Le règne de Dioclétien et celui de ses successeurs immédiats (284-312) resteront à jamais mémorables dans les annales de l’Église, comme l’époque de la plus terrible de toutes les persécutions. Ce fut le dernier effort du paganisme agonisant contre la religion chrétiennea.
a – L’ère de Dioclétien, ou ère des martyrs, a servi dans l’Église, pour compter les années, jusqu’à l’introduction, au vie siècle, de l’ère chrétienne. L’ère de Dioclétien commence à la première année de son règne ; mais la persécution n’a commencé qu’en 303.
Le sceptre du vaste empire romain, composé de tant d’éléments hétérogènes et perpétuellement menacé par les nations barbares armées qui l’environnaient de toutes parts, exigeait une main particulièrement ferme. Or, depuis le temps des Antonins, c’est-à-dire depuis près d’un siècle, rarement une telle main s’était rencontrée. Aussi les fondements de ce vaste ensemble fléchissaient-ils rapidement, lorsque Dioclétien revêtit la pourpre impériale. Voyant le danger, il voulut le conjurer en reconstruisant l’empire. Mais les remèdes qu’il employa ne firent que pallier le mal. Ils ne le guérirent point. Il repoussa les anciennes formes républicaines et s’environna de la pompe orientale ; il quitta Rome, vint s’installer à Nicomédie, et associa trois autres personnes à la souveraineté : un second Auguste (suivant le nom ancien) et deux Césars ou empereurs subordonnés.
Pendant quelques années Dioclétien ne semble pas avoir montré d’hostilité contre les chrétiens. Sa femme Prisca et sa fille Valeria étaient au nombre des fidèles, et les hautes charges du palais impérial étaient remplies par des chrétiens. Dans l’armée, on comptait de nombreux officiers ou soldats chrétiens, qui, par connivence ou par suite d’une indulgence spéciale, réussissaient à ne point prendre part aux sacrifices païens. Ils avaient, d’ailleurs, l’habitude de faire en de telles occasions le signe de la croix, auquel on attribuait le pouvoir de conjurer l’influence malfaisante des démons invoqués par les païens. Ajoutons que, de leur côté, les prêtres païens craignaient le signe de la croix, se figurant que les dieux le haïssaient assez pour ne pas assister aux sacrifices, si quelqu’un l’y faisait.
Lactance raconte un incident de ce genre. « Dioclétien étant d’un caractère timoré, dit-il, voulait savoir l’avenir. Durant son séjour en Orient, il commença à faire immoler de nombreuses victimes, pour trouver des pronostics dans leur foie. Tandis qu’il offrait ces sacrifices, quelques-uns des fonctionnaires chrétiens qui l’entouraient firent sur leurs fronts le signe immortel. Aussitôt les démons furent mis en fuite et les rites sacrés interrompus. Les aruspices, ne trouvant pas dans les entrailles des victimes les signes accoutumés, en étaient tout tremblants. Ils recommençaient toujours et toujours avec un égal insuccès. A la fin, Tages, chef des aruspices, ayant vu ou deviné la présence de chrétiens, s’écria : Il y a ici des profanes et leur présence empêche l’accomplissement régulier des rites. Aussitôt Dioclétien, animé d’une grande fureur, ordonne non seulement à tous les chrétiens présents, mais à tous ceux de son palais de sacrifier aux dieux. En cas de refus, ils subiront la peine du fouet. En même temps, il mande par lettres aux commandants de ses troupes, de forcer tous les soldats à participer à ces sacrifices impies, sous peine d’être renvoyés du serviceb. » Cet ordre amena plusieurs officiers à renoncer à leur grade et plusieurs soldats à quitter l’arméec.
b – De mort, persecut., chap. 10.
c – Eusèbe, liv. Vlll, chap. 4.
