Ce second article contient : 1° trois catalogues des anciens écrits des Vaudois. 2° quelques-uns de ces écrits réputés les plus importants, indiqués plus haut.
Ce premier catalogue contient l’indication des écrits des anciens Vaudois qu’a eus entre les mains Perrin, et qu’il mentionne dans son Histoire des Vaudois du commencement du XVIIe siècle, ou dans celle des Vaudois albigeois.
1° « Premièrement, dit-il, nous avons en main un Nouveau-Testament en langue vaudoise. » C’est ainsi qu’il appelle la langue romane dans laquelle était écrit le livre.
2° » Un livre intitulé : l’Antechrist, Il porte la date de l’an 1120. Dans le volume qui le contient, se trouvent plusieurs sermons des barbes vaudois.
3° » Un traité contre les péchés et des remèdes pour leur résister.
4° » Un écrit intitulé : Livre des Vertus. Dans le volume qui le contient, se trouvent un traité portant en tête : De l’Enseignament de li filli, ou de l’instruction des enfants — un traité intitulé : Li parlar de li Philosophes et Doctors, c’est-à-dire, sentiments des philosophes et docteurs ; — un Commentaire ou paraphrase sur le symbole des Apôtres ; — un semblable travail sur les commandements de Dieu de même sur l’oraison dominicale : — un traité du jeûne ; un traité, intitulé : Les Tribulations.
5° » Un petit catéchisme Intitulé : Interrogations menors, c’est-à-dire, courtes interrogations.
6° » Un traité contre la danse et les tavernes.
7° » Un traité des quatre choses à venir ; savoir : la mort à tous, la vie éternelle aux bons, l’enfer aux méchants et le dernier jugement.
8° » Un traité avec ce titre : Del Pulgalori soima, c’est-à-dire, du purgatoire songé ou rêvé.
9° » Un traité contre l’invocation des saints.
10° » Un livre fort vieux qui a pour titre : Aico es la causa del nostre departiment de la Gleisa romana, c’est-à-dire, ceci est la cause de notre séparation de l’Eglise romaine. Dans ce même volume est une épître ou apologie des Vaudois, ayant pour titre : La Epistola al serenissimo rey Lancelau, a li ducs, barons, e a li plus veil del regne ; lo petit Tropel de li Christians appela per fals nom falsament P. o V., c’est-à-dire, Epître au sérénissime roi Lancelau, aux ducs, barons et aux plus anciens du royaume ; le petit troupeau de chrétiens appelés faussement du faux nom de Pauvres ou Vaudois.
11° » Aussi un livre renfermant plusieurs sermons des barbes et une épître appelée : Epître aux Amis, contenant plusieurs bonnes instructions pour apprendre comment toute sorte de personnes doivent se conduire à tout âge. Dans le même volume se trouve un livre intitulé : Sacerdotium, qui enseigne quelle doit être la charge des bons pasteurs et quelle sera la punition des mauvais.
12° » On nous a aussi remis en main un livre de poésie, en langue vaudoise, dans lequel se trouvent les traités suivants (1) : une prière intitulée : Novel confort ; — une pièce en vers : Les quatre sortes de Semences mentionnées en l’Evangile ; — une autre intitulé : La Barque, — et une appelée : La Noble Leçon, duquel livre fait mention le sieur de Sainte-Aldegonde.
(1) – Si ce volume a été copié sur un autre, contenant les même poésies, comme il est naturel de le penser, Raynouard aurait jugé avec raison que ces poésies étaient aussi anciennes que la Noble Leçon qu’elles précèdent dans le manuscrit ici indiqué.
13° » Nous avons aussi un traité remarquable, intitulé : Le verger des Consolations, contenant plusieurs bonnes instructions, confirmées par l’Ecriture sainte et par plusieurs autorités des anciens.
14° » Idem, un vieux traité, sur parchemin, intitulé : De l’Eglise.
15° » Un autre ayant pour titre : Trésor et Lumière de la foi.
16° » 16° Un livre : L’Almanac Spiritual.
17° » Un autre : Du Moyen de séparer les choses précieuses des viles et contemptibles, c’est-à-dire, les vertus et les vices.
18° » Enfin, le livre de George Morel (2), où sont contenues toutes les demandes que firent George Morel et Pierre Masson à Œcolampade et Bucer, touchant la religion et les réponses desdits.
