« Je parlerai, dit-il, aux initiés ; loin d’ici les plus profanes. Je montrerai que c’est à une inspiration de la sagesse divine que les hommes doivent l’idée de représenter Dieu et sa puissance par des images sensibles et en rapport avec ses organes, de donner une forme visible à ce qui est invisible de sa nature ; mais ces images sont seulement pour l’usage des yeux qui savent lire des choses divines dans les statues, comme dans les livres ; car aux yeux des ignorants, une idole n’est que du bois ou de la pierre, et je ne m’en étonne pas : c’est comme les gens grossiers qui ne voient dans une colonne qu’une pierre, dans des tablettes que du bois, dans un livre qu’un tissu de papier. »
Après cet exorde emphatique, il continue ainsi :
« L’essence divine étant toute lumière et habitant une atmosphère de feu, inaccessible, par conséquent, à toute intelligence occupée de choses mortelles, elle se révèle et se fait connaître par l’éclat des objets matériels, comme le cristal, le marbre de Paros, l’ivoire ; par l’or, elle donne une idée de sa substance de feu et de son incorruptibilité, car l’or est incorruptible. Il y en a aussi qui ont vu dans la pierre noire une image de sa nature inaccessible aux sens. On a donné aussi aux dieux une forme humaine, parce que la raison est un attribut nécessaire de la divinité. On les représente beaux, parce que la beauté la plus parfaite est leur partage. On leur a donné diverses formes, diverses attitudes, les uns assis, les autres debout, avec des vêtements différents les uns des autres ; on ne leur a pas donné à tous le même âge ; on a donné à quelques-uns le sexe masculin, à d’autres le sexe féminin ; il y a des vierges, des jeunes gens ; d’autres sont unis par le mariage, tout cela pour établir les différences qui les distinguent. Ainsi le blanc est la marque distinctive des dieux célestes ; la forme sphérique est l’emblème exclusif du monde, du soleil, de la lune, quelquefois aussi de la fortune et de l’espérance ; le cercle et toutes les formes circulaires sont l’image de l’éternité, au mouvement du ciel et des zones qui y sont tracées. Les divisions du cercle représentent les phases de la lune ; les pyramides ou les obélisques sont les attributs du feu et par la même raison des dieux de l’Olympe. On a aussi consacré la forme conique au soleil, la forme cylindrique à la terre ; on a pris pour symbole de la fécondité de l’espèce humaine des signes qui la représentent. »
Telles sont les paroles de cet admirable philosophe, chez lequel l’obscénité des choses le dispute à l’emphase des termes. Se peut-il concevoir quelque chose qui révolte plus la raison, que de donner comme une image de la lumière divine, une matière inerte, comme l’or ou l’argent, ou d’autres substances de ce genre, et de vouloir en faire l’emblème d’une nature céleste et éthérée. Et cependant ce sont bien là des inventions des philosophes modernes, auxquelles n’avaient pas même songé les anciens ; car ces idoles matérielles dont on exalte si fort aujourd’hui le mérite, les premiers hommes les rejetaient absolument. Si vous en voulez la preuve, lisez ce que dit Plutarque dans un endroit de ses ouvrages que nous citons ici :