Festus donc étant arrivé dans la province, monta, trois jours après, de Césarée à Jérusalem.
Ici est raconté le second plaidoyer, auquel Paul a été en aussi grand danger comme au premier. D’autant qu’il avait été laissé emprisonné, Festus pouvait penser par cela, qu’il y avait quelque perplexité en la cause, et par ce moyen concevoir déjà en son Esprit quelque mauvaise opinion de lui, avant même que d’entrer en connaissance. Mais il y avait plus grand danger d’un autre endroit. Nous savons bien que ceux qui entrent en quelque nouveau gouvernement, ont coutume d’octroyer à ceux qui sont sous leur charge à leur bienvenue beaucoup de choses pour acquérir grâce envers eux. On pouvait par ce moyen facilement croire, que la mort de Paul serait une entrée bien favorable pour gagner la bonne grâce. La foi donc de cet homme de Dieu est assaillie d’une nouvelle tentation ; comme si la promesse de Dieu eût été vaine, sur laquelle il s’était jusqu’à présent reposé. Mais d’autant plus clairement se démontre la grâce de Dieu à le délivrer, quand contre toute espérance il est comme tiré hors de la gueule de la mort. Les Juifs préviennent le Gouverneur par leurs calomnies ; toutefois ils ne débattent point encore du genre du tourment qu’il doit endurer ; mais seulement ils font requête qu’ils ne soient point tirés en autre juridiction et hors la ville de Jérusalem pour plaider, qui semblait en apparence être bien équitable ; ils le demandent d’une façon ambitieuse, et en font requête bien instante, comme pour un grand bénéfice. Comment donc se fait cela qu’ils ne le peuvent obtenir, sinon pour autant que Dieu retient le cœur de Festus, en sorte qu’il leur refuse tout à plat ce que depuis il a été prêt de leur accorder ? Or comme le Seigneur par une bride secrète de sa providence a lors tenu le cœur de celui-ci lié ; ainsi quand Dieu lui a permis le vouloir, il lui a lié les mains, à cette fin qu’il ne lui fût libre d’exécuter ce qu’il eût bien voulu faire. Avisons maintenant que cette assurance nous soutienne au milieu des dangers, et en même temps qu’elle nous sollicite à invoquer la bonté de Dieu, et rende nos esprits paisibles ; vu que le Seigneur rompant une si forte conspiration, en mettant sa main au devant, a montré un témoignage perpétuel de sa force et puissance à maintenir les siens.
Et les principaux sacrificateurs et les premiers d’entre les Juifs portèrent plainte auprès de lui contre Paul ; et ils le sollicitaient,
demandant contre celui-ci comme une faveur, de le faire venir à Jérusalem. Ils préparaient un guet-apens pour le tuer en chemin.
Festus donc répondit que Paul était en prison à Césarée, et que lui-même devait bientôt repartir.
Que les principaux donc d’entre vous descendent avec moi, dit-il, et s’il y a quelque chose de mauvais en cet homme, qu’ils l’accusent.
Il y mot pour mot selon le Grec : Qui sont puissants, ou ont le pouvoir, mais on peut bien voir qu’il entend ceux qui auront la commodité de ce faire. Or on peut facilement conjecturer, qu’ils ont allégué l’incommodité et fâcherie que ce leur serait d’aller là, et la dépense qu’il faudrait faire, et qu’ils ont fait requête que le Gouverneur ne donnât point sans cause la peine d’un tel voyage à tant de grands personnages, entre lesquels il se pouvait bien faire qu’il y avait certains d’âgés ; plutôt qu’il commandât que Paul fut amené avec quelque petite garde, ce qui se pourrait faire aisément. Afin donc qu’ils ne se plaignent point d’être grevés, il leur relâche cette nécessité, et leur donne liberté d’en choisir de leur bande ceux qu’ils voudront. Cependant toutefois il montre bien qu’il n’ajoute point de foi à leurs accusations ; et promet faire office d’un juge intègre, et qu’il ne fera rien sinon après avoir bien connu la vérité de la cause. Quant à la sentence suivante, il y a diverse lecture même entre les Grecs. Car certains livres ont, comme l’ancien traducteur l’a rendu : Après n’avoir demeuré entre eux que huit ou dix jours. Si on veut recevoir cette lecture, le sens sera, que le Gouverneur est venu bientôt après à Césarée, de peur que les Juifs ne le pressassent de plus grande importunité, prenant occasion sur sa longue demeure et retard de la procédure contre Paul. L’autre lecture qui est la plus reçue entre les Grecs, aura un autre sens : Que combien qu’il dût être en Jérusalem assez longtemps pour connaître de la cause ; nonobstant il n’a point obtempéré aux prières de ces gens-là qui voulaient que Paul fut là amené. Dont on peut prendre conjecture vraisemblable, que déjà il était averti de leurs embûches.
