Chiens immondes, que l’apôtre chasse de l’assemblée sainte, vous qui aboyez contre le Dieu de vérité, voici les raisonnements qui sont toute votre pâture.
« Si votre dieu est bon, puisqu’il avait la prescience de l’avenir et le pouvoir d’empêcher le mal, pourquoi a-t-il souffert que l’homme, l’homme son image et sa ressemblance, ou plutôt sa substance elle-même par l’origine de son âme, se laissât surprendre par le démon, et infidèle à la loi tombât dans la mort ? Si la bonté consistait à ne rien vouloir de pareil, la prescience à ne pas ignorer l’événement, la puissance à l’écarter, jamais ne serait arrivé ce qu’il pouvait advenir avec ces trois conditions de la majesté divine. Puisque cela est arrivé, il est donc certain que la bonté, la prescience, le pouvoir de votre Dieu sont de vaines chimères. La chute eût-elle été possible si Dieu était ce que vous le faites ? Elle est arrivée ; donc votre Dieu n’a ni bonté, ni prescience, ni pouvoir. »
Avant de répondre, j’ai besoin de venger dans le Créateur le triple attribut qu’on lui conteste. Je ne m’appesantirai pas longtemps sur ce point. J’ai pour moi le principe posé par le dieu de Marcion lui-même : « Les preuves doivent commencer par les œuvres. » Eh bien ! puisque les œuvres du Créateur sont bonnes comme nous l’avons démontré tout à l’heure, elles attestent sa bonté. Leur grandeur, il y a plus, leur conquête sur le néant, atteste également sa puissance. Fussent-elles même créées à l’aide de quelque matière préexistante, comme le veulent Hermogène et les siens, on pourrait encore dire qu’elles ont été créées de rien, puisqu’elles n’ont pas toujours été ce qu’elles sont. Pour renfermer ma pensée en un mot, ces œuvres sont grandes parce qu’elles sont bonnes ; Dieu est puissant parce que tout lui appartient, d’où lui est venu le nom de Tout-Puissant.
Mais que dire de sa prescience, qui compte autant de témoins qu’il a inspiré de prophètes ? Je n’en veux pas de plus magnifique attestation que la sagesse avec laquelle l’ auteur de l’univers a disposé toutes ces créatures, prévues par sa prescience. Si la pensée éternelle n’avait pas lu dans l’avenir la transgression de la loi qu’elle imposait, elle n’aurait pas placé sous la menace de la mort la transgression et donné ainsi une garantie contre la transgression : or puisqu’il y a en Dieu des attributs qui ne permettent pas qu’aucun mal ait pu, ail dû arriver à l’homme, ce mal existant, examinons la nature de l’homme, et voyons si ce n’est pas de la nature de l’homme, et non pas de la nature de Dieu, que provient ce mal.
Je remarque d’abord que l’homme a été créé libre, dépendant de son propre arbitre, se gouvernant par sa propre puissance. Tel est surtout le côté par lequel il est vraiment l’image et la ressemblance de Dieu. Qu’on ne s’y trompe pas ! Ce n’est point par le visage et les linéaments du corps si variés dans le genre humain, que l’homme a été façonné à l’image de Dieu ; c’est dans la substance émanée de Dieu lui-même, c’est-à-dire dans son âme qui répond à la forme de Dieu, qu’il a été marqué du sceau de sa liberté et de sa puissance. La loi elle-même que Dieu lui dicta confirme ce privilège. A quoi bon des lois pour qui n’aurait pas été maître de s’y soumettre ou non ? A quoi bon des menaces de mort pour la transgression de la loi, si le mépris de la loi n’est pas un acte libre et spontané ? Même conduite dans les préceptes postérieurs du Créateur qui place constamment devant l’homme le « bien et le mal, la vie et la mort. » Mais que Dieu rappelle, menace, exhorte, partout vous verrez l’ordre et la sagesse de ses commandements se combiner avec la liberté de l’homme, aussi libre d’aimer que de haïr.