Parmi les premiers, nous citerons le centurion Marcellus. Lorsque le décret impérial fut publié, la légion à laquelle il appartenait était à Tingis (Tanger) et célébrait une fête accompagnée de sacrifices en l’honneur de l’un des Césars. Marcellus se leva de la table des officiers, et débouclant son ceinturon, il le jeta à terre en s’écriant : « A partir de ce moment, je cesse de servir l’empire comme soldat. Je suis résolu à n’obéir qu’à Christ, le Roi éternel, je méprise le culte de vos dieux de bois et de pierre. Puisque le service comprendra désormais l’obligation de sacrifier aux dieux et aux empereurs, je quitte nos étendards et ne suis plus soldat. » Il fut condamné à mort et décapité. Avant son exécution, Cassianus, greffier du tribunal, qui devait écrire la sentence, jeta à terre ses tablettes et son style, avec une évidente répugnance. Marcellus sourit, prévoyant bien que Cassianus ne tarderait pas à être martyr à son tour. Il souffrit, en effet, la mort peu de jours aprèsd.
d – Ruinart, Acta, 302, 304. Wordsworth, Church. Hist., 378, 379.
Dioclétien ne parut pas, pendant quelque temps, disposé à prendre de nouvelles mesures contre les chrétiens. Mais, dans l’hiver de 302 à 303, il y fut amené par son gendre Galérius, l’un des Césars, venu à Nicomédie pour proposer des mesures destinées à l’entière extirpation du christianisme. Cet homme, d’un caractère sombre et de mœurs déréglées, fils d’un berger et d’une femme connue pour sa superstition, était alors l’espoir du parti païen. Infirme et déjà atteint de la maladie qui devait le forcer à déposer, deux ans plus tard, le fardeau de l’empire, Dioclétien ne voulut d’abord point l’écouter. Il répugnait à troubler la paix de l’État et à verser les torrents de sang que de pareilles mesures devaient inévitablement faire couler. Incapable de résister seul à son gendre, il réunit un conseil composé de magistrats et de chefs des troupes, et leur soumit la question. Tous, pour des motifs divers, appuyèrent le projet de Galérius. Pourtant Dioclétien ne céda pas encore. Il voulut consulter les dieux et fit partir pour Milet un aruspice chargé de s’adresser à l’oracle d’Apollon. La réponse fut ce qu’on pouvait prévoir, et l’empereur céda. Il insista cependant pour que les mesures les plus sanguinaires et les plus barbares proposées par Galérius ne fussent pas employées. Au lieu de laisser brûler vivants ceux qui refuseraient de sacrifier, Dioclétien stipula qu’ils auraient la vie sauve.
Une description de l’état de l’Église au moment où la persécution allait se déchaîner sur elle, montre combien les chrétiens étaient alors peu préparés à supporter un si rude coup. C’est Eusèbe qui la donne. Il nous dit d’abord que beaucoup de postes de confiance, et même des gouvernements de provinces, étaient entre les mains des chrétiens, et que leurs détenteurs jouissaient d’une si entière liberté de parole et d’action en matière religieuse, qu’ils s’en vantaient presque hautement. Il note ensuite complaisamment le grand nombre de ceux qui dans chaque ville encombraient les lieux de culte. Les anciens bâtiments ne suffisaient plus ; il fallait des églises nouvelles et spacieuses. Mais il est obligé de confesser que cette tranquillité, ces honneurs inaccoutumés avaient grandement compromis la foi et la charité. « Nous nous portions envie les uns aux autres et nous nous insultions réciproquement ; nous nous faisions la guerre avec des paroles aussi acérées que des dards et des lances, et vraiment nous étions prêts à en venir aux mains. Les évêques étaient animés contre les évêques, les congrégations contre les congrégations. L’hypocrisie et la dissimulation arrivaient à leur comble. Le jugement de Dieu, qui agit toujours avec douceur, commença par nous affliger légèrement. Mais nous restâmes complètement insensibles, et nous ne cherchâmes pas à apaiser Dieu. Quelques-uns même agissaient comme si Dieu ne devait pas s’inquiéter de leur conduite. Parmi nos pasteurs on en voyait qui, loin de diriger le troupeau, abandonnaient les saintes règles de la piété et n’avaient d’autre souci que d’augmenter leur pouvoire. »
e – Eusèbe, liv. VIII, chap. 1.
