L’invention de l’imprimerie diminua sensiblement, tout en le laissant fort élevé encore, le prix de la Bible. Voici un fait curieux qui montre quelle influence cette invention eut immédiatement sur le prix des Bibles.
Fust (précédemment associé de Gutenberg) apporta à Paris quelques exemplaires de la Bible, et les vendit soixante couronnes, au lieu de quatre ou cinq cents que coûtaient autrefois les Bibles manuscrites sur parchemin.
Les premiers acheteurs furent d’abord dans l’admiration en voyant l’exacte ressemblance de tous ces volumes qui ne différaient pas d’un iota et avaient partout le même nombre de lignes et de lettres, ce dont on ne pouvait se rendre compte alors ; mais ensuite ayant appris que Fust, pour se défaire plus vite de sa marchandise, avait cédé ses Bibles à cinquante, quarante couronnes et même à un prix beaucoup inférieur, ils y regardèrent de plus près et se convainquirent que ces volumes avaient été exécutés par un procédé mécanique moins coûteux que la calligraphie. Alors, se considérant comme lésés, ils vinrent réclamer au vendeur les trois quarts et même quelques-uns les quatre cinquièmes du prix payé par eux[d].
[d] De l’origine de l’imprimerie en Europe, par Aug. Bernard, II, 285-286.
On possède l’acte de vente, daté de 1471, par lequel « Hermann de Stathoen, colporteur d’honnête et discrète personne Jean Guymier, libraire juré de l’Université de Paris », vend à l’illustre et savant maître Guillaume de Tourneville, archiprêtre et chanoine d’Angers, un exemplaire sur parchemin de l’admirable Bible de Mayence (la première Bible imprimée, en latin, en 1456) pour le prix et somme de 40 écus (2250 €).
Les Bibles sur papier étaient moins chères.
En 1465, la maison de Saint-Jean de Schelestadt acquiert une Bible pour 4 florins, 3 livres, 11 sols (405 €). En 1466, Hector Mulich paie environ 84 francs un exemplaire non relié de la Bible allemande de Mentel. En 1469, une Bible appartenant au cardinal Balue est saisie et évaluée à 12 livres (environ 360 €).
Le Nouveau Testament de Luther de 1522 se vendait un florin et demi, environ 50 €.
Les catalogues de Robert Estienne, notamment celui de 1546, sont intéressants à étudier. Chose à remarquer, le livre qui figure en tête de ces catalogues, c’est toujours la Bible hébraïque ; et tous les livres de la Bible hébraïque se vendent séparément, même, d’après tel catalogue, chacun des petits prophètes. La très belle Bible hébraïque in-4 de Robert Estienne de 1539-1542 se vendait 100 francs (La Genèse 6 francs, le Psautier 7 francs, Osée 3 francs, Amos 20 deniers, Abdias 4 deniers, etc.) La petite Bible hébraïque in-16 de Robert Estienne, en 17 volumes, de 1545, probablement ce qui a jamais été imprimé de mieux en fait de Bible hébraïque, un vrai bijou, se vendit d’abord 80 francs, puis 75 francs (Le Pentateuque 25 francs, la Genèse 4 francs 6 deniers, le Psautier 5 francs, les petits Prophètes 4 francs, etc.)
Le Nouveau Testament grec se vendait, l’in-16 de 1546, 10 francs, l’in-8 de 1550, 35 francs. Quant aux Bibles latines, une Bible infolio se vendait 100 francs, une autre 60 francs, une Bible petit format, 45 francs, une autre 30 francs. L’Ancien Testament, 24 francs, le Nouveau, 6 francs. Un autre Nouveau Testament, 7 francs 6 deniers. Le Décalogue se vendait 3 deniers, une Harmonie évangélique, 3 francs 6 deniers.
[Le marc d’argent valut de 1515 à 1530 un peu plus de 12 francs, et de 1531 à 1545 environ 14 francs. Il y avait 20 sous (ou sols) dans le marc, et 12 deniers dans le sou. Le sou valait donc 70 centimes de 1531 à 1545. Les francs du catalogue de Robert Estienne sont des sols, mais ces francs avaient au moins trois fois la valeur des nôtres. Vers 1534, le prix du blé fut de 50 sols le setier (156 litres). On payait 2 deniers 8 onces de pain, ou une livre de pain bis.]
Et ces livres si chers se vendaient fort bien, preuve en soit la rapidité avec laquelle s’écoulaient les éditions. La Polyglotte de Complute (1522) coûtait 6 ducats et demi. La Polyglotte de Plantin (Anvers, 1573) coûtait 72 florins.
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