Lorsque nous étions morts en nos fautes, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ.
Vous vous attendez, sans doute, mes chers auditeurs, à ce que j’appelle votre attention, en ce jour, sur le glorieux événement dont l’Église chrétienne célèbre la mémoirea. Telle n’est pourtant pas mon intention. Mais si le sujet que j’ai à cœur de méditer avec vous, n’est point la résurrection de Christ, du moins peut-on dire qu’il s’y rapporte dans une certaine mesure. Ce sujet le voici : la résurrection spirituelle de l’homme pécheur et perdu.
a – Sermon prononcé un jour de Pâques.
C’était aux chrétiens d’Ephèse, vous le savez, que l’Apôtre adressait les paroles de mon texte ; mais elles s’appliquent avec non moins de vérité à tous ceux qui, à une époque ou à une autre et dans quelque lieu que ce soit de la terre habitable, ont été élus en Jésus-Christ, rachetés par son sang, justifiés par sa grâce. D’eux aussi, il est vrai de dire que morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, ils ont été vivifiés par l’Esprit de Dieu.
Mes frères, quel spectacle solennel que celui d’un cadavre ! Quand, hier soir, j’essayai de me placer, par l’imagination, en face des réalités de la mort, mon âme, je l’avoue, recula d’épouvante. Je fus comme anéanti ! « Quoi ? me disais-je, est-il donc vrai que ce corps où je sens palpiter la vie, sera bientôt un festin pour les vers ! qu’en dehors et en dedans de ces orbites où maintenant mes yeux étincellent, ramperont d’immondes créatures, progéniture de la corruption ! que ces membres, aujourd’hui pleins de vigueur, étendus dans la froide immobilité, dans l’abjecte impuissance de la mort, deviendront un objet d’invincible dégoût, pour ceux-là même qui me chérissent le plus, en sorte qu’ils s’écrieront avec Abraham : « Otez mon mort de devant moi ! … » Peut-être, mes frères, ne parvenez-vous pas encore à réaliser, dans toute son horreur, ce lugubre tableau. Dites : ne semble-t-il pas étrange, ne semble-t-il pas incroyable, que vous qui, ce matin, êtes venus dans ce lieu de culte, serez un jour portés dans le sépulcre ; que ces regards qui en ce moment même sont fixés sur moi, seront voilés d’une obscurité éternelle ; que ces langues qui, tout-à-l’heure, faisaient entendre une sainte harmonie, bientôt ne seront plus qu’un peu de boue ; que vous, enfin, mon cher auditeur, que je vois en cet instant devant moi, dans toute la force de l’âge et de la santé, serez incapable de mouvoir un muscle, d’articuler un son, et deviendrez une masse inerte, fille de la fosse et sœur de la corruption ?… Sans doute, nul n’ignore ces sombres vérités ; nul ne peut les révoquer en doute ; mais n’est-il pas vrai que lorsque, par la pensée, l’on essaie de se les appliquer à soi-même, on est presque tenté de les déclarer impossibles ? Ah ! c’est que la mort exerce sur notre enveloppe terrestre de si épouvantables ravages ; elle met en pièces, d’une façon si hideuse, cette admirable organisation, chef-d’œuvre du Créateur, que c’est à peine si notre intelligence étonnée peut la suivre dans son œuvre de vandalisme !
Toutefois, mes chers amis, efforcez-vous de vous faire une idée aussi exacte que possible de ce qu’est un cadavre, et lorsque vous y serez parvenus, dites-vous, je vous prie, chacun en particulier, que c’est là l’image employée dans mon texte pour représenter la condition de votre âme par nature. Et en vérité, l’Apôtre n’eût pu faire usage d’une métaphore plus juste ; car de même qu’un cadavre est passif, inerte, insensible, prêt à se décomposer, ainsi est toute âme humaine si elle n’a été vivifiée par la grâce de Dieu : nous sommes morts dans nos fautes et dans nos péchés ; la mort habite en nous, et ce germe de mort est susceptible de se développer graduellement, de telle sorte que, laissés à nous-mêmes, nous tous qui sommes ici, pourrions devenir avec le temps des objets véritablement hideux, — hideux par nos vices et notre corruption morale, tout comme le cadavre est rendu hideux par la corruption matérielle. Voilà, mes frères, ce que nous enseigne l’Écriture, touchant l’état moral de l’homme. Dans toutes ses pages, elle nous dit que depuis la chute, l’enfant d’Adam par nature est mort ; qu’être perdu et dégradé, il est dans un sens spirituel absolument privé de vie. Elle nous enseigne, en outre, que s’il obtient la vie, ce ne peut être que grâce à une véritable résurrection opérée dans son âme par l’Esprit de Dieu, et que cette résurrection, il la devra, non à aucun mérite qui pût être en lui, mais uniquement au bon plaisir du Père, à un effet tout gratuit de sa miséricorde infinie et souveraine.
Voilà, je le répète, la doctrine qui ressort de la Bible tout entière ; et c’est sur cette doctrine, formulée avec une remarquable précision dans les paroles de mon texte, que je désire, mes chers auditeurs, appeler votre attention pendant quelques instants. Je ferai mon possible pour rendre mes développements intéressants en même temps que clairs. Dans l’espoir d’atteindre ce double but, j’illustrerai, en quelque sorte, mon sujet d’une manière qui, au premier abord, vous paraîtra, sans doute, un peu étrange. Vous vous souvenez que pendant son séjour sur la terre, le Seigneur Jésus accomplit trois résurrections : je ne sache pas qu’il en ait accompli d’autres. En premier lieu, il ressuscita une enfant de douze ans, la fille de Jaïrus, qui, étendue sans vie sur sa couche, se leva incontinent, dès que Jésus eut prononcé cette seule parole : « Talitha cumi ! » En second lieu, le Seigneur ressuscita le fils de la veuve de Nain, qui, couché sur sa bière, était transporté au tombeau, et qu’il réveilla de son sommeil de mort par ces mots : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » Enfin, la troisième et la plus mémorable résurrection opérée par Jésus, fut celle de Lazare, lequel n’était plus ni sur son lit, ni en chemin vers la tombe, mais dont la corruption avait déjà fait sa proie, lorsque le Seigneur, par le verbe de sa toute-puissance, le rappela à la vie, en criant à haute voix : « Lazare, sors dehors ! »
Ces trois faits, mes chers amis, je les transporterai, pour ainsi dire, dans le domaine spirituel, et je les emploierai comme des types ou des images pour représenter successivement : d’abord, les différences extérieures qui existent entre les âmes inconverties, quoique leur condition soit au fond la même ; en second lieu, les différents moyens de grâce employés pour vivifier les pécheurs, quoique la vie ne procède que d’un seul et même agent ; enfin, les différentes manifestations de cette vie, qui pourtant est une dans un sens absolu.