Puis, après avoir passé parmi eux pas plus de huit ou dix jours, il descendit à Césarée ; le lendemain, s’étant assis sur le tribunal, il commanda que Paul fût amené.
Et quand il fut arrivé, les Juifs qui étaient descendus de Jérusalem l’entourèrent, portant contre lui de nombreuses et graves accusations, qu’ils ne pouvaient prouver,
La rondeur et intégrité de S. Paul avait été connue et renommée, tant qu’il avait vécu sous la Loi. Etant depuis converti à Christ, il avait été un parangon singulier d’innocence et de toute honnêteté ; nous voyons toutefois comment on lui impose de grands crimes et des calomnies étranges. Mais c’est une condition presque perpétuelle aux serviteurs de Christ ; et d’autant plus faut-il qu’ils aient bon courage, à ce qu’ils cheminent constamment par bonne renommée et par diffamation, et qu’il ne leur soit point nouveau, quand on dira du mal d’eux après qu’ils auront bien fait. Cependant il faut qu’ils se mettent peine, que non seulement ils aient devant Dieu une bonne conscience, mais aussi qu’ils soient munis devant les hommes d’une droite défense, quand on leur donne lieu et moyen de ce faire. Car S. Paul ne laisse point passer l’occasion ; mais bien prudemment oppose la défense de son innocence aux fausses accusations. De plus, nous devons noter que les méchants ne seront jamais si bien réprimés, qu’ils ne médisent des bons, et les blâment impudemment. Car ils ressemblent au diable, de l’Esprit duquel ils sont menés. Quand donc il nous est commandé de fermer la bouche aux méchants, nous ne le devons pas prendre en ce sens, que celui qui se portera droitement sera exempt de toute fausse accusation ; mais seulement que notre vie réponde pour nous, et efface toutes les macules des faux blâmes. Suivant cela nous voyons que combien que les adversaires de S. Paul eussent le juge favorable, néanmoins leur fausse accusation n’a de rien servi, quand il maintenait et montrait son innocence par ses faits. Et toutefois il est bien vraisemblable qu’ils n’ont point eu faute de faux témoins, et qu’ils n’ont point été paresseux à les suborner ; mais pour ce que le Seigneur donne une puissance et force invincible à son serviteur, en sorte que par la lueur de sa prudhommie il fait escorter leurs calomnies par lesquelles ils tâchaient d’obscurcir la vérité, ils demeurent confus, et quittent le tribunal avec note d’infamie comme calomniateurs. Au surplus, on peut bien connaître par la défense de S. Paul, de quelles calomnies les Juifs l’ont principalement assailli. Le premier crime qu’ils lui imposaient, c’était l’impiété envers Dieu, qu’il détruisait la Loi, et polluait le temple. Le second, la rébellion contre l’Empereur et l’Empire Romain, d’autant qu’il émouvait des troubles partout. Pour réfuter l’un et l’autre il a été aidé d’une grâce singulière de Dieu, lequel fait reluire l’innocence des siens comme l’aube du jour.
tandis que Paul disait pour sa défense : Je n’ai péché en rien, ni contre la loi des Juifs, ni contre le temple, ni contre César.
Mais Festus, voulant s’assurer la reconnaissance des Juifs, répondant à Paul, dit : Veux-tu monter à Jérusalem, et y être jugé sur ces choses en ma présence ?
