Jésus voyait plus loin (voir aussi le chapitre 1)
Le Seigneur Jésus, dans sa prophétie de Marc 16, dit : « nouvelles langues ». L'apôtre Paul dit dans son épître aux Corinthiens : « diverses langues ». Ni l'un ni l'autre ne parle de langues inintelligibles, malgré le sens que l'on attribue si souvent à leurs paroles. Celles de Paul, nous les avons étudiées minutieusement et il est évident que nous n'avons aucune raison de penser que Paul ait en vue autre chose que le don des langues authentiques d'Actes 2.
En fait, cette expression de Paul : guénê glôssôn, que Segond traduit très heureusement : « diversités de langues » (1 Corinthiens 12.10) et : « diverses langues » (1 Corinthiens 12.28) : et Darby : « (diverses) sortes de langues », m'amène à conclure sur un ton très positif l'étude de ce sujet fort difficile et controversé. Au lieu de reléguer la question du don des langues au domaine de l'histoire ou de l'hypothèse, ou d'en faire un sujet de controverse actuelle, je veux la ramener au premier plan de notre vision spirituelle.
Il est indéniable que Paul, comme son maître, Christ, visait l'évangélisation et le salut de toutes les nations, tous les groupes linguistiques de l'humanité ; il ne vivait que pour cela. Il me semble certain que, dans son esprit, ce qu'il appelait « le don de parler diverses langues » était étroitement lié à cet objectif.
Le fait que la prophétie de Christ ait eu une première réalisation à Jérusalem par une intervention surnaturelle du Saint-Esprit sous la forme d'un « parler en langues » tout à fait miraculeux n'enlève rien à la vision de l'évangélisation mondiale du Seigneur Jésus et de Paul. Le Seigneur n'avait-il pas dit, quelques jours auparavant, que les disciples auraient à témoigner de lui jusqu'aux extrémités de la terre, et à toute la création ? Et il a ajouté que c'était dans ce but précis que la puissance de l'Esprit leur serait donnée Marc 16.15. Celui qui avait souffert la croix pour tous les hommes exigeait maintenant que les croyants fassent des disciples de toutes les nations Actes 1.8, c'est-à-dire de tous les groupes linguistiques de la terre.
Le Saint-Esprit n'a-t-il pas lui-même démontré, à la naissance de l'Église dans Actes 2, que son objectif prioritaire consistait à atteindre, dans sa langue maternelle, chaque nationalité représentée dans la foule ? En agissant de cette façon miraculeuse, il a voulu sans aucun doute ouvrir les yeux des disciples sur la voie de l'évangélisation mondiale. Il voulait — et il veut toujours — nous faire comprendre que notre devoir suprême en tant que chrétiens, consiste à faire connaître Christ à toutes les nations.
Évangéliser.. dans quelle langue ?
Or, il n'est pas possible d'évangéliser un peuple sans parler la langue de ce peuple. On m'a raconté l’histoire authentique d'une mission chrétienne allemande qui — croyez-le où non ! — apprenait aux Indiens l'allemand dans le but de les évangéliser ensuite en allemand !... Mais cette méthode n'est pas celle de Dieu !
Bien que Dieu puisse nous accorder un don surnaturel de langue s'il le veut et quand il le veut, comme il l’a fait dans Actes 2, cela n'empêche pas que chacun de ses envoyés doive apprendre, même avec peine, les langues des nations afin de leur communiquer sa Parole. Et Dieu s'y attend ! Il est incontestable que l'activité la plus importante, la plus urgente qui s'impose à l'Église de Christ aujourd'hui, c'est la traduction de la Bible et l'évangélisation, par tous les moyens possibles, des peuples qui ne connaissent rien encore de l'Évangile. L'église qui comprend cette priorité divine et qui assume ses responsabilités dans ce domaine est celle qui est approuvée par Dieu Luc 15.7. Bientôt, la porte se fermera. C'est aujourd'hui que nous devons agir.
Pour notre Seigneur, les langues prennent une importance que nous ne pouvons exagérer. À ses yeux, la langue est liée à l'âme de l'homme. Pour que le logos, c'est-à-dire la Parole de Dieu atteigne chaque être humain, il faut que ce logos devienne accessible, qu'il soit traduit et annoncé. Le Saint-Esprit s'intéresse spécialement à ce problème, c'est pourquoi il a voulu créer, dès la fondation de l'Église, une vision de l'œuvre de Dieu qui soit « internationale » ou « polyglotte ».
