(TRADUCTION DE RAYNOUARD).
On propose seulement quelques changements mis entre parenthèses.
- O frères, écoutez une noble leçon :
- Souvent devons veiller et être en oraison
- Car nous voyons ce monde être près de sa chute (son terme)
- Moult curieux (soigneux) devrions être de bonnes œuvres faire
- Car nous voyons ce monde de la fin approcher.
- Bien a mille et cent ans accomplis entièrement
- Que fut écrite l’heure que nous sommes au dernier temps ;
- Peu nous devrions convoiter, car nous sommes au reste.
- Chaque jour voyons les signes venir à accomplissement,
- Accroissement de mal et diminution de bien.
- Ceci sont les périls que l’Ecriture dit :
- L’Evangile ceci raconte, et saint Paul aussi
- Que nul homme qui vive ne peut savoir sa fin ;
- Pour cela devons plus (jamais) craindre, car nous ne sommes certains
- Si la mort nous prendra ou aujourd’hui ou demain ;
- Mais quand viendra Jésus au jour du jugement
- Un chacun recevra pour entier paiement,
- Et ceux qui auront fait mal et qui auront fait bien.
- Mais l’Ecriture dit, et nous croire cela devons
- Que tous hommes du monde par deux chemins tiendront :
- Les bons iront en gloire et les méchants au tourment.
- Mais celui qui ne croira en ce partage,
- Qu’il regarde l’Ecriture du fin commencement,
- Depuis qu’Adam fut formé jusqu’au temps présent ;
- Là pourra trouver, s’il aura entendement,
- Que peu sont les sauvés, à voir le restant.
- Mais chacune personne, laquelle veut bien opérer,
- Le nom de Dieu le Père doit être au commencer,
- Et appeler en aide le sien glorieux Fils cher,
- Fils de sainte Marie,
- Et le Saint-Esprit, afin qu’il nous donne bonne voie.
- Ces trois, la sainte Trinité,
- Comme un Dieu doivent être honorés (priés)
- Plein de toute sagesse et de toute puissance et de toute bonté.
- Celui-ci devons souvent prier et requérir
- Que nous donne force encontre l’ennemi,
- Que nous le puissions vaincre devant la notre fin,
- C’est-à-dire le monde et le diable et la chair,
- Et nous donne sagesse accompagnée de bonté,
- Que nous puissions connaître la voie de vérité,
- Et garder pure l’âme que Dieu nous a donnée,
- L’âme et le corps en voie de charité,
- Ainsi que nous aimons la sainte Trinité
- Et le prochain, car Dieu cela a commandé
- Non-seulement celui qui nous fait bien, mais celui qui nous fait mal,
- Et avoir ferme espérance au Roi céleste
- Que à la fin nous auberge au sien glorieux hôtel :
- Mais celui qui ne fera ce qui se contient en cette leçon
- N’entrera en la sainte maison.
- Mais cela est de grief (difficile) tenir à la méchante gent
- Lesquels aiment trop l’or et l’argent,
- Et ont les promesses de Dieu en mépris,
- Et qui ne gardent la loi et les commandements
- Ni la laissent garder à aucune bonne gent,
- Mais selon leur pouvoir, y font empêchement.
- Et pourquoi est ce mal entre humaine gent.
- Parce que Adam pécha du fin commencement,
- Car il mangea de la pomme outre défense,
- Et aux autres germa le grain de mauvaise semence
- Et acquit à soi mort et aux autres successeurs.
- Bien pouvons dire que là eut mauvais morceau (bouchée);
- Mais Christ a racheté les bons par la sienne passion,
- Mais pour cela nous trouvons en cette leçon
- Que Adam fut mécréant à Dieu le sien créateur ;
- De ceci pouvons voir que maintenant sont faits pires,
- Vu qu’ils abandonnent Dieu le Père tout-puissant,
- Et croient aux idoles à leur détriment (destruction),
- Ce que défend la loi qui fut du commencement,
- Loi de nature s’appelle, commune à toute gent,
- Laquelle Dieu plaça au cœur de son premier formé
- De pouvoir faire mal on bien lui donna franchise :
- Le mal lui a défendu, le bien lui a commandé :
- Ceci pouvez vous bien voir qu’il a été mal gardé,
- Vu que avons laissé le bien, et le mal avons ouvré (opéré),
- Comme fit Caïn, le premier fils d’Adam,
- Qui occit son frère Abel sans aucune raison,
- Mais parce qu’il était bon
- Et avait sa foi au Seigneur et non à créature ;
- Ainsi pouvons prendre exemple de la loi de nature
- Laquelle avons corrompue, passé avons la mesure ;
- Péché avons au Créateur et offensé à la créature.