(2) – On peut conjecturer de ce passage que l’écrit de Morel était en langue romane, dialecte vaudois, mais que, pour le mettre à la portée d’Œcolampade, il dut être traduit en latin, circonstance que Scultetus ignorait, lorsqu’il en parle, comme étant écrit en latin.
» Tous lesquels livres, ajoute Perrin, sont écrits en langue vaudoise,… tous suffisants pour bien instruire leurs peuples à bien vivre et à bien croire. » (Perrin, Histoire des Vaudois, p. 57 à 60. — Léger, Ire part., p. 24 à 25. )
Ce second catalogue est celui des écrits anciens des Vaudois, recueillis aux Vallées par Jean Léger, et remis par lui, l’an 16138, à l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à Turin, lord Morland, qui les a déposés dans la bibliothèque de l’université de Cambridge.
D’après Léger, ces écrits étaient contenus dans sept volumes, comme suit :
« Le premier volume, marqué de la lettre A, contenait les seize traités suivants :
1° » L’histoire de la création et du déluge, en langue vaudoise.
2° » Un traité, diverses instructions que l’homme doit tirer de la nature de plusieurs animaux.
3° » Un traité des péchés ; explication allégorique et morale de la bête, décrite au chapitre XIII de l’Apocalypse, en langue vaudoise.
4° » Un traité de la Parole de Dieu et de son efficace. Il indique comment il faut la recevoir et la pratiquer, portant la date de l’an 1230.
5° » Plusieurs pièces en latin contre les prêtres et les moines.
6° » Un traité contre les traditions des hommes : Li Tramettament, non en accord avec les saintes Ecritures.
7° » Une Exhortation à Hermon, pour qu’il abandonne le service des créatures et se convertisse à Dieu.
8° » Traité touchant les plantes pharisaïques, que le Père n’a point plantées, c’est-à-dire, contre les moines des divers ordres, franciscains, dominicains et plusieurs autres.
9° » Un traité latin, du devoir du mari et de la femme.
10° » Un traité latin sur le symbole des Apôtres.
11° » Un dit, en latin, de la naissance et du progrès de l’idolâtrie et de sa destruction par l’Evangile.
12° » Un traité latin sur les sources du péché.
13° » Un dit, latin, sur le vrai purgatoire et sur la purification du péché.
14° » Un dit, latin, avec ce titre : Uni Deo placere studeamus ; travaillons à plaire à Dieu seul.
15° » Traité latin : Des trois Vérités : 1. Doctrinæ ; 2. Jusiitiæ ; 3. Vitæ, c’est-à-dire, de l’instruction, ou doctrine de la justice et de la vie.
16° » Enfin, traité latin intitulé : Sola Dei lege scripla definiri fidei controversia, c’est-à-dire, que les controverses sur la foi ne peuvent être réglées ou terminées que par la loi de Dieu écrite.
» Un second volume, marqué de la lettre B, contenait dix-huit traités et huit sermons, sous le n° 19.
1° » Glossa Pater, ou explication de l’oraison dominicale.
2° » Trecenas, ou trois cents passages des évangiles et des épîtres.
3° » Doctor, le docteur, ou témoignages tirés des pères sur la repentance.
4° » Las Penas, les châtiments du péché.
5° » Li Goy de Paradis, c’est-à-dire, les joies du paradis.
6° » Une épître à tous les fidèles.
7° » Un poème avec ce titre : Novel confort, nouvel encouragement.
8° » Un poème, intitulé : Novel sermon.
9° » Le poème de la Nobla Leyczon.
10° » Un poème : Lo Payre Eternal, le Père Éternel.
11° » Encore un poème : La Barca, ou la barque.
12° » L’explication des dix commandements.
13° » L’explication du symbole des Apôtres.
14° » Un traité du vice et du péché mortel.
15° » Un traité des dons du Saint-Esprit.
16° » Un, dit des trois vertus théologales et des quatre cardinales.
17° » Un des biens de la fortune, de la nature et de la grâce.
18° » Un des six choses honorables dans le monde.
19° » Enfin, huit sermons sur divers sujets.
— Sur les paroles oiseuses ; Matthieu 2.
— Sur le renouvellement de l’homme ; Éphésiens 4.
— Sur l’enfant Jésus.
— Sur la, ou les tentations.
— Sur ces paroles. Sauvez-nous, car nous périssons ; Matthieu 8.
— Sur le riche ; Luc 16.
— Un sur Jean 6.
— Un sur la parabole du semeur.
» Le troisième volume C, contenant sept écrits :
1° » Une exhortation à confesser nos péchés les uns aux autres et à Dieu.
