Notes sur les Miracles de notre Seigneur

18. La guérison de l’aveugle-né

Jean 9.1-41

Il est très probable que cette œuvre de grâce fut accomplie le jour où fut prononcé le discours mémorable qui commence Jean 7.34, et qui s’étend jusqu’à la fin du chapitre suivant. Comme le Seigneur traversait la ville en sortant du temple, pour échapper à la fureur des Juifs, il s’arrêta pour accomplir ce miracle probablement dans le voisinage immédiat du temple, où les infirmes se rassemblaient souvent (Actes 3.1-2).

La triste histoire de cet homme, « aveugle de naissance, » et sa longue épreuve peuvent n’avoir pas été ignorées des disciples, car il était connu à Jérusalem (v. 8). « Qui a péché, demandent-ils, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » On a beaucoup discuté pour savoir quel devait être le sens de cette question ; trois ou quatre explications ont été proposées. D’après la première, les Juifs auraient cru à la transmigration des âmes, en sorte que les péchés dont parlent les disciples auraient été commis dans une vie antérieure, mais leur expiation aurait eu lieu dans celle-ci ; cette doctrine tient au centre même des convictions religieuses des bouddhistes, mais une telle doctrine n’existait pas parmi les Juifs. C’est là peut-être le rêve de quelques philosophes juifs, qui connaissaient les spéculations de l’Orient, mais ce ne pouvait être celui d’hommes simples, en sorte qu’il ne vaut pas la peine de nous y arrêter.

Lightfoot cite quelques passages pour montrer que les Juifs croyaient qu’un enfant pouvait pécher dans le sein de sa mère ; ils parlent du conflit entre Jacob et Ésaü (Genèse 25.22) ; il pense que la question des disciples provient de cette croyance populaire.

Tholuck, suivant en cela un ancien interprète, suppose que, selon les apôtres, Dieu avait prévu que cet homme commettrait quelque grand péché, et l’en avait puni par anticipation. Mais une telle dispensation de Dieu est sans analogie dans l’Écriture ; jamais la conscience humaine ne pourrait avoir l’idée d’une punition avant le crime.

Chrysostome pense que c’était de la part des disciples, une réduction à l’absurde de la doctrine qui rattachait la souffrance au péché ; cet aveugle ne pouvait s’être attiré cette infirmité puisqu’il était né avec elle. Ce ne pouvaient être ses parents qui la lui avaient attirée, car chacun doit porter son propre fardeau ; les dents des enfants ne peuvent être agacées parce que les parents ont mangé des grappes sauvages.

Quant à nous, nous sommes disposé à croire que les disciples n’ont pas vu, au moment où ils posaient leur question, la contradiction qu’elle renfermait dans la forme sous laquelle ils la firent à leur Maître. Ils discernaient bien d’une manière générale la relation existant entre le péché et les souffrances du monde, mais, dans le cas particulier, ils ne la comprenaient pas. L’infortune de cet aveugle, datant de sa naissance, exclut la pensée que là où existe une infirmité exceptionnelle, il doit y avoir eu un péché exceptionnel. Jésus répondit aux disciples : « Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché » (pour qu’il soit né aveugle). Le Seigneur ne nie pas le péché de cet homme, ni celui de ses parents, mais il ne veut pas que ses disciples soupçonnent un péché spécial, imitant en cela les amis de Job ; cette cécité, semble-t-il dire, n’est pas le châtiment d’un péché particulier. Ce n’est pas là ni ailleurs qu’il faut chercher la cause de ce malheur, mais « c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui, » afin que la grâce et la gloire de Dieu puissent être proclamées.

Il ne faut pas entendre cette déclaration de Jésus comme si cet aveugle n’était qu’un moyen de révéler la puissance de Dieu en Christ. La manifestation des œuvres de Dieu embrasse ici le bien éternel de l’aveugle ; il faut que les œuvres de Dieu soient manifestées, non pas seulement au monde et par le moyen de cet homme, mais en lui et pour lui. Il entrait dans le plan de Dieu que cet aveugle fût privé de la vue pour un temps, afin qu’une lumière supérieure brillât dans la nuit de son âme et que le Soleil de justice se levât sur lui, portant la santé dans ses rayons (Jean 11.4 ; Romains 5.20 ; 9.17 ; 11.25, 32-33).