J’ai dit qu’il existe certaines différences extérieures entre les âmes inconverties, mais que leur condition n’en est pas moins la même ; j’ajoute que cette condition, commune à tous, c’est la mort. — Approchez-vous, mes frères, par la pensée de la fille de Jaïrus. Voyez-la étendue sur son lit : ne dirait-on pas que la vie est encore en elle ? Les lèvres de sa mère effleurent encore son front, la main de son père presse encore sa main, et c’est à peine si ce père, si cette mère peuvent se persuader que leur enfant est morte ; — mais, il n’est que trop vrai : elle est morte, — aussi morte qu’elle peut jamais l’être. — Voyez maintenant ce jeune homme qu’on porte en terre. Il est plus que mort, passez-moi l’expression ; il commence à se corrompre ; déjà les teintes livides, précurseurs de la dissolution, sont répandues sur son visage. Et cependant, quoique la mort soit plus apparente chez lui que chez l’enfant, à proprement parler, il n’est pas plus mort qu’elle, car il n’y a point en réalité de degrés dans la mort. — Mais voici un troisième cas où la mort se révèle avec plus d’évidence encore ; c’est celui de Lazare, — de Lazare, dont Marthe, faisant usage de mots non couverts, pouvait dire : « Seigneur, il sent déjà mauvais, car il est là depuis quatre jours. » Toutefois, remarquez-le bien, mes frères, la fille de Jaïrus n’était pas moins morte que Lazare. Il y avait différence quant à la manifestation extérieure de la mort, mais non point quant à la mort elle-même. Ainsi en est-il des âmes qui n’ont point été vivifiées par la grâce de Dieu. J’ai, sans nul doute, en cet instant devant moi quelques-unes de ces créatures favorisées que l’œil se plaît à contempler. Elles sont belles à voir de toutes manières, belles par leurs qualités morales, aussi bien que par leurs charmes extérieurs. Il semble en vérité qu’elles réunissent en elles tout ce qui est bon et désirable ; et pourtant, si elles sont irrégénérées (notez bien ceci), elles sont mortes, complètement mortes ! A voir la fille de Jaïrus, qui eût dit qu’elle n’était plus qu’un cadavre ? Une main tendre et pieuse n’avait pas encore fermé ses yeux ; dans son regard brillait encore comme un dernier reflet de lumière. Pareille à un lis à peine détaché de sa tige, elle n’avait rien perdu de sa grâce. Le ver n’avait pas commencé à creuser sa joue ; les couleurs de la vie ne s’étaient pas flétries sur son front : elle paraissait encore appartenir au monde des vivants. Et vous de même, chères jeunes âmes dont je viens de parler, vous possédez tout ce que le cœur peut désirer, sauf la seule chose nécessaire ; il ne vous manque absolument rien, si ce n’est le souffle divin, l’amour du Sauveur ; vous n’êtes pas unies à Jésus par une foi vivante ; c’est pourquoi, — je vous le dis avec douleur, mais je dois vous le dire, — vous êtes mortes ! vous êtes mortes ! aussi mortes que les derniers des pécheurs, quoique votre mort ne soit pas aussi apparente ! — Mais à côté de ces filles de Jaïrus, il est certainement aussi, dans cet auditoire, des âmes qui ont fait un pas de plus, dirai-je, dans la mort spirituelle. Il y a encore en eux, je le reconnais, quelques restes de bons sentiments, mais ils ont commencé à céder à leurs inclinations mauvaises. Ils ne sont pas encore des intempérants sans pudeur, des blasphémateurs sans frein ; leur inconduite n’est pas encore assez scandaleuse pour que leurs semblables n’en puissent tolérer la vue. Comme chez le jeune homme de Naïn, la corruption qui couve au-dedans d’eux, n’a pas encore ouvertement éclaté au-dehors. Mais, qu’ils ne s’abusent point : quoiqu’ils ne soient pas descendus au dernier degré de la dépravation, quoique le monde ne les rejette pas de son sein, ils sont morts ! ils sont morts ! tout aussi morts que les derniers des pécheurs ! — Et n’y a-t-il point aussi parmi ceux qui m’écoutent, de ces derniers, de ces plus avilis des hommes, véritables Lazares spirituels, chez qui la mort revêt son plus hideux aspect ? Semblables à des cadavres dans leur sépulcre, leur âme est en pleine putréfaction. Leurs mœurs sont abominables ; leur conduite tout entière inspire l’horreur la plus profonde ; ils sont mis à l’index de toute société qui se respecte : la pierre est en quelque sorte roulée sur leur tombeau. Ils ont si complètement perdu tout sens moral que ceux qui les connaissent ne veulent plus soutenir aucune relation avec eux, et semblent s’écrier à leur manière : « Otez ce mort de devant nous, car nous n’en saurions supporter la vue ! » Et cependant, mes frères, — j’insiste sur ce point, — ces âmes si corrompues, si perverties, ne sont pas en réalité plus mortes que les autres âmes irrégénérées, de même que Lazare n’était pas plus mort que la jeune fille à qui il ne manquait que le souffle. Les fruits de la mort sont plus visibles, il est vrai, chez les unes que chez les autres ; mais toutes également sont privées de vie ; toutes ont un égal besoin d’être vivifiées par Jésus-Christ.
Mais permettez-moi, mes frères, d’entrer dans quelques détails, et de vous indiquer les traits principaux qui constituent la différence existant entre les trois classes d’âmes dont je viens de parler. Pour cela, continuons notre rapprochement, et revenons d’abord à la fille de Jaïrus.
