Jean, et par Strimésius (1676-1730), et Holzfuss, mort en 1717, qui penchait vers l’anglicanisme.
Nommons parmi les professeurs de l’université de Duisbourg, qui se montra toujours favorable aux idées de Coccéius et de Descartes : Jean Clauberg, chassé d’Herborn à cause de ses opinions cartésiennes, le premier qui professa dans une université allemande les principes de la philosophie moderne (1656-1665), tenu en haute estime par Leibnitz, et commentateur distingué de Descartes ; Henri Hulsius (1684-1723), qui professa le rationalisme cartésien dans l’esprit de Roëll ; Martin Hundius (1655-1666), coccéien ardent. Duisbourg a possédé dans son sein des théologiens encore plus connus : le dogmatiste Van Diest, qui quitta Duisbourg en 1664 pour Harderwijk, et Pierre de Maestricht, qui professa plus tard à Francfort (1670-1677), connu par son principal ouvrage : Theoretico practica theologia ; Traj. ad. Rhen. 1699, in-4o, dans lequel il unit la théologie polémique et pratique aux sujets exégétiques et dogmatiques, et trace même un tableau rapide de la morale, de l’ascétisme et de l’histoire ecclésiastique depuis la création du monde. Citons enfin au XVIIIe siècle l’historien ecclésiastique Gerdès, qui professa plus tard (1726-68) à Groningue. Les gymnases, dont nous allons retracer maintenant l’histoire, n’ont été, plus encore que Duisbourg, que des pépinières de savants, appelés plus tard à se déployer sur un plus grand théâtre.
La haute école de Herborn, fondée en 1584, ne larda pas à jouer un plus grand râle que Francfort et Duisbourg. Ses premiers docteurs furent Olévian et Jean Piscator, qui composèrent des recueils de sentences, ou abrégés de l’lnstitution chrétienne de Calvin, après que Zanchi eut assuré le triomphe du prédestinatianisme au sein des Églises réformées allemandes. Olévian composa en outre une exposition du symbole des apôtres, 1576, et De substantia fœderis gratuiti, 1585. Piscator, après avoir reçu les premiers éléments des sciences à Strasbourg et à Tubingue, professa successivement à Heidelberg 1574, Neustadt, 1578, et enfin Herborn (1581-1625). Il put professer en paix sa négation de la valeur rédemptrice de l’obéissance active de Christ. Plusieurs synodes de l’Église réformée de France, et la plupart des théologiens réformés repoussèrent ses vues particulières, qui furent pourtant partagées par Paréus, Scultétus, Alting, Caméron, Blondel, Cappel, Laplacette. Piscator se prononça aussi en faveur de Ramus. Voir Piscatoris Aphorismi doct. Christ, ex instit. Calvinis excerpti, seu locicomm. theol. ed. 2, 1592. Ses travaux les plus distingués appartiennent à l’exégèse et à la traduction de la Bible. Dans ce dernier domaine il eut comme émule Pasor (1615-1626), plus tard processeur à Franeker, auteur du premier Dictionnaire du Nouveau Testament, qui nie la présence d’un seul hébraïsme dans le Nouveau Testament et est le premier représentant du purisme.
