[Sans avoir la prétention de vouloir compléter l’excellent ouvrage, dont nous ne sommes que l’interprète, nous voulons simplement, en ce qui concerne notre Église de France, ajouter quelques détails, empruntés au Bulletin de l’Histoire du Protestantisme, volumes I, II, III, VI, et à la France protestante. (A. P.)
Les académies protestantes de France furent : Saumur, 1599, 1615 à 1685 ; Montpellier, 1598, réunie à Nîmes en 1317 ; Montauban, 1598 ; Orthez, fondée par Jeanne d’Albret ; Die ; Nîmes, 1617 ; Sedan, Orange. Saumur eut pour recteurs en 1613 Craig, en 1615 Gomar, en 1617 Louis Cappel, en 1621 Jean Caméron (Theses de gratia et libero arbitrio, Salmurio, 1618. Thèses XLII theologicæ de necessitate satisfactionis Christi), en 1626 Amyraut, en 1633 La Place. — Orthez eut parmi ses professeurs Lambert Daneau (Danseus) né vers 1530 à Orléans (?) professeur à Orthez, mourut professeur à Castres (Commentaire sur saint Matthieu, Orthez, 1587 ; Methodus sacræ Scripturæ, Genève, 1570 ; Elenchi hæreticorum, Genève, 1573, etc.). — A Die, dont les tendances furent surtout pratiques : Etienne Blanc, (Thèses de providentia Dei, 1648) ; l’Ecossais Jean Sharp (Symphoria prophetarum et apostolorum). — A Nîmes : Samuel Petit, né à Nîmes le jour de Noël 1594, connaissait à vingt ans plus de dix langues orientales, le copte même ; consacré en 1614, il fut nommé professeur en 1615, mort en 1643 (Traité touchant la réunion des chrétiens, Paris, 1670).— A Sedan : Pierre Du Moulin, né le 18 octobre 1568, élève de Sedan et Cambridge, pasteur à Charenton, professeur à Sedan en 1623, où il mourut le 10 mars 1658 (Défense de la foy catholique, La Rochelle, 1604 ; Apologie pour la sainte cène, Genève, 1608 ; Les eaux de Siloé, Genève, 1608 ; Défense de la confession des Églises réformées, Charenton, 1617 ; Bouclier de la foy, Charenton, 1618, Sedan, 1622 ; Nouveauté du papisme, Sedan, 1627 ; Anatomie de la messe, Genève, 1626 ; Sermons, etc ; c’est l’une des gloires du protestantisme français ; Samuel Des Marets, né à Oisemonts, élève de Gomar à Saumur, et de Genève, consacré en 1620, pasteur à Laon, en 1624 à Falaise en Champagne, en 1625 successeur de Cappel à Sedan, en 1636 professeur à Groningue, où il mourut (Sermons, Concordia discors, Amsterdam, 1642, Collegium theologicum, Groningue, 1645, etc.) ; Jacques Cappel, 1529-1586. — A Montauban : Daniel Charnier, né en 1565, élève d’Orange, Nîmes et Genève, pasteur à Aubenas, Montélimar, professeur à Montauban, 1612, mort le 17 août 1621 au siège de Montauban (Panstratiæ catholicæ, etc., Genève, 1626 ; Corpus theologicum, Genève, 1653, etc.) ; Michel Béraut, ancien moine, 1578, pasteur à Réalmont, professeur à Montauban ; Antoine Garissolles, né en 1587 à Montauban, y professeur, mort en 1651 (Thèses theol. adv. cultum, sive adorationem creaturarum, Montauban, 1649 ; Catecheseos ecclesiarum explicatio, Genève, 1656) ; Jean Claude, né à la Sauvetat, 1619, mort à La Haye, 1687, pasteur à Paris, le plus grand orateur de notre Église (Réponse aux deux traités de Nicole, Charenton, 1665 ; Traité de l’Eucharistie, 1668 ; Défense de la Réformation, Quevilly-les-Rouen, 1673 ; Réponse au livre de Mgr l’évêque de Meaux, Charenton, 1683). — Voir dans la France protestante les art. Lenfant, Beausobre, Samuel Bochart, Antoine de Chandieu, Drelincourt, et la nuée de savants trop oubliés de notre Église.]