Or, aucun vrai chrétien ne niera le fait que l'Esprit de Dieu peut, s'il le désire, évangéliser le monde miraculeusement par lui-même, sans intermédiaire humain ; aucun ne voudra nier non plus que le Saint-Esprit est capable de s'exprimer surnaturellement dans les langues de ceux qu'il désire atteindre. Il est tout aussi certain qu'il aurait pu également confier la prédication de l'Évangile uniquement aux anges. Pourtant, il est évident qu'il ne le fait pas — ou, du moins, pas très souvent ! Car le Christ a confié l'évangélisation des nations à des hommes et non à des surhommes. C'est par une prédication humaine que Dieu choisit de communiquer son salut 1 Corinthiens 1.18,21,23. La Parole divine passe par l'homme pour atteindre l'homme. De même, Dieu lui-même est devenu homme afin de sauver l'humanité.
L'Esprit de Dieu ayant, dès les temps apostoliques, ouvert le chemin de l'évangélisation mondiale et ayant déclaré ainsi son objectif, désire maintenant que nous avancions dans le même sens, mais il exige que nous le fassions par la foi et non par la vue. Dieu intervient quelques fois miraculeusement, c'est vrai, ne serait-ce que pour prouver son existence et sa puissance ; mais il ne veut pas que nous vivions du miraculeux, il veut que nous obéissions à son commandement. À Gédéon, faible et peureux, Dieu dit : « Va avec cette force que tu as : n'est-ce pas moi qui t'envoie ? » Juges 6.14. Gédéon a dû apprendre que l'obéissance à la volonté de Dieu lui suffisait ; il fallait simplement qu'il aille de l'avant par la foi. Ah ! ce serait trop facile si chaque fois Dieu intervenait visiblement pour nous épargner tout effort ; ce ne serait pourtant plus une marche par la foi. D'ailleurs, notre foi ne trouverait plus aucune raison de se développer.
Si nous pensons que le chemin sera facile, que nous n'avons aucun effort à faire, que le monde sera évangélisé par une série de miracles sans que nous ayons à payer le prix d'une obéissance totale, d'un renoncement à nous-mêmes, d'une discipline perpétuelle et sans que nous travaillions inlassablement pour faire connaître le Christ aux hommes, nous nous leurrons complètement.
Non ! Le Saint-Esprit nous pousse à prendre sur nous le joug de Christ. Il exige que nous mettions du temps à part pour Dieu chaque jour afin de chercher sa face et étudier sa Parole d'un bout à l'autre : c'est la seule manière de connaître la pensée de Dieu. Il exige une préparation absolument sérieuse pour son service... et cela est vrai pour l'apprentissage d'une langue comme pour l'étude de la Bible. Dieu nous appelle à parachever l'évangélisation du monde. Si donc nous ne pouvons pas aller nous-mêmes aux extrémités de la terre, dans la jungle où dans un pays hostile ou fermé, qu'au moins nous sachions appuyer de toutes nos forces ceux qui acceptent d'y aller, par nos prières, nos sacrifices, notre foi. Si l'Église de Christ prenait au sérieux son commandement, il y aurait des centaines de milliers de vrais missionnaires à l'œuvre aujourd'hui dans le monde.
Si Dieu m'envoie dans un pays quelconque pour y prêcher Christ, mon plus grand besoin, après celui de la connaissance de Dieu et de la Bible, consiste à posséder à fond la langue de ce pays. Comment puis-je communiquer les merveilles de Dieu ou expliquer une épître de Paul à celui qui ne comprend guère ou pas du tout ce que je dis ? Ainsi, la connaissance d'une langue étrangère est d'une importance fondamentale pour l'œuvre de Dieu. Je dis à tout jeune serviteur de Dieu que la maîtrise absolue de la langue parlée et écrite est d'une importance primordiale ; sans cela, nous déformerons la pensée de Dieu que nous cherchons à exprimer. Cela est vrai pour sa langue maternelle comme pour une langue étrangère.