Voici donc cette jeune fille : regardez-la de nouveau. Loin de vous repousser, sa vue, n’est-il pas vrai ? vous attire. Elle est morte, et pourtant, elle est encore belle. Quoique privée de vie, elle est pleine de charmes et de grâces. Quel contraste avec le jeune homme ! toute beauté a disparu de sur ses traits ; on devine que le ver est déjà à l’œuvre ; toute sa gloire s’est évanouie. Quel contraste surtout avec Lazare. Il n’est plus qu’un foyer de corruption !… Mais chez la fille de Jaïrus il existe, je le répète, une beauté extérieure. Il en est de même de beaucoup de ceux qui m’écoutent en ce moment, — du moins je me plais à le penser. N’est-elle pas, en effet, pleine de grâce, cette jeune âme dont le souffle impur du péché semble avoir respecté la candeur ? Qui pourrait ne pas l’aimer ? N’est-elle pas aimable, n’est-elle pas belle entre toutes ? N’est-elle pas digne d’être admirée, souvent même d’être imitée ? Ah ! sans doute, elle est tout cela ; elle est plus encore peut-être, je suis le premier à en convenir ; mais, hélas ! hélas ! Dieu le Saint-Esprit n’a pas encore soufflé sur elle, elle n’a pas reconnu Jésus pour son Sauveur, ni imploré son pardon ; elle possède tout, excepté la vraie religion ; et dès-lors, elle est morte, — morte malgré toute sa beauté, malgré tous ses attraits ! Oh ! ma sœur, ma chère sœur, pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ? pourquoi faut-il que toi si douce, si aimable, si tendre, si compatissante, je sois obligé de te compter au nombre de ceux qui sont morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ? Comme mon Maître pleura jadis sur le jeune riche, qui avait gardé tous les commandements, mais à qui il manquait une chose, ainsi je pleure aujourd’hui sur toi ! Oui, je pleure à la pensée que toi, ornée de qualités si précieuses, de tant de dons du cœur et de l’esprit, tu n’en es pas moins plongée dans la mort ! car, ne te fais point illusion, tu es morte aussi longtemps que tu n’as pas la foi en Christ. Ta bonté, ta vertu, ton excellence ne te serviront de rien : tu es morte, et tu ne saurais vivre si Jésus ne te donne la vie.
Remarquez, en outre, que la fille de Jaïrus est encore entourée d’amis. Elle vient d’exhaler le dernier soupir et sa mère la couvre de tendres baisers. Oh ! se peut-il bien qu’elle soit morte ? Les caresses qu’on lui prodigue ne parviendront-elles pas à la ranimer ? Et les larmes brûlantes qui pleuvent sur elle ne suffiront-elles pas à féconder cette terre froide, il est vrai, mais assez riche encore, semble-t-il, pour que la vie jaillisse de son sein ? Hélas ! non : ces caresses, ces larmes sont stériles. L’enfant ne vit plus ; la semence de la vie manque ; néanmoins, c’est à qui se pressera autour d’elle, c’est à qui la comblera de témoignages d’amour. Quel contraste avec le jeune homme ! Il est étendu sur sa bière ; personne ne le touchera plus, et si quelqu’un le touchait, il serait souillé. Quel contraste surtout avec Lazare ! une pierre est scellée sur lui. — N’en est-il pas de même de vous, chères âmes auxquelles je me suis déjà adressé ? n’êtes-vous pas entourées de l’amour de tous ? Le peuple de Dieu lui-même vous chérit d’une affection cordiale ; il vous recherche, il vous estime, il vous approuve. Votre pasteur prie souvent pour vous. Admises dans les assemblées des enfants de Sion, vous vous asseyez avec eux comme si vous étiez des leurs, vous entendez ce qu’ils entendent, vous chantez ce qu’ils chantent. Et pourtant, pourtant hélas ! vous le dirai-je ? vous êtes encore dans la mort. Il ne vous manque absolument qu’une chose, mais c’est la seule qui puisse vous sauver ; il ne vous manque qu’une chose, mais cette chose c’est la vie. En vain les enfants de Dieu vous ouvrent-ils leur sein, en vain vous accueillent-ils dans leur compagnie : ils ne sauraient allumer en vous cette étincelle sacrée de la vie ; et si jamais vous l’obtenez, sachez-le, vous devrez vous joindre au plus grand des pécheurs pour répéter avec l’Apôtre : Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, Dieu nous a vivifiés avec Christ.
Mais considérons encore la jeune fille. Voyez : elle n’est point revêtue des insignes de la mort. Ni le suaire ni le linceul ne l’enveloppent. On ne l’a point dépouillée de ses habillements ordinaires. Elle est vêtue exactement comme elle l’était le jour où ressentant les premières atteintes de sa maladie, elle s’étendit sur sa couche. On ne l’a point livrée définitivement à la mort. Il n’en est pas de même du fils de la veuve : l’appareil de la sépulture l’environne ; ni de Lazare : il est lié pieds et mains. Mais, je le répète, la fille de Jaïrus est encore revêtue du costume des vivants. Ainsi en est-il de l’âme simple et ingénue dont je parle. Jusqu’à présent, elle semble n’avoir aucune habitude coupable, aucun mauvais penchant déclaré ; et, tandis que tel jeune homme est déjà emprisonné dans le linceul de son inconduite, et que tel pécheur vieilli dans le vice est lié pieds et mains par ses passions désordonnées, cette âme se pare de tous les ornements extérieurs de la piété. Elle agit comme les chrétiens, elle parle comme eux ; sa conduite semble pure, digne d’éloges, irrépréhensible : c’est à peine si l’on pourrait y discerner quelques taches… Hélas, hélas ! chère âme, pourquoi une si belle parure, des apparences si aimables ne recouvrent-elles que la mort ? Vainement as-tu orné ton front du brillant joyau de la bienfaisance ; vainement as-tu ceint tes reins des chastes robes de la pureté extérieure, hélas ! ma sœur, il faut bien que je te le dise, — si tu n’es pas née de nouveau, tu es encore dans la mort ! Ton excellence s’évanouira comme la teigne ; tes prétendues bonnes œuvres s’en iront en fumée, et, au jour du jugement, tu seras pour jamais séparée des justes, à moins que Dieu ne te donne la vieb. Oh ! je gémis, je gémis amèrement sur cette foule de jeunes âmes qui semblent avoir été préservées jusqu’ici de toute souillure du. monde, mais qui n’en sont pas moins sans vie et sans salut ! Oh ! plût à Dieu, jeune homme, plût à Dieu, jeune fille, que dès vos premières années, vous fussiez vivifiés par l’Esprit !
