On a beaucoup discuté la question de savoir quelle était cette « fête des Juifs. » La question est importante à cause de la chronologie de l’évangile de Jean et de la vie de notre Sauveur. Si l’on peut prouver que cette « fête des Juifs » était la pâque, alors saint Jean parlerait de quatre pâques distinctes ; dans ce cas, le ministère de Christ aurait duré trois ans et demi, la moitié d’une semaine d’années, d’après Daniel 9.27. S’il s’agit de la fête de Pentecôte ou de celle de Purim, les indications du livre de Daniel ne seraient pas confirmées par les dates contenues dans l’évangile de Jean.
On a prétendu qu’il s’agit ici de la fête de Purim, celle qui précéda immédiatement la seconde fête de Pâque, durant le ministère du Seigneur ; c’est l’opinion de Tholuck et d’Olshausen, ainsi que de Néander. L’évangéliste met en relation la venue de Jésus à Jérusalem avec la célébration de cette fête ; or, celle de Purim n’aurait pu attirer Jésus à Jérusalem ; ce n’était pas une fête religieuse, mais simplement populaire, d’institution humaine ; chacun la célébrait dans sa maison. Les excès qui caractérisaient cette fête auraient empêché Jésus de la sanctionner par sa présence ; il s’agirait donc plutôt, selon nous, de la fête par excellence, celle de Pâque.
Le théâtre de ce miracle fut le voisinage immédiat de la piscine de Béthesdab. On a pensé que l’excavation profonde située près de la porte Saint-Étienne est l’ancien Béthesda ; mais Robinson n’est pas de cet avis ; il pense que Béthesda est aujourd’hui la fontaine de la vierge, la source supérieure de Siloé ; il a pu y constater un bouillonnement très fort des eaux, suivi de leur disparition très prompte.
b – πύλῃ προβατική : la porte des brebis. Il s’agit d’un réservoir placé près de cette porte.
Sous les portiques « étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques ; » le verset suivant n’est pas authentique, il provient sans doute d’une note marginale au sujet de la vertu curative de ces eaux. Parmi tous ceux qui étaient près du réservoir, Jésus-Christ discerne un malade qui sera l’objet de sa délivrance, un seul, car il n’est pas venu pour guérir les corps, mais avant tout les âmes. Cet homme était malade depuis trente-huit ans ; il n’est pas dit qu’il fût venu au réservoir pendant tout ce temps-là ; toutefois, d’après ses paroles, il y avait longtemps qu’il espérait sa guérison par le moyen de l’eau. La question : « Veux-tu être guéri ? » pourrait paraître superflue au premier abord ; la présence même de cet homme dans ce lieu témoignait de son désir ; mais elle a son but spécial : l’impotent avait probablement attendu si longtemps en vain qu’il avait perdu tout espoir ; la question devait réveiller en lui le désir d’une délivrance, que le Sauveur, dans ses compassions, allait lui accorder ; Jésus, en le persuadant de croire à son amour, le préparait à croire aussi à sa puissance. Dans la réponse du malade, il n’y a pas de réplique directe, mais une simple explication de la durée de son infirmité : « Je n’ai personne pour me jeter dans la piscine quand l’eau est agitée. » La vertu de l’eau disparaissait si promptement que le malade ne pouvait en profiter, personne ne lui venant en aide : « Pendant que j’y vais, un autre descend avant moi. » Mais la délivrance approche : « Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton lit, et marche ; » cet homme crut que la force lui serait donnée avec l’ordre, et c’est ce qui eut lieu : « Aussitôt il fut guéri ; il prit son lit et marcha. » L’impotent guéri par la parole de Pierre marcha, sauta et loua Dieu ; son infirmité n’était pas le châtiment d’un péché particulier, car il était « boiteux de naissance. » Mais le malade guéri à Béthesda doit emporter son lit, qui lui rappellera son péché.
« Les Juifs, » non pas la multitude, mais quelques chefs spirituels de la nation, blâment cet homme d’emporter son lit pour obéir à l’ordre de Christ, parce que c’était le sabbat. Ils pouvaient se fonder à cet égard sur une prescription de l’Ancien Testament ; mais il ne s’agissait pas ici d’un travail ; emporter ce lit n’était que la conséquence de la guérison, une preuve de sa réalité ; il était permis de guérir un jour de sabbat, permis, par conséquent, de faire tout ce qu’impliquait cette guérison. Le sujet de controverse entre Jésus et ses adversaires est celui-ci : est-il plus juste de faire du bien le jour du sabbat que de ne pas le faire ? (Luc 6.9). Partant du principe que négliger de faire le bien est contraire à la loi, Jésus affirme qu’il est le véritable observateur du sabbat, imitant en cela son Père, qui accomplit ce jour-là des œuvres de charité ; c’est parce qu’il faisait de telles œuvres que les Juifs le persécutaient, et non pour avoir dit à cet homme d’emporter son lit.
