Quelques-uns d’entre les gnostiques emprisonnent le corps d’un Æon qui ne vieillit jamais dans celui d’une vierge : son nom est Barbelon. Un Dieu existe, mais son nom ne peut s’exprimer ; ce Dieu ne se manifeste qu’à Barbelon. La pensée de l’Æon que nous venons de nommer s’étant un jour présentée à lui, lui demanda la prescience. La prescience descendit en elle. Après la prescience, elle demanda l’incorruptibilité ; l’incorruptibilité fit aussitôt partie de son être. Alors demandant l’éternité, elle la vit pareillement descendre en elle. La joie que causa à Barbelon la faveur supérieure révélée à lui par ses nouveaux attributs de grandeur et d’intelligence lui fit donner le jour à une lumière semblable à lui-même. Ce fut là, disent-ils, le premier flambeau de toute vie et de toute génération. Le Père, voyant apparaître cette lumière, l’oignit de l’ablution de sa bonté afin de la rendre parfaite. Elle fut le Christ, qui vint à son tour implorer le secours de Nus ; Nus vint, et le Verbe envoyé du Père descendit alors comme entremetteur. Des unions se firent. La pensée et Logos s’accouplèrent ; Aphtarsias et Christ s’unirent ; Zoé, l’un des Æons, se maria à Thelema. Nus et la prescience s’étant aussi réunis, entonnèrent l’hymne de gloire à Barbelon.
La représentation de la grande lumière, Autogène, naquit de la pensée et de Logos ; des honneurs très-grands lui furent rendus, et tout lui fut soumis, et bientôt Aletheia lui fut donnée en mariage. Quatre flambeaux immenses, comme pour servir de satellites à Autogène, naquirent du Christ et de l’incorruptibilité. De Thelema et de Zoé naquirent d’autres satellites aux quatre flambeaux, qui sont, Charis, Thelesis, Synesis, Phronesis. Charis fut unie au plus grand, au plus éclatant d’entre eux. Quelques-uns l’appellent Sauveur, sous la dénomination d’Harmogène : Thelesis eut le second pour époux, sous le nom de Raguël ; Synesis, le troisième, sous le nom de David ; Phronesis, enfin, le quatrième, sous la dénomination d’Éleleth.
Ces créations étant achevées, Autogène plaça au-dessus d’elles l’homme de perfection et de vérité, Adam ; mais étant insoumis, lui et ceux dont il était la production, il fut renvoyé et placé loin d’Harmogène, auprès du premier flambeau. Autogène avait donné à la fois naissance à l’homme et à la science parfaite : il s’unit à elle ; par cette union il parvint à connaître celui qui est au-dessus de toutes choses ; le souffle virginal de son épouse le doua de la puissance invincible.
De là, disent-ils, la triple manifestation de la mère, du père et du fils. L’homme et la science produisirent le bois qu’ils désignent sous le nom de Gnosis. Le premier ange qui assiste debout aux côtés de l’Unigenitus produisit à son tour l’Esprit saint, nommé encore Sophia et Pronique. L’Esprit, se voyant sans compagne au milieu des unions qui l’entouraient, s’en chercha une. Ses recherches furent longtemps sans résultat ; mais lui, toujours persévérant, étendait son être, s’inclinait vers le monde inférieur, ne doutant point que là il trouverait à qui s’unir. Ce fut encore en vain. Alors il descendit dans les régions inférieures, désolé que le Père ne l’assistât pas dans ses recherches. Enfin, dans l’effort de sa bonté et de son innocence, il devint père d’une œuvre, qui fut un mélange d’ignorance et d’audace. Cette œuvre reçoit des hérésiarques dont nous parlons le nom de Proarchont, qui serait l’auteur de la vie que nous avons ici-bas. Mais une puissance supérieure vint à séparer le Proarchont de sa mère et l’entraîna dans les sphères inférieures ; il créa le firmament, qui est devenu sa demeure. L’ignorance, partie intégrante de son œuvre, se changea en anges, en puissances, en firmaments et en toutes les substances terrestres. Kakia, Zelos, Phtonoa, Érynis, Épythaméa, naquirent de son union avec Autadia ; leur naissance contrista Sophia, la fit s’éloigner, s’élever vers les régions supérieures, où elle devint l’ogdoade. L’esprit, après son départ, se crut de nouveau dans l’isolement, et c’est pour cela qu’il s’écria : « Je suis le Dieu jaloux, hors de moi il n’en est point d’autre. » Telles sont les audacieuses inventions de ces imposteurs.