Préparation évangélique

LIVRE III

CHAPITRE VI
QUE NOUS AVONS EU RAISON DE PRÉFÉRER L’UNIQUE VRAIE THÉOLOGIE AUX EXPLICATIONS ALLÉGORIQUES DES PHILOSOPHES SUR LA NATURE DES DIEUX

Telles étaient en effet les fables reçues chez les Égyptiens, fables qui passent pour beaucoup antérieures à celles des Grecs. Vous connaissez donc maintenant, et la théologie fabuleuse, et la théologie allégorique des Grecs et des Égyptiens, les premiers inventeurs des superstitions du polythéisme. Vous avez pu vous convaincre qu’ils n’ont pas la plus légère idée d’une nature vraiment divine, spirituelle et intelligente. Cependant, pour accorder à tous ces menteurs de systèmes imaginaires tout ce qu’ils peuvent nous demander, supposons un instant qu’il y ait de la vérité dans leurs allégories physiques : que le soleil soit, à leur gré, tantôt Apollon, tantôt Horus, tantôt Osiris ou quelque autre chose qu’il leur plaira de supposer ; que la lune soit Isis, Diane ou toute autre déesse quelconque ; admettons tant qu’il leur plaira que ce ne sont point là des noms d’hommes, que ce sont uniquement les astres du ciel personnifiés, il nous faudra donc adorer comme des dieux le soleil, la lune, les étoiles et toutes les autres parties du monde visible.

C’est donc là que va aboutir cette belle philosophie, des Grecs, qui présente ses interprétations allégoriques comme un moyen d’élever bien haut ses pensées, et qui au contraire fait descendre si bas l’âme du sage, qu’elle ne lui montre un Dieu que dans les créatures visibles ; qu’elle ne voit point la nature divine au-delà du feu et des substances qui en partagent la nature, des différentes parties du monde, des globes célestes ou, si vous voulez, de l’élément humide ou de l’élément solide ou de la formation des corps. Après cela qui n’admirerait la grandeur de l’Évangile de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ qui enseigna à tout le genre humain à révérer le Dieu souverain du soleil et de la lune, le Créateur de tout l’univers ; à l’honorer par des sentiments dignes de la majesté du plus grand et du plus élevé de tous les êtres ; à louer non pas des éléments matériels, mais le dispensateur de la vie, de la nourriture et de tous les biens ; à trembler non pas devant les parties du monde visible, ni rien de tout ce que les sens corporels peuvent saisir, parce que tout cela est corruptible, mais devant une intelligence qui existe invisiblement partout, qui a créé tout l’univers avec chacune de ses parties, à confesser cette unique puissance divine qui pénètre et organise toutes choses, cette nature incorporelle, spirituelle, ou plutôt indéfinissable et incompréhensible, qui se révèle dans ses œuvres, qui pénètre tous les corps, sans avoir elle-même de corps, qui environne toutes les créatures sans se confondre avec elles, qui manifeste l’immense puissance de sa divine opération, non seulement dans les choses du ciel, mais encore dans les choses terrestres, dans les éléments de l’univers et dans chacune de ses parties, qui nous surveille tous invisiblement et d’une manière imperceptible à nos sens ; enfin qui gouverne le monde par les lois d’une sagesse ineffable.

Maintenant que nous avons réfuté par cette longue suite de preuves celle prétendue théologie, tant celle que l’on appelle théologie, que celle dont les Grecs et les Égyptiens font vanité, comme étant plus élevée et plus conforme à la nature, nous avons à fixer notre attention sur les belles conceptions des modernes qui veulent aussi créer une philosophie. Ils ont pour système de combiner en un seul corps, et les doctrines théologiques des anciens, et celles que Platon imagina longtemps après, et qu’il appuya sur des raisonnements plausibles, au sujet d’une intelligence créatrice de l’univers, des substances incorporelles, d’une puissance spirituelle et raisonnable ; mais leurs efforts n’ont servi qu’à épaissir les ténèbres qui environnaient les fables. Nous verrons dans le chapitre suivant avec quelle emphase elle est présentée, cette philosophie, par Porphyre.

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