Soit que Festus eût entendu, quelque chose des embûches (ce qu’on peut bien facilement penser) soit qu’il n’en sût rien du tout, tant il y a toutefois qu’il se comporte iniquement envers saint Paul. Et nous voyons bien comment tous ceux qui ne sont menés de l’Esprit de Dieu, sont faciles à plier à toute, corruption. Car Festus ne méprise pas ou hait S. Paul de propos délibéré ; mais il y a en lui une ambition qui le surmonte jusques-là, qu’il l’expose injustement au danger de mort, pour faire plaisir et gratifier à la partie adverse. Car il est bien vraisemblable qu’il y avait même quelque friandise et espérance de gain, qui l’induisait à complaire si gracieusement aux Sacrificateurs. Néanmoins c’est merveilles comment il donne le choix à Paul, plutôt qu’il ne commande d’autorité, qu’il soit mené malgré qu’il en ait. Il est aisé à recueillir qu’il a été retenu de crainte d’enfreindre le droit de la bourgeoisie de Rome, qui était un crime fort odieux. Ce nonobstant il tâche d’induire Paul cauteleusement, a ne refuser point que jugement soit fait de lui en Jérusalem. Car il n’était point ignorant de ce qui est advenu, à savoir qu’un bourgeois de Rome avait privilège d’appeler, en sorte qu’il ne lui était licite de passer outre. Cependant il n’a pas tenu à lui qu’il ne l’abandonnât à de méchants brigands pour être meurtri.
Mais Paul dit : C’est devant le tribunal de César que je suis placé, c’est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, comme toi aussi tu le reconnais très bien.
Paul voyant bien que par l’ambition du Gouverneur il était trahi pour être donné aux Juifs, il met en avant le droit et privilège de la bourgeoisie de Rome. Il s’était auparavant soumis en toute modestie, s’il eût obtenu ce qui était juste et raisonnable. Maintenant, pour autant que le juge ne fait point de soi-même ce qui était de son devoir, la nécessité contraint ce saint serviteur de Dieu de recourir à la défense et secours qui lui était donné par les lois. Et le Seigneur le délivre derechef par ce moyen, comme ainsi soit que, par manière de dire, il fut déjà entre les mains de ses adversaires pour être mené à la boucherie. Or quant à ce qu’il requiert que sa cause soit débattue devant le siège judicial de César, il ne soumet pas pour cela la doctrine de l’Evangile à la connaissance d’un homme infidèle et profane ; mais étant prêt de rendre par tout raison de sa foi, il décline la juridiction en laquelle il ne fallait plus espérer raison ni droiture quelconque. Au demeurant, combien que le privilège demeurât sauf et entier aux bourgeois de Rome, tant il y a toutefois que la façon était lors changée ; pour ce que les Empereurs avaient transféré à eux la juridiction du peuple, comme s’ils eussent été les meilleurs protecteurs et défenseurs de la liberté publique.
Je n’ai fait aucune injure aux Juifs. Pour ce que le plus souvent ceux qui ont mauvaise conscience, et qui ont peur de perdre leur cause, ont recours aux exceptions déclinatoires (comme on dit) et tâchent de trouver quelque moyen pour n’entrer point au principal ; Paul détourne cette opinion de soi. Et de fait, les Ministres de Jésus-Christ ne doivent pas être moins soigneux de donner à connaître leur innocence, que de garder leur vie. Si saint Paul eût dit absolument qu’il ne répondrait point, ses ennemis eussent fait là de grands triomphes contre lui, et au grand déshonneur de l’Evangile lui eussent objecté qu’il avait mauvaise conscience, et se défiait de sa cause. Mais maintenant quand il appelle le Gouverneur même pour témoin de sa rondeur et intégrité, et ne refuse point d’être puni, si on trouve qu’il ait fait quelque faute, il coupe la broche à toutes calomnies et fausses accusations. Il montre donc qu’il ne tâche point à échapper par tergiversations, mais cherche une franchise de défense juste, où il puisse librement repousser l’injustice qu’on lui fait, puis que ses accusateurs ne l’ont jusqu’à cette heure poursuivi qu’en pure malhonnêteté et par chicanes impudentes ; et encore maintenant ne voulant procéder devant cette juridiction, machinent de l’attirer dans quelque coupe-gorge. Et il ne dissimule point que le Gouverneur Festus se conduit iniquement, en ce qu’il a collusion avec ses accusateurs ; en même temps il réprime le mauvais vouloir de celui-ci, lui mettant comme une bride, à ce qu’il ne soit si hardi de continuer plus loin.
Si donc je suis coupable, et si j’ai commis quelque action digne de mort, je ne refuse pas de mourir ; mais s’il n’est rien des choses dont ils m’accusent, nul ne peut me livrer à eux par complaisance : j’en appelle à César.