Les Juifs pharisaïques, s’appuyant sur des passages tels que Exode 23.12 ; 31.13-17 ; 35.2, 3 ; Nombres 15.32-36 ; Néhémie 13.15-22, avaient établi une foule de prohibitions et de distinctions subtiles au sujet du repos du sabbat ; le pauvre paralytique ne s’embarrassa pas de cette casuistique ; il ne voulait savoir qu’une chose, c’est que Celui qui l’avait guéri, qui lui avait témoigné de la compassion, lui avait ordonné de faire ce qu’il faisait : « Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton lit, et marche. » C’est une bonne réponse, dont le chrétien peut se servir à l’occasion.
Les Juifs s’informent alors de cet homme, qui mérite, selon eux, une censure : « Ils lui demandèrent : Qui est celui qui t’a dit : Prends ton lit, et marche ? » ils ne disent pas : Quel est l’homme qui t’a guéri ? mais, sachant parfaitement quel il était et désirant détruire son influence sur celui qu’il avait guéri, ils insinuent par leur question que celui qui a donné un tel ordre ne peut venir de la part de Dieu, puisque eux-mêmes, les interprètes de la loi de Dieu, sont scandalisés.
Mais celui qui avait été guéri ne pouvait désigner son bienfaiteur, car il avait disparu : « Jésus avait disparu de la foule qui était en ce lieu. » La foule rendait sa disparition facile ; on pourrait croire qu’elle avait été réunie par les chefs dans un but hostile à Jésus-Christ, mais ordinairement le peuple prenait le parti du Seigneur dans de telles circonstances.
C’est d’un bon augure pour l’homme guéri que « Jésus le trouve dans le temple » plutôt qu’ailleurs. Il offrait sans doute des actions de grâces pour la guérison qu’il avait obtenue (Ésaïe 38.22 ; Actes 3.8). Mais Jésus ne veut pas le quitter sans lui avoir donné un solennel avertissement, montrant ainsi qu’il connaissait sa vie passée : « Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire, » de pire que ces trente-huit ans de souffrance ! Ces paroles nous laissent entrevoir la sévérité des jugements de Dieu. Nous ne savons pas ce qu’avait été le péché de cet homme auquel Jésus fait allusion, mais l’homme le connaissait bien, sa conscience le lui disait ; Christ rattache donc la maladie à un péché particulier. Plus d’un malade, aujourd’hui, doit reconnaître que son péché l’a placé sous le jugement de Dieu.
« Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri. » Il reconnut dans le temple Celui qu’il ne pouvait reconnaître dans la foule ; Augustin dit, à ce sujet, que le calme intérieur : la solitude sont indispensables pour reconnaître le Seigneurc. Cette remarque est juste, mais elle ne peut avoir sa place ici ; l’homme apprit sans doute des assistants le nom de son libérateur et le publia par reconnaissance. Il pensait probablement, dans la simplicité de son âme, que le nom de Celui que plusieurs regardaient comme un prophète, sinon comme le Messie lui-même, serait suffisant pour fermer la bouche des adversaires ; mais sa parole ne servit de rien. Les Juifs furent plus excités encore ; il en est toujours ainsi de la révélation du divin, quand elle n’attire pas, elle repousse ; ce qu’elle n’amène pas à l’obéissance, elle le change en hostilité déclarée. Les Juifs sont encore plus irrités contre le Seigneur, parce qu’il a violé le sabbat en guérissant cet homme et anéanti par là les traditions ; ils « cherchaient à le faire mourir, » tandis que Jésus s’efforçait de leur faire envisager le sabbat du vrai point de vue. Il ne viole pas le sabbat plus que Dieu lui-même, qui maintient d’heure en heure l’œuvre de la création : « Mon Père agit jusqu’à présent ; moi aussi, j’agis ; » mon travail n’est que le reflet du sien ; le sabbat n’entraîne pas nécessairement l’abstention de tout travail, mais l’homme doit cesser son œuvre, lorsqu’une œuvre supérieure doit s’accomplir en lui ; il se dissiperait dans son travail, il a besoin de recueillement. Mais il en est autrement pour Celui qui est un avec le Père ; en lui, le plus profond repos n’est pas incompatible avec la plus grande activité. Les adversaires de Jésus deviennent toujours plus furieux contre lui ; il leur apparaît comme blasphémateur, car il se fait égal à Dieu, c’est pourquoi ils cherchent à le faire mourir. Jésus prononce ensuite un discours très important au sujet des rapports du Père et du Fils ; il déclare quel est le fondement de la foi, mais nous ne pouvons l’étudier ici.
c – « Difficile est in turba videre Christum. Turba strepitum habet ; visio ista secretum desiderat. In turba non eum vidit, in templo vidit. » Il est difficile de voir Christ dans une foule. La foule est pleine de bruit ; la vision réclame une solitude secrète : cet homme ne vit pas Jésus dans la foule, mais dans le temple il l’a vu.