Ce livre que vous avez sous les yeux est une humble illustration de cette vérité ; car la langue dans laquelle je vous le présente est pour moi une « nouvelle langue ». Le français n'est pas ma langue maternelle ; mais, sachant que la Bible est peu connue dans le monde francophone, j'ai demandé au Seigneur de m'accorder le don d'y prêcher Christ. Dans sa grâce, il m'a exaucé et a même permis que j'écrive plusieurs livres dans cette langue. Si je pouvais recommencer ma vie, je crois que je demanderais à Dieu de m'envoyer dans un groupe linguistique beaucoup moins favorisé spirituellement que la France.
Oui, Jésus veut que son Église parle littéralement « de nouvelles langues » ; Paul veut qu'elle parle « diverses langues » : de vraies langues, celles des hommes qui ont besoin d'entendre la parole de Christ. Dieu a infiniment plus besoin de ces langues « réelles » que d’une langue dite « miraculeuse » qui demeure cependant incompréhensible et qui n'apporte rien de Christ au monde perdu. Ce n'est certainement pas sa volonté que je me contente de parler de façon mystique et inintelligible à mes frères qui connaissent déjà l‘Évangile... alors qu'il y a au moins deux milliards d'êtres humains sur la terre qui ne savent toujours rien de vrai sur Jésus-Christ.
C'est une question de priorités. Laquelle de ces deux formes d’expression est la plus urgente, la plus nécessaire ?
L'ouverture d'un horizon
Si vous ne savez que faire de votre vie, pourquoi ne pas apprendre une langue ? Si vous ne pouvez pas aller dans la jungle ou derrière les frontières fermées, parce que vous êtes trop âgé ou parce que vous avez de jeunes enfants, il reste tout de même un grand nombre de langues connues qui ont énormément besoin de linguistes chrétiens. Pensez à toutes ces langues africaines et asiatiques qui ne possèdent aucune ou peu de littérature chrétienne ; pensez aux jeunes églises qui manquent de formation parce que personne ne leur a communiqué les richesses spirituelles que nous possédons dans nos langues occidentales. Pourquoi ne pas demander à Dieu de nous aider à apprendre l'une des 1500 langues qui ne possèdent toujours pas une seule page de la Bible ?
Pourquoi n'apprenez-vous pas le chinois, le russe, l'arabe ? Il y a une carence terrible de littérature chrétienne dans ces pays-là. Même si vous ne pouvez y travailler en personne, vous pouvez certainement vous rendre utile d'une manière ou d'une autre à l'œuvre de Dieu pour ces pays. Une connaissance de la langue peut ouvrir d'innombrables portes. Pourquoi ne pas apprendre l'anglais ? Cela vous donnerait accès à la littérature spirituelle la plus riche du monde... que vous pourriez ensuite commencer à traduire dans une langue défavorisée !
N'avez-vous jamais pensé à l'immense avantage qui serait le vôtre si vous appreniez le grec ancien et l'hébreu ? Les moyens pour étudier ces langues sont à votre portée ; vous auriez alors le privilège de lire les textes bibliques dans leur langue originale. Au lieu de dépendre uniquement des versions (qui sont cependant pour la plupart — mais pas toujours — très valables) ou des commentaires et des prédicateurs (qui ne font pas toujours autorité et qui partent parfois de préjugés) vous auriez accès aux paroles mêmes et à la construction grammaticale de Moïse, de Paul et de Jean en personne. Vous auriez sous les yeux les enseignements du Seigneur Jésus tels que le Saint-Esprit nous les a communiqués.
L'élément surnaturel à travers le naturel
Il ne faut cependant pas confondre une capacité simplement naturelle avec le don que l'Esprit de Dieu veut nous accorder. Il est vrai qu'il y a souvent une relation très étroite entre les deux ; mais la capacité d'apprendre des langues n'amènera pas une seule âme à Dieu si cette capacité n'est entièrement donnée au Seigneur et imprégnée de son Esprit.
L'Esprit de Dieu peut donner, même à des personnes qui ne sont pas du tout douées naturellement, la capacité d'apprendre une langue difficile. Tous ceux qui ont une connaissance des missions chrétiennes à l'étranger savent que Dieu utilise souvent des hommes et des femmes qui, humainement parlant, ne seraient jamais considérés comme étant aptes à entreprendre une action missionnaire. L'Esprit fait aussi des miracles dans ce domaine.