Après avoir protesté qu’il ne reculait peint comme cherchant des subterfuges ; si d’aventure on trouvait qu’il fut coupable de quelque forfait, il use librement des aides humaines. Par quoi si une telle nécessité nous advient quelque fois, il ne faut point que nous soyons tellement superstitieux ou scrupuleux, que nous ne nous aidions du secours des lois et de l’ordre politique ; car il n’est pas écrit sans cause que Dieu crée les Magistrats en la louange des bons, Romains 13.3 ; 1 Pierre 2.14. Et de fait, nous voyons que S. Paul n’a pas fait conscience de plaider sous un juge incrédule. Car celui qui est appelant, intente une nouvelle action. Sachons donc que Dieu qui a ordonné les jugements, permet aussi à ses fidèles l’usage légitime de ceux-ci. Et pourtant ceux-là exposent mal l’intention de S. Paul, lesquels pensent qu’il condamne précisément les Corinthiens de ce qu’ils implorent l’aide du Magistrat pour la défense de leur droit ; comme ainsi soit qu’il reprend là un vice manifeste, à savoir qu’ils ne pouvaient endurer aucun dommage, et étant trop adonnés aux procès, exposaient l’Evangile à plusieurs opprobres, 1 Corinthiens 6.1.
Alors Festus, après en avoir conféré avec son conseil, répondit : Tu en as appelé à César, tu iras à César.
Les Gouverneurs avaient cela de coutume qu’ils avaient dans leur entourage certains des principaux citoyens, qui assistaient aux jugements, à ce que rien ne fut déterminé sans l’opinion du Conseil. Or il semble bien que Festus n’a point prononcé ces mots sans colère, quand il a dit par interrogation : As-tu appelé à César ? à savoir d’autant qu’il était marri que ce moyen de gratifier aux Juifs lui était ôté. Combien que je laisse cela sans l’affirmer, pour ce que ce n’est pas chose de grande conséquence, et elle n’est fondée que sur conjecture.
Or quelques jours s’étant écoulés, le roi Agrippa et Bérénice arrivèrent à Césarée pour saluer Festus.
Saint Luc fait ici un long récit, afin que nous sachions que combien que la procédure devant Festus fut interrompue, et n’ait point passé outre, toutefois les liens de Paul ont été renommés, et cependant il a été amené de la prison, afin qu’il fît profession de sa foi devant une grande assemblée, et traitât de l’Evangile devant tous. Davantage, que soit déjà qu’il ait été méprisé, néanmoins il n’a point été réputé pour méchant, a telle fin que la gloire du Seigneur Jésus ne fut diminuée par sa diffamation, et même qu’étant en prison il a parlé plus librement pour publier l’Evangile, que s’il eût été en liberté en quelque maison particulière.
Le Roi Agrippa et Bérénice. Il est certain que ce Roi Agrippa était fils d’Agrippa l’aîné, duquel la mort vilaine et détestable a été expliquée ci-dessus au Actes 12.23. Or comme ainsi soit que celui-ci après la mort de son père eût été créé Roi de Chalcide au lieu de son oncle, il obtint depuis une Tétrarchie plus ample. Cette Bérénice, de laquelle mention est ici faite, était sa propre sœur, laquelle fut premièrement mariée à son oncle Hérode Roi de Chalcide, et quelque temps après la mort de celui-ci demeura veuve, mais cependant mena un train impudique et déshonnête. Car la trop grande familiarité qu’elle avait avec son frère Agrippa, était suspecte. Et de fait, pour éteindre cet opprobre d’inceste, elle se maria à Polémon Roi de Cilicie. Tant il y a toutefois que s’adonnant derechef plus à paillardise et ordure qu’à pudicité, elle se sépara de son mari. Il est ainsi que les historiens ne font aucune mention qu’elle eût épousé son propre frère, et Josèphe en sa vie lui assigne une juridiction propre à elle en une partie de la Galilée. Il est donc croyable que s’étant endurcis en leur méchanceté, ne se souciant pas de leur renommée, ils aient habité ensemble ; et que cependant toutefois c’a été sans se marier, afin que le mariage incestueux ne découvrît et fît trouver plus grande l’énormité de leur forfait. Et ne se faut point s’étonner si ce Roi est descendu par honneur pour saluer le Gouverneur, vu qu’il ne régnait que comme par emprunt, et dépendait du bon plaisir et grâce de l’Empereur de Rome, en laquelle il fallait qu’il s’entretienne par le moyen du Gouverneur.
