Le mot apocryphe (ἀπόκρυφος, caché) appliqué à un livre peut signifier simplement que l’auteur et la provenance de ce livre sont inconnus. Mais, dans l’usage ecclésiastique, il signifie que ce livre est écarté de l’usage officiel de l’Église, qu’il n’est pas mis entre les mains des fidèles. Il est non-canonique, et à cette absence de reconnaissance s’ajoute le plus souvent une note péjorative : le livre apocryphe est considéré comme plus ou moins légendaire et d’une doctrine suspecte.
L’objet des apocryphes bibliques est de traiter à nouveau, de compléter et d’amplifier les données historiques ou doctrinales des livres canoniques. On les divise naturellement en apocryphes de l’Ancien et apocryphes du Nouveau Testament, suivant qu’ils s’occupent des temps antérieurs ou postérieurs à la venue de Jésus-Christ.
Les premiers sont généralement l’œuvre d’écrivains juifs. Plusieurs d’entre eux cependant ont été retouchés par des plumes chrétiennes. C’est ainsi que des interpolations chrétiennes se rencontrent dans le IVe livre d’Esdras, le Livre d’Hénoch, l’Assomption de Moïse, les Testaments des douze patriarches, l’Apocalypse d’Élie, l’Apocalypse de Sophonie, l’Apocalypse de Baruch, les Livres d’Adam, les Oracles sibyllins, etc. D’autres sont complètement l’œuvre d’écrivains chrétiens : on en a vu des exemples déjà dans la littérature gnostique. C’est à cette catégorie qu’il faut rapporter les Odes de Salomon.
Ces odes, récemment découvertes dans un manuscrit syriaque du xvie ou du xviie siècle, sont au nombre de quarante-deuxb. D’une très haute inspiration lyrique et d’une grande beauté, elles forment un continuel chant de reconnaissance de l’âme à Dieu qui l’a sauvée. Toutefois, le personnage fictif qui y parle ne reste pas toujours identique à lui-même : il représente tantôt le chrétien converti, tantôt l’élu triomphant au ciel, tantôt Jésus-Christ lui-même. Le ton est absolument personnel et intime. Rien de la hiérarchie ecclésiastique, ni du sacrifice rédempteur ni des sacrements : la terminologie se rapproche de celle de saint Jean.
b – Texte publié par J. Rendel Harris, The odes and psalms of Solomon, Cambridge, 1909, 1911. Voir J. Labourt et P. Batiffol, Les odes de Salomon, traduction française et introduction historique, Paris, 1911.
Comme on devait s’y attendre, les opinions les plus diverses se sont produites sur l’origine de cette composition. La conclusion la plus probable est que ces odes sont tout entières l’œuvre d’un chrétien qui les a écrites en grec — le syriaque ne serait qu’une traduction — dans la première moitié du iie siècle. Il n’est pas établi que l’auteur fût docète ni même gnostique, malgré quelques indices assez vagues. Les uns le font écrire en Syrie, ou en Asie Mineure dans le voisinage d’Éphèse, d’autres en Egypte.