Nous devons consacrer nos premières études à une tendance, qui présente de grandes affinités avec le piétisme et qui a précédé la crise philosophique du dix-huitième siècle. Le mysticisme protestant, en effet, présente plus d’un point de contact avec la théologie, et c’est de lui aussi qu’est partie la première attaque sérieuse contre l’orthodoxie officielle. La doctrine évangélique, en revêtant au dix-septième siècle un caractère toujours plus accentué d’intellectualisme et de scolastique, avait laissé tomber dans l’oubli plusieurs éléments importants de l’enseignement des réformateurs. Mais, tout en proscrivant le mysticisme de l’Église officielle et en lui substituant une dialectique abstraite et morte, les scolastiques luthériens ne purent l’empêcher de se frayer une voie indépendante et solitaire, tantôt favorable avec Weigel, Böhme et Arndt à l’enseignement officiel, tantôt tombant, par un esprit de réaction extrême, dans les erreurs opposées. Le mysticisme conserva jusqu’à la fin du dix-septième siècle un caractère ecclésiastique et conservateur, auquel succéda vers 1700 une tendance dissidente accentuée. Ce mysticisme outré travailla avec énergie à s’affranchir du joug odieux de l’Église et en même temps de toute autorité historique, et substitua au principe matériel la lumière intérieure ou inspiration directe, qui ne présentait que de vagues analogies avec le christianisme de la tradition. Les tendances de Ch. Dippel et de Edelmann marquent le passage d’un mysticisme dégénéré à un naturalisme déclaré.
Le mysticisme des premiers temps de la Réforme, dans lequel on peut reconnaître encore des traces de l’influence puissante de Luther, s’assimile et s’approprie surtout les doctrines, que la Réforme n’avait fait qu’accepter comme une tradition ; la théodicée, la Trinité, la création, les rapports entre l’essence humaine et l’essence divine, enfin les questions qui se rapportent aux principes de la connaissance. Le mysticisme de l’Église grecque des sixième et huitième siècles, avait aspiré à se perdre dans les profondeurs mystérieuses de la lumière divine. Le mysticisme du moyen âge, même dans les populations d’origine germanique, revêt un caractère plus prononcé d’individualisme. Il songe bien moins à se perdre en Dieu qu’à entrer dans la possession mystique de la divinité, et est presque tenté d’oublier la douloureuse réalité actuelle du péché, pour chercher à conquérir la glorification mystique de l’individualité spirituelle.
Ces deux tendances qui se concentrent sur Dieu et sur la nature humaine, ont un cachet marqué d’idéalisme et offrent le caractère commun de mépriser la réalité et de ne tenir aucun compte du corps et de la nature tout entière, ou tout au moins de les envisager comme des obstacles et des impuretés, dont on doit chercher à s’affranchir par les pratiques d’un ascétisme aussi rigoureux que celui professé par Rome. Par contre, la Réforme, dont la pensée se concentre sur le salut de l’âme individuelle, considère le péché actuel comme une réalité sérieuse et redoutable, et promet au pécheur que sa faute lui sera remise dès ici bas. Il en résulte que le mysticisme évangélique, bien loin de suivre les antiques errements de cette tendance, prête une attention sérieuse à la réalité sensible, à la nature (que les mystiques du passé avaient toujours traitée comme une apparence ou comme une ennemie de l’esprit), la rattache à la théodicée et à la vie intérieure de l’âme et donne naissance à ce que l’on a appelé la théosophie. Pour que ce mysticisme puisse embrasser tout le domaine de l’existence de l’être, il ne lui reste plus qu’à rattacher à l’idée de Dieu l’histoire de l’humanité. Nous verrons cette dernière évolution accomplie par Bengel et par Œtinger.
Quelle que soit l’imperfection du mysticisme dans le domaine de la science, il n’en est pas moins vrai qu’on est en droit de le considérer comme le précurseur providentiel de l’évolution sérieuse, qui devait s’accomplir au sein de la pensée objective, nous voulons parler de cette science synthétique, appelée à embrasser dans une vue d’ensemble le divin et l’humain, l’esprit et la nature. Le principe qui est à sa base lui assure une grande supériorité sur la philosophie de son temps, qu’il s’agisse de l’aristotélisme ou du cartésianisme, qui n’a pas su s’élever au-dessus d’un dualisme irréductible. L’unité supérieure qu’elle recherche, peut servir d’assise aux dogmes de la foi, des sacrements et de la christologie.