- Noble loi était celle, laquelle Dieu nous donna,
- Au cœur d’un chacun homme écrite la posa,
- Afin qu’il l’eût et gardât et enseignât droiture,
- Aimât Dieu en son cour sur toute créature,
- Et craignît et servît, n’y posât mesure,
- Vu que n’est trouvé en la sainte Ecriture
- Gardât ferme le mariage, ce noble pacte ;
- Eût paix avec les frères et aimât toute autre gent,
- Haït orgueil et aimât humilité,
- Et fît aux autres comme voudrait être fait à soi ;
- Et s’il faisait le contraire, qu’il en fût puni.
- Peu furent ceux qui la loi bien gardèrent,
- Et nombreux furent ceux qui la loi transgressèrent ;
- Et le Seigneur abandonnèrent, ne donnant à lui honneur,
- Mais crurent au démon et à la sienne tentation :
- Beaucoup (trop) aimèrent le monde, et peu le paradis,
- Et servirent au corps beaucoup plus qu’à l’esprit ;
- Pour cela nous trouvons que plusieurs en sont péris.
- Ainsi (ici) se peut reprendre tout homme qui dit
- Que Dieu ne fit les gens pour laisser eux périr ;
- Mais garde soi un chacun afin que n’arrive comme à eux,
- Que le déluge vînt et détruisît les félons.
- Mais Dieu fit faire arche en laquelle il enferma les bons ;
- Tant fut augmenté le mal et le bien diminué
- Qu’en tout le monde ne se trouve sinon huit sauvés :
- Grand exemple pouvons prendre en cette sentence
- Que nous nous gardions de mal et fassions pénitence.
- Vu que Jésus-Christ a dit, et en saint Luc est écrit,
- Que tous ceux qui ne la feront périront tous ;
- Mais ceux qui échappèrent, Dieu leur fit promesse
- Que jamais en eau ne périra le monde.
- Ceux-là s’augmentèrent et furent multipliés ;
- Du bien que Dieu leur fit peu furent mémoratifs (souvenants),
- Mais eurent tant peu de foi et tant grande peur,
- Qu’ils ne crurent bien au dit de leur Seigneur,
- Mais craignaient que les eaux noyassent encore le monde ;
- Et dirent de faire tour pour réduire soi là,
- Et bien la commencèrent selon ce qui est écrit,
- Et disaient de faire elle et si large et si haute et si grande
- Qu’elle parvînt jusqu’au ciel, mais ne purent faire autant,
- Vu qu’elle déplut à Dieu, et leur en fit mine (semblant).
- Babylone avait nom cette grande cité,
- Et maintenant est dite confusion pour la sienne méchanceté.
- Alors était un langage entre toute la gent,
- Mais afin qu’ils ne s’entendissent Dieu fit dispersion,
- Afin qu’ils ne fissent la tour qu’ils avaient commencée.
- Les langages furent par tout le monde répandus.
- Après péchèrent grièvement, abandonnant la loi, c. à d. la loi de nature,
- Comme se peut prouver par la sainte Ecriture ;
- Vu que cinq cités périrent, lesquelles faisaient le mal ;
- En feu et en soufre Dieu les condamna ;
- Il détruisit les félons et les bons délivra ;
- Ce fut Loth et ceux de son hôtel que l’ange en tira ;
- Quatre furent par nombre, mais l’un se condamna,
- Ce fut la femme parce qu’elle regarda contre défense.
- Ici a grand exemple à toute humaine gent
- Qu’ils se doivent garder de ce que Dieu défend.