Dioclétien et Galérius décidèrent que le premier pas dans la voie nouvelle serait la destruction de l’église de Nicomédie. En conséquence, le 23 février 303, jour de la grande fête romaine des Terminalia, presque avant le jour, le préfet, le commandant militaire et plusieurs magistrats civils se rendirent à l’église. Située sur une éminence, et dominant la cité, on pouvait l’apercevoir au-dessus du palais impérialf. Ayant brisé les portes, ils cherchèrent partout une image de la divinité et furent fort étonnés de n’en trouver aucune. Ils brûlèrent tous les exemplaires des Saintes Écritures et pillèrent les ustensiles et les meubles de l’église. Des fenêtres du palais, Dioclétien et Galère suivaient leurs mouvements et discutaient la question de savoir si l’édifice lui-même serait ou non réduit en cendres. L’avis de Dioclétien prévalut à la fin. Il craignait qu’un feu aussi considérable ne se communiquât au reste de la ville. Mais on envoya la garde prétorienne avec des haches et autres instruments, et quelques heures suffirent pour mettre ce bel édifice au ras du sol.
f – Ce détail montre combien la nouvelle religion avait acquis d’importance à ce moment-là.
Le lendemain, l’édit de proscription fut publié. Tous les chrétiens qui occupaient des charges honorifiques ou autres devaient abjurer, sous peine de dégradation. Le reste devait perdre ses droits civils, et ne pouvait introduire aucune action quelconque devant les tribunaux. Enfin, la torture pouvait être employée dans les interrogatoires. Quant aux esclaves chrétiens, ils ne pouvaient être affranchis. Tous les exemplaires des Écritures devaient être publiquement brûlés, les églises démolies, les biens ecclésiastiques confisqués. Un chrétien de naissance noble, arrachant l’édit, le mit en pièces en s’écriant avec dédain : « Ce sont là des triomphes de Goths et de Sarmates ! » Il fut aussitôt arrêté et condamné à être brûlé à petit feu. La constance avec laquelle il supporta son supplice étonna, mortifia même ses bourreauxg.
g – Lactance, chap. 13 ; Neander, I, 205, 206 ; Robertson, I, 145.
L’impression produite par l’édit fut rendue plus terrible encore par la date de sa publication. Dans plusieurs provinces elle eut lieu au temps des fêtes de Pâques et, dans un certain nombre, le jour même de Pâques. De plus, une des dispositions de l’édit était de nature à donner aux plus fermes de bien graves appréhensions. Jusqu’alors on avait essayé de supprimer la religion en s’en prenant aux évêques et aux docteurs. Cet essai n’avait pas réussi. Aujourd’hui, on comprenait mieux l’importance des Écritures, et on pensait que, si l’on pouvait les faire disparaître, on tarirait du même coup la source vitale du christianisme. Mais la puissance et la sagesse humaines, même celles de la Rome impériale, n’étaient que vanité. En vain voulaient-elles se liguer contre Dieu ! En vain auraient-elles réussi à enlever cette lumière, et à détruire tous les exemplaires des Écritures ! Dieu n’en aurait pas moins pris soin des siens, et son pouvoir de conserver et de faire connaître l’Évangile serait resté le même. Bien plus, il n’est peut-être pas si complètement désavantageux pour l’Église que les anciens et vénérables exemplaires des livres sacrés aient disparu. Quelques-uns, à tort ou à raison, pouvaient être attribués à la plume des apôtres ou de leurs disciples immédiats, et il est possible qu’on eût plus vénéré le volume lui-même que son contenu. Au reste, qu’il faille ou non attribuer le fait à la destruction systématique ordonnée par Dioclétien, il est certain qu’aucun manuscrit des Écritures antérieur à son règne ne nous est parvenu.
[Tischendorf, à la p. xii de l’éd. Tauchnitz du Nouveau Testament, exprime l’idée que le Codex Sinaïticus pourrait bien être une des cinquante copies des livres saints, que Constantin demanda à Eusèbe de faire écrire sur du beau parchemin. Voy. Eusèbe, Vie de Constantin, liv. IV, chap. 36, 37.]
Un grand nombre de magistrats de l’empire étaient tout disposés à appliquer l’édit dans sa rigueur. D’autres, au contraire, à l’éluder autant que la prudence le leur permettait. Mensurius, évêque de Carthage, avait immédiatement transporté dans sa propre maison tous les manuscrits bibliques de son église. Il les avait remplacés par des livres hérétiques sans valeur. Quand les officiers de police arrivèrent, ils s’en emparèrent et ne firent aucune question. Quelques sénateurs informèrent le proconsul de la conduite de l’évêque et lui, conseillèrent de faire fouiller sa maison. Mais le proconsul ne tint aucun compte de leurs observations. A un autre évêque de Numidie, qui répugnait à livrer les exemplaires des livres sacrés, les officiers de police conseillèrent eux-mêmes de donner les manuscrits les moins précieux qu’il pourrait posséder.