2° » Un sermon de la crainte de Dieu.
3° » Un traité de la conviction de péché devant le jugement de Dieu.
4° » Un traité des tribulations.
5° » Un traité du martyre des Machabées et d’autres.
6° » Un de la souffrance et de la constance de Job.
7° » Un extrait de la vie Tobie.
» Un quatrième volume avec la lettre D. »
Léger n’en fait pas connaître le contenu autrement qu’en disant : « Où sont plusieurs très-excellentes méditations touchant les misères de cette vie, comme aussi de la nécessité de la repentance et des bonnes œuvres ; le tout en ancienne langue vaudoise et relié en parchemin.
» Un cinquième volume marqué de la lettre E, où sont contenus :
1° » Une grammaire latine des anciens barbes ou pasteurs des Vaudois des Vallées.
2° » Les Proverbes de Salomon.
3° » Une poésie très-pieuse en langue vaudoise.
4° » Un traité : de l’honneur et de la crainte de Dieu, et de la manière de vivre que les chrétiens doivent suivre.
5° » Un traité latin : de la morale.
6° » Un traité d’arithmétique.
» Un sixième volume, relié en parchemin et marqué de la lettre F, contenant en langue vaudoise :
1° » L’Evangile de saint Matthieu.
2° » Le premier chapitre de saint Luc.
3° » L’Evangile de saint Jean.
4° » Les Actes des Apôtres.
5° » La première Epître aux Corinthiens.
6° » L’Epître aux Galates.
7° » L’Epître aux Ephésiens.
8° » L’Epître aux Philippiens.
9° » La première aux Thessaloniciens.
10° » La seconde à Timothée.
11° » L’Epître à Tite.
12° » Le chapitre XIe de l’Epître aux Hébreux.
13° » Les deux Epîtres de saint Pierre.
» Un septième volume, marqué de la lettre G, contenait un procès-verbal de l’an 1497, contre les Vaudois, par l’évêque d’Embrun : la bulle du pape Innocent IV, de l’an 1487, aussi contre les Vaudois, et plusieurs informations aussi contre eux, faites par l’archevêque d’Evreux, commissaire du pape, dans la vallée de Fraissinières, pendant les années 1475, 1478, 1481. Dans ce volume se trouvait l’ouvrage intitulé : Origo Valdensium, origine des Vaudois. » On annonce que ce dernier écrit est perdu. (Voir Léger, Histoire Générale,… etc., Ire part., p. 21, etc.)
Léger lui-même avait déposé dans la bibliothèque de Genève : 1° un volume relié, écrit sur parchemin, en caractères gothiques ; 2° et une liasse de plusieurs autres manuscrits importants sur les affaires des Vallées. (Voir Léger, ibid., p. 23…)
Les manuscrits de cette liasse ont été reliés depuis et forment trois volumes qui portent les nos 206, 208, 209. Le volume qui fut remis, déjà relié, a le n° 207.
En plaçant les écrits contenus dans ces quatre volumes, d’après l’ancienneté apparente des manuscrits, quant à leur copie, nous croyons pouvoir les ranger comme suit, en faisant remarquer néanmoins que les copies du même volume ne paraissent pas toutes du même écrivain ni de la même époque.
Le volume, qui porte le n° 206, est visiblement le plus ancien en ce qui concerne la copie. Non-seulement, cela paraît à l’état du papier qui est plus ou moins roussi ou noirci, et à l’état de l’encre, tellement détrempée, que les lettres en sont effacées et méconnaissables, mais on le reconnaît surtout à la forme des lettres, souvent difficiles à distinguer, même entre l’o et l’e. Ce qui a, sans doute, fait croire longtemps que ce volume était en langue catalane. Mais, après un examen attentif, nous y avons reconnu la langue romane, dans le dialecte vaudois, absolument la même que celle des autres manuscrits vaudois.
Nous n’y avons reconnu que trois titres différents : 1° celui de Vertuez, des Vertus ; 2° celui de Pistolettaz, petites Epîtres ; 3° et celui de Pistolas, d’Epîtres ou Lettres. — L’enseignement, qui y est contenu, est une morale populaire pratique sur l’usage des biens du monde.
Nous plaçons au second rang d’ancienneté, quant à la copie, du moins pour le commencement, le n° 209. Il contient :
1° « Les Conseils des barbes, sur les partages et les héritages, sur les juges et leurs jugements, sur la mort, sur le jugement, sur les joies du paradis, etc., etc.