- En ce temps fut Abraham, homme plaisant à Dieu,
- Et engendra un patriarche dont furent les Juifs :
- Noble gent furent ceux-là en la crainte de Dieu ;
- En Egypte habitèrent entre autre méchante gent ;
- Là furent opprimés et contraints par long-temps,
- Et crièrent au Seigneur, et il leur transmit Moyse,
- Et délivra son peuple et détruisit l’autre gent :
- Par la mer Rouge passèrent, comme par belle issue (beau sec) ;
- Mais les ennemis d’eux, lesquels les poursuivaient, y (ils) périrent tous.
- Plusieurs autres signes Dieu au sien peuple fit ;
- Il les nourrit quarante ans au désert, et leur donna la loi ;
- En deux tables de pierre la transmit par Moyse :
- Et trouvèrent là (elle) y écrite et ordonnée noblement.
- Un maître (seigneur) démontre être à toute gent,
- Et celui-là dussent croire et aimer de tout leur cœur,
- Et craindre et servir jusqu’au jour de la fin
- Et un chacun aimât le prochain comme soi,
- Conseillassent les veuves, et les orphelins soutenir,
- Aubergeassent les pauvres, et les nus revêtir,
- Nourrissent les affamés et les errants dirigeassent,
- Et la loi de lui très-fort dussent garder ;
- Et aux gardants promit le règne céleste.
- Le service des idoles leur mit en défense,
- Homicides, adultères et toute fornication,
- Mentir et parjurer et fausse promesse (garantie)
- Usure et rapine et mauvaise convoitise,
- Ensuite avarice et toute félonie ;
- Aux bons promit vie, et les méchants tuait.
- Alors était justice en la sienne seigneurie,
- Car ceux qui transgressaient et faisaient méchamment
- Etaient tués et détruits sans pardon ;
- Mais l’Ecriture dit, et beaucoup est manifeste,
- Que trente mille furent les restés au désert,
- Trente mille et plus, selon que dit la loi,
- Ils furent tués de glaives, de feu et de serpents,
- Et plusieurs autres périrent de l’extermination,
- La terre se divisa, et les reçut l’enfer.
- Ainsi nous nous pouvons reprendre de notre grand assoupissement.
- Mais ceux qui firent bien le plaisir du Seigneur
- Héritèrent la terre de promission.
- Beaucoup fut de noble gent en cette façon,
- Comme fut David et le roi Salomon,
- Isaïe, Jérémie et beaucoup autres hommes,
- Lesquels combattaient pour la loi et faisaient défense,
- Un peuple était à Dieu choisi de tout le monde :
- Les ennemis qui les poursuivaient étaient plusieurs d’entour ;
- Grand exemple pouvons prendre en cette leçon :
- Quand ils gardaient la loi et les commandements,
- Dieu combattait pour eux encontre l’autre gent ;
- Mais quand ils péchaient et faisaient méchamment,
- Ils étaient tués et détruits et pris de l’autre gent ;
- Tant fut égaré (étendu) le peuple et plein de grande richesse
- Qu’il va détourner les pas (lever le pied) encontre son Seigneur ;
- C’est pourquoi nous trouvons en cette leçon
- Que le roi de Babylone les mit en sa prison :
- Là furent opprimés et pressés (sous contrainte) par long-temps,
- Et crièrent au Seigneur avec le cœur repentant :
- Alors (c’est pourquoi) les ramena en Jérusalem,
- Peu furent les obéissants qui gardèrent (gardassent) la loi
- Et eussent la crainte d’offenser le leur roi ;
- Mais y eut aucune (quelque) gent pleins de si grande fausseté ;
- Ce furent les pharisiens et les autres écrivains ;
- Qu’ils gardassent la loi beaucoup était d’apparence,
- Afin que la gent cela vissent, pour être plus honorés ;
- Mais peu vaut cet honneur qui bientôt vient à chute (fin)
- Ils persécutaient les saints et les justes et les bons ;
- Avec pleurs et avec gémissement priaient le Seigneur
- Qu’il descendit en terre pour sauver ce monde,
- Car tout l’humain lignage allait à perdition.