En France, la théologie patristique compta de nombreux représentants, aussi remarquables pour l’érudition que pour le style. Citons David Blondel (1591-1655), successeur, en 1650, du savant Vossius, à Amsterdam (Traités sur la Primauté du pape, 1641 ; l’Episcopat, 1646 ; le Pseudo-Isidore, 1628) ; Jean Daillé, 1594-1690 (De usu patrum in decidendis controversiis) ; Jacques Basnage, Jurieu, qui repoussa les attaques de Maimbourg contre le protestantisme ; Beau-sobre qui, dans son histoire critique de Manichée et du manichéisme, chercha à démontrer, contre les attaques de l’Église romaine, la chaîne non rompue de la tradition évangélique depuis les temps apostoliques jusqu’à la Réforme ; Daniel Charnier, Jean Claude.
Tous ces ouvrages se proposaient la défense de la foi réformée, ou servaient de béliers aux réformés, pour donner l’assaut aux murailles de Rome. L’influence de Genève et de Théodore de Bèze fut longtemps dominante dans les facultés françaises, et en particulier dans l’académie de Sedan, où professaient Pierre Du Moulin et Guillaume Rivet. Dans l’académie, de Saumur, au contraire, Jean Caméron attaqua, dès l’année 1618, le dogme de la prédestination absolue. Ses disciples Moïse Amyraut[a], et Paul Testard, développèrent ses principes et assurèrent à l’académie de Saumur une autorité et un éclat, qui ne purent que grandir sous des professeurs tels que Josué La Place et Louis Cappel. Cette pléiade d’hommes distingués engagea une polémique ardente contre le dogme calviniste de la prédestination, et donna le signal de trois grandes controverses sur ces questions abstraites, auxquelles s’en joignit une quatrième assez sérieuse sur le principe scripturaire. L’amyraldisme trouva des adversaires nombreux et puissants, moins encore en France qu’en Hollande et en Suisse. Les Zurichois Heidegger et Irminger, les Bâlois Gernler et Zwinger, le Genevois François Turretin, les Hollandais Maccovius, André Rivet, Frédéric Spanheim l’aîné, de Leyde, dans ses Disputationes de gratia universali, 1644, et un grand nombre d’autres, dirigèrent contre lui de violents pamphlets. On en vint jusqu’à interdire aux étudiants de se rendre à Saumur, mais on ne put étouffer complètement les nouvelles doctrines.
[a] Amyraut, Traité de la prédestination, 1643. Pasteur à Saumur en 1626, il fut nommé professeur en 1631. Voir l’article Amyraut dans Herzog’s Realencyclopædie, I, 292. La théologie de Saumur trouva des partisans à Genève, et eut pour représentants Louis Tronchin, qui penchait vers l'arminianisme, et Philippe Mestrezat.
Ce fut dans le but de pouvoir défendre avec efficace le dogme de la prédestination, qu’Amyraut voulut réserver une place à l’universalisme de la grâce promise, à côté de l’action restreinte de la grâce efficace. Amyraut enseigne que Dieu a conçu un décret universel de grâce pour les croyants, décret, dont tous les hommes peuvent s’appliquer le bénéfice, s’ils ont la foi, et le fait se réaliserait, si le péché n’avait pas fait son apparition dans le monde. Mais tous les hommes sont tombés sous l’empire du péché (conçu par Amyraut sous la forme infralapsaire), et ne peuvent plus parvenir désormais à la foi par leurs propres forces, et le décret universel de salut n’est plus qu’une pensée de Dieu, demeurée sans action sur le monde. Dieu a voulu subvenir, par un second décret à l’insuffisance du premier. Ce second décret conserve toute son efficace active, en dépit du péché, mais ne s’applique qu’aux élus. On a donné à cette théorie le nom d’universalisme hypothétique, en tant que le salut est rendu dépendant de la foi possible en elle-même.