Nommons parmi les meilleurs théologiens systématiques le philologue Matthas Martini, mort en 1630 à Brême, auteur de : Christianæ doctrinæ summa capita, Herb., 1603 ; Summula theologiæ, Brem, 1610, et surtout Jean Henri Alsted, qui débuta en 1613, et professa plus tard à Wissenbourg en Transylvanie, auteur de : Theologia scholastica, etc., Han., 1618, mort en 1638, l’un des députés du synode de Dordrecht, esprit anguleux, bien que professant un chiliasme spiritualisé. Après les désastres de la guerre de Trente ans, Herborn subit l’influence (1669) de Néthénius, partisan rigide de Voet, prédestinatien farouche et arriéré, qui ne se lassait pas d’enseigner et de prêcher la damnation éternelle d’Adam. Il fut heureusement détrôné en 1676 par l’influence de Jean Melchioris, de Solingen, partisan de Coccéius et du chiliasmus subtilis, défenseur vivant et pieux de la théologie pratique, et qui mérite notre estime, pour avoir, dans cette période de scolastique, clairement saisi et nettement affirmé les grands traits des principes évangéliques. Il prend pour base de sa théologie le sens de la foi, qu’il unit étroitement à la conscience. Cette base lui permet d’établir dans ses traités : De demonstratione veritatis ad conscientiam ; Principium credendi rationale orthodoxum, et De necessitate et sufficientia credendorum, comme la véritable doctrine orthodoxe la puissance intérieure du contenu de l’Évangile sur l’esprit de l’homme, puissance qu’il oppose avec une égale vigueur à la lumière intérieure des enthousiastes et à l’autorité extérieure de l’Église. Il ne veut point dire par là que la certitude intérieure procède, pour celui qui s’attache à l’Évangile, de la satisfaction des aspirations de sa piété et de sa conscience, mais plutôt que l’Esprit-Saint, en purifiant et en fortifiant la conscience, développe dans l’âme, qu’il a pénétrée, l’amour de la vérité. C’est à cet amour de la vérité que l’Évangile s’adresse avec puissance, en lui montrant que seul il peut faire son bonheur. C’est par cette voie qu’il se concilie son adhésion libre, vivante et joyeuse, plus efficace et plus durable que la simple foi à l’autorité extérieure du livre. On n’a pas sans doute acquis par cette méthode la foi en la divinité des saintes Écritures, mais cette foi n’est pas indispensable, et c’est moins sur elle, ajoute Melchioris, que sur la foi en la vérité de ses enseignements, qu’insiste notre Église. Il a déployé autant de tact que de sagacité dans sa controverse avec Nicole sur les articles fondamentaux. Horch, théologien excentrique et partisan secret de la dissidence, appelé à Herborn en 1690, se vit déposé dès 1698.
Le gymnase de Brême, fondé en 1584, compta parmi ses professeurs Ch. Pezel, Mathieu Martini, 1610 ; Louis Crocius, mort en 1655, auteur d’un Syntagma s. theologiæ libri IV, Brem., 1636 ; Conrad Berg, fils du célèbre prédicateur de la cour (1629-1642). Parmi les théologiens de la période postérieure, citons comme le plus remarquable l’auteur de la théologie prophétique, Nicolas Guertler (1696-1699). Il professa plus tard à Deventer et à Franeker. Martini, Isselbourg et Crocius furent les députés de Brême au synode de Dordrecht, et représentèrent l’élément calviniste modéré. Tous trois, ainsi que E. Berg et Herm. Hildebrand, sont universalistes et partisans de l’union, amis de Calixte et de Coccéius. Jean Combach, 1639-1643, calviniste rigide, engagea contre eux une polémique ardente à Brême, où le calvinisme extrême l’emporta à la suite du synode de Dordrecht et de la controverse coccéienne. Le particulariste Flockettius continua les traditions de Combach, à partir de 1656. Toutefois Lodenstein, Labadie, Undereyk prêchèrent à Brême une théologie plus vivante et plus nourrie qui, jointe à l’influence du piétisme, trouva au dix-huitième siècle son représentant le plus distingué dans Lampe, auteur du Mystère de la révélation, et d’un commentaire sur Jean, 1709 et ss.
Conrad Vorstius, professeur à Steinfurt, théologien profond, logique, hardi, anti-prédestinatien accentué, se rapproche sur quelques points du socinianisme, et a développé la théodicée d’une manière originale. De 1659 à 1665 Steinfurt posséda Heidegger, qui professa plus tard à Zurich. Citons enfin parmi les professeurs de Hanau : Jean-Rodolphe Lavater, Gaspard Waser et Guertler ; de Lingen : Pontanus, depuis 1674 ; au dix-huitième siècle les exégètes Stosch et Elsner ; de Zerbst : Marc Fr. Wendelin (1611-1652), dont le Compendium de théologie chrétienne, et le christianæ theol. systema majus, 1656, reproduisent la méthode scolastique.
Quant aux universités et aux écoles suisses de Bâle, Berne, Zurich, Genève et Lausanne, elles n’ont pas eu un développement indépendant et personnel, comme les facultés de Hollande et de France, mais ont subi leur influence au dix-septième siècle, pour se ranger à partir du dix-huitième siècle du côté de la science allemande. Néanmoins leur esprit pratique les a préservées des excès de la méthode scolastique, bien qu’une orthodoxie rigide y ait aussi réagi contre les premières tentatives des novateurs.