- Alors (c’est pourquoi) Dieu transmit l’ange à une noble demoiselle le lignage de roi ;
- Noblement la salue, car cela appartenait à elle ;
- Ensuite lui dit : « Ne crains, Marie,
- » Car le Saint-Esprit est en ta compagnie ;
- >» De toi naîtra fils que appelleras Jésus ;
- >» Il sauvera son peuple de ce qu’il a offensé. »
- Neuf mois le porta au sien ventre la vierge glorieuse,
- Mais afin qu’elle ne fût pas reprise, de Joseph fut épouse ;
- Pauvre était notre Dame et Joseph aussi ;
- Mais cela devons croire, car l’Evangile le dit,
- Qu’en la crèche le posèrent quand fut né l’enfant,
- De langes l’enveloppèrent, pauvrement fut aubergé :
- Ainsi (ici) se peuvent reprendre les convoiteux et les avares
- Qui d’amasser or ne se veulent cesser :
- Plusieurs miracles furent, quand fut né le Seigneur,
- Car Dieu transmit (envoya) l’ange annoncer aux pasteurs (pâtres),
- Et en Orient apparut une étoile aux trois barons ;
- Gloire fut donnée à Dieu au ciel, et en terre paix aux bons ;
- Mais avant un peu (petit) souffrit persécution ;
- Mais l’enfant croissait par grâce et par âge
- Et en sagesse divine en laquelle il était enseigné ;
- Et appela douze apôtres lesquels sont bien nommés,
- Et voulut changer la loi qu’auparavant avait donnée ;
- Il ne la changea pas, vu qu’elle fut abandonnée,
- Mais la renouvela, vu qu’elle fut mal gardée.
- Et reçut le baptême pour donner sauvement (salut),
- Et dit aux apôtres que baptisassent la gent ;
- Car alors (aussi) commençait le renouvellement.
- Bien défend la loi vieille forniquer et adultérer,
- Mais la nouvelle reprend voir et convoiter :
- La loi vieille octroie de rompre le mariage,
- Et que carte de répudiation se dut donner ;
- Mais la nouvelle dit de ne pas prendre la laissée,
- Et que personne ne sépare ce que Dieu a ajusté (joint) ;
- La loi vieille maudit le ventre qui fruit n’a pas porté,
- Mais la nouvelle conseille garder virginité ;
- La loi vieille défend seulement parjurer,
- Mais la nouvelle dit à tout point (à l’avenir) non jurer,
- Et que plus de oui ou de non ne soit en ton parler :
- La loi vieille commande combattre les ennemis et rendre mal pour mal ;
- Mais la nouvelle dit : « Ne te veuille venger,
- » Mais laisse la vengeance au Roi céleste,
- » Et laisse vivre en paix ceux qui te feront mal,
- » Et trouverez (trouveras) pardon du Roi céleste. »
- La loi vieille dit : « Aime les tiens amis, et aurez (auras) en haine les ennemis. »
- Mais la nouvelle dit : « Ne ferez (feras) plus ainsi,
- » Mais aimez les vôtres ennemis et faites bien à ceux lesquels haïront vous,
- » Et priez pour les persécutants et les accusants vous. »
- La loi vieille commande punir les malfaisants ;
- Mais la nouvelle dit : « Pardonne à toute gent,
- » Et trouverez (trouveras) pardon du Père tout-puissant ;
- » Car si tu ne pardonnes, n’aurez (non auras) sauvement. »
- Aucun ne doit occire ni haïr aucune gent ;
- Moins (pas même) ni simple ni pauvre ne devons mépriser,
- Ni tenir vil l’étranger qui vient d’autre pays,
- Car en ce monde nous sommes tous pèlerins :
- Mais parce que nous sommes tous frères, devons tous Dieu servir.
- C’est la loi nouvelle que Jésus-Christ a dit que nous devons garder
- Et appela les siens apôtres et fit à eux commandement
- Que allassent par le monde et enseignassent la gent,
- Juifs et Grecs prêchassent et toute humaine gent ;
- Et donna à eux pouvoir sur les serpents,
- Chassassent les démons et guérissent les infirmes,
- Ressuscitassent les morts et purifiassent les lépreux
- Et fissent aux autres comme il avait fait à eux
- D’or ni d’argent ne fussent possédant,
- Mais avec vivre (vie) et vêtement se tinssent contents ;
- Aimassent soi entre eux et eussent bonne paix :
- Alors (ainsi donc) leur promit le règne céleste,
- Et à ceux qui tiendront pauvreté spirituelle ;
- Mais qui saurait quels sont, ils seraient tôt nombrés,
- Qui veulent (veuillent) être pauvres par propre volonté.