Cette épreuve nouvelle de la fidélité des chrétiens à leur Sauveur servit à mettre en relief leurs caractères divers. Un assez grand nombre, cédant à la crainte de la prison et des tortures, livrèrent de suite les exemplaires du Nouveau Testament qu’ils possédaient et qu’on brûla sur les places publiques. On les nomma les traditores (qui trahit, qui livre) et ils furent exclus de la communion de l’Église. Dans les persécutions antérieures, beaucoup de chrétiens avaient cherché leur salut dans la fuite, soit parce qu’ils ne se sentaient pas assez forts pour soutenir leur foi jusqu’au bout, soit parce qu’ils se croyaient autorisés à appliquer à leur situation personnelle la parole de Christ à ses disciples : « Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre (Matthieu 10.3) ». Maintenant, les perquisitions sont si générales et si vigoureuses, que la fuite est devenue impossible. En Afrique, cette terre classique du zèle ardent et intrépide jusqu’à la témérité, beaucoup de chrétiens devancèrent l’appel des magistrats. Ils vinrent, se déclarèrent chrétiens et détenteurs de livres sacrés, mais décidés à ne pas les livrer. A ceux-là, le prudent évêque Mensurius refusait d’accorder le titre si convoité de martyr. En dehors de ces deux extrêmes, il ne manquait point dans chaque pays d’hommes et de femmes ne courant pas au martyre, ne cherchant pas non plus à employer des subterfuges, mais résistant courageusement par la puissance de la foi à toutes la malice de l’ennemi et obtenant la couronne de la victoire.
A peine la persécution venait-elle de commencer, qu’un accident provoqua des mesures plus rigoureuses encore. Le feu prit au palais impérial de Nicomédie, dans la chambre même de Dioclétien. Naturellement, on accusa les chrétiens. Dioclétien, grandement alarmé et courroucé, fit mettre tous ses domestiques à la torture. Bien plus, il vint lui-même entendre les confessions qu’elle leur arracherait. Quinze jours après, nouvel incendie. Galérius quitte la ville en toute hâte pour éviter, dit-il, d’être brûlé vif. Quant à Dioclétien, il ne se possède plus de rage, et il force sa propre femme et sa fille à sacrifier aux dieux. Un grand nombre d’officiers de la cour et de prêtres avec leurs familles sont mis à mort par le feu, par le glaive ou par l’eau.
Sur ces entrefaites, des troubles politiques éclatent en Arménie et en Syrie. On soupçonne le clergé chrétien et un second édit paraît, ordonnant de saisir partout et d’emprisonner tous les fonctionnaires ecclésiastiques. On l’exécute si bien qu’on ne peut plus trouver, dans les prisons encombrées d’évêques et de prêtres, de place pour les malfaiteurs.
[Tous ne furent pas emprisonnés. Eusèbe parle de quelques évêques qui, négligeant de paître convenablement le troupeau raisonnable de Christ, furent condamnés, comme indignes, par la justice divine, à garder des chameaux sans raison et les chevaux de l’empereur. H. E., liv. VIII (Supplément), chap. 12.]
Trois mois après, nouvel édit. Tous les chrétiens emprisonnés seront relâchés s’ils veulent sacrifier aux dieux. Tous ceux qui refuseront de le faire devront y être contraints par toute espèce de torture. Enfin, en 304, quatrième et dernier édit, plus radical encore que le troisième, en ce qu’il étend à tous les chrétiens les mesures prescrites par l’édit précédent. Dans chaque ville, une proclamation ordonne à tous les habitants, hommes, femmes, enfants, de se rendre dans les temples. Des listes nominatives servent à appeler les citoyens l’un après l’autre ; une enquête sévère est faite, aux portes, des allants et venants et on arrête tous ceux qu’on reconnaît pour chrétiens. Et si, comme précédemment, un grand nombre se montre au-dessous de cette terrible épreuve, partout, cependant, de nombreux témoins pour Christ se montrent prêts à sacrifier leur liberté et même leur vie.