b – On ne peut qu’être saisi ici par l’originalité et la force avec lesquelles Spurgeon illustre ici la triste réalité du péché originel, handicapant toute créature humaine venant au monde. Et cependant son argument ne laisse pas de poser question : la fille de Jaïrus a douze ans, mais qu’en est-il des multitudes d’enfants morts en bas âge ? N’avaient-ils pas eux aussi l’apparence de la vie, et certainement de l’innocence ? (ThéoTEX)
Veuillez, mes frères, observer un détail encore. Dans le cas de la jeune fille, la mort était, pour ainsi dire, une chose secrète. C’était dans sa chambre que l’enfant avait rendu le dernier soupir ; c’était dans sa chambre que son corps inanimé reposait, et rien probablement ne laissait soupçonner au-dehors le douloureux mystère que recelait cette maison de deuil. Il n’en était pas ainsi du jeune homme, car on l’avait transporté jusqu’aux portes de la ville, et beaucoup de gens l’avaient vu ; ni de Lazare, car des Juifs étaient venus de Jérusalem pour pleurer sur sa tombe. Mais la mort de la fille de Jaïrus n’avait point ce caractère de publicité, et il en est de même des âmes dont je l’ai prise pour type. Jusqu’à présent, leur péché se cache dans l’ombre ; il est tout intérieur. La convoitise a bien conçu dans leur cœur, mais le péché n’est pas encore enfanté ; le germe des passions existe en elles, mais ce germe impur ne s’est point manifesté par des actes. Le jeune homme n’a point encore porté à ses lèvres la coupe enivrante, quoique souvent une voix séductrice lui en ait vanté les douceurs ; la jeune fille n’a point abandonné les sentiers de la vertu, quoique souvent elle ait prêté l’oreille aux suggestions de la vanité : en un mot, leurs mauvais penchants n’ont point franchi les limites du for intérieur ; personne peut-être n’en soupçonne l’existence. Hélas, mon frère ! hélas, ma sœur ! qu’il est pénible de penser que vous dont la vie extérieure est si louable, vous cachez pourtant de secrètes souillures dans la chambre de votre cœur, et que dans les replis les plus intimes de votre être, vous portez la mort spirituelle, — mort aussi véritable, quoique moins évidente, que celle du pécheur le plus scandaleux. Oh ! Dieu veuille que vous puissiez vous écrier aujourd’hui même : « Malgré toutes nos justices, malgré toutes nos vertus, nous étions morts, comme les autres, dans nos fautes et dans nos péchés, mais Dieu nous a vivifiés. » Mes amis, mes chers amis, souffrez que j’insiste encore sur ce point. Il y a des âmes dans cet auditoire, au sujet desquelles j’éprouve les plus vives appréhensions. Je l’ai déjà dit, elles possèdent tout ce que le cœur peut souhaiter, mais il leur manque une chose : elles n’aiment pas mon Maître. O vous jeunes gens, qui fréquentez assidûment les parvis du Seigneur, et dont les mœurs sont irréprochables, pourquoi faut-il que votre piété soit comme une plante sans racine ? O vous, vierges de Sion, qu’on voit toujours dans la maison de prières, pourquoi faut-il que vous n’ayez point la grâce de Dieu dans le cœur ? Prenez garde, je vous en supplie, vous, âmes simples, naïves, aimables, innocentes aux yeux des hommes ! Lorsque viendra le grand jour où le Seigneur séparera les vivants d’avec les morts, encore une fois, je vous le déclare avec douleur, si vous n’avez été converties, régénérées, vivifiées par l’Esprit de Dieu, malgré toute votre excellence, vous serez rangées parmi les morts !
Mais il est temps que nous quittions la jeune fille, pour passer au fils de la veuve de Naïn. Avant tout, observez, seulement, mes frères, qu’il n’est pas plus mort que l’enfant ; il est parvenu, si je puis ainsi parler, à une phase plus avancée de la mort. Venez : approchons-nous du funèbre cortège ; arrêtons la bière ; contemplons le corps qui y est couché. Vous frémissez, n’est-il pas vrai ? vous détournez vos regards. Le visage de la petite fille était plein et coloré, mais ici, la joue est creuse, le teint livide. Et l’œil !… oh ! quelle noirceur l’environne !… Ne pressent-on pas que le ver va bientôt paraître, que la décomposition est au moment de se faire jour !… Ainsi en est-il d’une certaine classe de mes auditeurs. Ils ne sont plus ce qu’ils étaient dans leur première jeunesse, alors que leurs mœurs étaient à l’abri de tout reproche. Peut-être viennent-ils de tomber dans le filet de la femme étrangère ; ils commencent à se lancer dans la carrière du libertinage : leur corruption est en voie d’éclater. Ils ne sont plus, disent-ils, des enfants à la lisière ; n’est-il pas temps qu’ils s’émancipent ? Que d’autres se soumettent, si bon leur semble, à l’absurde esclavage des lois de la morale ; quant à eux, ils sont libres, ils veulent l’être, ils entendent mener joyeuse vie ; et ainsi, ils se précipitent dans un tourbillon de plaisirs bruyants et charnels, en sorte que les signes de la mort spirituelle se manifestent en eux avec toujours plus d’évidence. — De plus, remarquez, mes chers amis, que si la jeune fille était entourée de caresses, par contre, personne ne touche le jeune homme : il est étendu sur sa bière, et quoique des hommes le portent sur leurs épaules, il n’en est pas moins vrai qu’il inspire à tous les vivants une instinctive répulsion. Jeune homme ! ne te reconnais-tu point à ce trait ? Ne sais-tu pas que depuis quelque temps les gens pieux, que dis-je ? tes amis eux-mêmes se tiennent à distance de toi ? Hier encore, les larmes de ta mère n’ont-elles pas coulé en abondance, tandis qu’elle exhortait ton jeune frère à fuir ta société, à ne pas suivre ton exemple ? Ta propre sœur, qui en t’embrassant ce matin, a peut-être instamment supplié le Seigneur de te faire recevoir du bien dans cette maison de prières, — ta sœur elle-même a honte de toi : ta conduite devient si légère, tes propos si déplacés qu’elle rougit en te voyant. Il y a aussi des maisons chrétiennes où tu étais naguère le bien venu ; tu fléchissais le genou avec la famille assemblée, ton nom était mentionné dans la prière commune ; mais à présent, tes visites dans ces maisons deviennent de plus en plus rares, car lorsque tu y vas, on t’accueille avec réserve. Le père de famille ne voudrait à aucun prix que son fils se liât avec toi ; car il sait que tu pourrais le souiller. Il ne vient plus lui-même, comme autrefois, s’asseoir à ton côté pour s’entretenir de choses saintes ; s’il te reçoit encore chez lui, c’est simplement par politesse ; mais il ne peut plus te traiter avec son ancienne cordialité, car il sent qu’entre son âme et la tienne, il n’existe plus aucun lien sympathique. Le peuple de Dieu pareillement te témoigne de la froideur ; il ne te repousse pas encore d’une manière ouverte, mais il y a dans ses rapports avec toi une contrainte qui prouve clairement que ton état de mort lui est bien connu.
