Nous avons déjà parlé de cette parabole à propos de la précédente, toutefois ces deux paraboles ne sont pas absolument identiques. Si le berger était Christ, la femme ici peut désigner l’Église, qui est le moyen dont se sert le Saint Esprit pour chercher ce qui est perdu ; il est naturel que l’Église soit personnifiée dans une femme, et le Saint Esprit a souvent été envisagé comme une mère.
« Ou quelle est la femme qui, ayant dix drachmes, si elle a perdu une seule drachme, n’allume une lampe et ne balaie la maison, et ne cherche avec soin jusqu’à ce qu’elle l’ait trouvée ? » On a vu dans cette pièce de monnaie une image de l’âme humaine, qui a porté l’empreinte du grand Roi (« Dieu créa l’homme à son image », Genèse 1.26), et qui conserve encore des traces de son origine, quoique l’image ait été altérée par le péché. Cette explication est intéressante et on peut l’admettre volontiers ; mais il ne faut pas oublier que la drachme grecque ne portait pas, comme le denier latin, l’image de l’empereur, mais un emblème quelconque : un hibou, une tortue ou une tête de Minerve. Comme la femme cherche avec soin sa pièce de monnaie, ainsi le Seigneur, par les divers offices de son Eglise, cherche le pécheur perdu, pour rendre la monnaie de Dieu à son trésor. On a vu dans la lampe allumée une allusion au mystère de l’Incarnation, la gloire divine resplendissant à travers le voile de la chair ; mais il faut rapprocher notre passage de Matthieu 5.14-15 ; Philippiens 2.15-16 ; Éphésiens 5.13. La « lampe » est la Parole de Dieu, que l’Eglise est chargée d’expliquer. C’est à la clarté de cette lampe que les pécheurs sont ramenés. La femme « balaie la maison », ce qui ne se fait pas sans poussière, comme le remarque Bengel. Quel dérangement dans la maison pendant quelque temps ! On accuse de même l’Évangile de bouleverser la terre (Actes 17.6) ; c’est bien là ce qu’il fait, en découvrant les pensées des cœurs, et en soulevant ainsi l’inimitié contre Dieu.
Le berger cherchait sa brebis dans le désert ; mais la pièce de monnaie est perdue dans la maison, et c’est aussi dans la maison qu’elle est retrouvée. L’image de Dieu, altérée, souillée par le péché, doit être rétablie, et peut briller de nouveau de son éclat primitif. Le berger dit : « J’ai trouvé ma brebis » ; mais la femme : « J’ai trouvé la drachme », car cette drachme ne lui appartient pas en propre, dans le sens où la brebis appartenait au berger. Ce dernier dit : « qui était perdue », mais la femme : « que j’avais perdue », par sa faute ; une pièce de monnaie ne peut se perdre que par la négligence de ceux qui la possèdent, tandis qu’une brebis peut se perdre d’elle-même. Cette femme est donc l’Église, l’Épouse du Bon Berger. Rien d’étonnant dès lors qu’elle emploie, à l’heure de sa joie, les mêmes termes que Lui. « Elle rassemble ses amies et ses voisines », afin qu’elles participent à sa joie. Il peut s’agir des anges, qui sont, d’après cette parabole, non pas au ciel, mais sur la terre, et qui s’y réjouissent de la conversion d’un pécheur. Il y a de la joie parmi les anges qui parcourent la terre, qui sont présents dans les assemblées des fidèles (1 Corinthiens 11.10), lorsque l’Église des rachetés, animées de l’Esprit-Saint, les invite à se joindre à elle pour bénir Dieu du retour de l’âme perdue (Éphésiens 3.10 ; 1 Pierre 1.12) ; saint Bernard a dit : « les larmes des pénitents sont le vin des anges ! »