- De ce qui était à venir il leur va annoncer,
- Comme (ainsi) il devait mourir et puis ressusciter,
- Et leur dit les signes et les démonstrations
- Qui (lesquels) devaient venir avant la fin ;
- Plusieurs belles paraboles (similitudes) dit à eux et à la gent
- Lesquelles furent écrites au Nouveau Testament.
- Mais, si Christ voulons aimer et suivre sa doctrine,
- Nous convient à veiller et lire l’Ecriture.
- Là nous pourrons trouver, quand nous aurons lu,
- Que seulement pour faire bien Christ fut persécuté ;
- Il ressuscitait les morts par divine vertu,
- Et faisait voir les aveugles qui oncques n’avaient vu ;
- Il purifiait les lépreux et les sourds faisait ouïr,
- Et chassait les démons, faisant toutes vertus ;
- Et quand il faisait plus de bien, plus était persécuté ;
- C’étaient les pharisiens qui le poursuivaient
- Et ceux du roi Hérode et l’autre gent du clergé ;
- Car ils avaient envie parce que la gent le suivait ;
- Et parce que la gent croyait en lui et en les siens commandements :
- Pensèrent lui occire et faire le traiteusement (la trahison),
- Et parlèrent à Juda, et tirent avec lui convention
- Que s’il le leur livrait, il aurait trente pièces d’argent,
- Et Judas fut convoiteux et fit la tradition,
- Et livra son Seigneur entre la méchante gent.
- Les Juifs furent ceux qui le crucifièrent ;
- Les pieds et les mains fortement lui clouèrent,
- Et couronne d’épines en la tête lui posèrent ;
- Disant à lui plusieurs reproches ils le blasphémèrent ;
- Il dit qu’il avait soif, de fiel et d’acide (vinaigre) l’abreuvèrent.
- Tant furent les tourments amers et douloureux
- Que l’âme partit du corps pour sauver les pécheurs.
- Le corps resta là pendu haut en la croix
- Au milieu de deux larrons.
- Quatre plaies lui firent sans les autres coups,
- Puis lui firent la cinquième pour faire le complément ;
- Car un des cavaliers vint et lui ouvrit le côté ;
- Alors (aussi) sortit sang et eau ensemble mêlé.
- Tous les apôtres fuirent, mais un y retourna ;
- Et était là avec les Maries debout près la croix.
- Grande douleur avaient tous, mais notre Dame plus grande
- Quand elle voyait son Fils mort, nu, en souffrance sur la croix.
- Des bons fut enseveli, et gardé des félons ;
- Et tira les siens d’enfer et ressuscita au troisième jour,
- Et apparut aux siens comme il avait dit à eux.
- Alors eurent grande joie quand ils virent le Seigneur,
- Et furent confortés, car auparavant avaient grand peur,
- Et demeura (conversa) avec eux jusqu’au jour de l’ascencion.
- Alors monta en gloire le notre Sauveur,
- Et dit à les siens apôtres et aux autres enseignants
- Que jusqu’à la fin du monde serait toujours avec eux.
- Mais quand vint à Pentecôte, se ressouvint d’eux,
- Et leur transmit le Saint-Esprit, lequel est consolateur ;
- Et enseigna les apôtres par divine doctrine,
- Et surent les langages et la sainte Ecriture.
- Alors leur souvint de ce qu’il avait dit,
- Sans crainte parlaient de la doctrine de Christ ;
- Juifs et Grecs prêchaient, faisant plusieurs miracles,
- Et les croyants baptisaient au nom de Jésus-Christ.
- Alors fut fait un peuple de nouveaux convertis :
- Chrétiens furent nommés, parce qu’ils croyaient en Christ.
