Nous voyons déjà, par ce que nous avons exposé, comme une génération entière d’hérésiarques ; ce qui se comprend d’autant plus facilement que la plupart des novateurs, tous, veux-je dire, s’érigent en docteurs pour parler contre la foi, qu’ils ont abandonnée : tout changement de foi produit ainsi une nouvelle doctrine ; celui-ci un autre et de proche en proche les dogmes s’altérant peu à peu, il arrive que chacun d’eux se proclame l’inventeur d’une nouvelle doctrine. Saturnin et Marcion, par exemple, qu’on a appelés les Continents, ont prêché que le mariage était mauvais ; ils ont voulu entraver l’œuvre de Dieu, ils l’ont accusé indirectement d’avoir créé les deux sexes pour la reproduction de l’espèce ; ils ont banni de leur doctrine ce qu’ils appellent les actes matériels ; ils se montrent ainsi ingrats envers Dieu, qui a tout fait. Ils n’admettent pas qu’Adam ait été sauvé ; cette hérésie avait été déjà mise en avant par un certain Tatien.
Ce Tatien avait été disciple de Justin, et pendant la vie de celui-ci il ne proclama point la doctrine dont nous venons de parler ; mais après le martyre de saint Justin, quittant le sein de l’Église, enflé, je pense, par l’orgueil de l’enseignement, il crut se mettre en dehors des autres en donnant un caractère particulier à sa doctrine ; il traita de fables les Æons invisibles de Valentin ; il pensa comme Saturnin et Marcion à l’égard du mariage, admettant la débauche et la fornication : mais il fut l’auteur de la doctrine qui n’admet pas qu’Adam ait été sauvé.
D’autres, après Basilide et Carpocrate, proclamèrent, comme conséquence de la doctrine de ces deux imposteurs, la promiscuité des sexes, et ils regardèrent comme une chose indifférente de manger les viandes consacrées aux idoles, disant que Dieu s’inquiétait peu de tout cela. Nous nous arrêtons : le nombre de ceux qui ont flotté à tous les vents de doctrines est trop grand pour que nous puissions donner tous leurs noms.