Le néoplatonisme qu’il a porté dans sa doctrine de la Trinité, Victorin l’étale aussi dans sa théorie de la création. Les essences des choses se trouvent potentiellement en Dieu qui les engendre, mais plus particulièrement dans le Logos, en qui tout être est insubstantié : « Semen est, et velut elementum omnium quae sunt ». « Insubstantiata enim sunt omnia ὄντα in Iesu, hoc est ἐν τῷ λόγῳ ». C’est le Verbe qui fait exister les essences, qui est l’organe de la création. Cette création d’ailleurs nous est dépeinte plutôt comme une sorte d’émanation. La plénitude de vie versée d’abord par le Père dans le Verbe, déborde de celui-ci et se répand dans les créatures, en s’adaptant aux êtres qui la reçoivent. Voici l’échelle des êtres : « Catena enim Deus, Iesus, Spiritus, νοῦς anima, angeli et deinde corporalia omnia subministrata ». Remarquons νοῦς et anima placés avant les anges, et la distinction de νοῦς et d’anima. L’âme n’est pas le νοῦς : elle le reçoit seulement. Quant à la matière, elle est μὴ ὄν : elle ne devient quelque chose que par l’âme qui la vivifie.
Il est inutile de remarquer que toute cette théorie de la création, si l’on excepte l’idée du Verbe créateur et de la matière néant par elle-même, est particulière à Victorin. Les anges, qu’il a nommés dans sa chaîne des créatures, ne sont pas entrés dans le cadre de sa théologie, mais nos autres auteurs, surtout Hilaire, Ambroise et Jérôme s’en sont occupés. Les deux derniers croient qu’ils ont été créés avant le monde corporel. De leur nature saint Jérôme ne dit rien de précis, mais, en expliquant leur chute par un péché d’orgueil, il écarte l’argument qui de Gen.6.1-2, concluait à leur corporéité. Cet argument au contraire a rendu incertaine l’opinion de saint Hilaire et de saint Ambroise. Tous deux semblent parfois regarder les anges comme affranchis de corps, spirituales et incorporales ; mais le premier rapporte cependant la tradition qui voit les anges dans les fils de Dieu de Gen.6.1-2 ; et le second n’hésite pas à attribuer la chute des anges à leur incontinence, encore que chez lui on trouve ailleurs l’idée que les « fils de Dieu » sont les hommes justes, et que Satan est d’abord tombé par orgueil.
Saint Jérôme explique par la différence de leur mérite la différence qui existe entre les anges et leurs différents ordres ; ordres dont nous ne pouvons pas d’ailleurs connaître le nombre et les degrés précis. Cette question, toute théorique, a du reste peu préoccupé les Latins jusqu’à saint Grégoire. Les auteurs du ive siècle insistent plus volontiers sur les secours que les bons anges nous apportent. Non seulement les nations, les églises et les communautés particulières sont protégées par un ange, mais chacun de nous a son ange gardien « qui unicuique adheret comes ». Ces anges intercèdent pour nous et nous couvrent de leur protection. Saint Jérôme a même pensé qu’un compte serait exigé des anges préposés aux collectivités et qu’un jugement serait exercé sur eux, ayant pour objet l’accomplissement exact de leurs fonctions.