- Mais cela trouvons que l’Ecriture dit,
- Très-fort les poursuivaient Juifs et Sarrasins ;
- Mais tant furent forts les apôtres en la crainte du Seigneur,
- Et les hommes et les femmes qui étaient avec eux,
- Que pour eux ne laissaient ni leurs faits ni leurs dits,
- Tant que plusieurs en occirent comme ils avaient Jésus-Christ ;
- Grands furent les tourments selon ce qui est écrit,
- Seulement parce qu’ils démontraient la voie de Jésus-Christ ;
- Mais lesquels les poursuivaient ne leur était de tant mal crainte,
- Car ils n’avaient la foi de notre Seigneur Jésus-Christ,
- Comme de ceux qui cherchent ores accusation et qui persécutent tant,
- Que chrétiens doivent être, mais mal en font semblant,
- Mais en cela se peuvent reprendre ceux qui persécutent et conforter les bons ;
- Car ne se trouve en Ecriture sainte ni par raison
- Que les saints persécutassent aucun ni missent en prison ;
- Mais après les apôtres furent quelques docteurs
- Lesquels montraient la voie de Christ, le notre Sauveur.
- Mais encore s’en trouve aucuns au temps présent,
- Lesquels sont manifestes à très-peu de la gent,
- La voie de Jésus-Christ très-fort voudraient montrer,
- Mais tant sont persécutés qu’à peine le peuvent faire ;
- Tant sont les faux chrétiens aveuglés par erreur,
- Et beaucoup plus que les autres ceux qui doivent être pasteurs,
- Vu qu’ils persécutent et tuent ceux qui sont meilleurs,
- Et laissent en paix les faux et les trompeurs !
- Mais en cela se peut connaître qu’ils ne sont bons pasteurs,
- Car ils n’aiment les brebis sinon pour la toison ;
- Mais l’Ecriture dit, et nous le pouvons voir,
- Que si y en a aucun (quelqu’un) bon qui aime et craigne Jésus-Christ,
- Qui ne veuille maudire ni jurer ni mentir,
- Ni adultérer ni occire ni prendre de l’autrui,
- Ni venger soi de les siens ennemis,
- Ils disent qu’est Vaudois et digne de punir,
- Et lui trouvent accusation en mensonge et tromperie.
- Ainsi ils pourraient ôter ce qu’il a de son juste chagrin ;
- Mais fortement se conforte celui qui souffre pour l’amour du Seigneur ;
- Car le royaume du ciel lui sera apprêté au partir de ce monde
- Alors (aussi) aura grande gloire s’il a en déshonneur :
- Mais en cela est manifeste la méchanceté d’eux,
- Vu que qui veut maudire et mentir et jurer,
- Prêter à usure et occire et adultérer,
- Et venger soi de ceux qui lui font mal,
- Ils disent qu’il est prud’homme, et loyal homme renommé ;
- Mais à la fin se garde qu’il ne soit trompé :
- Quand le mal le presse tant qu’a peine peut parler,
- Il demande le prêtre et se veut confesser ;
- Mais, selon l’Ecriture, il a trop tardé, laquelle dit :
- « Sain et vif te confesse et n’attends à la fin. »
- Le prêtre lui demande s’il a aucun péché ;
- Deux mots ou trois répond et tôt a dépêché.
- Bien lui dit le prêtre qu’il ne peut être absous,
- S’il ne rend tout l’autrui et amende les siens torts.
- Mais quand il ouit (entend) ceci il a grand pensement,
- Et pense entre soi que, s’il rend entièrement,
- Quoi restera aux siens enfants, et que dira la gent ;
- Et commande aux siens enfants, qu’ils amendent les siens torts,
- Et fait pacte avec le prêtre afin qu’il puisse être absous :
- S’il a cent livres de l’autrui ou encore deux cents,
- Le prêtre l’acquitte pour cent sols ou encore pour moins,
- Et lui fait réprimande et lui promet pardon ;
- Qu’il fasse dire messe pour lui et pour les siens pères,
- Et leur promet pardon soit à juste, ou soit à félon ;
- Alors (en conséquence) lui pose la main sur la tête ;
- Quand il lui donne plus, lui fait plus grande fête,
- Et lui fait entendement qu’il est moult bien absous :
- Mais mal sont indemnisés ceux de qui il a eu les torts.
- Mais il sera trompé en telle absolution ;
- Et celui qui le fait croire y pèche mortellement.
- Mais j’ose le dire, car se trouve en vrai,
- Que tous les papes qui furent de Sylvestre jusqu’à celui-ci,
- Et tous les cardinaux, et tous les évêques, et tous les abbés,
- Tout ceux-là ensemble n’ont tant de pouvoir
- Qu’ils puissent pardonner un seul péché mortel.
