UNE femme qui avait été prise prisonnière par les Ibères, leur découvrit au même temps le chemin de la vérité. Elle s'adonnait uniquement aux exercices de la piété, n'avait point d'autre lit qu'un sac étendu sur la terre, et faisait ses délices du jeûne. L'austérité de sa vertu fut récompensée de la grâce de faire des miracles aussi surprenants que ceux qui accompagnèrent autrefois la prédication des Apôtres. Ces Barbares ne sachant point la médecine, avaient accoutumé de se visiter réciproquement, lorsqu'ils sentaient quelque indisposition, et de demander à ceux qui en avaient souffert de semblable, comment ils s'étaient guéris. Une femme du pays, étant allé trouver celle-ci avec un enfant malade qu'elle avait, lui demanda si elle ne savait point quelque moyen de le guérir. La femme Chrétienne le mit sur le sac, qui lui servait de lit, et pria Dieu qu'il lui rendît la santé. La santé ayant été rendue à l'enfant par le mérite de sa prière, la nouvelle de cette guérison se répandit partout, et parvint jusques aux oreilles de la Reine, qui étant alors tourmentée d'une fâcheuse maladie, envoya quérir la femme Chrétienne dont je parle. Celle-ci n'ayant que de bas sentiments de foi même, s'excusa d'aller trouver la Reine. Mais cette Princesse se sentant fort pressée par la violence de son mal, oublia la bienséance convenable à sa dignité, et l'alla trouver elle-même. Cette femme fit reposer la Reine sur son lit, et lui appliqua le remède salutaire de la prière. Quand elle fut guérie, elle lui offrit de l'or, de l'argent, des étoffes, des habits et de semblables récompenses que les Grands peuvent donner. Cette sainte femme lui répondit qu'elle n'avait pas besoin de ces richesses, et que toute la récompense qu'elle souhaitait, était d'être assez heureuse, pour lui faire connaître la vérité. Elle lui proposa ensuite le mieux qu'il lui fut possible, les maximes de nôtre Religion, et l'exhorta à faire bâtir une Église en l'honneur du Sauveur, qui lui avait rendu la santé. La Reine étant retournée à son Palais, et ayant raconté au Roi, la manière miraculeuse, dont elle avait été délivrée de son mal, lui donna de l'étonnement, et lui fit admirer la puissance du Dieu que cette femme adorait. Elle lui proposa même de le reconnaître, et de le faire reconnaître par ses sujets en élevant une Église en son honneur. Le Roi fut bien aisé du miracle, qui avait été fait en la personne de la Reine, mais il ne voulut point bâtir d'Église.
Il alla quelque temps après à la chasse, où le Seigneur le convertit par un effet de si grande miséricorde, de la même sorte qu'il avait autrefois converti Paul. Car un orage s'étant élevé tout d'un coup, il fut environné de ténèbres, au lieu que ceux de sa suite jouissaient de la vue de la lumière. Il trouva pourtant le moyen de les dissiper. Car ayant condamné sa propre incrédulité, et ayant imploré le secours du Dieu de la femme Chrétienne, il vit le jour comme auparavant. Il alla incontinent trouver cette femme, et lui demanda de quelle manière il fallait bâtir une Église. Celui qui avait autrefois enseigné l'architecture à Beseleel, rendit cette femme capable de tracer le plan d'un temple. Quand elle en eut donné le dessein, les Ouvriers l'exécutèrent. Elle conseilla ensuite au Roi d'envoyer demander des Prêtres à l'Empereur, qui ayant reçu l'Ambassade avec joie, envoya en Ibérie un Évêque d'une vertu exemplaire.
Il ne se contenta pas de pourvoir de la sorte à l'instruction, et à la conversion des Ibères, il se porta de lui-même, à soulager les Chrétiens qui étaient en Perse, et parce qu'il avait appris que le Roi les traitait avec une extrême rigueur, il lui écrivit pour le supplier de les respecter, et d'embrasser lui-même leur Religion. Sa Lettre exprimera mieux les intentions, que mes paroles.