Et comme ils y passaient plusieurs jours, Festus exposa au roi l’affaire de Paul, en disant : Il y a un homme que Félix a laissé prisonnier,
Ainsi donc, comme après quelque temps ils eussent faute de propos, ainsi que gens oisifs ont accoutumé de chercher d’un côté et d’autre de quoi deviser, Paul fut mis sur les rangs. Car saint Luc a voulu noter cela, quand il dit que Festus étant de loisir après plusieurs jours tint propos au Roi d’un certain prisonnier. Et soit déjà qu’il reprenne ici la malice des Sacrificateurs, et que de son côté il montre semblant d’une merveilleuse équité, toutefois bientôt après en purgeant Paul il se condamne soi-même sans y penser, quand il confesse que Paul avait cause d’appeler, à ce qu’il ne fut tiré en Jérusalem. Au reste Festus en louant les Romains, montre aux Juges ce qu’ils doivent faire. Que si nature a mis cela en l’esprit des gens profanes, que toute grâce et faveur qui est pour opprimer les innocents, doit être loin chassée des jugements ; les juges qui sont illuminés par la parole de Dieu, combien plus attentivement se doivent-il garder de toute corruption ?
au sujet duquel, lorsque j’étais allé à Jérusalem, les principaux sacrificateurs et les anciens des Juifs portèrent plainte, demandant sa condamnation.
Je leur répondis que ce n’est pas la coutume des Romains de livrer par complaisance un homme, avant que l’accusé ait ses accusateurs devant lui, et qu’il ait reçu la faculté de se justifier de l’accusation.
Eux donc s’étant réunis ici, sans différer, dès le lendemain, m’étant assis sur le tribunal, je commandai qu’on amenât cet homme.
Les accusateurs s’étant présentés, n’articulaient contre lui aucun des crimes dont je supposais qu’ils l’accuseraient ;
C’est merveilles pourquoi Festus dit qu’on n’a point accusé Paul d’aucun crime, tel qu’il l’attendait, vu qu’on l’accusait de sédition. Mais derechef par ceci on peut conjecturer, et même connaître ouvertement, que les calomnies de ses adversaires étaient si frivoles, qu’elles ne méritaient pas d’être proposées en jugement, comme si quelqu’un jetait une injure à la volée. Et pourtant il dit que le principal point de la cause consistait en quelques questions de la Loi. Nous voyons donc comment il discerne entre les maléfices qui étaient punis par les lois humaines, et le différend qui était entre Paul et les Juifs ; non point que ce soit une chose qui doive demeurer impunie, quand on violera la religion ; ou bien qu’on doive endurer l’orgueil et la témérité de ceux qui pervertissent le service de Dieu par leurs inventions ; mais pour ce que ce Festus qui était Romain, ne se souciait point de la Loi de Moïse ; pourtant il parle si fort par dédain, quand il dit qu’ils avaient débat entre eux touchant leur superstition. Combien que le mot Grec qui est ici mis se prend en bonne partie aussi bien qu’en mauvaise ; à savoir pour ce qu’on avait par tout reçu les services des faux dieux, qu’on avait forgés à plaisir. Néanmoins il donne assez à entendre qu’il ne se soucie pas quelle soit la religion des Juifs. Et certes il ne se faut pas s’étonner de ce qu’un Païen qui n’avait appris qu’il fallut prendre la règle de religion et piété de la bouche de Dieu, ne peut discerner entre le pur service de Dieu et les superstitions. Et d’autant plus nous faut-il être attentifs à cette marque de bien discerner, qu’il n’y a point de piété sinon celle qui est fondée en la science de la foi, afin que nous ne soyons comme aveugles tâtonnant en ténèbres. Joint que les Romains étaient enivrés de tant de bons et heureux événements, qu’ils pensaient être agréables à Dieu plus que tous les autres ; comme aujourd’hui les Turcs, ù cause de tant de victoires s’élèvent orgueilleusement contre la doctrine du Fils de Dieu. Il est vrai que c’était une honte et vilenie bien à déplorer, qu’un homme infidèle et idolâtre était assis juge au milieu des Juifs, pour prononcer sentence selon son ignorance touchant les saints oracles de Dieu et la doctrine céleste ; mais la faute devoir être imputée aux adversaires de S. Paul, lesquels ne se souciaient pas de la majesté de Dieu, pourvu qu’on obtempérasse à leur fureur. Toutefois saint Paul ne pouvait faire autre chose, sinon se purger des calomnies qui lui étaient iniquement imposées. Ainsi aujourd’hui combien que le nom sacré de Jésus-Christ et son Evangile soient honteusement diffamés entre les Turcs et les Juifs par les dissensions mutuelles qui sont entre les Chrétiens ; tant il y a toutefois que ce sera à grand tort, si on impute la faute à ceux qui maintiennent la sainte doctrine ; car ce qu’ils entrent en combat, ils le font par contrainte.