Un autre point de dissemblance entre le fils de la veuve et l’enfant de Jaïrus, c’est que tandis que celle-ci était encore revêtue du costume des vivants, l’autre était déjà enveloppé dans les vêtements de la mort. Et toi aussi, jeune homme, tu es comme enveloppé dans tes habitudes vicieuses ! Tu sais que le diable, de sa main de fer, étreint ton âme toujours plus fortement ; il y eut un temps où tu pouvais encore te dégager de cette étreinte ; tu étais maître de tes plaisirs, disais-tu : maintenant, tes plaisirs sont tes maîtres. Jeune homme ! j’en appelle à ta conscience : tes voies ne sont-elles pas des voies d’iniquité ? Tu n’oserais le nier ! Sans doute, tu n’es point arrivé aux dernières limites de l’immoralité et de l’infamie ; mais, en vérité, en vérité, je te le dis, mon frère : tu es mort ! tu es mort ! et si l’Esprit de Dieu ne te vivifie, tu seras jeté dans la vallée de la géhenne, pour être en pâture au ver qui ne meurt point, mais qui dévore les âmes pendant l’éternité. Ah ! jeune homme, jeune homme, je pleure sur toi ! car si la pierre du sépulcre ne te recouvre pas encore, si ta corruption morale n’est pas tellement avancée que tu sois pour tes alentours un objet d’horreur et d’épouvante, cependant, tu as déjà fait plusieurs pas dans la carrière du vice, et qui peut dire où tu l’arrêteras ? Prends garde ! le péché est une pente glissante, et ne s’arrête pas qui veut sur cette pente… Lorsque le ver du sépulcre a commencé ses ravages, peut-on placer son doigt dessus, et lui dire : « Arrête-toi ? » Non, il poursuit son œuvre de destruction jusqu’au bout… Oh ! jeune homme, Dieu veuille te vivifier avant que tu sois parvenu à cette consommation de la mort que l’enfer soupire de te voir atteindre, et à laquelle le ciel seul peut te faire échapper !
Une dernière observation au sujet du fils de la veuve de Nain. La chambre de la jeune fille, avons-nous dit, était seule témoin de sa mort ; mais dans le cas de celui-ci, la mort, au contraire, se montrait au grand jour, puisque Jésus rencontra le convoi aux portes de la ville. C’est ainsi que chez la première classe d’âmes que j’ai essayé de décrire, le péché est plus ou moins secret ; mais chez toi, jeune homme, il est patent, il est manifeste. Tu ne crains pas de pécher à la face du soleil, à la face de Dieu même. Tes dérèglements ne sont un mystère pour personne ; aussi bien, tu ne tiens plus à sauver les apparences. « Je ne suis point un hypocrite, » dis-tu d’un ton de bravade ; « je n’ai aucune prétention à la sainteté ; je ne rougis pas de quelques écarts de jeunesse. » Ah ! jeune homme, jeune homme ! tandis que tu tiens ce langage, qui sait si ton père ne s’écrie pas dans l’amertume de son cœur : « Plût à Dieu que je fusse mort avant d’avoir vu mon fils se conduire comme il le fait ! Plût à Dieu que lui-même eût été couché dans la tombe, avant de s’être ainsi engagé dans les sentiers du vice ! Plût à Dieu que le jour même où je le contemplai pour la première fois, où mes yeux furent réjouis par la vue de mon fils, il eût été soudainement frappé par la maladie et la mort ! Oh ! oui, plût à Dieu que son âme enfantine eût été retirée au ciel, et qu’il n’eût pas vécu pour faire descendre avec douleur mes cheveux blancs au sépulcre !… » Jeune homme, tu le sais : ton inconduite avouée, ton inconduite qui s’étale, pour ainsi dire, aux portes de la ville, jette le trouble dans la maison de ton père, abreuve de douleur le cœur de ta mère. Oh ! je t’en conjure, arrête-toi !… Oh ! Seigneur Jésus, touche la bière en cet instant même ! Arrête quelque pauvre âme qui chemine dans la voie de la perdition, et crie-lui : « Lève-toi ! » Alors cette âme, ressuscitée en nouveauté de vie, pourra s’écrier avec nous tous, qui par ta grâce jouissons déjà de la vie : « Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ, par le moyen de son Esprit ! »
Et maintenant, nous arrivons à la troisième et dernière résurrection accomplie par notre Seigneur : celle de Lazare, — de Lazare mort et enseveli. — Oh ! mes chers amis, je ne puis vous mener voir Lazare dans son sépulcre ! Retirez-vous, oh ! retirez-vous loin de lui !… Où fuir pour échapper à l’odeur infecte de ce corps en putréfaction ?… Non seulement tout vestige de beauté a disparu, mais c’est à peine si on reconnaît en lui une forme humaine. Oh ! hideux spectacle !… Je ne veux pas entreprendre de le décrire : les paroles me manqueraient ; d’ailleurs, vous ne pourriez m’écouter jusqu’au bout. — Et de même, mes frères, je ne trouverais point d’expressions si je voulais décrire l’état moral d’une certaine catégorie de pécheurs. Mon front rougirait de confusion s’il me fallait vous dévoiler les œuvres de ténèbres accomplies chaque jour par les impies de ce monde, accomplies peut-être par quelques-uns de ceux qui m’écoutent en ce moment. Ah ! qu’elle est hideuse la dernière phase de la mort physique, la dernière phase de la dissolution ; mais la dernière phase du péché, combien n’est-elle pas plus hideuse encore !