« Il disait : Abba, Père, toutes choses te sont possibles, éloigne de moi cette coupe ! Toutefois non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » (Mr 14.36)
Quel contraste dans l’espace de quelques heures ! Quelle transition entre le moment où : « Jésus levant ses yeux au ciel dit : Père, je veux ». (Jn 17.1-24) et celui où, « s’étant jeté contre terre, Il pria que, s’il était possible, cette heure s’éloignât de lui ! » (Mr 14.35)
Dans l’un, nous voyons le souverain sacrificateur en dedans du voile, intercédant avec puissance. Dans l’autre, la victime sur l’autel, ouvrant la voie nouvelle au travers du voile déchiré.
Dans l’ordre chronologique, le Père, je veux du souverain sacrificateur, précède le cri de la victime obéissante : « Père, non pas ce que je veux ». Cet ordre était nécessaire pour nous montrer ce que serait l’intercession de Jésus une fois le sacrifice consommé. De fait, c’est cette prière à l’autel : « Père, non pas ce que je veux », qui a fait la force de celle devant le trône : « Père, je veux ».
C’est par l’abandon complet de sa volonté en Gethsémané que le grand prêtre assis. sur le trône a la puissance de demander ce qu’Il veut. Pour tous ceux qui veulent apprendre à prier à l’école de Jésus, cette leçon de Gethsémané est l’une des plus sacrées et des plus précieuses. Il pourrait sembler à un écolier superficiel qu’elle ôte le courage de prier avec foi. Si cette supplication ardente du Fils n’a pas été entendue, si le bien-aimé lui-même a dû dire : Non pas ce que je veux, à combien plus forte raison ne le dirons-nous pas aussi. Au premier abord, il paraît impossible que les promesses faites si peu d’heures auparavant par le Seigneur, puissent être prises au pied de la lettre: TOUT CE QUE VOUS DEMANDEREZ, et QUOI QUE VOUS DEMANDIEZ.
Si nous pénétrons plus profondément dans le sens des paroles prononcées en Gethsémané, nous apprendrons que c’est là précisément notre sûreté quant à l’exaucement de nos prières. Approchons-nous avec une adoration pleine de respect pour contempler le Fils de Dieu priant, suppliant avec larmes et grands cris et n’obtenant pas ce qu’Il demande. Il est notre Maître ; lui-même nous révélera le mystère de son sacrifice, tel qu’il est contenu dans cette prière, inexplicable à nos yeux.
Pour la comprendre, remarquons l’immense différence entre la prière de notre Seigneur grand sacrificateur, et celle qu’Il offre si peu de moments après dans sa faiblesse. Alors, Il priait pour que son Père fût glorifié, pour que lui-même et son peuple le fussent aussi, par l’accomplissement des promesses positives qui leur avaient été faites. Il demandait ce qu’Il savait être selon la parole et la volonté du Père; Il pouvait donc dire hardiment : PÈRE, JE VEUX
Maintenant, Il prie dans la faiblesse de son humanité, et pourtant, Il sait que c’est la volonté du Père qu’Il boive cette coupe. Il en a déjà parlé à ses disciples, plus tard Il leur dira encore : « Ne boirai-je pas la coupe que le Père m’a donné à boire ». (Jn 18.11) Il sait que c’est pour cela qu’Il est venu sur la terre. Mais dans l’indicible angoisse de son âme, lorsqu’Il sent la puissance des ténèbres l’envelopper et qu’il éprouve les premières atteintes de la colère de Dieu contre le péché, sa nature humaine tremble en présence de cette épouvantable réalité : Être lait malédiction.
Il pousse ce cri d’angoisse, demandant à Dieu que, si son but peut être atteint sans cette épreuve, cette coupe terrible passe loin de lui. Ce cri est la preuve évidente, irrécusable de la réalité profonde de son humanité. Lorsqu’Il dit au Père : « Toutes choses te sont possibles » et qu’Il le supplie avec toujours plus d’intensité que cette coupe lui soit épargnée, c’est le : « Toutefois, non pas ce que je veux », trois fois répété, qui constitue la valeur réelle, l’essence même de son sacrifice.