Et je ne sais quel Jésus mort… Il ne faut point douter que saint Paul n’ait traité de la résurrection de Jésus-Christ en gravité, et d’une telle véhémence qu’il appartenait ; mais Festus, selon qu’il était orgueilleux, a pensé que cela ne valait pas qu’il y appliqua son esprit. Il est bien vrai qu’il ne se moque point ouvertement de saint Paul ; mais il montre assez qu’il ne faisait pas grand compte de tout ce qu’il avait entendu de lui touchant Christ. Dont nous pouvons connaître combien peu de fruit apportera la prédication, ou rien du tout, sinon que l’Esprit du Seigneur touche les cœurs au dedans. Car les méchants passent par-dessus tout ce qu’on leur dit, comme si on leur racontait quelque fable. Par quoi il ne faut point que nous nous troublions aujourd’hui de la nonchalance et inadvertance orgueilleuse de plusieurs ; vu que saint Paul n’a point profité envers Festus. Au surplus, ce passage nous peut rendre témoignage qu’ils ont tenu plusieurs autres propos d’une part et d’autre en la procédure de la cause, desquels saint Luc ne fait point de mention. Car jusques ici il n’avait rien touché de Jésus-Christ, et nonobstant cette dernière narration démontre que Paul a disputé à bon escient contre les Juifs, de la mort et résurrection de celui-ci. Ce qui ne se pouvait faire, qu’il ne traitât en même temps des points principaux de l’Evangile. Je prends donc conjecture que saint Paul a tellement procédé, qu’après avoir repoussé les fausses calomnies des Juifs, desquelles ils avaient tâché de le charger envers le Gouverneur, il a commencé à parler plus franchement de Jésus-Christ, comme ayant recouvré quelque occasion.
mais ils avaient avec lui certaines discussions au sujet de leur religion particulière et au sujet d’un certain Jésus, mort, que Paul prétendait être vivant.
Pour moi, fort embarrassé de faire une enquête sur ces choses, je demandais s’il voulait aller à Jérusalem, et là être jugé à ce sujet.
Mais Paul en ayant appelé, et demandant que sa cause fût réservée à la connaissance d’Auguste, j’ordonnai de le garder jusqu’à ce que je l’envoyasse à César.
Et Agrippa dit à Festus : Je voudrais bien aussi entendre cet homme.
On peut facilement penser par ceci qu’Agrippa a été tellement convoiteux d’entendre S. Paul, que toutefois il a eu honte de déclarer son envie, afin que Festus ne pensât point qu’il fut là venu pour autre raison que pour le saluer. Et il se peut bien faire que non seulement la curiosité l’a poussé à désirer d’entendre S. Paul ; mais aussi pour ce qu’il espérait de faire quelque profit de ses propos. Tant il y a toutefois qu’on peut bien recueillir que son désir était bien froid, par ce qu’il a laissé couler beaucoup de jours, durant lesquels il n’a point montré un seul signe qu’il eût un tel désir ; à savoir pour ce qu’il était plus attentif aux commodités terrestres, lesquelles aussi il estimait davantage. Et n’a osé, ou ne s’est soucié d’en parler avant que Festus lui en fit l’ouverture le premier. Ainsi ce saint et fidèle ministre de Jésus-Christ est produit en spectacle, afin que cet homme profane donne du passe-temps à son hôte ; sinon qu’il y a d’avantage, que Festus veut être muni du conseil du Roi Agrippa et des gens de sa compagnie pour faire apparaître de sa diligence à l’Empereur. Mais la chose a été tournée à une autre fin par la providence secrète de Dieu. Car il ne faut point douter que le bruit n’en ait été semé çà et là bien loin, lequel pouvait servir grandement pour la confirmation des fidèles. Et aussi il se peut bien faire qu’aucuns des auditeurs ont été touchés aucunement, et ont conçu quelque semence de foi, laquelle a puis après produit fruit en son temps. Mais encore que nul d’entre eux n’ait de bon cœur et purement reçu Jésus-Christ et sa Parole, tant il y a néanmoins que ce n’a point été un petit profit, que la malice des ennemis étant par ce moyen découverte, les ignorants ont été apaisés, afin qu’ils ne fussent plus embrasés d’une haine si furieuse contre l’Evangile, que l’impiété a été mise en confusion et honte ; et les fidèles ayant repris nouvelle force et vigueur, ont été de plus en plus confirmés en l’Evangile.