Cette théorie repose sur une inconséquence, puisque, chez elle, le premier décret, qui manifeste sous une forme si éclatante l’amour de Dieu, est supprimé, sans motif plausible, par le second, et transformé en un décret particulier et exclusif du plus grand nombre. Néanmoins, cette introduction du mouvement dans l’essence divine n’est plus strictement calviniste ; elle rappelle même les conceptions de la théologie fédérative, en tant que, dans son premier décret, Dieu ne promet son salut qu’aux croyants, et que, dans son second décret, une partie seule des pécheurs participe aux bienfaits du pardon et aux grâces de la foi. La différence entre l’arminianisme et Amyraut, qui engagea contre lui une vive polémique, consiste en ce que celui-là communique à tous, avec les moyens de croire, la grâce qui assure le pardon, ce qui est aussi l’une des tendances de la dogmatique luthérienne. Seulement celle-ci, à cause même de sa conception du péché originel, doit enseigner une action de la grâce universelle et irrésistible, accompagnée de la possibilité de croire, tandis que l’arminianisme assigne à chaque homme la puissance de croire par lui-même. Ce qui distingue de l’orthodoxie rigide la théorie d’Amyraut, qui ne sauve, en réalité, personne, c’est surtout la tentative généreuse de manifester et de sauvegarder l’essence intime de Dieu, qui est amour, et le désir d’éviter la présence en Dieu de deux tendances opposées et contradictoires, l’une qui condamne, et l’autre qui sauve. Amyraut ne voit pas que sa théorie fait, elle aussi, reparaître ce dualisme en Dieu, puisque le décret universel du salut se transforme, dans l’application, en un décret particulier[b]. Il ne fait qu’écarter ainsi l’un des reproches les plus graves adressés au supra-lapsarisme, accusé de transformer Dieu en auteur du péché qu’il condamne. Amyraut, d’accord avec Augustin, dont il professe les doctrines infralapsaires, peut répondre que le refus de la grâce rédemptrice ne procède pas, en Dieu, de l’absence d’amour, mais de la chute volontaire des rebelles. Assurément, il a des tendances universalistes, mais il s’arrête à la théorie, et reste en fait attaché à l’ancienne doctrine, ce qui permit à ses amis, le savant David Blondel, Daillé, et Benjamin Basnage, président du synode national d’Alençon (1637), de le justifier facilement du reproche d’hétérodoxie, au moins aux yeux des Églises de France.
[b] La tendance morale d'Amyraut nous est révélée par ses nombreux traités sur la matière : « La morale chrétienne » et par ses tentatives pour établir que la grâce est plus qu'une simple puissance.
La controverse amyraldiste fut bientôt suivie de celle de Josué La Place, sur les suites du péché originel[c]. L’infralapsarisme enseignait que la damnation, qui atteint la plus grande partie des hommes, n’est nullement entachée d’injustice, puisqu’elle est le fruit du péché d’Adam, auquel nous sommes étroitement unis. Cette argumentation était fondée, du moment que l’on pouvait prouver que nous avons pris une part active et personnelle au péché d’Adam, ou que, tout au moins, la justice divine a le droit, dans une certaine mesure, de traiter comme coupables les descendants d’Adam, seul pécheur. L’école calviniste pure (qui avait admis, sans trop de résistance, la thèse que Dieu punit le péché par le péché lui-même) avait cherché à l’établir, en affirmant que la corruption du genre humain tout entier avait été, dans les desseins de Dieu, le châtiment infligé au premier péché et la cause de la damnation du grand nombre. On cherchait aussi, dans cette école, à démontrer la participation réelle et directe de tous les hommes à la coulpe d’Adam, coulpe qui pesait, depuis lui, sur toute la race, par l’assertion qu’il fut, dans toutes les circonstances de sa vie si tragique, le représentant de l’humanité, celui qui avait contracté en son nom avec Dieu un traité, dont elle ne pouvait récuser la signature.