Cependant, ce que nous venons de dire ne suffit pas pour expliquer entièrement la cécité de l’aveugle. Les panthéistes disent aussi que le mal n’est qu’une transition à un bien supérieur ; il n’apparaît comme mal que lorsqu’on se place à un point de vue inférieur. Ce n’est pas là la solution chrétienne, qui reconnaît toujours la réalité du mal, alors même qu’il sert à révéler la gloire de Dieu et contribue au bien de la créature. Ce ne peut être l’explication complète de la cécité de notre aveugle ; Dieu a voulu que cet homme endurât plus que les conséquences ordinaires du péché du monde, et qu’une grâce extraordinaire lui fût accordée dans sa délivrance.

Les paroles suivantes du Seigneur : « Il faut que je fasse, tandis qu’il est jour, les œuvres de celui qui m’a envoyé ; la nuit vient, où personne ne peut travailler ; pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde, » ces paroles expliquent l’œuvre qu’il doit accomplir. De quelques dangers que cette œuvre soit entourée, il lui faut la faire, car le « jour » de son activité, de ses œuvres de charité, approche de son terme. « La nuit, » durant laquelle il ne pourrait plus éclairer le monde, ni faire des œuvres semblables à celle-ci, allait venir ; il travaillait pendant le jour, il était lui-même la lumière du jour. Celui qui ne fait pas son travail pendant le jour ne peut le faire pendant la nuit ; Jésus s’en fait l’application à lui-même : pour lui, le temps vient où il ne pourra plus travailler. Puis, par une allusion prophétique au miracle qu’il allait opérer, il semble dire : Quelle tâche plus utile puis-je accomplir, que d’ouvrir les yeux des aveugles, car pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde ; quel acte me convient mieux que celui-ci, qui symbolise mon œuvre spirituelle ?

Après avoir ainsi justifié et expliqué son œuvre, Jésus opère la guérison.

« Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle. « On attribuait autrefois une vertu médicinale à la salive ; elle fut employée pour un autre aveugle (Marc 8.23), ainsi que pour un sourd-muet (Marc 7.33). Cependant, il serait faux de penser que le Seigneur, avec sa puissance divine, eût besoin des remèdes naturels ; il a guéri des aveugles sans aucun moyen semblable (Matthieu 20.30-34). Ces moyens extérieurs n’étaient que des véhicules de son pouvoir servant à encourager la faible foi du malade.

On peut se demander quel était le sens de l’ordre donné à l’aveugle : « Va, et lave-toi au réservoir de Siloé. » — La guérison était-elle en rapport avec ce lavage ? La boue humide était-elle le conducteur de la vertu curative ? Ce lavage aurait-il eu pour but d’écarter les obstacles à la vue ? Cet ordre, quelque motif qu’il pût avoir d’ailleurs, devait servir à éprouver la foi de cet homme.

Saint Jean veut-il donner un sens mystique à l’étymologie du mot Siloé, en disant « ce nom signifie envoyé ? » Il doit avoir reconnu dans ce nom quelque rapport avec le fait actuel, ou quelque prophétie de l’œuvre générale de Christ ; mais il n’est pas facile de déterminer exactement le sens de cette allusion. L’évangéliste peut avoir pensé, non à la guérison de l’aveugle, mais à tout le ministère de Jésus, qui était une mission pour laquelle il était l’envoyé de Dieu (Jean 7.29 ; 8.42) ; il est nommé « l’apôtre de la foi que nous professons » (Hébreux 3.1). Ces eaux de Siloé, dans lesquelles se lava l’aveugle et par lesquelles il recouvra la vue, peuvent avoir été, pour saint Jean, l’image de l’eau du baptême, ou de l’œuvre de purification accomplie par le Sauveur, pour ouvrir les yeux des aveugles spirituels.