Le premier théosophe, qui n’a appartenu qu’à moitié à la Réforme, était Théophraste Paracelse, contemporain, de Luther. Il envisage Christ comme la lumière de la nature, et cherche à découvrir la connexion intérieure qu’il soupçonne entre la révélation dans la nature, et la révélation dans le christianisme. Il cherche à obtenir le même résultat dans son étude des rapports entre la nature et l’homme. Chaque homme, dit-il, renferme l’univers tout entier. L’homme est un microcosme, qui reflète dans sa nature jusqu’aux esprits des étoiles ; la science doit en éveiller en lui la conscience. Paracelse n’a assurément rêvé ni une puissance magique des astres sur l’homme ni une science objective de la magie. Non, il fait procéder la magie de l’homme lui-même en vertu de la puissance, que sa foi tire de sa communion intime avec Dieu. Cette puissance est l’imagination de la foi, et reflète l’imagination divine, par laquelle Dieu a créé le monde. Il ne saurait être beaucoup question dans ce système de péché et de justification. On y parle simplement d’un état maladif du corps et de l’âme, que l’imagination de l’esprit, mise en rapport avec Christ et pénétrée de son Esprit, suffit seule pour guérir. De même que Dieu, par un effet de son amour incommensurable, a uni étroitement notre âme à notre corps, de même aussi Christ nous communique par son Saint-Esprit, et en vertu de l’imagination de la foi, le germe fécond d’un nouveau corps spirituel. Ce principe du nouveau corps nous est surtout communiqué par notre participation à la sainte cène, et l’Esprit de Christ réalise son incarnation dans chaque âme fidèle. Nous reconnaissons dans cette théorie le désir d’unir d’une manière indissoluble le corps et l’esprit, mais cette conception mystique ne trouve sa satisfaction que dans le corps céleste de Christ et dans le corps, dont nous serons revêtus à la résurrection. Cette union du corps et de l’esprit ne saurait s’accomplir ici-bas, parce qu’elle considère le corps actuel comme grossier et sujet à la mort et à la décomposition. Il y a là comme une dernière trace du dualisme primitif.
Valentin Weigel[a] (mort en 1588), présente de grandes analogies avec Théophraste Paracelse, et avec Lautensack, de Nuremberg, qui envisageait la lettre de l’Écriture comme un noyau qu’il faut briser, pour en retirer le fruit. Weigel ne veut pas reconnaître d’autre maître que Christ, le livre éternel et vivant. A ses yeux l’Écriture sainte est simplement un témoin historique de cette révélation intérieure. L’homme naturel n’est qu’ignorance et que ténèbres. C’est Dieu lui-même, qui doit nous instruire, et le Saint-Esprit nous permet de contempler la vérité de nos propres yeux. La vérité objective est aussi une vérité d’expérience subjective. C’est en plongeant notre âme dans le repos passif de la contemplation que nous acquérons le sentiment de la vérité, qui existait déjà en germe dans notre âme, et qui ne pouvait être réveillée en nous que par une action intérieure et spirituelle. C’est le témoignage de l’Esprit qui appelle à la lumière la vérité cachée dans les profonds replis de notre âme. Ce n’est qu’après avoir contemplé par les yeux de la foi, et dans le recueillement passif du sabbat mystique, les trésors de grâce du Christ glorifié, que nous voyons l’enfant emmailloté et couché dans sa crèche, c’est-à-dire que nous apprenons à connaître le Christ historique et incarné, que l’Écriture nous annonce. Toutes choses procèdent de l’invisible et de l’Esprit pour arriver au monde visible et sensible.
[a] Voir J.-O. Opel, Val. Weigel, Ein Beitrag zur Litteratur und Cultur-Geschichte Deutschlands im 17. Jahrhundert, 1864, p. 121. Citons parmi les principaux adversaires de Weigel : Jean Schelnammer, Luc. Osiander, Nie. Hunnius (qui combattit aussi Paracelse), Michel Walther.
