Matthieu 12.9-13 ; Marc 3.1-5 ; Luc 6.6-11
Cette guérison n’est pas la première qui soulève l’opposition des adversaires du Seigneur, ou dont ils se servent comme d’un prétexte pour l’accuser ; il est, en effet, parlé de sept guérisons opérées le jour du sabbat.
Les pharisiens avaient abîmé les disciples d’arracher des épis et de les manger ce jour-là, les accusant auprès de leur Maître comme transgresseurs de la loi : « Tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire pendant le sabbat. » Ils ne blâment pas le fait en lui-même, car la loi permettait d’arracher des épis lorsqu’on avait faim, mais ils veulent qu’on s’en abstienne le jour du repos. Le Seigneur veut les élever à un point de vue plus juste ; par deux exemples tirés de la loi elle-même, il leur montre que cette loi doit être entendue spirituellement. Ces exemples sont empruntés, l’un à l’histoire biblique, l’autre au service du temple (1 Samuel 21.1-6 ; Nombres 28.9-10). Puis, Jésus ajoute : « Il y a ici quelqu’un de plus grand que le temple. » quelqu’un que ses serviteurs peuvent servir sans être coupables. Il voit dans ses disciples les prêtres de la nouvelle Alliance, dont il est lui-même le temple vivant ; c’est en le servant qu’ils avaient eu faim, n’ayant pas eu le temps de manger auparavant, et qu’ils
avaient, selon leurs adversaires, profané le sabbat. « Si vous saviez, » si, avec toute votre connaissance des Écritures, vous étiez entrés dans l’esprit de cette loi, dont vous prétendez être les gardiens jaloux et les interprètes fidèles, si vous compreniez « ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde et non aux sacrifices, vous n’auriez pas condamné des innocents ; » la citation est empruntée à Osée 6.6 (1 Corinthiens 13.1-3). Ce que Dieu demande, ce n’est pas, avant tout, l’observation extérieure de la loi, mais le déploiement de l’amour, le don de soi-même dans l’amour (Hébreux 10.5-10).
Les paroles de Jésus, dans le cas actuel, peuvent signifier : Si vous aviez bien compris ce que Dieu réclame des hommes, quel service lui agrée le plus, vous auriez reconnu que mes disciples ont eu faim pour avoir renoncé à toute nourriture en travaillant au salut des âmes, en sorte que leur transgression valait mieux que l’observation du commandement de la part d’un cœur dur, sans compassion. Ces paroles peuvent signifier aussi : Si vous aviez compris quel est le service que Dieu aime le plus, vous auriez cherché à lui plaire par la miséricorde, par un jugement charitable à l’égard de vos frères, par cet amour qui a plus de prix à ses yeux que tous les sacrifices (Marc 12.33). Olshausen ajoute : « Cette miséricorde manquait précisément aux pharisiens ; ils ne désiraient pas la gloire de Dieu et n’avaient aucun zèle véritable pour sa cause. Ils cherchaient plutôt, par envie, à accuser les disciples ; de fait, sous l’apparence du zèle pour le Seigneur, ils le persécutaient dans la personne des siens ; ils condamnaient des innocents, car les disciples avaient arraché les épis pour apaiser leur faim. »
Saint Marc nous rapporte seul les paroles suivantes, très importantes : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. » Le but du sabbat était d’offrir à l’homme une bénédiction ; l’homme ne fut pas créé pour observer un tel jour. Ce principe ne concerne pas seulement le sabbat, mais toutes les ordonnances extérieures : la loi a été faite pour l’homme, et non l’homme pour la loi ; les ordonnances lui ont été données pour amener une bénédiction sur lui, pour le discipliner, jusqu’à ce qu’il fût bien préparé à servir Dieu en esprita. « En sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat. » Grotius dit : « Les mots Fils de l’homme signifient : l’homme ; les paroles de Jésus veulent dire : Le sabbat a été fait pour lui, c’est pourquoi il peut en user comme bon lui semble ; » mais Grotius est dans l’erreur. Dans le Nouveau Testament, « Fils de l’homme » signifie toujours le Messie, Celui en qui l’idée de l’humanité fut pleinement réalisée. Jamais saint Paul ne parle de l’homme, même ressuscité avec Christ, comme étant maître de la loi ; il est délivré de son joug, en sorte qu’elle devient sa compagne. Saint Augustin a dit : « Le chrétien n’est pas sous la loi, il est avec la loi et dans la loi ; » mais cette loi est celle de Dieu ; aussi longtemps que l’homme est dans ce corps mortel, il ne peut s’élever au-dessus d’elle.