Bâle du temps de l’antistès Sulzer, (qui remplissait en même temps les fonctions d’inspecteur ecclésiastique luthérien (1553-1585), et de Jean-Jacques Grynæus, 1586, professait un point de vue modéré, tout imprègne de l’humanisme d’Erasme, et animé à l’égard du luthéranisme modéré des dispositions les plus bienveillantes. Cette université posséda au dix-huitième siècle deux orientalistes célèbres, Buxtorff père et fils (1590-1629 et 1647-1664). Le premier, dans son livre intitulé Tiberias, 1620, défendit énergiquement l’inspiration des points-voyelles hébreux. Son fils crut devoir défendre contre Cappel ses doctrines, qui reçurent la sanction dogmatique du Consensus helvétique. Les théologiens systématiques bâlois les plus distingués sont : Polanus, natif de la Silésie, philippiste (1596-1610) ; Wolleb, (1618-1629), auteur d’un manuel, très répandu de son temps, de dogmatique et de morale, ouvrage qui unit à une étroitesse fanatique une clarté remarquable ; le professeur et antistès Zwinger (1629-54), qui assura le triomphe de la confession helvétique à Bâle, et son gendre Gernler. Ces deux derniers théologiens inaugurèrent à Bâle la période de la rigueur confessionnelle. En 1675 le grand conseil de Bâle admit le Consensus, à l’instigation de Gernler, et malgré les partisans de la théologie française, Jean Wetstein, et Rodolphe Wetstein, grand oncle du célèbre critique, et mort en 1684. Toutefois le successeur de Gernler, Werensfels, mort en 1703, représente une tendance plus modérée, et, cédant aux instances du grand électeur palatin, fait abroger (1685) le serment obligatoire d’observation du Consensus. Son fils Samuel Werensfels (1685-1740), qui entretint des rapports très suivis avec Ostervald, de Neuchâtel, et Alphonse Turretin, de Genève, représente une tendance unioniste, mélangée de piétisme et d’orthodoxie mitigée.
Berne a joué un rôle bien moins important que Bâle au point de vue théologique. Nous ne pouvons citer que peu de noms distingués après ceux du dogmatiste exégète Wolfg. Musculus (1549-63) (Loci comm. s. theologiæ, 1563) et de Benoit Arétius (1563-74) (Problematum theolog. P. 1. II. Laus., 1578). Le grand conseil négligea l’université et se contenta de dominer les consciences par la force matérielle. En dehors du philosophe David Wyss, auquel le grand conseil interdit de professer les principes de Descartes, on ne peut guère mentionner, que le moraliste Rodolphe (1675-4748) (Rodolphi catechesis Palatina, 1697). La Formule de concorde conserva son autorité symbolique jusque vers la seconde moitié du dix-huitième siècle, néanmoins le cartésianisme pénétra à Berne sous une forme rationaliste avec Ringier, disciple de Roëll, tandis que Stapfer professait le système de Wolff.
