Célébrons la fête non avec le vieux levain, ni avec le levain de la malice et de la méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité. 1 Cor., V, 8.
Reconnaissant que, dans la mesure déterminée par le Créateur lui-même, le travail est aussi impérieusement ordonné à l’homme que le repos, le protestantisme est extrêmement sobre de fêtes religieuses.
Il accepte comme un bienfait et observe comme une ordonnance le repos du dimanche.
Ce premier jour de la semaine rappelle aux chrétiens celui où le Seigneur Jésus, sortant vainqueur du tombeau, détruisit à jamais la puissance du sépulcre et justifia les pécheurs repentants auprès de la justice de Dieu.
Selon nos principes, ce jour doit être donné tout entier à la piété et au repos, et tout ce qui ne contribue pas réellement à l’amélioration du cœur, au développement de la vérité évangélique dans les âmes, ou à l’exercice du bien, nous semble une véritable profanation du dimanche.
Nous en réclamons l’observation pour le soulagement et l’instruction des pauvres, aussi bien que pour le bien-être des classes supérieures, et nous croyons que les progrès de la vraie piété, et par conséquent ceux du bonheur, sont attachés à cette sage observation.
À part le dimanche, nous observons les fêtes suivantes, non à titre d’institutions divines, portant, en conséquence, un caractère d’obligation rigoureuse, mais comme convenables et bienséantes dans l’ordre de l’Église, qui offre en elles au peuple chrétien les souvenirs les plus augustes et les plus édifiants.
Le jour de Noël ouvre la série des souvenirs évangéliques ; il nous rappelle la naissance de notre Emmanuel, Dieu incarné, Sauveur du monde, qui ne dédaigna pas notre chair infirme ; Homme de douleurs, qui connut et promit de guérir toutes nos douleurs.
Le jour de l’an, qui appelle les enfants du siècle à se visiter et à s’adresser de mutuelles félicitations, réunit le peuple de Dieu dans sa maison sainte, pour attirer les bénédictions du ciel sur la terre, et pour méditer salutairement sur la fuite du temps qui nous échappe, et sur l’approche de l’éternité, que le pardon évangélique peut seul dépouiller de ses terreurs.
La Semaine sainte rappelle aux fidèles la suite des douleurs humaines et des gloires divines par lesquelles Jésus-Christ dut passer avant d’opérer et de confirmer notre justification.
Le dimanche des Rameaux, Jésus entra d’une manière triomphale dans la ville de Jérusalem, salué du peuple par de glorieux hosannas.
Le Jeudi saint, Jésus institua la cène, qui nous rappelle, sous le touchant emblème d’un repas fraternel, l’effusion de son sang et la fraction de son corps qu’il donna pour racheter nos âmes coupables.
Le Vendredi saint offre à notre mémoire le jour marqué par la prescience du Père pour l’abolition du sacrifice et l’accomplissement entier du salut. Alors l’Agneau de Dieu ôta les péchés du monde, s’offrant lui-même en holocauste volontaire, saint et tout-puissant pour satisfaire les exigences de la loi et pour nous réconcilier avec notre juge.
Le jour de Pâques, en présentant à notre souvenir la résurrection de Jésus-Christ, confirme toutes les promesses évangéliques et résume tous les trésors de compassion que le Père amasse dans son cœur en faveur de ses faibles enfants.
Le jour de l’Ascension réunit encore les fidèles pour diriger spécialement leurs pensées et leurs désirs vers la demeure que Jésus est allé nous préparer lui-même dans le ciel ; il scelle aussi pour jamais les espérances que nous pouvons fonder sur Celui dont le Père a accepté la mission et le sacrifice, en le rappelant dans son propre sein, glorieuse patrie qu’il avait habitée de toute éternité.
Le jour de Pentecôte fut signalé, dans les temps apostoliques, par une effusion extraordinaire du Saint-Esprit sur son Église naissante. Une semblable dispensation, moins éclatante sans doute, mais non moins efficace, a été promise à l’Église dans tous les âges ; « la promesse, » dit saint Pierre, « a été faite à nous et nos enfants ; » c’est pourquoi les fidèles s’assemblent dans le jour où la promesse fut faite et ratifiée, afin d’en appeler le glorieux accomplissement.
Nous avons dit ailleurs que la sainte cène est célébrée chez nous les jours de Noël, Pâques et Pentecôte ; on ajoute aussi le premier dimanche de septembre, non que ce jour rappelle aucun souvenir biblique, mais afin de répartir sur toute l’année, et d’une manière à peu près égale, les époques où les fidèles s’approchent de Dieu par la communion visible, au nom du Seigneur Jésus-Christ.
Un jeûne spirituel, c’est-à-dire l’humiliation et la tristesse religieuse, a remplacé, chez les protestants, le jeûne matériel, dont l’observation leur paraît plutôt expédiente que nécessaire. Il a paru convenable à nos pères de consacrer un jour tout entier à l’humiliation publique.
La plupart de nos Églises l’ont fixé aux approches de Pâques. Dans ce jour, les prédications sont plus multipliées, les prières plus pressantes, les exhortations plus sévères, l’exposition de la loi plus intime et plus incisive ; c’est une précieuse occasion, pour les conducteurs du troupeau, de lui faire entendre des vérités utiles, pénibles peut-être, mais trop souvent méritées…
Les protestants n’observent point le carême, et ils ne font aucune distinction entre les aliments gras ou maigres. Les passages scripturaires suivants leur paraissent justifier suffisamment leurs croyances sur ce sujet :
« Le royaume de Dieu ne consiste ni dans le manger ni dans le boire (Rom., XIV, 17.). Ce qui souille l’homme n’est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en sort (Matth., XV, 11.). Que nul ne vous condamne au sujet du manger et du boire (Col., II, 16.). Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie sans vous en inquiéter au sujet de la conscience (1 Cor., X, 25). »
Les fêtes que nous venons d’énumérer ont un caractère plus spécialement ecclésiastique ; il en est d’autres qui sont commandées par le pouvoir civil.