… Plusieurs de nos écrivains modernes paraissent avoir une aptitude particulière pour fouiller cette boue, pour remuer cette fange impure ; mais je le confesse, cette aptitude n’est pas la mienne ; aussi ne vous dépeindrai-je point, mes frères, les souillures et les turpitudes du pécheur consommé. Je passerai sous silence les abominables débauches, les convoitises dégradantes, les actions ignobles et diaboliques dans lesquelles se vautrent ceux chez qui la mort spirituelle a accompli tous ses ravages et chez qui le péché s’est manifesté dans toute son épouvantable laideur. Y a-t-il dans cet auditoire des êtres appartenant à cette classe de pécheurs ? Il se peut qu’ils ne soient pas nombreux, mais j’ose affirmer qu’il y en a. Inutile de dire qu’ils ne sont pas, comme la jeune fille, recherchés, caressés par les chrétiens, ou même comme le jeune homme, accompagnés de loin à leur dernière demeure ; non, les honnêtes gens s’enfuient à leur approche, tant est grande l’horreur qu’ils leur inspirent. Leurs femmes elles-mêmes, lorsqu’ils rentrent chez eux le soir, courent se cacher pour éviter leur contact. Ils sont montrés au doigt, ils sont l’objet du mépris de tous. Telle est la prostituée, de laquelle nous détournons nos regards quand nous la rencontrons dans la rue ; tel est le débauché scandaleux, à qui nous nous empressons de céder le pas, de peur qu’il ne nous touche en passant. Ces infortunés sont couchés dans le sépulcre de leurs vices ; les stigmates de la mort spirituelle sont empreints sur leur visage ; l’opinion publique a roulé la pierre sur eux. Ils savent qu’ils sont devenus un objet de dégoût pour leurs semblables ; ici même, dans ce lieu de culte, ils se sentent mal à l’aise, car ils n’ignorent pas que si leur voisin se doutait de ce qu’ils sont, il reculerait épouvanté. — Et notez bien un détail, mes frères : tandis que dans le cas du jeune homme la mort était pour ainsi dire de notoriété publique, dans le cas de Lazare, comme dans celui de la fille de Jaïrus, elle est secrète, elle est resserrée dans d’étroites limites : seulement, chez Lazare, ce n’est plus dans la chambre funèbre qu’elle se cache, c’est dans la nuit du tombeau. Image frappante de ce qui a lieu dans le monde moral ! En effet, lorsqu’un pécheur n’est qu’à demi-enfoncé dans l’iniquité, il la commet ouvertement ; mais lorsqu’il s’y est plongé tout entier, ses passions deviennent tellement dépravées qu’il est obligé de s’y livrer en secret. Il lui faut alors le silence et l’obscurité du sépulcre. Ses convoitises sont d’une nature si détestable, qu’il ne peut les assouvir qu’à l’heure de minuit ; sa corruption est si révoltante qu’elle a besoin d’être enveloppée de l’épais linceul des ténèbres. Peut-être ce Lazare spirituel est-il dans la condition la plus abjecte ; peut-être cache-t-il sa honteuse existence dans quelque bouge infect de quelque sombre ruelle. Mais peut-être aussi appartient-il à ce que l’on appelle les classes supérieures de la société et habite-t-il de somptueuses demeures. Ah ! mes frères, vous le dirai-je ? souvent, en écoutant les aveux que viennent constamment me faire des âmes travaillées et repentantes, je rougis pour l’humanité ! Jusque dans les plus hautes régions de l’échelle sociale, se pratiquent les plus honteuses énormités. Il y a dans mon troupeau, dans mon Église, de malheureuses créatures dont la perte a été consommée par des hommes de grand nom, de grande famille, haut placés, influents… La hardiesse de mon langage vous étonne peut-être : mais pourquoi craindrai-je de dire ce que d’autres ne craignent pas de faire ? L’ambassadeur de Dieu doit-il être moins hardi pour reprendre que les hommes ne le sont pour pécher ? Oui, je le déclare hautement, dans tous les rangs de la société, il est des âmes qui sont comme en puanteur aux narines du Tout-Puissant, des âmes dont la corruption est plus hideuse qu’on ne saurait dire ! Elles doivent enfouir leurs désordres dans la tombe du mystère, sans quoi elles seraient huées, honnies, chassées de la société, —j’allais presque dire de l’existence !… Et cependant, — ô admirable puissance de la grâce de Dieu ! — cette dernière classe de pécheurs peut être sauvée aussi bien que la première. Lazare, déjà en proie à la corruption, peut aussi aisément sortir du tombeau que l’enfant endormie de son lit. La créature la plus avilie, la plus dégradée peut, tout comme une autre, ressusciter en nouveauté de vie, et être amenée à s’écrier, elle aussi : « Lorsque j’étais morte dans mes fautes et dans mes péchés, Dieu m’a vivifiée par Christ. »
J’espère, mes chers auditeurs, que vous avez bien saisi la vérité importante sur laquelle je viens de m’étendre si longuement ; à savoir : que tous les hommes, sans exception, sont, par nature, également morts, mais que la mort se manifeste en eux sous un aspect différent.
J’aborde maintenant une autre partie de mon sujet.
Il y a diversité dans les moyens employés pour vivifier les pécheurs, quoique la vie ne procède que d’un seul et même agent : telle est la seconde vérité que notre rapprochement fait ressortir d’une manière frappante. En effet, la fille de Jaïrus, tout comme le jeune homme, et celui-ci, tout comme Lazare, furent ressuscités, et ressuscites par la même personne, c’est-à-dire par Jésus ; mais la manière dont s’opérèrent ces trois résurrections présente de notables différences. — Quant à la jeune fille, nous lisons dans l’Évangile que Jésus l’ayant prise par la main, lui dit simplement : « Jeune fille, lève-toi ! » Il n’en fallut pas davantage. Une voix douce et subtile, un léger attouchement, pas de bruit, pas d’éclat, rien de propre à frapper les regards : et l’enfant se réveilla de son sommeil de mort ; et les pulsations de son cœur reprirent leur cours accoutumé. C’est ainsi, mes frères, que Dieu agit, le plus souvent, à l’égard des jeunes âmes pures selon le monde qu’il veut convertir à lui. Pour les réveiller, il n’emploie ni les terreurs de Sinaï, ni le feu brûlant, ni la nuée épaisse, ni la tempête ; il se borne à leur ouvrir le cœur, comme autrefois à Lydie, afin qu’elles reçoivent la Parole. La grâce divine descend sur de telles âmes doucement et sans bruit, comme la rosée sur les fleurs. Lorsqu’il s’agit de pécheurs endurcis, cette grâce fond sur eux en torrents impétueux ; mais c’est en douces ondées qu’elle se répand habituellement sur les âmes qui sont encore à la première phase de la mort spirituelle. L’Esprit ne fait que les effleurer de son souffle. Peut-être osent-elles à peine croire elles-mêmes à la réalité de leur conversion ; mais qu’elles se rassurent : si elles ont la vie, c’est que Jésus les a vivifiées, et pour avoir été moins apparente que d’autres, leur conversion n’est pas moins véritable.