Les premiers théologiens de la faculté de Zurich furent surtout des exégètes et des hommes pratiques. Ce furent Bibliander, Pellican, Pierre Martyr (P. Martyr Vermilii loci communes. Heidelb., 1580), Guallerus, Louis Lavater, et surtout Henri Bullinger (Conf. de Scripturæ sanctæ auctoritate, certitudine, firmitate et absoluta perfectione, etc., Heinrychi Bullingeri, 1. 27, Tig., 1588). Néanmoins le professeur d’histoire ecclésiastique, Rodolphe Hospinian, dans sa Concordia discors, et dans son traité sur l’origine et les progrès de la controverse sacramentaire (en latin, 1602, 2 vol.) a déjà un ton plus passionné et plus confessionnel. Pierre assura en 1561 le triomphe du prédestinatianisme rigoureux dans l’Église de Zurich, lorsque celle-ci dut envoyer son avis sur la controverse soulevée à Strasbourg sur cette question entre Zanchi et Marbach. Dans la question de la cène, les Zurichois, en dépit du Consensus signé dans leur ville même, ne se rallièrent pas absolument au point de vue de Calvin, et restèrent attachés à la formule de Zwingle. Ils repoussèrent l’article du synode de Gap, qui enseigne que nous sommes vivifiés par la substance du corps et du sang de Christ. Au synode de Dordrecht ils se rangèrent du côté de Gomar. Ils ne firent en cela que subir l’ascendant du vénérable Jean-Jacques Breitinger, qui fut en fait le chef de l’Église de Zurich depuis 1613, et qui, toutefois, s’efforça de vivre sur un pied de paix avec les luthériens. Le désir de rapprocher les deux Églises fut la pensée dominante de l’orientaliste Gaspard Waser, mort en 1625, et de Jean-Jacques Huldricus, mort en 1638. Le premier ne voulait qu’une foi scripturaire, le second ne croyait pas possible une conception, identique pour tous, des passages les plus importants du Nouveau Testament. Une orthodoxie plus sévère reparut avec l’antistès Irminger, et le professeur Stucki, mort en 1660. Zink qui professait des opinions universalistes, reçut l’ordre de garder le silence, s’il ne voulait pas encourir les peines les plus sévères. Jean-Jacques Hottinger, auteur d’une histoire ecclésiastique du Nouveau Testament en neuf volumes, orientaliste et historien de premier ordre pour son temps, fut l’une des gloires de Zurich dans la seconde moitié du dix-septième siècle, et déploya un esprit remarquable de modération dans son enseignement et dans sa vie. Son successeur, J.-H. Heidegger, depuis 1667, auparavant professeur à Steinfurt, est l’auteur de la formule du Consensus helvétique. Il a composé aussi une Medulla theol. christianæ éd. 2, 1713, et une Historia papatus, qui a été publiée en 1684. à Amsterdam avec l’histoire de la papauté de Guicciardini. Il maintient avec vigueur les côtés les plus anguleux de l’orthodoxie symbolique, et va même jusqu’à professer l’inspiration des points-voyelles de l’Ancien Testament, moins, il est vrai, par amour de la scolastique, ou par un esprit pharisaïque d’exclusion, que dans le louable désir de maintenir intacte l’unité de l’Église de Christ contre les tentatives de hardis novateurs. Il n’aurait aucun scrupule à reconnaître l’origine moderne des points-voyelles, s’il était sûr de conserver le sens primitif, mais mieux vaut dans l’intérêt de la foi, les attribuer à un prophète, à Moïse ou à Esdras. Signalons encore le philologue Gaspard Suicer (1648-1684), auteur d’un Thesaurus ecclesiasticus, (2 tom. in-fol. 1684), sorte d’encyclopédie, qui résume les travaux et les veilles fécondes de vingt années. J.-J. Hottinger, le fils, remplaça en 1697 Heidegger. Le piétisme, longtemps considéré à Zurich comme une hérésie, pénétra en 1710 dans son université sous l’influence de Jean-Jacques Ulrich. La philosophie cartésienne et Coccéius n’exercèrent qu’une très faible influence et n’y comptèrent qu’un disciple à Genève : Chouet (1666-1686). Citons parmi les professeurs de Lausanne où Théodore de Bèze séjourna quelques années, Guillaume Bucanus (1591) (C. Bucan Loci communes, 1602. Institutiones theologicæ, 1605).
L’académie de Genève, fondée en 1559, par Calvin (voir Bulletin de l’histoire du protestantisme français, tome IV ; pages 13-26, 200-205, 353-374 ; trois excellents articles de Cellérier fils) qui y occupa une chaire ainsi que Bèze et fut remplacé par le moraliste Danée, 1572-1581 (Danæus, Ethice christiana, et Isagoge christiana, 1591), posséda, à côté des grands philologues Scaliger (1572-78) et Isaac Casaubon (1582-96), Diodati (1609-49), Benedict Turretin (1612-31) et Théodore Tronchin (1615-57), auxquels se joignirent (1631-41) le savant Frédéric Spanheim aîné, qui professa plus tard à Leyde, et en 1653, François Turretin (Institutio theologiæ elencticæ, 1679). Ces hommes remarquables à divers titres, représentent la période orthodoxe exclusive de l’histoire de l’Église de Genève. L’école plus modérée de Saumur trouva cependant bientôt des partisans en la personne de Philippe Mestrezat, Alexandre Morus, Louis Tronchin, et quelques-uns des partisans des nouvelles idées penchèrent même du côté du rationalisme. Jean-Alphonse Turretin (1697), auteur de Dilucidationes philosophico-theologico-dogmatico-morales sur les principes de la religion naturelle et de la révélation (2 tom. 1711. Bâle, 1748), et Benedict Pictet (Morale chrétienne, 1697 ; Medulla theologiæ, etc.), firent régner à Genève une tendance anti-symbolique, et une pieuse tolérance. Les confessions de foi furent supprimées en 1703. Charles Bonnet, partisan de la palingénésie, Vernæs et autres représentent les tendances modernes.