Il a demandé quelque chose... et Il ne peut pas dire : « Je sais que c’est ta volonté ! » Il se réclame de l’amour et de la puissance de Dieu et pourtant Il termine par ces mots : TA VOLONTE SOIT FAITE. (Mt 26.42)
C’est dans l’abandon complet de sa volonté, dans sa soumission à celle de son Père, que l’obéissance de Christ atteint sa plus haute perfection ; c’est du sacrifice de sa volonté en Gethsémané que le sacrifice de sa vie sur le Calvaire a pris sa valeur. C’est là, comme dit l’Ecriture : « Que le Fils a appris l’obéissance par les choses qu’Il a souffertes et qui, après avoir été élevé à la perfection, est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, l’auteur d’un salut éternel ». (Heb 5.9) « Il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix », « c’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé ». (Php 2.8-9) De plus, Dieu lui a donné le droit de demander ce qu’Il veut. C’est dans le : « Père, non pas ce que je veux », qu’Il a obtenu de pouvoir dire : Père, je veux.
Contemplons encore les mystères que nous offre Gethsémané.
Nous voyons d’abord le Père présenter à son bien-aimé la coupe du vin de son ardente colère ; (Ap 16.19) puis le Fils, toujours si obéissant, reculer et supplier que cette coupe s’éloigne de lui ; (Mr 14.36) enfin le Père, sans accorder cette requête, présenter de nouveau la coupe à son Fils. Le Fils cède, satisfait que sa volonté à lui ne s’accomplisse pas, et Il se rend au Calvaire pour y boire la coupe jusqu’à la lie.
Oh ! Gethsémané, c’est toi qui nous fais comprendre comment notre Seigneur a pu nous donner l’assurance illimitée qu’Il répond à nos prières. Il nous l’a méritée, cette assurance, en consentant à ce que sa prière restât sans effet.
Ceci est en harmonie parfaite avec le plan de la rédemption. Notre Seigneur a conquis pour nous le contraire de ce qu’Il a souffert. Ainsi, Il a été lié, afin que nous fussions libres ; Il a été fait péché, afin que nous devinssions justice devant Dieu ; Il est mort, afin que nous vivions ; Il a porté le poids de la malédiction de Dieu, afin que Dieu répandît sur nous ses bénédictions. Sa prière est restée sans réponse pour que nos prières fussent exaucées. Il a dit : Non pas ce que je veux, afin que nous puissions obtenir : Demandez ce que vous voudrez et cela vous sera accordé. (Jn 15.7)
Oui, ces mots : Si vous demeurez en moi, prennent une nouvelle force ici, à Gethsémané. Christ est notre chef, Il s’est mis à notre place, IL est notre garant, et Il a supporté le châtiment qui devait nous atteindre. Nous avions mérité que Dieu ne nous écoutât pas, Christ est intervenu et a enduré cette douleur suprême pour nous. Mais à cause de cette douleur même, nous retrouvons le droit d’être exaucés. Le châtiment est écarté, mais il faut que nous demeurions en lui.
Oui, en lui ! Quand Il est là, prosterné en Gethsémané, il faut que nous demeurions en lui. Le Saint-Esprit par lequel Il s’est offert à Dieu en victime expiatoire est le même qui habite en nous, qui nous fait participer à son obéissance et nous rend capables de sacrifier notre volonté propre à celle de Dieu. Cet Esprit nous enseigne à repousser notre volonté, à la craindre, à la redouter même lorsqu’elle n’est pas positivement mauvaise. C’est lui qui ouvre notre oreille et la dispose à attendre avec douceur et docilité tout ce que le Père a à nous dire et à nous enseigner, jour après jour.
Il nous fait comprendre comment l’union de notre volonté avec celle de Dieu n’est autre que l’union avec le Père. L’exemple que nous donne le Fils est la véritable bénédiction de nos âmes. Cette volonté, renouvelée par l’Esprit, nous met en communion avec la mort et la résurrection de, Christ, elle nous remplit d’une sainte joie, et nous permet de devenir les instruments dociles de cette volonté divine.
Mettons donc toute notre volonté à vivre pour les intérêts du règne de Dieu sur la terre, et, par la prière, dans le ciel, auprès de Dieu. Plus nous nous pénétrerons de ces paroles : Père, non pas ce que je veux, prononcées en Gethsémané, plus nous nous efforcerons de vivre en Celui qui les a fait entendre et plus nous éprouverons complètement la force de ce : « Père, je veux » du Sauveur.
Ecoutons-le à Gethsémané lorsqu’Il dit :
« Si vous demeurez en moi... demandez ce que vous voudrez et cela vous sera accordé ». (Jn 15.7)
SEIGNEUR, ENSEIGNE-NOUS À PRIER.