Demain, dit-il, tu l’entendras. Le lendemain donc, Agrippa et Bérénice étant venus en grande pompe, et étant entrés dans la salle d’audience, avec les tribuns militaires et les principaux personnages de la ville, Paul fut amené sur l’ordre de Festus.
Le Roy Agrippa et sa sœur Bérénice ne viennent pas comme humbles disciples de Jésus-Christ ; mais ils entrent avec grande pompe et magnificence, qui est pour leur éblouir les yeux et boucher les oreilles. Et il est bien facile de croire qu’il y avait avec magnifique appareil, un semblable orgueil de cœur conjoint. Pourtant il ne se faut pas s’étonner s’ils n’ont point été amenés jusqu’à l’obéissance de Christ. Toutefois il semble bien que S. Luc ait fait mention de cette pompe et magnificence, afin que nous comprenions que devant une grande assemblée et témoins exquis, à savoir gens qui étaient en autorité et tous d’apparence, congé et liberté a été donné à Paul, non seulement de plaider sa cause, comme si un homme qui est accusé proposait ses défenses, mais aussi de publier l’Evangile. Car il vient en leur présence non autrement qu’en la personne d’un docteur, pour magnifier le nom de Jésus-Christ. Ainsi de ses liens sort la vérité de Dieu ; laquelle s’est un peu après épanché en liberté et sans empêchement ; et qui plus est, est parvenue jusqu’à nous. Là où nous avons mis Pompe, il y a au texte Grec de saint Luc le mot de fantaisie, par lequel il entend ce que nous disons communément Apparence. Mais il faut bien apporter une autre parure pour communiquer aux noces spirituelles de Christ.
Et Festus dit : Roi Agrippa, et vous tous qui êtes présents avec nous, vous voyez cet homme, au sujet duquel toute la multitude des Juifs m’est venue solliciter, tant à Jérusalem qu’ici, criant qu’il ne devait plus vivre.
Quant à moi, j’ai reconnu qu’il n’a rien fait qui soit digne de mort ; mais lui-même en ayant appelé à Auguste, j’ai résolu de l’envoyer.
Je n’ai rien de certain à écrire au maître à son sujet ; c’est pourquoi je l’ai fait amener en votre présence, et principalement devant toi, roi Agrippa, afin que, cette enquête faite, j’aie quelque chose à écrire.
On ne avait si le Gouverneur en déclarant ici devant toute l’assemblée, n’use point de cette ruse pour l’induire à se désister de son appel. Car il était vraisemblable qu’on le pourrait aisément amener à ce point, que sans plus avoir de crainte ou soupçon, il se rapportât du tout à la connaissance du Gouverneur qu’il voyait être juge équitable, pareillement ayant en même temps support et faveur envers lui par le moyen d’Agrippa. Mais de quelque affection qu’il l’ait fait, par sa propre bouche il se condamne d’iniquité et injustice, de n’avoir point mis en liberté un homme innocent, lequel maintenant il a honte d’envoyer à l’Empereur sans aucunes charges. Ceci aussi est advenu par une merveilleuse providence de Dieu, que des Juifs mêmes ont ici parlé à l’avantage de S. Paul. Possible est que Festus tâche par finesse de tirer du Roi et des gens d’apparence de la ville de Césarée que c’est qu’ils en pensent, afin que s’il fut advenu que Paul eût été absous, il décharge sur eux toute la haine que les Juifs en concevraient contre lui. Car il ne voulait point sans cause encourir l’inimitié des Sacrificateurs, desquels la plus grande partie de Jérusalem dépendait. Et aussi c’était un bon moyen d’Ecrire à l’Empereur, d’entremettre l’autorité du Roi Agrippa. Mais le Seigneur auquel appartient de gouverner les événements des choses outre l’espérance des hommes, a bien un autre but ; à savoir que toutes calomnies desquelles les adversaires avaient tâché d’obscurcir la chose, étaient éclaircies, il fut plus libre de maintenir la sainte doctrine.
Car il me semble déraisonnable, quand on envoie un prisonnier, de ne pas indiquer en même temps les charges relevées contre lui.