Pourtant, il faut reconnaître que le Dieu qui nous a tous faits connaissait les siens avant même de fonder le monde. S'il a créé un homme avec, par exemple, une belle voix, où avec un penchant pour les travaux pratiques, ou avec un sens esthétique ou mathématique bien développé, ce n'est certainement pas pour rien. Il en est de même pour la capacité naturelle que Dieu donne à certains pour apprendre et parler des langues ; ceci non plus n'est pas sans raison. C'est une erreur que de supposer que le don spirituel n'a jamais rien à voir avec les qualités simplement humaines que Dieu a créées. Dieu veut l'homme tout entier pour lui : corps, âme et esprit, y compris ses facultés naturelles. Lorsqu'un homme accepte de s'intégrer pleinement en Christ, l'Esprit de Dieu sanctifie et son âme et son corps. Inévitablement, certains éléments disparaissent ; d'autres qualités, par contre, sont reprises par Dieu et transformées. Les capacités naturelles de l'homme sont alors identifiées à Christ dans sa mort pour « ressusciter » avec lui dans une nouveauté de vie. C'est ainsi que l'Esprit de Dieu peut prendre les caractéristiques d'un homme, d'une personnalité, d'un cerveau, d'un corps — comme il l'a fait dans les cas de Joseph, de Moïse, de Jonas, de Daniel, des apôtres Paul et Jean — pour les refaçonner de manière à créer un homme nouveau, une personnalité reconstituée qui ne change cependant pas d'identité.
Ainsi, les facultés naturelles de l'homme sont transformées par une action divine ; elles sont adaptées par l'Esprit de Dieu aux exigences de sa volonté. Celui qui aime la musique peut devenir lui-même un instrument dans |a main de Dieu ; celui qui a une facilité pour les langues peut devenir un écrivain inspiré du Saint-Esprit, ou l'apôtre d'une pauvre tribu perdue dans la forêt équatoriale.
L'Esprit de Dieu, en nous identifiant à Christ, nous baptise, nous plonge dans sa mort et, par cette action, fait disparaître les ambitions mondaines qui autrement auraient accaparé nos facultés ; l'Esprit de Dieu oriente notre vie dans un sens tout autre que celui de notre choix. Il en fut de même pour Jésus de Nazareth : avec son intelligence extraordinaire, il aurait pu gouverner le monde en remplaçant César ; c'est exactement la proposition que le diable lui a faite lors de son épreuve dans le désert Luc 4.5-8. Pourtant, l'homme Jésus a accepté d'accomplir la volonté de son Père et non la sienne : il a choisi de suivre les voies du Saint-Esprit qui l'ont amené jusqu'à la croix : la seule couronne qu'il obtint sur la terre fut une couronne d'épines.
Pourtant, sa langue est devenue le véhicule de la pensée de son Père ; les paroles de sa bouche apportent aux hommes la lumière du salut. De même, notre langue, une fois « morte », « baptisée » en Christ, peut devenir l'instrument par lequel Dieu donne la vie éternelle au monde.
Une réflexion personnelle
Alors que j'étais encore un jeune chrétien, j'ai réfléchi sur la conception biblique du don des langues. J'ai très bien compris qu'il s'agissait d'un phénomène surnaturel tel que le livre des Actes nous le présente ; mais j'ai été également très conscient qu'il existait un autre aspect de cette question. Dieu a permis que mon enfance et ma jeunesse soient partagées entre deux cultures et deux langues totalement différentes : celle de l'Espagne, ma terre natale, et celle de l'Angleterre, le pays de mes parents. Je constatais que les rapports humains entre personnes et nations dépendaient de nos facultés de communication dont le véhicule est essentiellement la langue. Je reconnaissais déjà l'envergure des problèmes de la linguistique, y compris la quasi-impossibilité de traduire exactement une langue dans une autre. J'ai également vu la nécessité absolue de comprendre non seulement le vocabulaire, mais encore la pensée du peuple auquel je voulais communiquer une idée. Enfin, j'ai été intrigué dès mon adolescence par la question des langues.
Par mon métier de professeur de lettres, Dieu m'a amené à vivre et à travailler dans plusieurs autres pays. Cette expérience m'a encore ouvert les yeux sur l'importance fondamentale de la langue. Lorsque, plus tard, durant les terribles années de la deuxième guerre mondiale, les armées de terre m'ont traîné de continent en continent, Dieu s'en est servi pour approfondir et élargir encore plus ma compréhension du potentiel et des difficultés infinies de la langue humaine.