Et le fils de la veuve de Naïn recouvra-t-il la vie de la même manière que la jeune fille ?Non. Observez avant tout que tandis que celle-ci la reçut dans l’intérieur de sa chambre, ce fut en public, au grand jour, en pleine rue, qu’elle fut rendue au jeune homme. Observez, en outre, que dans ce nouveau cas, Jésus toucha non pas le mort, mais la bière ; et ceux qui la portaient s’arrêtèrent, est-il ajouté. Après cela, le Seigneur prononça à haute voix ces paroles impressives : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » Ainsi, tandis que Jésus communique une vie nouvelle à l’enfant par une douce pression de la main, dans le cas du jeune homme, le même résultat est obtenu, non pas en le touchant, mais en arrêtant sa bière. C’est ainsi que le Seigneur agira probablement avec toi, ô jeune homme, s’il daigne te vivifier. Il commencera par te retirer tes occasions de chute, tes moyens de péché ; à tes compagnons de plaisir qui, par leurs mauvais exemples, te transportent pour ainsi dire au sépulcre du vice, il ordonnera de s’arrêter. Alors, il y aura pendant quelque temps dans ta vie, une réforme partielle ; et finalement tu entendras dans ton âme une voix forte et solennelle qui te dira : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! »
Pour ce qui est de la résurrection de Lazare, de celle qui en apparence était la plus impossible, je vous prie, mes chers amis, de relire avec attention les préparatifs extraordinaires dont le Sauveur jugea bon de la faire précéder. Au moment de ressusciter la jeune fille, il avait traversé la chambre, le sourire aux lèvres, en disant : « Elle n’est pas morte, mais elle dort. » Au moment de ressusciter le fils de la veuve, il avait dit à celle-ci : « Ne pleure point. » Mais dans la circonstance qui nous occupe, Jésus est plus grave, plus sombre. Il est en face d’un cadavre se corrompant dans son tombeau : comment son âme ne serait-elle pas attristée ? C’est à cette occasion que l’évangéliste nous dit : Et Jésus pleura. Et après qu’il eut pleuré, il frémit en lui-même. Puis il dit : « Otez la pierre. » Ensuite, élevant les yeux au ciel, il prononça cette sublime invocation : « Mon Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé. » Enfin, après s’être ainsi recueilli, il cria à haute voix : « Lazare ! sors dehors ! » Chose digne de remarque, cette expression : Il cria à haute voix, nous ne la trouvons pas dans le récit des deux autres résurrections. Jésus parla bien aux trois morts ; ce, fut sa parole qui les vivifia tous, mais il semble n’avoir élevé la voix que dans le seul cas de Lazare. — Y a-t-il dans cet auditoire une âme vile parmi les viles, un être arrivé, au plus bas degré de la dépravation ? Ah ! pécheur, lui dirai-je, puisse mon Sauveur te vivifier ! Il peut le faire ; mais, sache-le, il lui en coûtera bien des larmes ! Oui, quand il viendra te disputer aux horreurs de la dissolution et t’arracher à cet affreux sépulcre où tu croupis dans tes vices, Jésus viendra en pleurant sur tes forfaits, en gémissant sur les hideux ravages que la mort spirituelle a faits dans ton âme ! De plus, il y a une pierre à rouler de dessus toi : tes habitudes coupables ; et alors même que cette lourde pierre aura été enlevée, un son doux et subtil ne saurait te réveiller. Non, pour te convertir, il ne faut rien moins que la voix éclatante de l’Éternel, cette voix qui fait trembler le désert et brise les cèdres du Liban. — Bunyan, l’immortel auteur du Voyage du chrétien vers l’éternité, était un de ces Lazares spirituels ; aussi quels moyens énergiques furent employés à son égard ! Songes terribles, angoisses affreuses, ébranlements effroyables, — tout dut être mis en œuvre pour le vivifier à salut. Ne dis donc point, ô pécheur, que Dieu ne t’aime pas, s’il terrifie ton âme par les tonnerres de Sinaï, mais reconnais bien plutôt que tu étais trop profondément plongé dans la mort pour qu’une voix moins formidable eût pu frapper tes oreilles !
Mais me voici arrivé à la dernière partie de mon sujet. Quoique la vie soit une, ai-je dit, elle se manifeste de manières différentes. En effet, les besoins, les expériences, les aspirations de tous les chrétiens sont loin d’être les mêmes. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point, et je regrette que le temps me manque pour le développer d’une manière convenable. — Après avoir ressuscité les trois morts dont nous nous sommes occupés, que dit Jésus ? « Donnez-lui à manger : » telle fut sa première recommandation à l’égard de la jeune fille. — Il le rendit à sa mère : tel fut son premier soin à l’égard du jeune homme. — « Déliez-le et le laissez aller : » tel fut son premier ordre à l’égard de Lazare. Il me semble que ces diverses paroles nous révèlent non seulement les besoins respectifs des personnes à qui Jésus venait de rendre la vie, mais encore ceux des trois classes d’âmes dont nous avons parlé. Lorsqu’une âme se convertit avant d’avoir cédé aux séductions du monde, lorsqu’elle est vivifiée par la grâce de Dieu avant que le germe de mort qui est dans son sein se soit développé, la vie nouvelle qu’elle a reçue se manifeste surtout en elle par un ardent désir d’être nourrie ; en sorte que cette injonction de Jésus correspond parfaitement à ses besoins : « Donnez-lui à manger. » Oui, une nourriture saine, une solide instruction, voilà ce qu’il faut aux jeunes convertis. Peu éclairés, en général, ils ont besoin d’être édifiés dans la foi. Souvent leurs idées sur le péché et sur le salut ne sont pas aussi nettes que celles d’âmes appelées à la connaissance de Christ lorsqu’elles étaient plus avancées dans la vie ou dans le mal ; aussi le lait spirituel et pur de l’Évangile est-il plus nécessaire à cette première classe de croyants qu’à toute autre. Que les ministres de la Parole veillent donc avec un soin tout particulier sur les agneaux de leurs troupeaux, et lorsque de jeunes âmes entrent dans la bergerie, qu’ils n’oublient pas ce commandement de leur Maître : « Pais mes agneaux. » Et de votre côté, jeunes gens, ne négligez rien pour satisfaire cette faim et cette soif de connaissances spirituelles, trait distinctif par lequel se manifeste en vous la vie divine. Cherchez l’instruction auprès de votre pasteur ; cherchez-la dans de bons livres ; cherchez-la surtout dans l’Écriture. Telle doit être votre principale affaire : « Donnez-lui à manger. »
Quant au fils de la veuve, Jésus, nous dit le récit sacré, le rendit à sa mère. — Et c’est là également ce que mon Sauveur fera de toi, jeune homme, s’il te fait passer de la mort à la vie. Enfant, ta place de prédilection était sur les genoux de ta mère, et si jamais Dieu te convertit, c’est encore auprès de ta mère qu’il te faudra revenir. Tu rechercheras avec empressement les douceurs de la vie domestique, les joies pures de la famille. Ah ! rien n’est puissant comme la grâce divine pour resserrer les liens que le péché avait relâchés ! Qu’un jeune homme se livre à la dissipation, aussitôt il se soustrait à la tendre influence d’une sœur, à la vigilante sollicitude d’une mère ; mais du moment que son cœur est touché, il éprouve le besoin d’accourir de nouveau vers elles, et goûte dans leur société un charme qu’il ne connut jamais auparavant. Et ce ne sera pas seulement vers tes parents selon la chair, jeune homme, que tu te sentiras attiré, mais vers la grande famille des enfants de Dieu. De même que Christ rendit le fils de la veuve de Naïn à sa mère, de même, en te communiquant la vie, il te placera dans les bras de l’Église, cette mère spirituelle de tous les croyants. Lors donc que tu auras été vivifié, recherche avec toujours plus de soin la compagnie des justes ; car de même que les mauvaises liaisons te transportaient, pour ainsi dire, au sépulcre de la perdition, de même tu auras besoin du secours d’amis chrétiens pour te soutenir dans ta marche vers les cieux.