Désormais les persécuteurs se croient sûrs de leur triomphe. Déjà ils chantent l’hymne de la victoire :
« Le nom des chrétiens qui voulaient bouleverser l’État a été effacé ! Partout la superstition chrétienne est détruite ; partout le culte des dieux est rétablih ! »
h – Neander, I, 214.
Mais au moment même où les oppresseurs exultent ainsi, la Providence divine prépare la délivrance de l’Église.
La persécution ne s’étendit jamais jusqu’aux extrémités occidentales de l’empire. Elle fut épargnée à la Gaule, à l’Espagne et à la Grande-Bretagne. Constance Chlore en était le César. Doux et humain, il était bien disposé envers l’Église et, tout en ne professant pas lui-même la religion chrétienne, il accordait une confiance toute particulière aux chrétiens de son entourage qui se montraient fermes dans leur foi. Il disait que celui qui manque de fidélité envers son Dieu, n’en montrera pas davantage envers son prince. Ne pouvant toutefois désobéir ouvertement aux édits de Dioclétien, il fit renverser quelques églises pour sauver les apparences. Mais lorsque, en 305, l’abdication de Dioclétien le fit devenir Auguste, sa nouvelle et puissante situation lui permit de protéger plus ouvertement les chrétiens des provinces occidentales.
En Orient, l’abdication de Dioclétien n’atténua en rien, au moins pour le moment, la fureur de la persécution. Galérius devint Auguste, donna le titre de César à son neveu Maximin Daza, et l’établit sur la Syrie et l’Egypte. Ce cruel débauché était l’esclave des superstitions païennes et la dupe des prêtres et des aruspices. Dans l’ingéniosité des mesures qu’il employa pour déraciner le christianisme, s’il se pouvait, il dépassa son patron lui-même.
Lactance était à Nicomédie lorsque la persécution commença. Il en écrivit l’histoire et, se souvenant des années d’autrefois, il s’écrie : « Eussé-je cent bouches, cent langues, une voix de fer, je ne pourrais exprimer toutes les formes de crimes, je ne pourrais énumérer tous les noms des supplices.… De l’est à l’ouest, les provinces de Gaule exceptées, trois bêtes sauvages étaient dans une perpétuelle rage. En Orient, sous l’empereur Galère, la torture ordinairement infligée était de brûler à petit feu. On fixait les chrétiens à un poteau. Puis un feu modéré était allumé sous la plante de leurs pieds, jusqu’à ce que leurs muscles contractés s’écartassent de leurs os. On allumait alors et on éteignait tour à tour des torches qu’on appliquait à chacun de leurs membres, afin qu’aucune partie de leur corps ne fût épargnée. Pendant tout le temps, on arrosait leurs figures d’eau fraîche, et on humectait leurs lèvres, pour éviter que leurs bouches trop desséchées ne hâtassent leur mort. A la fin, pourtant, lorsqu’après une longue journée de tourment leur peau tout entière était détruite, la force du feu pénétrait leurs parties vitales, et ils mouraient. Leurs corps étaient alors consumés sur un bûcher funèbre, et leurs restes réduits en poudre jetés à l’eaui. »
i – Lactance, chap. 16, 21.
Nous ne devons pas oublier d’ajouter que cet essai d’extirpation du christianisme semblait souvent trop horrible aux païens eux-mêmes. A Alexandrie, les habitants cachèrent les chrétiens persécutés dans leurs maisons et plusieurs préférèrent perdre leurs biens et leur liberté, plutôt que de trahir ceux qui avaient cherché un refuge chez euxj.
j – Athanase, Hist. des Ariens, ch. 8, § 64. Neander, I, 214.
[Dioclétien, Galérius, Maximien. Ce dernier, qui était Auguste en Occident de 286 à 305, et plus tard de 306 à 308, fit appliquer les édits à la rigueur en Italie. On voit encore dans l’amphithéâtre de Vérone un certain nombre de cellules ou de cachots, où l’on suppose que les victimes étaient enfermées avant d’être introduites dans l’arène. Elles sont très étroites, et ne reçoivent de jour que par la porte. D’après la tradition, deux martyres, Firmus et Rusticus, y furent enfermés pendant la persécution de Maximien. — Le même amphithéâtre possède encore quatre cages de bêtes fauves.]