Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE I

CHAPITRE XXXIV

Récit de Lysimaque, plus invraisemblable encore.

(304) Après eux je présenterai Lysimaque[1], qui a pris pour ses mensonges le même thème que les écrivains précités, la fable des lépreux et des infirmes, mais qui les surpasse par l'invraisemblance de ses inventions ; aussi est-il clair que son ouvrage est inspiré par une profonde haine. (305) D'après lui, sous Bocchoris, roi d'Égypte, le peuple juif atteint de la lèpre, de la gale et d'autres maladies, se réfugia dans les temples, et y mendiait sa vie. Comme un très grand nombre d'hommes étaient tombés malades, il y eut une disette en Égypte. (306) Bocchoris, roi d'Égypte[2], envoya consulter l'oracle d’Ammon au sujet de la disette. Le dieu ordonna de purger les temples des hommes impurs et impies en les chassant de là dans des lieux déserts, de noyer les galeux et les lépreux, car, selon lui, le soleil était irrité de leur existence, et de purifier les temples ; qu'ainsi la terre porterait des fruits. (307) Bocchoris, informé de l'oracle, appela près de lui les prêtres et les serviteurs de l'autel, leur ordonna de faire un recensement des impurs et de les livrer aux soldats pour qu'ils les emmenassent dans le désert, et de lier les lépreux entre des feuilles de plomb pour les jeter à la mer. (308) Les lépreux et les galeux noyés, on réunit les autres et on les transporta dans des lieux déserts pour qu'ils périssent. Ceux-ci s'assemblèrent, délibérèrent sur leur situation ; la nuit venue, ils allumèrent du feu et des torches, montèrent la garde, et, la nuit suivante, après un jeûne, ils prièrent les dieux pour leur salut. (309) Le lendemain un certain Moïse leur conseilla de suivre résolument une seule route jusqu'à ce qu'ils parvinssent à des lieux habités et leur prescrivit de n'avoir de bienveillance pour aucun homme, ni de jamais conseiller le meilleur parti, mais le pire, et de renverser les temples et les autels des dieux qu'ils rencontreraient. (310) Les autres y consentirent et mirent à exécution leurs décisions ; ils traversèrent le désert, et, après bien des tourments, arrivèrent dans la région habitée, puis, outrageant les hommes, pillant et brûlant les temples, ils vinrent dans le pays appelé aujourd'hui Judée, y bâtirent une ville et s'y fixèrent. (311) Cette ville fut nommée Hiérosyla (sacrilège) à cause de leurs dispositions d'esprit. Plus tard, devenus maîtres du pays, avec le temps, ils changèrent cette appellation pour éviter la honte, et donnèrent à la ville le nom de Hiérosolyma, à eux-mêmes celui de Hiérosolymites[3].

[1] L'époque exacte de cet écrivain est inconnue. On sait seulement (Athénée, IV, 158 D) qu'il vécut après Mnaséas (IIe siècle). Il était d'Alexandrie et avait écrit, outre l'ouvrage cité par Josèphe, des Θηβαικὰ παράδοξα et des Νόστοι.

[2] Nous verrons plus loin. (II, 2, § 16) que ce Bocchoris est censé avoir vécu 1700 ans avant Josèphe ; on ne peut dans ce cas le confondre avec le Bocchoris de Manéthôs (XXIVe dynastie, VIIIe siècle ?), quoique la date de ce dernier prince concorde avec celle qu'Apion assignait à l'Exode. Diodore de Sicile (I, 65) mentionne un Bocchoris, difforme et rusé, qui aurait régné immédiatement après les constructeurs de pyramides ; peut-être est-ce le même qu'a en vue Lysimaque. Les anecdotes rapportées par divers auteurs sur le compte du roi Bocchoris ne précisent pas la date de ce prince.

[3] Le récit de Lysimaque est reproduit dans Tacite, Hist., V, 3, avec des détails supplémentaires, qui ont probablement la même provenance.

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