L’aveugle obéit à la parole du Seigneur : « Il alla, se lava, et s’en retourna voyant ; » il retourna, sans doute, dans sa maison, et ne revint pas auprès de Jésus. Ses amis et ses voisins sont les premiers à remarquer le changement produit ; ils étaient semble-t-il bien disposés, mais, subissant l’influence des pharisiens, ils se demandaient si c’était là celui qu’ils avaient connu, car l’ouverture des yeux, ces fenêtres de l’âme, devait avoir changé son aspect. Après s’être convaincus de son identité, ils voulurent savoir comment la guérison avait eu lieu, et voir celui qui l’avait opérée ; enfin, ils menèrent l’aveugle vers leurs chefs spirituels, sans aucune intention hostile. Alors, on examina les circonstances dans lesquelles la guérison avait eu lieu : cet homme raconta sincèrement le fait : « Il a mis de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois. » Quelques pharisiens cherchèrent à diminuer la valeur du miracle, alléguant qu’il avait été opéré un jour de sabbat, en sorte qu’en admettant sa réalité, il ne prouvait rien en faveur de son auteur, qui devait être en relations avec la puissance des ténèbres, puisqu’il transgressait le commandement de Dieu. Mais il y avait dans le sanhédrin un parti plus honnête, représenté par Nicodème et Joseph d’Arimathée. Les membres de ce parti faisaient entendre leur voix, de temps à autre, en faveur de la justice et de la vérité ; ils demandent, dans la circonstance qui nous occupe, que celui qui a fait un tel miracle ne soit pas condamné sommairement comme transgresseur de la loi de Dieu. Les rabbins eux-mêmes n’étaient pas d’accord au sujet du sabbat ; aussi, le parti modéré affirme que l’Esprit de Dieu peut bien avoir dirigé celui qui a fait le miracle : « Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? » Cependant leur question est celle d’hommes timides et irrésolus, qui n’osent affirmer leurs convictions. Il n’est donc pas étonnant qu’ils fussent réduits au silence par leurs adversaires moins scrupuleux ; ils ne peuvent même obtenir que l’affaire soit examinée d’une manière impartiale. La question du verset suivant : « Toi, que dis-tu de lui, sur ce qu’il t’a ouvert les yeux ? » a été, mais bien à tort, considérée comme étant double ; il n’y a ici qu’une seule et même question. La réponse fut : « C’est un prophète ; » non pas le Fils de Dieu, le Messie ; mais « un prophète, » ayant reçu un message et une puissance d’en haut ; en posant cette question les pharisiens ne se préoccupaient nullement du jugement de cet homme, mais ils espéraient en faire l’instrument de leurs mauvais desseins. Ils auraient voulu l’indisposer contre son bienfaiteur, ils espéraient qu’il en viendrait à attribuer sa guérison à un pouvoir magique ; mais un rare courage fut donné à cet homme : il osa déclarer, en présence de ses redoutables adversaires, que le miracle et celui qui l’avait opéré venaient de Dieu.

Alors, les pharisiens firent venir les parents, dans l’espoir d’avoir plus de succès ; leur désir était d’obtenir d’eux un mensonge, en leur faisant dire que leur fils n’était par né aveugle ; mais ils ne réussirent pas. Les parents répondent comme des gens qui ne veulent pas se rendre complices d’une fraude, quoiqu’ils n’aient aucun désir de rendre témoignage à la vérité ; il y a quelque chose d’égoïste dans la manière dont ils échappent à la difficulté, la laissant tout entière à leur fils. Ils se prévalent du fait qu’il est en âge de répondre pour lui-même, et refusent d’examiner le cas de sa guérison ; ils n’auraient pu dire la vérité sans parler à l’honneur de Jésus, et se seraient exposés ainsi à la pénalité prononcée par le sanhédrin contre quiconque confesserait que Jésus est le Christ.