Non seulement cela, mais, par ces expériences, Dieu a clarifié ma vision en ce qui concerne les besoins spirituels des nations. Mieux que jamais j'ai compris la signification de la grande foule des rachetés que l'apôtre Jean a vue au ciel « de toute nation... et de toute langue » Apocalypse 5.9-10 ; 7.9. Je voyais le rapport qui existait entre cette vision et le commandement du Seigneur Jésus de parachever l'évangélisation des nations Matthieu 8.11 ; 28.19. J'ai enfin saisi à quel point la question des langues était primordiale dans l'économie de Dieu. Le péché de Babel devait disparaître devant la vision de la Pentecôte.
Une relation humaine cohérente entre soi-même et son prochain ne peut être établie que par le moyen de la langue. Si nous connaissons la langue d'un homme, nous sommes alors en mesure de pénétrer dans sa pensée, ses sentiments, ses raisonnements. L'Esprit de Dieu, afin de lui communiquer la connaissance de Christ, cherche à utiliser notre langue ; mais, pour que cela se réalise, il est nécessaire qu'il contrôle d'abord notre cerveau et notre corps entier.
C'est dans la mesure où je comprenais cette vérité que je saisissais le rapport, dans la pensée de Dieu, entre l'évangélisation du monde et la plénitude de l'Esprit. Les nations ne peuvent être éclairées que par le don total de notre personne à Dieu. C'est alors, et seulement alors, que Dieu peut utiliser notre langue pour faire connaître Christ aux îles, aux dernières tribus, aux villages les plus lointains, jusqu'aux extrémités de la terre... et même à notre propre pays si ignorant du Nouveau Testament. Notre bouche parle alors la langue de ceux qui nous écoutent.
La volonté de Dieu se réalisera enfin sur la terre comme au ciel le jour où la langue de tout son peuple sera en vérité le véhicule de la Parole ineffable de Dieu.
Le rapport entre Actes 2 et Marc 16
C'est ainsi que le phénomène décrit dans le chapitre 2 des Actes a commencé à prendre pour moi une nouvelle signification. Le Saint-Esprit n'a pas permis que les apôtres parlent « en langues » simplement pour « épater les gens », ni pour que les apôtres « se sentent bien » ou qu'ils soient « bénis » ; il l'a fait pour qu'ils comprennent que l'objectif suprême de Dieu, l'urgence absolue, est l'évangélisation du monde entier et que, pour atteindre ce but, il faut que les croyants parviennent à parler aux nations dans la langue qui est propre à chacune.
En ce premier jour de Pentecôte, l'Esprit s'est saisi de l'occasion unique qui s’est présentée devant la foule cosmopolite, afin d'établir tout de suite un profond contact Spirituel avec les divers groupes linguistiques ; mais afin aussi de montrer à la jeune église sa véritable voie, celle qui devait amener les croyants à traverser les mers, les déserts et les continents pour remplir la terre de la connaissance de Christ... dans la langue maternelle de chaque famille humaine, dans toutes les guéné glôssôn.
Dieu m'a donc amené à concevoir un rapport très profond entre le phénomène de la première Pentecôte à Jérusalem et sa volonté pour nous, son Église, à l'égard des nations. Ces deux aspects de l’action de l'Esprit, à première vue distincts, se sont révélés d'une unité très évidente. J'ai vu Actes 2 comme un poteau indicateur des intentions de l'Esprit de Christ qui montre à l'Église sa voie, sa tâche essentielle. Il s'ensuit alors que la responsabilité inévitable de l'Église consiste à apprendre toutes les langues humaines afin de traduire la Bible et de prêcher Christ dans ces langues. L'Église est appelée par son Maître à l'apostolat total elle est, à ses yeux, un corps missionnaire. Sa raison d'être consiste à glorifier Dieu et Dieu est le plus glorifié lorsque Christ est prêché et les âmes sont sauvées.
Un don des langues fantastique
Le missionnaire de Jésus-Christ n'est pas dispensé de la nécessité d'apprendre la langue du peuple dans lequel il est envoyé. Comme nous l'avons dit, l'Esprit est certainement toujours capable d'accorder un don des langues surnaturelles ; pourtant, il s'attend normalement à ce que nous nous donnions la peine d'utiliser les facultés qu'il nous a données. Il suffit d'étudier la biographie de tous les grands missionnaires chrétiens pour s'en rendre compte. Prenons un seul exemple, celui de William Carey que l'on appelle avec raison « le père des missions modernes ».