[c] Josué de La Place, né en 1604, élève de Saumur, 1625, pasteur à Nantes, installé professeur à Saumur le 16 juin 1633, mort le 17 août 1665. De statu Adami ante lapsum. De lapsu Adami. De statu hominis lapsi ante gratiam. (A. P.)
La Place ne veut pas admettre que Dieu inflige à l’humanité, comme une punition, le péché, qui est bien plutôt la seule chose punissable, et que l’imputation du péché d’Adam repose directement sur ses descendants. Il préfère (en se rapprochant de la théologie luthérienne) enseigner que Dieu nous traite comme des pécheurs dignes des plus grands châtiments, à cause des fautes que nous avons personnellement commises, et c’est aussi uniquement à cause de ces fautes que Dieu nous impute indirectement le péché d’Adam. Il n’existe aucun décret qui nous rende pécheurs, pour nous punir de descendre du coupable Adam. Le péché d’Adam se communique à nous, non point parce que le premier homme a été, dans l’alliance contractée avec Dieu, le représentant de l’humanité tout entière, mais comme une simple conséquence d’hérédité physique et morale, qui n’implique aucun châtiment immérité. Adam est bien, en tant que premier homme, le premier anneau de cette chaîne immense de générations solidaires les unes des autres, mais sa faute n’a provoqué, de la part de Dieu, aucun arrêt judiciaire contre l’humanité future. Le synode de Charenton de 1645 se prononça contre La Place.
Amyraut avait cherché, bien que sous une forme imparfaite, à maintenir l’amour de Dieu intact dans ses rapports avec le sort des élus et des damnés. La Place veut affirmer l’élément moral de la justice en Dieu, et s’opposer à ce que l’on considère le péché, même sous la forme de jugement, comme un instrument de la colère céleste. Nous voyons reparaître cette tendance morale dans sa tentative de considérer comme cause efficiente du châtiment infligé à l’homme, le péché, qui lui a été transmis par héritage, et non par la faute d’Adam, imputée directement, comme dans l’ancienne théorie, à sa postérité. La théorie de La Place met l’accent sur la personnalité humaine en opposition à l’idée de race, et en fait découler les destinées finales de l’humanité. Il y a là un germe d’opposition contre un troisième élément des doctrines calvinistes, et que nous voyons reparaître dans le pajonisme.
[Claude Pajon, né à Romorantin en 1626, mort le 27 septembre 1685, élève d’Amyraut et de Cappel à Saumur, pasteur à Marchenoir, se vit dès 1665 attaqué par l’orthodoxe Jurieu. Celui-ci réussit, avec le concours de Daillé et Dubosc, à faire condamner Pajon. Examen du livre qui porte pour titre : Préjugés contre les calvinistes, 1673. Voir Herzog, Article Pajonismus.]
Cette dernière controverse a trait à l’irrésistibilité de l’action de la grâce, doctrine professée également par Calvin et par Luther contre les semi-pélagiens et les synergistes. En admettant comme une vérité absolue que tous les hommes ne participent pas à la grâce, et en faisant dépendre cette exclusion du grand nombre, non d’un jugement de Dieu contre le péché d’Adam, mais du péché des hommes eux-mêmes, on tombait dans les contradictions les plus flagrantes, quand on rattachait la persistance de l’incrédulité et la damnation du grand nombre, soit avec Amyraut à la non-élection divine, soit avec La Place au péché individuel, conséquence fatale et nécessaire du premier péché, et qui se reliait ainsi, bien qu’indirectement, au décret éternel de Dieu. On ne pouvait concilier la logique avec une transmission universelle du péché d’Adam, qui mettait tous les hommes dans l’impossibilité de croire, qu’en accolant à cette hérédité l’action universelle de la grâce divine, qui rétablissait tous les descendants d’Adam dans leur faculté primitive de recevoir et d’accepter la foi. Mais l’ancienne théologie luthérienne n’avait pas osé s’écarter aussi loin de la doctrine de l’élection particulière.