Le sanhédrin, il est vrai, n’avait pas déclaré que Jésus fût un imposteur ; mais jusqu’à ce qu’on eût reconnu si ses prétentions à être le Messie étaient légitimes ou non, — et le sanhédrin ne s’était pas encore prononcé à cet égard, - personne ne devait anticiper sur sa décision. La pénalité encourue par une confession prématurée de Jésus comme Messie était l’exclusion de la synagogue, l’excommunication ; le Seigneur y fait souvent allusion ; il en parle comme d’une grande épreuve que ses serviteurs devraient endurer en son nom. Il y avait, chez les Juifs, trois sortes d’excommunication différant beaucoup de degré et d’intensité. La peine la plus douce était une exclusion de la synagogue pour trente jours ; si l’excommunié ne montrait aucun signe de repentance, une période d’exclusion plus longue était ajoutée à la première ; quelquefois une malédiction était prononcée ; personne ne devait avoir de rapports avec le coupable, pas même sa famille, sauf les cas d’absolue nécessité. S’il s’obstinait encore, il était séparé de l’assemblée du peuple de Dieu (1 Corinthiens 5.5 ; 1 Timothée 1.20).

L’homme guéri par Jésus était sorti du sanhédrin pendant qu’on interrogeait ses parents ; les pharisiens le rappellent et lui font croire qu’ils ont découvert la fraude supposée : « Nous avons des preuves ; donne gloire à Dieu, et accepte notre décision. » Les pharisiens ne veulent pas dire : Donne à Dieu la gloire de ta guérison, et non à cet homme pécheur ; ils ne reconnaissent aucune guérison ; au contraire, ils voient dans ce qui s’est passé une fraude organisée entre Christ et l’homme qui est devant eux. Leurs paroles sont plutôt une adjuration à cet homme de dire la vérité (Josué 7.19 ; 1 Samuel 6.5 ; Jérémie 13.16). Jusqu’ici, il a cherché à tromper Dieu lui-même, mais maintenant il doit « donner gloire » à Dieu en déclarant la vérité. Les pharisiens ajoutent : « Nous savons que cet homme est un pécheur, » un transgresseur plus qu’ordinaire, quelqu’un, par conséquent, qui ne peut avoir reçu son pouvoir de Dieu ; ton récit ne peut donc être vrai. Ils cherchent à en imposer à l’aveugle par leur autorité et leur audacieuse assertion.

Cet homme refuse d’examiner la question de savoir si celui qui l’a guéri est ou non « un pécheur ; » cependant, sa réponse nous montre qu’il repousse cette seconde alternative. Il ne parlera que de ce qu’il sait, abandonnant aux autres les conclusions qu’ils peuvent en tirer : « Je sais une chose, c’est que j’étais aveugle et que maintenant je vois. » Les pharisiens s’aperçoivent qu’ils n’obtiendront rien dans cette direction-là ; et ils lui demandent de répéter ce qu’il a dit au sujet du mode de sa guérison : « Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? » espérant découvrir quelques contradictions dans son récit, ou y trouver un sujet d’accusation contre le Seigneur ; peut-être veulent-ils simplement gagner du temps, espérant recevoir quelque lumière nouvelle.

Mais cet homme est las de l’interrogation qu’on lui fait subir ; il y a quelque défi dans sa réponse : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté ; pourquoi voulez-vous l’entendre encore ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? » Il était donc (ou il avait l’intention) de devenir disciple de ce prophète ; il feint de méconnaître le but des pharisiens, lorsqu’ils lui demandent de refaire son récit. Rien ne pouvait les exaspérer davantage que la supposition qu’ils pussent devenir disciples, eux aussi : Ils l’injurièrent et dirent : « C’est toi qui es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse. » Ils opposent Moïse à Christ : « Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d’où il est. » Cette confession de leur incapacité d’expliquer l’apparition de Christ enhardit l’homme d’autant plus. Il y a de l’ironie dans sa réponse, que nous pouvons paraphraser ainsi : Ceci du moins est merveilleux ; voici quelqu’un qui m’a ouvert les yeux, qui possède donc un pouvoir supérieur à celui de l’homme ; et vous, les chefs spirituels de notre nation, vous qui devez éprouver les esprits, vous avouez votre ignorance et ne pouvez dire d’où vient cet homme, s’il est de la terre ou du ciel. Mais je sais, car vous l’avez dit vous-mêmes, que Dieu n’exauce point les pécheurs, cependant, il a exaucé cet homme, et l’a rendu capable de faire une œuvre étonnante ; c’est pourquoi je sais d’où il est ; il est de Dieu ; s’il n’était pas de Dieu, il ne pourrait faire aucune des choses qu’il a faites.