Né en 1761 d'une famille anglaise pauvre, il a dû commencer à gagner sa vie dès l'âge de 14 ans comme cordonnier. Il serait passionnant de raconter l’histoire de sa vie, mais ce serait trop long de le faire ici. Contentons-nous de dire que, sur le mur de son atelier, il avait suspendu une carte du monde alors connu, qu'il remplissait de détails à mesure qu'il priait, étudiait, et réparait les souliers ! Très tôt, il apprit le latin, le grec, l'hébreu, le français et le hollandais, avant de se pencher encore sur d'autres langues.
À l'âge de 32 ans, il partit — chose inouïe à l'époque — avec une petite équipe pour implanter l'Évangile aux Indes. Face à d'énormes difficultés, il réussit à fonder une mission qui subvenait à ses propres besoins matériels. Il apprit assez tôt le sanscrit et le bengali et réussit à traduire la Bible d'abord en bengali. Avant sa mort, à l'âge de 73 ans, il avait traduit et fait traduire la Bible, en entier ou en partie, en non moins de 44 langues et dialectes du sub-continent. Il avait même fait imprimer ces versions par la presse qu'il avait lui-même créée à Sérampore.
Allez-vous me dire que cet homme n'avait pas le don des langues ? Et si nous devons faire la comparaison entre les exploits d'un tel apôtre de Christ et les propos incompréhensibles qui passent aujourd'hui pour être un « parler en langues », que dirons-nous ? À laquelle de ces deux conceptions croyez-vous que notre Sauveur s'intéresse le plus ? Laquelle des deux avancera le mieux son œuvre ?
Un témoignage contemporain
En l'année 1963, en réponse à un appel pressant à la jeunesse chrétienne des deux côtés de l'Atlantique, non moins de mille jeunes, garçons et filles, se sont rencontrés en France, tous prêts à consacrer un mois ou deux de leurs vacances à l'évangélisation de l'Europe. Personne ne s'attendait à une telle réponse : c'était une avalanche humaine ! Si je décrivais en détail cette expérience et la manière extraordinaire dont le Saint-Esprit maîtrisa une situation humainement inextricable pour achever l'impossible, cela ferait tout un roman !
Ce qui nous intéresse ici, c'est le fait que cette jeunesse est venue, si je ne me trompe, d'une quarantaine de pays différents et que, pour s'entendre, s'organiser en équipes en cinq jours seulement, et puis travailler à l'évangélisation des différents pays de l'Europe pendant le reste du temps, il fallait utiliser au moins huit langues simultanément. J'ai pu témoigner de la sagesse divine que l'Esprit accordait en sanctifiant et en utilisant au maximum le potentiel qui lui était offert. Instantanément, les garçons et les filles qui connaissaient plus d'une langue ont trouvé un travail indispensable à faire pour Dieu. Chaque message, chaque ordre, chaque suggestion a dû être communiqué aux différents groupes linguistiques ; chaque équipe, étant composée de plusieurs nationalités à la fois, avait besoin d'au moins une où deux personnes pouvant servir de porte-parole de l'Évangile dans le pays de destination : les autres équipiers contribuaient chacun selon ses possibilités à la distribution des traités, à la vente des Bibles et des livres, aux contacts avec les gens, aux travaux pratiques, aux besognes, aux prières, à la conduite des (très vieux) camions. Une équipe de mécaniciens-dépanneurs volontaires s'est constituée, d'autres personnes compétentes ont assuré les liaisons et le courrier. Enfin, l'Esprit de Dieu a accaparé les facultés qui lui étaient offertes pour faire réussir ce gigantesque acte de foi. Même l'argent est venu miraculeusement en réponse à la prière. J'en ai été témoin.
Ce qui m'a particulièrement impressionné dans cette entreprise d'évangélisation, c'était le besoin impérieux d'un « don des langues » vivant, pratique, terre-à-terre et chargé de l'immense grâce de l'Esprit de Christ. J'ai compris , mieux que jamais, qu'il fallait à l'œuvre de Dieu des hommes et des femmes auxquels Dieu accorde une connaissance linguistique, même élémentaire, qui soit soumise à ses directives pour qu'ils deviennent la bouche de Dieu parlant aux millions d'êtres humains qui ne savent encore rien de vrai sur Jésus-Christ. Un fait très intéressant est ressorti de cette expérience : on a trouvé que les équipiers qui connaissaient peu la langue du pays en question vendaient souvent plus de livres chrétiens et de Bibles que les « spécialistes » ! Dieu sanctifiait et utilisait leurs « cinq pains et deux petits poissons » Pour apporter le pain de vie à ces multitudes de non-croyants qui, pour la plupart, y rencontraient un témoignage de l'Évangile, faible peut-être, mais vrai, et cela, pour la première fois de leur vie.