Nous voyons que Weigel cherche sérieusement à assigner à la nature et au corps une place dans son système. Il admet, en effet, la nécessité absolue pour l’homme du renouvellement de sa substance, qui embrasse le corps aussi bien que l’esprit, renouvellement qui s’est accompli par le corps spirituel et céleste de Christ. La chute nous avait entièrement dépouillés de notre nature spirituelle, que Christ nous restitue. Weigel oppose cette union essentielle de Jésus et du fidèle à une justification vicaire, acte judiciaire et extérieur, qui n’est pas suivi de la sanctification de l’âme. Il ne trouve pas d’autre motif à l’incarnation que celui-ci, que nous ne pourrions contempler le soleil dans toute sa splendeur, et que le corps terrestre de Christ a pour but de voiler à nos faibles regards sa majesté divine. Weigel fait reposer l’épanouissement de notre nature moins dans notre communion d’amour avec Dieu par Jésus-Christ que dans l’union complète de la créature avec son Dieu, union qui s’accomplit par l’assimilation et par la réalisation actuelles en nous de l’essence divine, qui y réside déjà in virtute, sans être parvenue à son parfait développement[b].
[b] Sur les autres mystiques de cette période voir Arnold, Ketzerhistorien, II, 326 ; Hiel, 351-370 ; Esaïe Stiefel, Ezéchiel Meth, 370-377 ; Paul Nagel et Paul Felgenhauer, 650, 7.
Lautensack avait le premier admis une incarnation progressive de Dieu au sein de l’humanité dans le cours de son développement séculaire, ce qui ne laissait plus au Christ historique qu’un rôle très secondaire, et rattachait la religion comme l’histoire à l’Esprit éternel de Dieu, qu’il appelait aussi le Christ[c], mais non plus dans le sens de l’enseignement de l’Église. Esaïe Stiefel (1605) et Ezéchiel
[c] De même Hiel ou plutôt H. Janson dans son Ackerschatz, 1580.
Meth en vinrent jusqu’à avancer cette proportion incroyable : Je suis le Christ. Cette prétention impie fut fortement blâmée par Jacob Böhme. Le croyant, dit-il, est bien plutôt l’humble instrument de Christ, un modeste rejeton obscur, humble et fécond. Sans doute ces expressions si fortes de l’incarnation de Dieu dans le monde expriment la joie profonde éprouvée par les théosophes, quand ils voient s’écrouler l’épaisse muraille, qui semblait devoir séparer éternellement depuis la chute Dieu de l’homme ; quand ils voient aussi, grâce à l’action constante du christianisme, l’union de Dieu et de l’humanité ne pas se concentrer exclusivement sur Christ, mais surmonter toujours plus l’opposition, qui existe entre l’essence divine et l’homme, opposition que les scolastiques orthodoxes considéraient comme infinie et comme insurmontable. Mais comme tous ces mystiques négligeaient presque entièrement l’élément moral dans l’essence divine, l’union qu’ils rêvaient entre Dieu et l’homme ne pouvait s’accomplir que dans la sphère inférieure de la matière, et aboutissait ainsi au panthéisme de la substance. Cette conception physique se révèle à nous d’une manière bien inattendue. Nous voyons les théosophes, toutes les fois qu’ils parlent de la rédemption et de la nouvelle naissance, les envisager au point de vue physique. Assurément cette tendance, quand on la compare à l’ascétisme catholique, accuse un progrès remarquable de la pensée mystique, puisqu’elle accentue la réalité concrète de la personnalité dans l’épanouissement supérieur de la vie véritable. Mais en ne tenant que si peu de compte de l’élément moral dans l’essence divine, elle offre un point d’appui bien dangereux à un matérialisme raffiné.