a – Le Talmud dit : « Le sabbat est dans vos mains, vous n’êtes pas dans les siennes ; car il est écrit : Le Seigneur vous a donné le sabbat. »
L’homme n’est pas même le maître de la loi cérémonielle, en sorte qu’il puisse, de lui-même, s’en affranchir ; il doit attendre sa délivrance de Celui qui la lui procura. Comme homme, Christ lui-même est « né sous la loi » (Galates 4.4), mais, comme Fils de l’homme, comme le Messie, qui est aussi Fils de Dieu, il a pouvoir sur toutes les ordonnances de la loi ; c’est lui qui les a données pour l’éducation de l’homme, il pourra les supprimer lorsque cette éducation sera terminée ; il peut fixer, lui seul, le moment où l’ombre doit céder la place à la réalité. Sa venue fut le signal de la disparition de la loi cérémonielle ; Christ est « la fin de la loi, » il en est le but et le résumé ; il est lui-même la loi vivante, celui qui la transforme et la glorifie, remplaçant l’ombre par la réalité, la lettre par l’esprit.
A cette justification des disciples par le Seigneur se rattache la guérison de l’homme qui avait une main sèche. De même que la guérison de la femme possédée d’un esprit qui la rendait infirme (Luc 13.11) et celle du démoniaque de Capernaüm (Marc 1.23), la guérison qui nous occupe eut lieu dans une synagogue ; Jésus y rencontra « un homme qui avait la main sèche ; » saint Luc nous dit que c’était la droite. Son infirmité, qui s’étendait probablement à tout le bras, provenait de ce que le membre n’était pas suffisamment nourri ; c’était une atrophie partielle, se manifestant par l’amoindrissement du membre, sa paralysie et sa mort complète ; aucun homme ne peut être guéri dans ce cas-là.
Les variantes dans les différents récits de ce miracle s’expliquent aisément. Les pharisiens disent à Jésus : « Est-il permis de guérir, le jour du sabbat ? » Il répond à cette question par une autre, selon sa coutume : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la tuer ? » Le Seigneur, avec une grande sagesse, élude leur raisonnement, et le transporte dans une région supérieure ; alors on verra de quel côté est le droit et la vérité ; il faut choisir entre faire le bien et négliger de le faire, ce qui équivaut à faire le mal ; or, il n’est jamais bon de pécher. C’est pourquoi il est de notre devoir d’accomplir certains actes le jour du sabbat. Vous feriez vous-mêmes, dit-il, des choses beaucoup moins importantes que celles que je fais ; lequel de vous ne retirerait pas sa brebis de la fosse dans laquelle elle serait tombée un jour de sabbat ? et moi, le bon Berger, ne sauverais-je pas une brebis de ma bergerie, un homme, qui vaut mieux qu’une brebis ? Vos consciences doivent répondre. Vous me demandez : Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? Je réponds : Il est permis de faire du bien ce jour-là, par conséquent de guérir. — « Ils gardèrent le silence ; alors, promenant ses regards sur eux avec indignation, et affligé de l’endurcissement de leur cœur, il dit à l’homme : Étends ta main ; » en Jésus, la compassion pour le pécheur est toujours associée à l’indignation contre le péché. L’homme obéit, il étendit sa main, « et sa main fut guérie. »
La fureur des ennemis de Christ atteint son comble : il n’avait pas seulement rompu avec leurs traditions, mais il les avait remplis de confusion devant tout le peuple. « Ils furent remplis de fureur » (Luc 6.11) ; dès lors, ils cherchent à le faire mourir. Ils ne craignent pas de s’allier aux hérodiens, le parti romain du pays, attaché à Hérode Antipas, gouverneur de la Galilée ; plus tard encore, les mêmes partis s’unissent pour tendre un piège à Jésus (Matthieu 22.16). C’est ainsi que le monde sait oublier ses divisions, quand il s’agit de combattre le royaume de la lumière ; Hérode et Pilate deviennent amis contre Jésus-Christ (Luc 23.12). Mais Jésus, connaissant leurs machinations, se retire dans le voisinage immédiat de la mer de Galilée (Marc 3.7).