Lorsqu'il se trouvait dans l'équipe ne serait-ce qu'une seule personne connaissant vraiment bien la langue du pays en question, quelle bénédiction à la fois pour l'équipe et pour ceux qu'elle voulait atteindre ! Quelle puissance qu'une langue bien parlée dans la bouche d'un jeune serviteur ou d'une jeune servante de Dieu prêt à tout affronter par amour pour les âmes perdues !
Tout aussi utile était la présence dans l'équipe d'une ou deux personnes connaissant plus d'une langue et qui pouvait traduire, pour le bien de tous, l'essentiel de ce qui était dit. J'ai vécu des heures inoubliables avec ces jeunes équipes multi-nationales, ce qui m'a fait comprendre d'une nouvelle façon le besoin et l'utilité d’un « don des langues » et d'un « don d'interprétation » pratiques. Les chrétiens qui n'ont jamais essayé d'apporter l'Évangile dans des pays étrangers ne peuvent se rendre compte de l'importance du problème linguistique. Seriez-vous étonné si je vous disais qu'un très grand nombre de ces jeunes évangélistes « de fortune » sont maintenant devenus des « hommes-clefs » dans l'œuvre de Dieu dans des pays très divers ? Je suis émerveillé de constater leur maturité spirituelle.
Je me souviens qu’en cette première année 1963, ces équipes improvisées ont pu distribuer, en deux mois et rien qu'en France, vingt-cinq millions de tracts d'évangélisation ! Je crois que ce pays n'avait jamais vu chose pareille. Cet acte de foi initial a suscité par la suite une évangélisation qui a atteint presque tous les villages et villes de France. Cet effort a été effectué dans l'ensemble par de très jeunes chrétiens pour qui le français était une langue étrangère et la France, un pays inconnu. Voilà, mes frères, un peu de foi qui doit nous faire réfléchir ! Mais cette évangélisation a été accomplie en français, souvent imparfait, et non dans une langue inintelligible...
Ma participation dans cet acte de Dieu a été bien petite, mais combien je remercie mon Maître pour ce privilège ! Cette expérience, certes, n'était pas entièrement nouvelle pour moi. J'avais vécu dès ma jeunesse dans une ambiance plus ou moins cosmopolite ; j'étais depuis longtemps habitué à une action internationale, d'abord par mon enfance, ensuite par les études et ma profession, sans parler des années de guerre, et finalement par ma vocation missionnaire en Afrique et dans une vingtaine-de pays par la suite.
Et pourtant ! Ce que j'ai vu auprès de ces jeunes équipes d'évangélisation était à l'époque si nouveau, si inattendu, si révolutionnaire que cela m'a permis d'avoir une compréhension bien plus profonde de l'œuvre de Dieu. Là, les barrières nationales et ecclésiastiques n'existaient plus ; la confusion des langues cédait devant l'unité du Saint-Esprit. On vivait une dimension spirituelle vraiment apostolique que cette jeune génération découvrait à son tour par l'obéissance à son Seigneur. Comme le paralytique s'est levé, comme l'homme à la main sèche l'a étendue par l'obéissance de la foi en Christ, ainsi cette multitude disparate de jeunes enthousiastes est devenue, au bout de quelques jours de prière, d'entrainement, d'exhortations et de préparatifs, une armée de Dieu prête à combattre, prête à se sacrifier et à vaincre. Malgré les frontières linguistiques — et ce sont les frontières les plus absolues qui soient — l'Esprit de Dieu a créé une unité de vision et une efficacité à peine imaginables afin d'accomplir sa volonté.
Le « choc » spirituel de ces années d'expériences « multi-nationales » m'a amené à réexaminer, avec une optique toute fraîche, la conception biblique du don des langues. Dieu veut que tout son peuple relève le défi des nations et le défi du prince des ténèbres qui les tient assujetties ; il désire par-dessus toutes choses communiquer au monde la lumière éblouissante de Christ. En fin de compte, cela ne peut s'effectuer que par la langue, parlée ou écrite, celle de l'être humain auquel nous sommes confrontés. Dieu ne se passe pas de ce moyen de communication inévitable qu'est la langue : langue intelligible.