Aussi ne devons-nous pas être surpris que de faux adeptes transforment ces données théosophiques de la foi en des formules magiques de l’alchimie, de l’élixir de vie et d’autres rêveries semblables. D’ailleurs, ces doctrines ont évidemment conservé de puissants éléments de dualisme, puisque, bien loin de laisser s’accomplir le développement du corps céleste en Christ et en nous par la voie morale de la spiritualisation de l’élément terrestre, elles admettent l’existence simultanée de deux corps, dont le plus grossier, le corps terrestre, est fatalement destiné à rentrer dans la poussière et dans le néant. En outre, elles semblent encore placer dans le monde extérieur de la matière la source principale du mal et du péché. Aussi les théosophes se sont-ils toujours montrés pour le moins indifférents à l’égard de l’Église visible et de ses sacrements.
Le représentant le plus distingué de la théosophie allemande est Jacob Böhme, le cordonnier de Gœrlitz (1575-1624) dont Wulten a écrit (1838) la vie. Bohme s’est appliqué à la recherche des origines du monde, et a rattaché la question de la création au problème obscur de la Trinité. Au commencement, enseigne-t–il, était l’abîme (le non-être) le premier principe noir et sombre. C’est de lui que procèdent l’amertume, le feu, la fureur et la colère ; ce n’est pas Dieu, et c’est pourtant le premier principe qui existe en Dieu le Père, et qui lui fait prendre le nom de Dieu de colère. Mais il existe aussi en lui un sentiment éternel, qui souffre à la fois de désir et de malaise, qui aspire à se révéler et qui a la volonté d’engendrer. Comme on le voit, Dieu n’est pas pour Böhme, comme pour les anciens mystiques, l’être indistinct, ou néant absolu ; Böhme ne considère pas comme la grandeur suprême le désert de l’infini. Il se représente Dieu non pas seulement comme un abîme obscur, comme une unité abstraite et indivisible, comme une ardeur concentrée en elle-même, mais aussi comme une volonté éternelle, comme une aspiration indéterminée de passer du néant à l’être. C’est grâce à cette aspiration que le premier principe, en vertu de la puissance du sentiment éternel, engendre le Fils, cœur éternel de Dieu, douce lumière, qui est procédée éternellement du feu consumant et qui engendre à son tour, grâce à sa puissance intrinsèque, le Saint-Esprit.
Böhme se représente donc Dieu comme un océan aux vagues sans cesse renouvelées, éternellement occupé à créer des ensembles de mondes et à manifester la richesse de la volonté éternelle, qui tend sans cesse à se manifester. Sa définition de la Trinité a pour but d’assurer la possibilité et la réalité de la création par le triple principe de la volonté en Dieu le Père, de la nature éternelle et indestructible cachée dans le sein de Dieu, et à laquelle il donne le nom de Fils, et du Saint-Esprit, qui manifeste la majesté du Père. La réalité du monde est assurée et obtenue par le mouvement du Père, qui contemple dans le miroir de sa nature éternelle et sage les types de la création, et par l’affirmation du Verbe, qui se manifeste par sa parole. Nous n’avons obtenu encore par là que des créations idéales, non pas tirées du néant, mais procédant de Dieu en trois cercles, qui reproduisent et reflètent les trois personnes de la Trinité. La chute de Lucifer, accomplie dans les cercles idéals du monde spirituel, provoque la création de notre monde matériel. Böhme envisage le péché bien moins comme une simple privation que comme la tentative de ce Titan, qui s’appelle le prince des ténèbres, de renverser l’ordre des principes éternels. Ce principe de l’égoïsme, qu’il appelle la colère, et que Dieu avait comprimé par la double action de sa volonté et de son amour, Lucifer se l’approprie et devient par là le prince du feu. Il dépose dans la créature le germe mortel du conflit entre l’amour et la colère et allume dans son sein un feu, qui consume et paralyse en elle l’unité divine de ses attributs.