2° » Un traité sur le privilège de dire : Notre Père, etc.
3° » Un traité sur les choses à venir, sur la mort et ses suites.
4° » Le traité intitulé : Le Vergier des Consolations, titre qui fait comprendre l’importance des instructions qu’il renferme. »
Le volume portant le n° 208, qui nous paraît devoir être placé en troisième ligne, sous le rapport de l’écriture, contient :
1° « Un traité de la Foi et de ses caractères (le commencement manque). Il contient le développement du Credo. Il émet l’opinion, que les apôtres, avant de se séparer composèrent le Credo, et indique les articles attribués à tel ou tel d’entre eux.
2° » Un traité sur les sept Sacrements ; l’auteur y distingue les vrais sacrements, institués par le Seigneur, de ceux qui ne sont point tels. Il en traite successivement. Quant au baptême même et à l’eucharistie, il les reconnaît pour vrais sacrements, il rejette les autres comme n’étant pas conformes à la sainte Ecriture.
3° » Une explication des dix Commandements.
4° » Un traité sur la véritable Pénitence ou repentance.
5° » Une Glose, ou explication de l’oraison dominicale.
6° » Un traité sur le Jeûne.
7° » Un traité sur le Purgatoire (3), beaucoup plus étendu que celui dont Perrin et Léger ont publié un extrait.
(3) Nous donnerons plus bas quelques extraits de ce traité primitif, avec des observations propres à montrer que le traité publié par Léger, etc., n’était qu’une nouvelle rédaction et un abrégé de celui-ci avec des changements notables.
8° » Traité de la Puissance des Clefs, etc.
9° » Enfin, un traité de la Pénitence ou repentance.
Le volume qui porte le n° 207, est celui des quatre, dont l’écriture est la plus soignée et la plus régulière. Il contient :
1° « Un recueil étendu, intitulé : Cantica, cantiques. Ils paraissent être un développement du Cantique des cantiques de Salomon.
2° » Un autre traité : La Barca, la Barque.
3° » Un : Lo Novel Sermon, le nouveau Sermon.
4° » Lo Novel Confort, le nouvel Encouragement.
5° » Le traité en vers : La Nobla Leyezon, la Noble Leçon.
6° » Lo Payre Eternal, le Père Éternel, aussi en vers.
7° » Lo Disprecz del Mont, le mépris du monde, également en vers.
8° » L’Evangeli de li quatre semencz, l’évangile des quatre semences, en vers pareillement.
9° » Enfin, un traité de la Penitencza, de la pénitence ou repentance. »
Plusieurs de ces nombreux écrits des anciens Vaudois sont indiqués à double et à triple ; mais cela n’empêche pas que leur nombre ne soit considérable, si l’on fait attention qu’ils ont tous été composés avant l’époque de la réformation, si ce n’est l’écrit de G. Morel.
Les titres qu’ils portent en tête caractérisent parfaitement cette Eglise ou société vaudoise, et montrent combien ses membres prenaient au sérieux les vérités de l’Evangile, avec quels soins ils s’efforçaient de mettre en pratique ses leçons.
Pour d’autant mieux faire connaître la croyance de cette Eglise et l’esprit qui animait ses conducteurs, ou barbes, ainsi que ses membres, nous donnons en entier, ci-après, quelques-uns de ces écrits et des extraits de quelques autres.
Auparavant nous devons faire remarquer au lecteur, que la différence considérable qui se remarque dans l’orthographe du même mot, dans les divers écrits, ne peut pas être invoquée pour infirmer les preuves d’ancienneté qui en ont été alléguées. Pour bien s’en convaincre, il ne faut pas oublier que ces écrits se sont conservés à l’aide de copies répétées plusieurs fois dans des temps forts différents. Car ces traités, destinés à l’usage journalier des fidèles, s’usaient et devaient être renouvelés, et lorsqu’ils étaient recopiés, on le faisait, sans doute, avec les changements que l’orthographe avait éprouvés.
En recueillant ces écrits dans le XVIIe siècle, après plusieurs horribles persécutions qui en avaient déjà beaucoup détruits, on a trouvé des copies, faites les unes plus tôt, les autres plus tard. Or, il n’est pas douteux que les derniers copistes avaient modifié l’orthographe, en suivant celle usitée de leur temps. On remarquera surtout cette différence dans le catéchisme, dont les copies devaient être incessamment renouvelées pour satisfaire aux besoins de la jeunesse.