Claude Pajon fut moins hardi encore. Il ne fit qu’affaiblir la formule, calviniste du dogme de la prédestination, et la formule du péché originel, commune à toutes les Églises chrétiennes, pour échapper à la nécessité d’une action irrésistible de la grâce. L’expérience montre que tous les hommes ne sont pas réellement convertis. Si la conversion dépendait de l’action irrésistible de la grâce, celle-ci devrait être considérée comme strictement particulière, ce que l’on ne saurait admettre. On doit donc chercher dans le monde la cause de l’action inégale de l’Évangile sur les âmes. On peut invoquer soit la liberté humaine, soit l’influence complexe de causes extérieures, qui agissent, dans des sens infiniment variés, sur l’âme des pécheurs. Pajon adopta cette dernière hypothèse. Il ne veut nullement admettre que l’homme peut se sauver par lui-même ; néanmoins, il ne croit pas que la puissance du péché originel sur le monde soit assez grande pour nécessiter l’intervention d’une grâce irrésistible. Il suffit que l’âme humaine soit stimulée par l’illumination spirituelle, que Pajon considère comme cause déterminante de la volonté.
Cette conception avait été déjà plusieurs fois à demi formulée par quelques prédécesseurs de Pajon dans les chaires de Saumur. Pajon ne reconnaît comme indispensable que l’action de la Parole, qui possède, sans le concours du Saint-Esprit et sous l’influence de circonstances extérieures favorables, une puissance logique et morale intrinsèque. La volonté, enseigne Pajon, dépend entièrement de la connaissance. Il suffit donc à l’homme d’acquérir la connaissance de la vérité, et cette connaissance lui est assurée par la Parole sainte, sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’action immédiate du Saint-Esprit, qui a confié à la Parole le soin de faire sentir son efficace aux âmes. On voit de suite, par ces quelques mots, que Pajon substitue l’intellectualisme abstrait à l’esprit religieux et moral de la Réforme, et que sa théorie, mélange étrange de déisme et de supranaturalisme, relègue Dieu au second plan, pour laisser le rôle à la Parole, qui n’est qu’un de ses instruments. Le pajonisme trouve sa contre-partie dans l’intellectualisme outré, auquel, comme nous le verrons bientôt, donna naissance la scolastique luthérienne du dix-septième siècle.
[Pajon obtint les suffrages d’Allix (Pierre), né à Alençon en 1641, élève de Saumur et de Sedan, pasteur à Rouen, à Charenton, réfugié en Angleterre, où il écrivit des ouvrages anglais, docteur d’Oxford (Ratramme, Du corps et du sang du Seigneur, Rouen, 1672. The book of psalms, etc.) ; mort en 1717 ; de Le Cène (Charles), né à Caen en. 1647, mort à Londres en 1703, élève de Sedan et Genève, pasteur d’Harfleur, passa en Angleterre (De l’état de l’homme après le péché, la sainte Bible, nouvelle version française, Amsterdam, 1741, etc.) ; de Papin ; de L’Enfant (Jacques), né a Bazoches, 1661, élève de Saumur et Genève, consacré à Heidelberg, mort pasteur de Berlin le 7 août 1728 (Histoire du concile de Constance, Amsterdam, 1714 ; Le Nouveau Testament, Amsterdam, 1748 ; Concile de Basle, Amsterdam, 1731 ; Sermons, etc.) ; de Du Vidal (François), pasteur à Tours dans la deuxième moitié du dix-septième siècle, se retira à Groningue, où il mourut en 1724 (L’Église romaine pleinement convaincue d’antichristianisme, Amsterdam, 1701 ; Trente lettres sur le même sujet, Rotterdam, 1705, etc.). — Le principal adversaire de Pajon fut Jurieu de Sedan, mort en 1713. Après la révocation de l’édit de Nantes Jurieu se retira en Hollande. Il défendit avec une grande vigueur la vieille orthodoxie dans son Traité de la nature et de la grâce, Utrecht, 1687. Le même esprit anima Leydecker, mort en 1721 (Veritas evangelica triumphans), et Fréd. Spanheim (Controversiarum Elenchus, 1688). Voir aussi Hagenbach’s Subelschrift der Universitæt Basel, 1860.]