Böhme veut que nous cherchions dans les profondeurs de la Divinité le principe du mal, car (bien que Dieu n’en eût point pu concevoir la pensée sans troubler la pureté de sa lumière éternelle) le mal, dont la créature est atteinte, se trouve en fait renfermé dans le premier principe (l’abîme obscur), que Lucifer a dégagé du joug salutaire de la lumière et de la volonté, pour renverser par son moyen l’économie du plan de Dieu. Formulant un principe, que nous trouvons aussi dans le Paradis perdu de Milton, Böhme croit que l’homme a été créé pour combler les vides faits dans le monde des esprits par la chute de Lucifer, et pour reproduire dans l’unité harmonieuse de sa personne les trois cercles de la création idéale, qui reflétaient les trois personnes de la Trinité. Comme ces trois cercles se retrouvent en l’homme, non pas unis d’une manière indissoluble, mais susceptibles, suivant sa conduite, de modifications profondes, la chute est possible ; elle a eu lieu dans le temps, et a provoqué, par les excès croissants qui en résultèrent, le courroux céleste. Toutefois la colère n’est pas entièrement séparée en Dieu de la douce lumière de l’amour. Quand les temps marqués furent accomplis, le malheur de l’humanité déchue inspira à l’amour divin le désir de se manifester à elle. Dieu amour se révéla à elle dans le sein d’une vierge, et s’associa à toutes les luttes et à toutes les tentations de la destinée humaine. Christ, pour éteindre le feu de la colère (abîme du premier principe) que le péché avait fait pénétrer dans le monde, se soumit volontairement à son influence et mourut, mais dompta la puissance des ténèbres, en rachetant la nature et l’humanité, et en créant un second paradis plus beau que le premier, et auquel nous avons accès en soumettant et en unissant librement notre volonté à celle du Créateur. C’est là la foi véritable, fruit du repentir et de l’adoration mystique, qui permet à l’âme d’être revêtue d’un corps céleste.
Assurément le système mystique de Böhme laisse encore l’imagination et le cœur l’emporter sur les données de la raison et de l’histoire. Böhme se laisse bien plus dominer par les tendances contemplatives de son âme qu’il ne les domine, et il ne sait ni exposer ses théories, ni leur donner un développement systématique et rationnel. On doit reconnaître toutefois dans son exposition des dogmes de Dieu, de la création, de la chute et de la rédemption un réalisme plastique et vivant, dont la philosophie idéaliste des temps modernes n’a pas tenu assez de compte. Böhme a une méthode moins rigoureuse, mais aussi un plus grand respect pour la réalité des faits. Il était réservé à l’école d’Œtinger, de François de Baader et de Schelling de dégager du chaos confus d’idées et de définitions imparfaites de Böhme plus d’une pensée ingénieuse et féconde, et de savoir aussi les mettre en lumière. Le disciple le plus éminent de Böhme est Gichtel (1638-1710), fondateur de l’ordre des frères-anges, secte mystique, dont les chefs ou prêtres devaient s’imposer toutes les privations et le célibat le plus rigoureux, enseigner le rétablissement de toutes les âmes, et se consacrer à la rédemption des hommes (Haag, Histoire des dogmes, I, 358). Gichtel enseigne que Dieu est amour, que la colère est contraire à son essence, et ses disciples, obéissant à un tout autre esprit que Böhme, qui voulut toujours demeurer, malgré les persécutions qu’on lui fit subir, un fils soumis de l’Église, tombèrent dans la dissidence, ainsi que quelques autres mystiques, tels que Petersen, mort en 1727, et Poiret, mort en 1719.
Nous ne devons pas nous étonner que la scolastique luthérienne n’ait eu pendant toute la période de son triomphe que des paroles de condamnation contre les tendances mystiques. Nous pouvons en retrouver la cause dans le dédain que celles-ci professèrent généralement à l’égard des sacrements et des institutions extérieures de l’Église visible, ainsi que dans leur conception idéaliste du christianisme historique. Disons aussi que l’orthodoxie luthérienne, grâce à son littéralisme mécanique et grossier, en était venue à condamner jusqu’à la piété profonde d’un Arndt ! Corvinus attaqua Arndt avec une violence extrême dans la première année de la guerre de Trente ans. Luc Osiander, de Tubingue, l’accusa en 1624 de papisme, de monachisme, etc., etc. Arndt rencontra toutefois de sérieuses sympathies, et des admirateurs sincères de son traité du vrai christianisme ; contentons-nous de nommer J. Gerhard, quelques théologiens de Wittemberg, Val. Andreæ, Glassius, Spener et Buddæus.