Les études suivirent dans les académies protestantes à peu près la même marche que dans les universités luthériennes. Les prolégomènes comprenaient la philosophie divisée en rhétorique et en dialectique, et la théologie catéchétique, qui embrassait l’enseignement populaire de la dogmatique. La méthodologie et l’isagogique ne furent que rarement professées, bien que nous possédions des traités d’Hypérius de Marbourg et de Jean Gerhard. A l’origine, et dans la première ardeur biblique enfantée par le mouvement réformateur, la philologie orientale et grecque occupa le premier rang dans les études, et la dogmatique n’y joua qu’un rôle secondaire. Le synode de Dordrecht modifia profondément cet état de choses. La dogmatique et la polémique occupèrent, dès lors, le premier rang, et remplirent deux ou trois années d’étude. Chaque leçon comprenait un seul point particulier, et transformait ainsi l’enseignement en une exposition longue et monotone. De nombreux exercices de controverse tenaient les esprits en haleine, et développaient les facultés dialectiques des étudiants. Pendant longtemps il n’exista aucune chaire de morale chrétienne ; on l’abandonna aux cours de philosophie, on en fit un appendice plus ou moins court de la dogmatique, et on en traita quelques parties dans l’étude des cas de conscience. Néanmoins le goût des études morales se développa plus rapidement chez les réformés que chez les luthériens, chez lesquels Calixte, et surtout Spener furent les premiers moralistes ex professo. L’histoire ecclésiastique fut réservée à la chaire d’histoire de la section de philosophie, qui devait l’exposer au point de vue chrétien, et d’après les quatre monarchies de Daniel. Sans doute les théologiens protestants traitèrent occasionnellement l’histoire des dogmes, pour appuyer sur des bases historiques leur polémique ardente contre l’Église romaine. Toutefois la partialité du controversiste fit trop souvent tort au tact de l’historien ; les centuries de Magdebourg elles-mêmes tombèrent dans cette erreur gravé. Cette branche trop négligée de la théologie ne réalisa aucun progrès sérieux jusqu’à Calixte, et nous ne pouvons guère citer dans l’Église luthérienne, avant Pfaff et Mosheim, que Micraelius, Korholtt, de Kiel, et Beber, de Strasbourg. Nous pouvons signaler à rang égal dans l’Église réformée Gérard Vossius, Jean-Henri Hottinger, de Zurich, et Gerdès, professeur à Duisbourg et à Groningue, mort en 1768. L’esprit pratique des théologiens suisses et réformés allemands, et l’âcreté polémique de cette période ont contribué à entraver l’essor des études historiques en Hollande.
L’Église réformée de France a rendu de plus grands services à la science, et peut invoquer les noms de Dallæus (Daillé), Blondel, Jacques Basnage, de Rouen, etc., bien que chez eux aussi l’élément polémique soit prédominant.
[Jean Daillé, né à Châtellerault le 6 janvier 1594, élève de Daneau à Saumur, précepteur des fils de Duplessis-Mornay, pasteur à Paris, mort en 1670. — Traité de l’emploi des saints Pères, Genève, 1632. Apologie pour les Églises réformées, Charenton, 1633, commentaires, sermons. — David Blondel, né à Châlons-sur-Marne, 1591, mort en Hollande le 6 avril 1655. — Traité historique de la primauté de l’Église, Genève, 1641. La papesse Jeanne, Amsterdam, 1647. Des sybilles, Charenton, 1649. — Jacques Basnage, né à Rouen le 6 août 1653, élève de Lefèvre à Saumur, de Mestrezat à Genève, de Jurieu à Sedan, pasteur à Rouen, réfugié en Hollande, où il mourut le 22 décembre 1723. — Dissertationes historico-theologicæ, Rotterdam, 1694. Histoire de la religion des Églises réformées, Rotterdam, 1696. Histoire de l’Église, 1699, 2 vol. in-fol. Histoires du Vieux et du Nouveau Testament, Amsterdam, 1704. Voir la France protestante. (A. P.)]