Il est intéressant d’observer les progrès rapides de la foi et du courage de cet homme pendant son interrogatoire. Il avait dit un peu auparavant : « S’il est un pécheur, je ne sais ; » maintenant, il dit hardiment : « Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs. » Par ce terme de « pécheurs, » il faut entendre ici des hommes qui ne désirent pas la délivrance de leurs péchés ; dans ce sens, il est vrai de dire que Dieu n’exauce pas les pécheurs ; leur prière est une abomination, que Dieu repousse (Ésaïe 1.15 ; Proverbes 1.28 ; 15.8, 29 ; 28.9 ; Job 27.9 ; 35.13 ; Jérémie 14.12).

Mais les pharisiens ne pouvaient supporter que cet homme devînt leur docteur ; voyant donc qu’il n’y avait rien à obtenir de lui, leur fureur éclata sans ménagement : « Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! Et ils le chassèrent. » Il fut excommunié par eux. En lui devaient se réaliser ces paroles : « Heureux serez-vous lorsque les hommes vous haïront, lorsqu’on vous chassera, vous outragera, et qu’on rejettera votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme » (Luc 6.22). Il est chassé de la synagogue et reçu dans un royaume qui ne peut être ébranlé, dans l’Église ; les Juifs le rejettent et Christ le reçoit. Il n’a pas eu honte de Christ, et maintenant Christ se révèle à lui comme Fils de Dieu ; il est donné à celui qui a, et il va de foi en foi. « Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé, » et lui, le bon Berger, vint à la recherche de sa brebis, dans cette heure favorable, pour l’introduire dans son bercail ; « et l’ayant rencontré, il lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ? » Cet homme sait que ce titre équivaut à celui de Messie ; il ne connaît personne qui ait le droit de se l’arroger : mais il a une telle confiance en son Médecin, qu’il acceptera tout ce qu’il lui dira. « Il répondit : Et qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? Et Jésus lui dit : Tu l’as vu, et celui qui te parle, c’est lui. »

Et maintenant a lieu le fait le plus important de ce récit : « Il dit : Je crois, Seigneur. Et il se prosterna devant lui. » Il ne savait pas tout ce qu’impliquait ce titre de Fils de Dieu ; le fait que « Dieu a été manifesté en chair » est trop grand pour qu’un homme l’accepte immédiatement ; les apôtres eux-mêmes n’y sont arrivés que peu à peu. Toutefois, chez celui dont nous nous occupons, il y avait la préparation nécessaire à la vraie foi ; les germes étaient dans son cœur ; il tomba aux pieds de Jésus avec un profond respect religieux et avec crainte. Ainsi se préparait la foi de ce pauvre homme ; il avait marché pas à pas, suivant fidèlement la lumière qui lui était donnée, sans se laisser ébranler par une opposition qui eût été fatale à une foi plus faible. La semence était tombée dans une bonne terre ; aussi, lorsque vint la persécution, il ne fut pas scandalisé (Matthieu 13.21) ; il persévéra, jusqu’à ce qu’il connût le Fils unique de Dieu. Cet événement était si merveilleux, il avait si fort révélé l’aveuglement spirituel de ceux qui auraient dû être les conducteurs de la nation, et illuminé un aveugle, spirituellement et physiquement, que le Sauveur prononça ces remarquables paroles : « Je suis venu dans ce monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles ; je suis venu pour manifester l’état intérieur de tout homme ; je suis la pierre de touche qui éprouve les cœurs. » Christ est le Roi de la vérité ; sa bannière oblige les hommes à prendre leur vraie position, comme amis de la vérité ou amis du mensonge (Luc 2.34-35) ; il est la pierre sur laquelle on peut édifier et contre laquelle on peut se heurter (1 Pierre 2.6-8 ; 2 Corinthiens 2.16). Ces paroles soulèvent une nouvelle opposition de la part des pharisiens, et amènent le discours qui s’étend jusqu’au verset 21 du chapitre suivant ; les pharisiens avaient bien montré quelle espèce de bergers ils étaient, tandis que le Seigneur leur présente en sa personne le vrai bon Berger.

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