Ces trois tentatives de réforme du principe matériel eurent moins de retentissement au sein de la théologie réformée que les controverses sur la certitude personnelle de la foi, qui pouvaient contribuer à assigner au principe formel une importance exagérée. Les deux Buxtorff de Bâle (1564-1629,1599-1664) jouèrent dans ces questions un rôle considérable. Buxtorff le père était le premier hébraïsant de son temps, et connaissait à fond la théologie rabbinique ; son fils est plus exclusif et plus étroit. Leur prétention commune était de maintenir envers et contre tous l’inspiration littérale (ou plénière dans le langage de Gaussen) des saintes Écritures, et l’intégrité absolue du texte de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les études immenses, qu’ils consacrèrent aux travaux des anciens rabbins, semblèrent les pénétrer d’un véritable respect superstitieux pour la légalité, et ils en vinrent à affirmer l’inspiration des points-voyelles.
Louis Cappel engagea contre eux une vive polémique sur ce point. Buxtorff père avait affirmé là composition des points-voyelles par les écrivains sacrés eux-mêmes ; Buxtorff le jeune se plaça au point de vue dogmatique, et, grâce à ses efforts, la formule du Consensus helvétique de 1675 donna une valeur symbolique à l’opinion que le canon tout entier dans ses points-voyelles, ses lettres, et ses accents, est inspiré de Dieu. Cette opinion fut partagée par un grand nombre de théologiens luthériens, Carpzov, Pfeiffer, Löscher, etc. Buxtorff le jeune admit que la ponctuation du texte hébreu actuel pouvait dater de Moïse, ou tout au moins d’Esdras. La discussion fut des plus violentes, car les orthodoxes croyaient l’autorité de la Bible ébranlée par les nombreuses corrections, que Louis Cappel avait faites au texte reçu, à l’exemple du théologien de Dieu. Combien n’avait-on pas dû oublier le principe large et fécond de la Réforme pour faire ainsi dépendre la foi de questions aussi secondaires, et pour interdire à la critique sacrée une œuvre, que Luther avait le premier conseillée, en en donnant l’exemple lui-même ! La science catholique sut s’élever au-dessus d’un point de vue aussi étroit, comme l’attestent les remarquables travaux de l’oratorien Richard Simon[d].
[d] Richard Simon, Histoire critique du texte du Nouveau Testament, 1689 ; Histoire critique des versions du Nouveau Testament, 1690 ; Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament, 1693.
Le Consensus helvétique ne conserva son autorité que cinquante ans. J.-A. Turretin, de Genève, Werensfels, de Bâle, et Ostervald, de Neuchâtel, imprimèrent, à partir de 1700, une direction nouvelle à la théologie réformée de la Suisse, dans le sens du piétisme ou de l’union, et l’orthodoxie calviniste ne tarda pas à se transformer en supranaturalisme biblique.
[Les théories plus larges de Grotius, Jean Leclerc et Jean-Jacques Wettstein rencontrèrent au début une vive opposition. La théologie orthodoxe sentit son autorité ébranlée par la critique du canon, et par les nouveaux principes d’exégèse, qui ne tenaient aucun compte des livres symboliques et de l’analogie de la foi, et qui se bornaient à rechercher le sens primitif des premiers écrivains. Jean Leclerc (Ars critica, Amsterdam, 1696 ; Diss. de optimo genere interpretum sanctæ Scripturæ, 1693). Wettstein (Libella ad crisin et interpretationem Novi Testamenti, édit. Semler, 1766). J.-A. Turretin (De sanctæ Scripturæ interpretandæ methodo, 1728), et Werensfels, dans ses Lectiones hermeneuticæ rejetèrent le principe de l’analogie de la foi, et voulurent que l’interprète se bornât à l’étude du milieu historique.]