- Seulement Dieu pardonne, vu qu’autre ne le peut faire.
- Mais ceci doivent faire ceux qui sont pasteurs :
- Prêcher doivent le peuple et être en oraison,
- Et paître eux souvent de divine doctrine,
- Et châtier les péchants, donnant à eux discipline,
- C’est vrai avertissement qu’ils aient repentance ;
- Purement se confessent sans aucun manquement,
- Et qu’ils fassent pénitence, en la vie présente,
- De jeûner, faire aumônes et prier avec cœur bouillant
- Car par ces choses trouve l’âme sauvement
- De nous mauvais chrétiens lesquels avons péché
- La loi de Jésus-Christ avons abandonné,
- Car n’avons crainte ni foi ni charité ;
- Repentir nous convient et n’y devons tarder ;
- Avec pleurs et avec repentance nous convient amender
- L’offense que avons faite par trois péchés mortels,
- Par convoitise d’œil, et par plaisir de chair,
- Et par orgueil de vie par quoi nous avons fait les maux ;
- Car par cette voie nous devons suivre et tenir,
- Si nous voulons aimer et suivre Jésus-Christ,
- Pauvreté spirituelle de cœur devons tenir,
- Et aimer chasteté et Dieu humblement servir ;
- Alors suivrions la voie du Seigneur Jésus-Christ,
- Et aurions la victoire de les notres ennemis.
- Brièvement est raconté en cette leçon
- De les trois lois que Dieu donna au monde.
- La première loi démontre à qui a sens et raison,
- C’est à connaître Dieu et honorer le sien Créateur ;
- Car celui qui a entendement peut penser entre soi
- Qu’il ne s’est pas formé ni les autres aussi ;
- De ceci peut connaître celui qui a sens et raison
- Que c’est un Seigneur Dieu lequel a formé le monde ;
- Et, reconnaissant lui, moult le devons honorer
- Car ceux furent damnés qui ne le voulurent faire.
- Mais la seconde loi, que Dieu donna à Moyse,
- Nous enseigne à conserver Dieu et servir lui fortement,
- Car il condamne et punit tout homme qui l’offense.
- Mais la troisième loi, laquelle est ores au temps présent
- Nous enseigne aimer Dieu de bon cœur et servir purement ;
- Car Dieu attend le pécheur et lui donne délai
- Afin qu’il puisse faire pénitence en la vie présente.
- Autre loi d’ici en avant ne devons plus avoir,
- Sinon ensuivre Jésus-Christ, et faire le sien bon plaisir,
- Et garder fermement ce qu’il a commandé,
- Et être très-avisés quand viendra l’Antechrist,
- Afin que nous ne croyions ni à son fait ni à son dit :
- Car, selon l’Ecriture, sont ores (maintenant) faits plusieurs Antechrist.
- Car Antechrist sont tous ceux qui contrastent à Christ.
- Plusieurs signes et grandes démonstrations
- Seront dès ce temps jusqu’au jour du jugement ;
- Le ciel et la terre brûleront, et mourront tous les vivants,
- Puis ressusciteront tous en vie permanente,
- Et seront aplanis tous les édifices.
- Alors sera fait le dernier jugement :
- Dieu séparera le sien peuple, selon ce qui est écrit ;
- Aux méchants il dira : « Séparez-vous de moi,
- Allez au feu éternel qui jamais n’aura fin ;
- » Par trois grièves conditions serez pressés là
- » Par multitude de peines et par âpre tourment,
- » Et parce que serez damnés sans faute. »
- De quoi nous garde Dieu par le sien plaisir,
- Et donne ouir ce qu’il dira aux siens avant qu’il soit guère,
- Disant : « Venez-vous-en avec moi, bénis du mien Père,
- » Et possédez le règne apprêté à vous du commencement du monde
- » Auquel vous aurez plaisir, richesses et honneurs. »
- Plaise à ce Seigneur qui forma tout le monde,
- Que nous soyons des élus pour être dans sa cour !
A Dieu grâces. Amen.(Voir Raynouard, etc., t. II, p. 73 et suiv.)