Les fêtes auxquelles nous faisons allusion sont celles dans lesquelles le Monarque réclame des prières spéciales sur sa personne auguste, sur sa famille et sur son gouvernement, ou celles qui sont commandées par quelque circonstance particulière, telle qu’une éclatante victoire, le rétablissement de la paix, etc.
Nous nous associons de bon cœur à ces solennités et comme citoyens et comme disciples de Jésus-Christ, dociles à cette injonction de l’Apôtre, qui écrivait à Timothée (1 Tim., II, 1, 2, 3) : « Je recommande donc avant toutes choses qu’on fasse des requêtes, des prières, des supplications et des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont constitués en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille en toute piété et en toute honnêteté ; car cela est bon et agréable à Dieu notre Seigneur. »
Pendant ces solennités, l’Église entonne le Te Deum, cantique composé par un ancien docteur, dans lequel la gloire de la Sainte Trinité est exaltée d’une manière sublime, cantique qui appartient à toutes les communions, et qui pourrait bien leur servir à toutes de point commun de ralliement, car il exprime leurs communes convictions. On a réuni les passages scripturaires suivants, qui résument les devoirs des monarques et des peuples, pour les lire à l’occasion des fêtes nationales.
« Béni soit le nom de Dieu, depuis un siècle jusqu’à l’autre, car à lui est la sagesse et la force ; c’est lui qui change les temps et les saisons, qui ôte les rois et rétablit les rois, qui donne la sagesse aux sages et la science aux intelligents.
O rois ! Ayez de l’intelligence ; juges de la terre, recevez instruction. Servez l’Éternel avec crainte, et réjouissez-vous avec tremblement. Vous mourrez comme les autres hommes, et, quoique au premier rang, vous tomberez comme l’un d’eux.
Vous n’aurez point égard à l’apparence des personnes en jugement ; vous écouterez le petit comme le grand ; vous ne craindrez personne, car c’est de la part de Dieu que vous exercez la justice.
Faire une injustice doit être une abomination aux rois, car le trône est établi pour la justice. Les rois doivent prendre plaisir aux paroles de justice, et aimer celui qui profère des choses droites.
Les princes que j’établirai ne fouleront plus mon peuple. Princes, ôtez la violence, rendez le droit et la justice, ayez la balance juste.
Choisis d’entre le peuple des hommes vertueux et craignant Dieu, des hommes droits et qui haïssent tout gain déshonnête ; établis-les chefs sur les peuples. Prenez des gens sages, habiles et connus, et je vous les donnerai pour chefs.
Le peuple tombe faute de prudence. Quand un pays est en rébellion, il s’élève une multitude de chefs ; mais un seul homme sage suffit pour maintenir l’ordre.
L’ambition est une source d’animosité, mais la confiance en l’Éternel assure le repos.
Lorsque les justes s’élèvent, c’est une joie publique ; mais quand le méchant domine, tout le peuple gémit.
Tu ne médiras point des juges, et tu ne maudiras point le prince de ton peuple.
Observez les ordres du roi, et ce que vous lui avez juré au nom de Dieu. Celui qui obéit à ses ordres ne sentira aucun mal, et le cœur du sage connaît le temps et la conduite qu’il doit tenir.
Le prince est le ministre de Dieu pour ton bien ; mais, si tu fais mal, crains, parce qu’il ne porte pas en vain l’épée ; car il est le ministre de Dieu et le vengeur pour punir celui qui fait mal. C’est pourquoi il est nécessaire d’être soumis non seulement par la crainte de la punition, mais aussi à cause de la conscience. C’est aussi pour cela que vous payez les tributs, parce qu’ils sont les ministres de Dieu, qui s’appliquent sans cesse à leur emploi. Rendez donc à chacun ce qui lui est dû : le tribut à qui vous devez le tribut, les impôts à qui vous devez des impôts, la crainte à qui vous devez la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur.
Soyez donc soumis à tout ordre humain pour l’amour du Seigneur ; soit au roi, comme à celui qui est au-dessus des autres ; soit aux gouverneurs, comme à ceux qui sont envoyés de sa part pour punir ceux qui font mal et pour honorer ceux qui font bien. Car telle est la volonté de Dieu, qu’en faisant bien vous fermiez la bouche aux gens ignorants et dépourvus de sens. Vous êtes libres ; que votre liberté ne vous serve pas de prétexte pour faire le mal ; conduisez-vous comme des serviteurs de Dieu. Rendez honneur à tout le monde, aimez tous vos frères, craignez Dieu, honorez le roi.
La justice élève une nation, mais le péché est la honte des peuples.
Oh ! Que bienheureuse est la nation dont l’Éternel est le Dieu, et le peuple qu’il a choisi pour son héritage ! »
En mai 1859, toutes les Églises réformées de France ont célébré, d’une manière solennelle, l’anniversaire tricentenaire de la première constitution de nos Églises, dans le synode tenu à Paris sous la présidence de François de Morel. Une médaille commémorative a été frappée à cette occasion ; des discours remarquables ont été prononcés et publiés. En plusieurs lieux les temples ne pouvaient plus contenir la foule des auditeurs. Une assemblée de vingt mille protestants est tenue à Nîmes, non loin du lieu désert où nos pères étaient naguère réduits à célébrer furtivement leur saint culte, alors proscrit et condamné par des lois d’iniquité.