C’est en Angleterre, que la théologie historique a trouvé le terrain le plus favorable, bien que l’Ecossais Forbes, par ses nombreux travaux, et surtout par ses recherches sur le point de départ et les causes génératrices du dogme de l’infaillibilité papale, ait fait faire de grands progrès à la science. Souvent, même au dix-huitième siècle, la chaire d’histoire ecclésiastique fut unie à celle de théologie pratique. Ce fut cette dernière branche, qui fut la plus cultivée au dix-septième siècle, en particulier l’homilétique, dont la tâche principale était d’enseigner aux futurs prédicateurs l’art de subdiviser habilement un plan de sermon d’après un texte donné et la théologie pastorale, qui traitait les cas de conscience à la manière des scolastiques du moyen-âge. Coccéius, Calixte, et surtout Spener donnèrent une vive impulsion à la catéchèse, mais on n’avait pas encore su trouver la base scientifique de la théologie pratique, et les leçons des professeurs traitaient bien plus de la routine du métier, que des bases de la science. La prophétie réformée, consistant en des entretiens avec des amis de la Bible sur divers passages des Écritures, fleurit à Zurich et dans les Églises du Rhin inférieur, préparant ainsi les voies aux collèges bibliques de l’école de Spener, qui vécut à une époque, où les études bibliques étaient à peu près inconnues dans les universités.
Dans les premiers jours du mouvement intellectuel des Églises réformées, un grand nombre d’esprits judicieux se montrèrent hostiles à la méthode scolastique et aristotélicienne, qu’ils jugeaient dangereuse pour la vie pratique et pour la piété. Mais le courant général des esprits et la nécessité des circonstances furent plus puissants que ces scrupules légitimes. On ne voulut pas renoncer de gaieté de cœur à une méthode, qui poussait les intelligences, non pas à critiquer les enseignements soumis à l’acceptation de leur foi, mais à s’exercer sur des principes donnés, et reconnus comme un ensemble harmonique et immuable. Pendant quelque temps, cependant, on put croire au succès des tendances anti-aristotéliciennes. Pierre Ramusa, ou La Ramée, précédemment professeur au collège royal de Paris, né en 1515, attaqua les principes d’Aristote avec une violence extrême et proclama l’apparition d’une nouvelle conception philosophique, qui commença à exercer une grande influence sur l’Église réformée, dont Ramus avait embrassé les principes en 1561. Ramus fut une des nombreuses victimes de la Saint-Barthélémy. Bien que sa méthode ait pénétré un moment en Hollande, à Genève, à Herborn, et même à Helmstedt, son action sur les esprits ne fut qu’éphémère. Elle dut son échec moins encore à la puissance de la méthode aristotélicienne, dont Th. de Bèze, Ursinus, Gomar, Voétius étaient eux aussi les adversaires, qu’à son amour exagéré de la simplicité, et à sa répugnance pour les questions métaphysiques et de principe, qu’elle traitait dédaigneusement de subtilités. Son échec ne fit qu’affermir l’autorité d’Aristote au sein des universités protestantes, et transformer le dix-septième siècle en une période de scolastique protestante.
Néanmoins, cette scolastique qui voulait assurer pour l’avenir le triomphe de l’ultra-calvinisme, rencontra plus d’un adversaire sérieux, non seulement au sein de l’Église réformée allemande, qui avait subi l’influence indirecte des théories anti-prédestinatiennes de l’Église luthérienne, mais encore en Hollande et en France. La réaction s’étendit au dix-huitième siècle à la Suisse, en dépit de la vaine tentative de Heidegger, qui avait voulu en 1675 lui opposer dans la formule du Consensus helvétique une barrière infranchissable. La confession de foi de Sigismond, de 1613, repousse le décret éternel de réprobation, et même après le synode de Dordrecht, les théologiens réformés allemands, en particulier dans la Hesse, firent remonter à l’incrédulité des damnés la cause de leur réprobation.