Un don d'interprétation indispensable (voir aussi le commentaire sur 1 Corinthiens 14.15, 13)
Pour mener à bien l'évangélisation du monde, il nous faut non seulement un vrai « don des langues », mais aussi un vrai « don d'interprétation » ! Cela est devenu chaque année plus évident à mes yeux à mesure que l'Esprit de Dieu m'a entraîné dans une série de voyages de plus en plus fréquents, de pays en pays, en réponse aux appels urgents d'innombrables groupes de jeunes croyants désireux de servir Dieu et prêts à évangéliser. Je me suis souvent trouvé dans des pays où la langue m'était peu familière ou même totalement inconnue. Toutefois, Dieu a permis que j'atteigne un très grand nombre de personnes à un niveau profond et de façon réaliste, grâce au don d'interprétation.
Vous allez me dire sans doute : « Ah ! mais il n'y a rien d’extraordinaire à cela ! Il suffit de trouver une personne connaissant les deux langues pour pouvoir être traduit et se faire comprendre... ».
Se faire comprendre ? Oui, pour acheter un savon de toilette, ou pour trouver la direction de la gare, bien sûr ! Mais pour communiquer la Parole de Dieu, il faut plus qu'une connaissance des deux langues. Il m'est arrivé quelques fois, dans certains pays, de me trouver devant un auditoire réceptif, bien disposé, mais qui ne recevait rien ou peu de la part du Seigneur : celui ou celle qui me traduisait, bien que possédant une bonne connaissance des langues en question, ne parvenait pas à transmettre ce « quelque chose » d'indéfinissable qu'est l'action du Saint-Esprit.
À d'autres occasions, par contre, Dieu dans sa grâce a suscité un traducteur ou une traductrice avec un véritable « don d'interprétation », capable de communiquer la Parole vivante de Dieu. Lorsque ces personnes me traduisaient, le message allait directement aux cœurs. Ceux qui nous écoutaient étaient chaque fois saisis par la main de Dieu. Moi-même, j'avais l'impression de parler « en direct » à mon auditoire sans dépendre de l'interprète. C'était comme une seule bouche qui parlait. L'Esprit de Dieu agissait sur nous et entre nous avec autant de rapidité et de force qu'un puissant courant d'électricité ! Un tel degré d'unité spirituelle dans le domaine de la pensée et de l'expression, ne peut venir que d'une profonde communion spirituelle entre le prédicateur et son interprète.
Seuls ceux qui ont travaillé pour Dieu dans des conditions comparables peuvent se rendre compte du sens de ce don. Avec l'intensification actuelle des rapports internationaux, ce don devient de plus en plus nécessaire.
Le réalisme de Dieu
Ces expériences m'ont fait comprendre tout à nouveau l'urgence de notre tâche. Nous ne sommes sur cette terre que pour peu de temps ; les nations naissent, meurent, passent dans l'éternité... pour la plupart sans Christ, parce que l'Église n'a pas accepté le défi de la vérité. Nous, chrétiens, nous nous occupons la plupart du temps de nos petites affaires ecclésiastiques, nous perdons nos années plus que précieuses dans des controverses et parfois dans des futilités au lieu de viser l'horizon de Dieu. Nous arrivons même à nous bercer d'illusions, comme si l'Esprit de Dieu se contentait de nous conduire dans des expériences irrationnelles pour nous faire oublier que la vaste majorité des hommes vivent et meurent dans l'ignorance du Nouveau Testament.
Dieu me rappelle qu'il est réaliste. Ce qui l'intéresse, c'est la prédication de l'Évangile là où Christ n'est pas connu, la traduction de la Bible dans chaque langue terrestre, l'implantation de nouvelles églises là où il n'y en a pas : Dieu vise surtout le salut des âmes. À un homme qui est prêt, à une église qui est disposée à lui obéir, Dieu est prêt, lui aussi, à fournir l'intelligence, la puissance et la grâce de son Esprit pour l'accomplissement de son objectif. Les signes véritables accompagnent ceux qui croient, au point de mettre en pratique sa Parole.
Soyons aussi réalistes que Dieu !