Vient enfin l’ordre de Jésus relativement à Lazare : « Déliez-le et le laissez aller. » Je ne puis m’expliquer, je l’avoue, pourquoi le fils de la veuve n’était pas lié de bandes comme Lazare. Vainement ai-je examiné nombre d’ouvrages traitant des mœurs et coutumes orientales ; je n’ai pu parvenir à élucider ce fait qui, pourtant, ressort avec évidence du récit sacré. Il nous est dit, en effet, qu’aussitôt que Jésus se fut adressé au jeune homme, celui-ci s’assit et commença à parler ; tandis que Lazare, emprisonné dans des bandages qui gênaient ses mouvements, et la tête enveloppée d’un linge qui l’empêchait probablement d’articuler aucun son, Lazare paraît n’être sorti qu’à grand’peine de la grotte sépulcrale. Je le répète, comment expliquer cette différence ? Pour ma part, je serais disposé à penser qu’on doit en chercher la cause dans une différence de fortune : le jeune homme était fils d’une veuve ; peut-être n’avait-on pu l’envelopper que de quelques linges grossiers ; tandis que Lazare étant plus riche, était bandé avec soin, suivant l’usage du temps. Quoi qu’il en soit, ce détail en lui-même est de peu d’importance ; mais ce que je désire que vous remarquiez, mes chers amis, c’est l’application que nous pouvons en faire à la troisième classe de pécheurs dont nous avons parlé. Le Seigneur, lorsqu’il les ressuscite, agit envers ceux-ci absolument comme il le fit envers Lazare : après leur avoir donné la vie, il ordonne qu’ils soient mis en liberté ; il les aide à se dégager de leurs habitudes coupables, à rompre les liens de leurs vices. Aussi, quoique la vie nouvelle qu’ils aient reçue soit exactement la même dans son principe et dans sa nature que celle qui anime tous les enfants de Dieu sans exception, elle se manifeste le plus souvent d’une manière toute différente. Pour eux, la grande affaire n’est ni de croître en connaissance, ni de marcher dans la communion des saints ; non, ils ont autant qu’ils peuvent faire à se débarrasser du linceul de leurs péchés, à se dépouiller de leurs passions charnelles. Peut-être, hélas ! jusqu’à leur mort, devront-ils, lambeaux après lambeaux et pièces après pièces, déchirer les liens qui garrotaient leurs âmes ! Celui-ci est aux prises avec son intempérance : oh ! quels efforts désespérés devra-t-il faire pour s’en dégager ! Celui-là se débat contre des convoitises impures : oh ! que de luttes opiniâtres ne lui en coûtera-t-il pas avant de s’en rendre maître ! Un troisième combat contre son habitude de jurer : que de fois n’aura-t-il pas à se faire violence pour retenir les expressions malséantes, toujours prêtes à monter sur ses lèvres ! Un autre encore a affaire avec son amour pour les plaisirs et les vanités du siècle : il y a renoncé ; mais que de fois ses anciens amis ne chercheront-ils pas à l’attirer de nouveau vers le monde ! Pour de telles âmes, la vie chrétienne n’est guère autre chose qu’un pénible déchirement, qu’un dépouillement continuel de vieilles habitudes, de péchés enracinés, et parfois ce dépouillement ne prend fin que lorsqu’elles entrent dans le repos de leur Sauveur.
Et maintenant, mes chers auditeurs, avant de vous quitter je tiens à vous poser à tous cette sérieuse question : Avez-vous été vivifiés ? Prenez garde ! que vous soyez bons ou mauvais selon le monde, respectés ou méprisés des hommes, je vous le déclare solennellement, si vous n’êtes pas ressuscités en nouveauté de vie, vous êtes morts dans vos fautes, et si vous quittez ce monde dans cet état, vous serez éternellement perdus. Toutefois, que pas un d’entre vous ne désespère : Christ peut encore vous vivifier. Il peut même vous vivifier, vous les plus dégradés des hommes. Oh ! Dieu veuille qu’aujourd’hui même vous soyez touchés à salut ! Dieu veuille que cette voix puissante qui cria : « Lazare, sors dehors ! » retentisse en cet instant aux oreilles de quelques grands pécheurs, en sorte qu’abandonnant le tombeau de leurs vices, l’intempérant vive désormais dans la sobriété, la femme de mauvaise vie, dans la continence ! Et Dieu veuille surtout, oh ! Dieu veuille bénir abondamment sa Parole pour les âmes jeunes, pures, candides encore qui l’ont entendue aujourd’hui ! Puissent-elles comprendre que par nature, elles sont mortes comme les autres, et puissent-elles devenir, dès à présent, enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ !
Quant à vous, mes chers amis, qui avez le bonheur d’être déjà vivifiés, permettez-moi de vous adresser un seul mot d’exhortation. Prenez garde aux embûches du diable. Il rôde continuellement autour de vous, n’en doutez pas. Veillez donc et priez. Que votre esprit soit toujours occupé de bonnes pensées, et ainsi l’adversaire ne pourra vous nuire. Oh ! je vous le dis encore : méfiez-vous des ruses de Satan. Gardez votre cœur plus que toute autre chose qu’on garde, car c’est de lui que procèdent les sources de la vie.
Que Dieu vous bénisse, mes bien-aimés, pour l’amour de Jésus !